D’une superficie de 600 m² (dont 200 m² pour la salle de lecture), elle propose désormais « en accès libre 11 000 ouvrages et une centaine de revues, sur un total de 30 000 livres, 800 revues et 30 000 tirés-à-part, spécialisés en préhistoire (discipline dans laquelle l’établissement est Cadist), anthropologie biologique et ethnobiologie ».
La bibliothèque met à disposition du public (personnel, étudiants et toute personne justifiant d’une recherche) « différents services dont le prêt de quatre ordinateurs portables » et « la possibilité de réserver à distance des documents pour la consultation sur place ». Elle offre également « un petit salon où consulter la presse, quatre postes informatiques et 28 places assises aux tables de travail ».
Proposant l’écoute gratuite des « artistes de la région Normandie, d'hier et d'aujourd'hui », la Sonothèque (accessible en ligne, via l'application mobile dédiée ou sur place dans les bibliothèques équipées d’un fauteuil connecté) donne accès à 1 700 albums, soit 15 000 titres de 1 000 artistes. Présentant des biographies et des liens vers des vidéos, l’application « revêt également un caractère informatif sur l'histoire des groupes et leur parcours ». La Sonothèque permet aussi aux usagers de créer des playlists ou d’accéder à celles conçues par les bibliothécaires.
Développé en partenariat avec l’association La Fabrik à Sons, ce service « est un des premiers projets, à l'échelle nationale, à poser la question de la patrimonialisation des musiques actuelles ».
Afin de constituer « une bibliothèque francophone de référence pour l’Égypte et les pays voisins », la BnF avait, en 2009, fait don à la Bibliotheca Alexandrina de 500 000 livres imprimés et publiés en France.
Ce partenariat permettra à la Bibliotheca Alexandrina « d’offrir au public égyptien, notamment aux nombreux étudiants qui fréquentent la bibliothèque, une offre plurielle dans le domaine de la littérature générale et des sciences humaines ».
Aarhus, est la deuxième ville du Danemark par le nombre d'habitants (320 000, soit presque 6 % de la population du Danemark). C'est une ville portuaire importante, située dans la région du Jutland.
C'est la plus vieille des grandes villes scandinaves, probablement construite au VIIIe siècle par les Vikings. Elle se développe à la fin du XIXe siècle, avec l'exode rural dû à la révolution industrielle.
Le “Grand Aarhus” possède la concentration d’entreprises d’énergie éolienne la plus dense au monde. Aarhus est réputée pour sa spécialisation en architecture et en design, connue pour sa population « la plus jeune et la plus heureuse » du Danemark. En effet, la ville accueille plus de 60000 étudiants (soit presque 19 % de sa population).
Par ailleurs, Aarhus abrite l’un des plus gros ports industriels d’Europe du Nord, le plus important du Danemark. L'agrandissement du port, débuté en 1998, s'étale sur 25 ans et fait partie d'un vaste projet de réaménagement de la ville. Il comprend un programme immobilier destiné aux étudiants et l'implantation de Dokk1.
Aarhus sera capitale européenne en 2017 sur le thème « re think » (repenser).
« La bibliothèque la plus réfléchie du monde » (Marie Østergård, développeuse du projet)
Lorsque Rolf Hapel, directeur des services aux citoyens et aux bibliothèques, prend son poste à Aarhus en 1994, on lui annonce qu'une nouvelle bibliothèque sera construite bientôt. Après différentes enquêtes et changements de localisation, le conseil municipal acte finalement la construction d'une nouvelle bibliothèque (2003) sur une des deux presqu'îles donnant sur le port (2004), tout en stipulant bien que le projet ne peut voir le jour rapidement car il est nécessaire d'épargner afin de pouvoir le financer. Des années que l'équipe porteuse du projet et les bibliothécaires mettront à profit pour expérimenter avec les publics diverses possibilités, et travailler en collaboration avec les architectes du cabinet Schmidt Hammer Lassen (choisi en 2009). 2011 vera la pose de la première pierre, mais l'ouverture au public ne se fera qu'en 2015 : en effet, 4 ans seront nécessaire à la construction de ce bâtiment complexe, dont la structure repose en bonne partie sur l'eau.
Très tôt rebaptisé « multimédia house » puis « Urban Mediaspace » afin de repousser la classique image poussiérieuse des bibliothèques, Dokk1 est une marque. Le nom, choisi par le Conseil municipal parmi 200 propositions de citoyens, évoque le port d'Aarhus passé et présent.
