Désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques en RDC
Notre enquête porte de façon