Dokk1 n'est pas seulement un projet de bibliothèque. C'est avant tout un projet pour la ville : un projet urbain, communautaire et social.
En effet, le fleuve Aarhus traverse la ville du même nom. Recouvert par une route dans les années 1970, il a été par la suite à nouveau découvert dans le cadre du réaménagement du quartier latin. Cependant, les prévisions sur la montée des eaux liées au réchauffement climatique faisaient peser une grande menace sur l'ensemble de la vieille ville. Le projet a donc inclus une écluse qui permette d'une part de bloquer la montée des eaux maritimes et d'autre part de pomper les eaux fluviales afin de les rejeter dans la mer, de l'autre côté de l'écluse.
Afin de finaliser le réaménagement à vocation piétonne du centre-ville, les parkings y ont été supprimés. Un parking de remplacement de 1000 places a donc été construit sous la nouvelle bibliothèque.
Dokk1 est donc bien plus qu'une bibliothèque, c'est un outil d'aménagement urbain pour la ville, mais c'est aussi le coeur d'un projet social et communautaire : la bibliothèque accueille un guichet unique (« citizen services » : passeports, sécurité sociale…) tenu par des employés municipaux. C'est également le cas des 18 bibliothèques de quartier d'Aarhus, où les guichets sont tenus par les bibliothécaires. La bibliothèque se veut tout à la fois un lieu de rencontre, un centre culturel et un learning center[1].
Cela résume bien la philosophie de Rolf Hapel qui martèle : « À quel problème de la société votre bibliothèque répond-t-elle ? Pour résoudre quel problème a-t-elle été construite ? Il faut être plus qu'une bibliothèque ; être utile à la communauté. »
Ce point de vue a d'autant plus de pertinence qu'un tel projet a un coût important : 300 millions d'euros, dont un tiers pour la bibliothèque (le reste étant attribué au parking et à l'écluse). Mais Rolf Hapel en fait un bilan très positif : l'argent pour le parking et l'écluse auraient de toute façon dûs être dépensés ; 100 millions ont été financés par la fondation Realdania, 12 millions ont été perçus grâce à la vente des anciens locaux de la bibliothèque (qui seront transformés en auberge de jeunesse) ; et le troisième étage du bâtiment dédié aux bureaux doit être en partie loué à des entreprises. Si pour l'instant, rien n'a changé dans la situation des bibliothèques de quartier, celles-ci craignent cependant des coupes budgétaires si les locaux à louer ne trouvent pas preneurs sous peu.
Un bâtiment étonnant et remarquable
Le bâtiment d'une architecture complexe possède un troisième étage à 7 façades, posé en quinconce par rapport aux étages du dessous. Il repose sur un parking traversé par une voie ferrée. L'ensemble se situe à la confluence entre la mer Baltique et le fleuve Aarhus.
Le bâtiment est conçu pour que la ville et le ciel se reflètent sur ses façades / CC BY-SA Amandine Jacquet
Le bâtiment de 30 000 m² abrite la bibliothèque aux 1er et 2ème étages sur une surface de 18 500 m².
L'entrée dans le bâtiment se fait soit par le parking, soit par des escaliers monumentaux extérieurs qui donnent sur une terrasse qui fait le tour du bâtiment et abrite des jeux pour les enfants. Les enfants ont une grande importance dans la société danoise : la bibliothèque étant entièrement vitrée, chacun peut regarder les enfants jouer à tout moment.
Les jeux extérieurs sont le signe d’une grande attention portée aux enfants / CC BY-SA Amandine Jacquet
Face à l'entrée, le bureau d'information, à droite le « guichet unique », avec une vingtaine de postes d'accueils, et à gauche le fonds adulte. Son look assez traditionnel et le mot « bibliotek » en lettres blanches sur le mur vert sont une réminiscence « du temps où les bibliothèques étaient encore des bibliothèques alors qu'aujourd'hui elles sont tellement plus que cela », a expliqué Stephen Willacy, l'architecte de la ville, lors de la session d'ouverture de Next Library 2015. [2]
Espace des collections adultes / CC BY-SA Amandine Jacquet
Pour passer de cet espace à l'espace jeunesse situé au second étage, il faut monter une grande rampe de béton brut qui comporte de nombreux paliers où canapés, tables et chaises accueillent ceux qui le souhaitent. La rampe peut également servir de gradins.
La rampe permet de changer de niveau grâce à une pente douce et a été conçue comme un espace à occuper / CC BY-SA Amandine Jacquet
La section jeunesse est incontestablement la partie la plus réussie de bâtiment : elle allie une vue imprenable sur le port avec des aménagements confortables et ludiques. Un coin déguisement, des jeux, une cabane de jardin vitrée dont on ne sait pas encore ce qu'elle contiendra (des peluches ? De vrais animaux ? Des plantes ? La question est à l'étude), un espace de jeux vidéos anciens et nouveaux, un espace pour la petite enfance, une cuisine avec frigo et micro-ondes pour le repas des enfants venus avec leurs parents,...
Un fonds local a été créé. Mais, au vu du passé ouvrier et portuaire de la ville et de l'importance du port dans le projet architectural de la bibliothèque, on peut déplorer qu'il soit aussi réduit et peu mis en valeur.
Le tout est complété par de nombreux espaces multifonctionnels, un point presse et une cafétéria.
Espace jeunesse et petite enfance / CC BY-SA Amandine Jacquet
Symbole de la vie communautaire, le coeur de la bibliothèque est sans aucun doute son gong de 7,5 m de haut. Lorsqu'un enfant naît à Aarhus, les parents sont invités à appuyer sur un bouton à la maternité : cela fait résonner à distance le gong dans la bibliothèque. Tous les présents à la bibliothèque à cet instant peuvent ainsi se réjouir de l'arrivée de cette nouvelle vie au sein de la communauté.
Sans y être omniprésente, la technologie n'est bien sûr pas absente du bâtiment : une installation interactive, sonore et visuelle, créée par Spoink, accueille les visiteurs qui se présentent par le parking. En tête de gondole de nombreux rayonnages, un écran tactile permet d'obtenir des suggestions de lecture via une étagère digitale dotée d'un programme de type CultureWok (développé par Systematic).
Ouverte aux publics, 7 jours sur 7, de 7h à 22h, la bibliothèque offre de nombreux services aux visiteurs. Il est cependant à noter que les bibliothécaires ne sont présents que de 8h à 19h. En dehors de ces horaires, les usagers peuvent accéder à la bibliothèque avec leur carte et bénéficient de l'aide de gardiens pour les dépanner en cas de problème. Les bibliothèques de quartier sont ouvertes sur le même modèle mais parfois sans gardiens.
Le bâtiment a accueilli 18000 visiteurs dès le premier week-end suivant son ouverture, et pour l'instant son succès ne se dément pas.
Portraits d'usagers
La famille Jensen prend un petit déjeuner dans la cafétéria de la bibliothèque, afin de célébrer tardivement un anniversaire. Tous n'avaient pas encore eu l'occasion de venir dans la nouvelle bibliothèque. Ils sont venus pour se « créer un bon souvenir ».
Else est bibliothécaire à Kalundborg, une ville d'environ 50000 habitants située sur Sjælland, l'île principale du Danemark, à environ 100 km d'Aarhus à vol d'oiseau. Elle a entendu parler de la nouvelle bibliothèque et a décidé de faire d'une pierre deux coups en venant rendre visite à sa sœur (qui vit à Aarhus) et en visitant Dokk1.
Jesper, Betina, Henrik, et Martin ont tous 20 et quelques années. Ils viennent d'arriver à Aarhus pour poursuivre leurs études. C'est la première fois qu'ils viennent à la bibliothèque. Ils avaient besoin d'un lieu pour travailler ensemble sur un projet. Comme ils habitent non loin de la bibliothèque, ils ont décidé de s'y retrouver. « C'est un chouette endroit pour se rencontrer, me confient-ils. Mais on ne vient pas pour utiliser les livres ni les autres services, comme acheter à boire ou à manger par exemple », ajoutent-ils, bien qu'ils aient précisément choisi de s'installer dans la cafétéria.
Karin, Resmus et Steffie ont entre 22 et 24 ans. Ils sont inscrits à l'école de commerce (« business academy »), et ont besoin d'un espace pour travailler ensemble. Ils ont choisi Dokk1 parce que c'est proche de l'endroit où ils vivent, contrairement à la bibliothèque universitaire qui est, de toute façon, bondée. Comme l'établissement est nouveau, ils sont contents de le découvrir : ils apprécient particulièrement ses grands espaces ouverts, l'atmosphère sympa et les places disponibles.
Annie, Ulla et Ingrid vivent également à Aarhus et c'est la première fois qu'elles viennent à Dokk1. Elles ont d'abord déjeuné à la cafétéria et profitent maintenant de la vue sur le port en papotant. Elles apprécient le panorama et le fait que les services municipaux pour les citoyens aient un espace d'accueil à l'entrée de la bibliothèque. Elles pourront ainsi demander de l'aide si elles en ont besoin. Ingrid lit beaucoup mais elle m'avoue qu'elle n'est allée qu'une seule fois dans l'ancienne bibliothèque. Cependant, elle pense qu'elles reviendront ensemble dans celle-ci. Une fois par semaine ? Je lui demande. Une fois par mois peut-être, tempère t'elle. Annie projette déjà de venir profiter des jeux extérieurs avec ses petits-enfants. Ingrid a une fille qui habite à Washington. Lorsque celle-ci viendra en visite, elle aura plaisir à lui faire admirer la nouvelle bibliothèque avec une fierté de propriétaire.
Camilla et Katerina ont toutes les deux un bébé de moins d'un an. Elles avaient envie de se retrouver et ont choisi la bibliothèque pour cela. Malgré le temps nuageux et humide, Camilla n'a pas hésité à faire 3 km à pied pour rejoindre son amie à Dokk1. Elles aiment y séjourner car l'atmosphère est très agréable, la vue superbe et que les enfants y sont les bienvenus. De plus, il est facile de circuler dans les espaces avec les poussettes ou les landaus. Aujourd'hui, confortablement installées sur un canapé dans la section jeunesse, elles ont discuté en regardant la vue sur le port, mangé un sandwich et allaité leur bébé. Au contraire de Camilla, Katerina vient pour la cinquième fois à Dokk1. Elle y est même inscrite. Elle avait l'habitude de fréquenter l'ancienne bibliothèque, du temps où elle travaillait (son arrêt de bus était juste en face), mais avait cessé de la fréquenter depuis ces deux dernières années.
Au final, pas un seul n'est venu pour les collections… Mais cela n'a sans doute que peu d'importance puisque comme le rappèle Marie Østergård, développeuse du projet, : « Nous ne construisons pas un bâtiment pour les collections, mais nous construisons un bâtiment pour les gens ».
[1] http://www.enssib.fr/le-dictionnaire/learning-center
[2] Next Library est un évènement pour les professionnels des bibliothèques qui se déroule tous les deux ans environ à Aarhus, Danemark. Il est basé sur l'interaction entre participants et se veut avant-gardiste et innovant.
Jusqu’alors, la technologie utilisée sur les liseuses à destination des personnes malvoyantes permettait de ne lire « qu'une seule ligne de texte par page, grâce à une technologie modifiant les petits points formant les lettres au fur et à mesure de l'avancement du texte ».
Les chercheurs sont actuellement à l’œuvre pour miniaturiser leur technologie révolutionnaire et la rendre exportable. Elle pourrait ainsi être intégrée dans une liseuse de 8 pouces (environ 20 cm de diagonale) et commercialisée d'ici septembre 2016, à moins de 1 000 dollars (918 euros).
Suivant sept chapitres thématiques (accessibilité, convivialité et citoyenneté, fonds participatifs, lieux d’échanges et de savoir-faire, pratiques numériques, production de contenus culturels et services associés), cet outil fait état de 25 expériences ayant eu lieu sur le territoire breton.
Disponible uniquement au format numérique, cette publication « est appelée à être mise à jour dès qu'une nouvelle initiative » sera signalée à l’établissement. Pour ce faire, il suffit de compléter le questionnaire disponible en ligne sur le site de Livre et lecture en Bretagne.
En 2014 et en 2015, « six équipes pluridisciplinaires, rassemblant des designers graphiques, d’espaces et d’objets, ont été chargées de l’expertise de six territoires, identifiés par la BDBR, où se posait une problématique autour de la bibliothèque ». En lien avec la population et les élus, les étudiants ont élaboré des outils parfois inattendus et originaux :
Mise en place de campagnes d’affichage.
Création d’un jeu de société permettant aux participants de s’exprimer sur les usages de la bibliothèque.
Elaboration d’un « biblio circuit », jalonné de dépôts de livres, traversant la ville pour aboutir au point lecture.
Construction de la « mobilivre », une bibliothèque ambulante.
Enfin, début 2016, le lycée a mis en place un « laboratoire de création permanente, baptisé Cultures communes, chargé de réfléchir à la politique départementale de lecture publique et de créer des outils de concertation ».
Le niveau de formation des personnels de bibliothèques a toujours été en étroite corrélation avec l'efficacité du service aux usagers et la performance des établissements documentaires. Pendant longtemps, les efforts se sont principalement concentrés sur la formation initiale, universitaire et professionnelle. Depuis quelques décennies, l'environnement des bibliothécaires connaît d'importantes mutations qui nécessitent la mise en œuvre permanente de capacités d'adaptation et de compétences sans cesse renouvelées. Sans cette dynamique, les services aux usagers pourraient se trouver rapidement inadaptés et l'utilité des bibliothèques remise en cause.
La formation tout au long de la vie s'est très largement développée, s'appuyant sur des technologies numériques, et est devenue plus accessible, offrant ainsi une première réponse à cette problématique : formations diplômantes via des plateformes d'enseignement à distance, modules spécifiques proposés par des MOOC, autoformation... Ces offres s'avèrent d'autant plus essentielles pour les bibliothécaires confrontés à des coûts de déplacements élevés et à une offre en présentiel limitée, comme c'est généralement le cas dans la Caraïbe.
Si les modalités de formation ont parfois radicalement changé, la façon de concevoir l'acquisition des compétences dans une relation hiérarchisée et duelle apprenant-enseignant, est restée relativement constante, même dans le cas des formations à distance. Elle fait face aux solutions d'auto-formation où l'individu est isolé, sans référant, ni échanges contextuels.
Ces modèles d'apprentissage ne constituent pas les seuls moyens d'acquérir et de développer des compétences, des capacités, des savoirs et des connaissances (Marsick & Watkins, 2001). Selon certains chercheurs, 90% de l'apprentissage se ferait de façon informelle, c'est-à-dire en dehors des dispositifs de formation. A ce jour, la question des apprentissages informels a été peu explorée en bibliothèque et on mesure encore peu l'impact joué par l'organisation du travail, de moins en moins verticale, dans les services documentaires. Ces façons d'apprendre, fondées sur l'échange, le partage et l'investissement du sujet autour de la co-construction de projets présentent pourtant des avantages pour les agents, tout autant que des effets directs sur les réalisations (Cross, 2011). La plasticité des compétences professionnelles développées est probablement l'une des clés de ces bénéfices (Rey, 2011). Le travail proposé ci-dessous s'appuie sur l'analyse du groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc (Pajard, 2014), à partir d'une expérience d'animation de ce groupe sur une durée de six ans mais également d'une enquête anonyme qui a été adressée à chacun des partenaires en 2015.
Projets collaboratifs, co-construction hybrides
On présente souvent les bibliothèques numériques collaboratives comme des projets dont l'intérêt réside dans la mutualisation des coûts, des infrastructures, des ressources technologiques et documentaires. Pour de petits territoires ou de petits établissements, la collaboration apparaît comme une nécessité pour ceux qui souhaitent s’engager dans des projets pérennes. Il s'agit donc pour chacun des acteurs de s'investir ensemble, de co-construire des collections numériques pour des lecteurs et de créer des espaces communs à partir de la diversité des contextes culturels, économiques, institutionnels, et des savoir-faire des uns et des autres. Le fondement du partenariat est constitué par l'apport de chacun à un projet commun ; qu'il s'agisse de moyens humains ou financiers. Chaque structure investie est donc partie-prenante d'un projet qu'elle contribue à façonner par sa participation.
L'exemple de la bibliothèque numérique Manioc est particulièrement intéressant à ce titre, car, si le groupe de travail des professionnels de la documentation que nous étudierons ici, au cœur du pilotage du projet, comprend une quinzaine de personnes, plusieurs centaines de personnes, issues d'une dizaine de structures (laboratoires de recherche, associations, fondations...) contribuent d'une façon ou d'une autre à accroître le nombre de documents disponibles : enseignants-chercheurs dans toutes les disciplines, informaticiens, secrétaires de laboratoire, représentants d'institutions, politiques, prestataires assurant la captation vidéo... Cette bibliothèque numérique en accès ouvert est un projet atypique qui inclut la numérisation de collections anciennes, tout autant que l'édition numérique de bases de données contemporaines.
Le projet, qui compte chaque année de nouveaux partenaires, n'est pas physiquement localisé en un lieu. Certains acteurs se trouvent en Guyane, d'autres en Guadeloupe, en Martinique, en France hexagonale ou en République dominicaine. Il est donc difficilement envisageable que des centaines d'acteurs se retrouvent simultanément en un même lieu. Il a donc fallu mettre en place un fonctionnement qui permette de s'adapter aux configurations changeantes tout en maintenant de la continuité entre les groupes d'acteurs. Si la coordinatrice et les responsables scientifiques assurent ce lien quotidien entre les différents groupes, cette continuité est aussi assurée par l'interface numérique qui propose l'accès unifié à l'ensemble des volets et renforce le sentiment d'appartenance à des dynamiques communes.
L'organisation est donc complexe et le rôle du groupe de travail qui réunit les professionnels des bibliothèques et de la documentation est central. Il est garant de ce décloisonnement qui permet que les documents et les informations proposés rencontrent des besoins, des usages qui ne sont pas calqués sur les logiques organisationnelles auxquelles répondent les groupes spécifiques. Outre le travail lié à la numérisation des fonds anciens qui constituent les collections physiques de leur établissement, les bibliothécaires assurent une fonction essentielle : la médiation, transversale à l'ensemble des volets de la bibliothèque numérique, médiation entre documents et lecteurs au cœur de laquelle se trouve l'activité de description des métadonnées des documents. Le caractère hybride et la plasticité de Manioc ont conduit à une organisation atypique du groupe de travail qui nous permet de présenter des pistes de réflexions pour rénover les organisations en favorisant l'acquisition de compétences par les professionnels et l'innovation pour les projets.
Projets collaboratifs : motivations, confiance et économie de l'attention
Au-delà des économies d’échelles réalisées, l’expérience proposée montre que l’engagement d’un établissement dans un projet collaboratif, s’il peut assurer une plus grande notoriété à l’établissement et accroître l'usage de ses collections, peut également avoir un effet direct sur le développement des compétences des personnes qui contribuent au projet.
La participation à un projet collaboratif s’inscrit dans une dynamique de partage d’expérience qui stimule les membres du groupe et permet à chacun d’acquérir de nouvelles compétences et connaissances plus spontanément qu’au cours d’une formation. Les individus ne s'inscrivent pas a priori dans une démarche structurée d’apprentissage, ni dans une relation spécifique apprenant-enseignant ou l'un dispense le savoir et l'autre l'acquiert, ou l'un évalue, l'autre est évalué. L’attention est motivée par l’engagement et par l’atteinte des objectifs.
Dans le groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc, chaque personne investie dans le projet joue un rôle clé en relation avec ses fonctions professionnelles et ses compétences : sélectionner les ouvrages, préparer les envois pour la numérisation, décrire les documents, rédiger les spécifications, réaliser les développements informatiques, renseigner les usagers, assurer la médiation numérique sur facebook, wikipédia ou le blog... La fonction légitime la participation au projet dans son ensemble et permet à chacun d'aborder le travail en groupe avec une certaine confiance, dépourvue de la crainte de ne pas savoir, ou de ne pas obtenir une note satisfaisante, qui peut caractériser les formes traditionnelles d'apprentissage. Le rôle de chacun construit une expérience propre qu’il sera en mesure de partager et qui sera toujours différente de celle d’un autre membre du groupe. De plus, chaque individu sait qu'il œuvre au succès du projet, y apporte sa contribution, en fait partie. La fonction sert de point d’entrée mais ouvre en réalité vers tout un champ de partage des compétences professionnelles théoriques et pratiques, de connaissances culturelles, de savoirs-être favorisés par la convivialité et les liens qui se tissent entre les acteurs d'un groupe hétérogène ; ces éléments constituent un apport considérable et souvent sous-estimé, tant pour chacun des acteurs, que pour le projet dans son ensemble.
Le groupe de travail de Manioc comprend une quinzaine de personnes. Les échanges tout au long de l'année, prennent différentes formes :
échanges collectifs par email concernant tout ce qui est relatif aux réalisations et aux changements importants et sont surtout unilatéraux ;
échanges interpersonnels asynchrones (par email)
échanges interpersonnels synchrones via des dispositifs (téléphones, skype...) ou en présentiel pour certains groupes d'acteurs situés sur les mêmes territoires
Chaque année, pendant trois jours, les professionnels se retrouvent également physiquement pour échanger autour de bilans, d’ateliers collaboratifs et de réunions destinées à construire ensemble le devenir du projet. Ces interactions en présentiel sont essentielles et n'ont pas d'équivalent avec ce qui pourrait être organisé via des technologies telle que la visio-conférence. Elles permettent à chacun de nouer des relations avec les autres membres du groupe, relations qui auront un impact fort sur la motivation des membres mais également sur l'attention qui sera portée aux informations ensuite transmises par voie numérique par l'un ou l'autre des membres (Eraut, 2004). L'individualisation des relations est au fondement d'une économie de l'attention que les technologies et services numériques tentent de recréer ou réinventer et qui se trouve ici capitalisée. Chacun va s'autoriser d'avantage de digressions en présentiel, la pause méridienne sera l'occasion de discussions directement liées ou non à l'activité professionnelle, qui permettront à chacun de s'intéresser à l'autre, de développer une certaine proximité, voire des connivences. Les échanges postérieurs, à distance, ne seront donc pas anonymes. Les conditions seront également réunies pour penser le devenir des projets avec davantage de liberté et de créativité souvent porteuses d'innovation pour le projet. Chacun va acquérir aux cours des échanges et travaux, des connaissances et des compétences sans même en avoir une conscience immédiate.
Retour d'expérience : qu'ont appris les acteurs du projet ?
Nous sommes partis de l'observation de situations concrètes du groupe de travail et des compétences que les acteurs nous semblaient acquérir au fil des années –observation nourrie par quelques années d'expérience dans le domaine de la formation professionnelle en présentiel et à distance- pour concevoir le questionnaire anonyme qui a été adressé à chacun des participants.
L'observation a fait apparaître le triptyque suivant : situation (liée à l'engagement), action du sujet (en relation avec son engagement), compétences et ou connaissances acquises.
Le processus qui favorise le développement des connaissances s'observe dès la situation initiale, la participation au projet. Il s'intensifie et se complexifie au cours de deuxième étape, caractérisée par la participation effective au projet.
Exemple du processus observé : situation, actions du sujet, compétences, savoirs ou connaissances acquis lors de la première étape.
Lors de la première étape, le sujet est motivé par l'objectif. Lors de l'étape 2, outre l'objectif commun, les situations et les actions sont caractérisées par les interactions entre professionnels qui deviennent fondamentales dans le processus d'apprentissage informel réciproque.
Exemple du processus observé : situation, actions du sujet, compétences, savoirs ou connaissances acquis lors de la deuxième étape.
Communiquer avec des partenaires à distance >> je vais chercher à utiliser les outils nécessaires pour communiquer les informations et échanger >> Acquérir des compétences en bureautique, logiciels et outils de communication divers (email, skype, facebook), google site, interface professionnelle du site...
Participer à l'analyse des usages >> je vais chercher à comprendre les outils statistiques, essayer d'interpréter les données et m'interroger sur les pratiques numériques >> Compétences outils (logiciel d'analyse statistiques comme google analytics), développement des capacités d'analyse des interfaces à partir des usages
Ecouter chaque “spécialiste” présenter le bilan de son travail >> je vais bénéficier de son expérience : exemple, le catalogueur explique les choix fait par le Sudoc, la procédure de traitement et montre les notices dans le catalogue, le reversement dans worldcat… >> Compétences théoriques formats bibliographiques et échanges de données
Travailler ensemble pendant les ateliers de médiation numérique des collections >> je vais rédiger avec d'autres des articles pour valoriser les collections, nous recherchons des informations sur un personnage, un événement, un auteur, une thématique pour écrire notre article, nous débattons >> Développement de la culture générale et de la connaissance des collections, développement des capacités rédactionnelles. Compétence d'écriture numérique selon les dispositifs (réseaux sociaux, wikipédia) et de conception d'animations, de jeux.
Il est important de préciser que l'organisation du groupe, articulée sur les fonctions et non sur la position hiérarchique, a probablement un impact non négligeable sur les bénéfices observés. Cette organisation est étroitement liée au caractère du projet puisque les professionnels proviennent d'établissements distincts et occupent des fonctions distinctes.
L'une des clés du développement des connaissances et compétences des acteurs tient probablement à l'hétérogénéité du groupe : différents parcours professionnels, origines géographique distinctes, services ou spécialités différentes, types d'usagers quotidiennement accompagnés différents[1]...
Cette diversité des profils se retrouve dans les réponses particulièrement disparates à la question portant sur les principaux atouts que l'individu pense apporter au projet.
On peut alors supposer que le sentiment de complémentarité favorise la dynamique de groupe et l'investissement des acteurs qui s'avère favorable au projet.
Parmi les douze personnes interrogées, toutes ont considéré qu'elles avaient acquis des connaissances et/ou compétences du fait de leur participation au projet. En moyenne chaque personne a considéré avoir acquis entre sept et huit compétences parmi celles proposées. Outre les éléments spécifiques au projet, le partage d'expérience apparaît comme un facteur clé de l'apprentissage caractérisé par la réciprocité.
Les autres compétences ont toutes été sélectionnées par une ou plusieurs des personnes interrogées mais de façon plus hétérogène, ce qui montre, comme nous en faisions l'hypothèse, que chacun acquiert des compétences différentes, complémentaires, effet lié à l'hétérogénéité du groupe.
On constate aussi que la participation à ce projet collaboratif a renforcé la motivation des personnes interrogées pour développer leurs compétences mais aussi rénover leurs pratiques professionnelles. On peut supposer que l'impact dépasse donc le cadre du projet collaboratif visé et que les répercussions touchent d'autres activités exercées agissant sur la performance globale de l'établissement de rattachement.
Enfin, onze des douze personnes interrogées indiquent que la participation au projet peut avoir un effet favorable sur leur carrière professionnelle (avancement, concours...).
Conclusion
L'observation réalisée de même que l'enquête auprès des acteurs du groupe de travail de la bibliothèque numérique Manioc démontrent que la participation à des projets collaboratifs peut avoir un fort impact sur le développement des compétences des professionnels. La poursuite d'objectifs communs, l'hétérogénéité des groupes, l'organisation fonctionnelle non hiérarchique, la reconnaissance de l'apport de chacun, la personnalisation des relations, l'hybridité des modalités de communication (face-à-face, distance) ainsi que la place prépondérante qui peut être accordée à la dimension conviviale de l'organisation, nous apparaissent comme les facteurs clés favorisant l'apprentissage informel et l'innovation.
Outre l'acquisition immédiate de connaissances théoriques et de savoir-faire pratiques, l'expérience révèle la corrélation entre la participation au projet et la motivation des personnels pour s'inscrire dans une dynamique de formation tout au long de la vie et de rénovation des pratiques professionnelles au sein de leurs établissements. Malgré les critiques de certains chercheurs face à la demande d'engagement des sujets de plus en plus croissante dans le monde professionnel (Wittorski, 2008), demande perçue comme une pression du monde du travail, on constate une perception positive à très positive de l'engagement déclarée par l'ensemble des acteurs dans le cas de notre exemple. Ces conclusions pourraient conduire les travaux critiques à interroger davantage les modalités de l'engagement des sujets, les techniques d'organisation et de management des groupes plutôt que l'engagement lui-même.
Les bénéfices de ce type d'organisation, assurant le décloisonnement de services, de territoires, de compétences et favorisant le partage d'expérience, concernent probablement en premier lieu le projet lui-même en rendant possible l'émergence d'idées originales et créatives. Cependant, il nous est apparu intéressant de souligner ici les dynamiques sous-jacentes qui irriguent les individus et restent encore des pistes peu explorées pour repenser les modalités de développement personnel et professionnel dans une relation très différente, et probablement complémentaire, de celle des dispositifs de formation.
Bibliographie
Cross, J. (2011). Informal learning: Rediscovering the natural pathways that inspire innovation and performance John Wiley & Sons.
Eraut, M. (2004). « Informal learning in the workplace », Studies in Continuing Education, 26(2), 247-273. doi:10.1080/15803704200022524
Marsick, V. J., & Watkins, K. E. (2001). « Informal and Incidental Learning », New Directions for Adult and Continuing Education, 2001(89), 25-34. doi:10.1002/ace.5
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[1] Il est cependant important de noter que plus des 3/4 des acteurs ont un niveau de formation supérieure relativement élevé (bac +3 ou plus), une formation professionnelle et une expérience de plus de 10 ans en bibliothèque, ce qui contribue probablement à renforcer la légitimité du groupe.
L'immense bâtiment, qui propose 130 000 titres en accès libre, se veut « un lieu ultra moderne ». Il s'articule autour d'une mezzanine, d’un auditorium de 100 places, d’une terrasse couverte et de trois espaces aux fonctions spécifiques :
Le monde « comprendre » : au sein de cette zone de travail se trouvent des tables hautes et basses, des bureaux sous formes de « box » et plus de 35 000 documents.
Le monde « créer » : c’est l’espace de l'image, des beaux-arts, de la musique (guitares et piano en accès libre), du cinéma et des jeux vidéo (salle dédiée).
Le monde « imaginer » : on y trouve des romans policiers, sentimentaux, de science-fiction, et des livres jeunesse.
Si l'équipe de la médiathèque s’est fixée un premier objectif de 300 000 visites annuelles, la passerelle (prévue pour 2017) devant relier la gare d’Angoulême directement à l’établissement permettra à un public de tous horizons de venir découvrir la médiathèque.
Ayant déjà numérisé, mis en ligne et en accès libre de nombreuses archives, l’établissement vient à nouveau de rendre plus de 180 000 documents (cartes, manuscrits, photos, etc., provenant de ses collections et tombés dans le domaine public) gratuitement disponibles.
Ceux-ci viennent ainsi s’ajouter aux archives déjà disponibles sur le site de la bibliothèque, pour porter le total à 600 000 documents consultables librement.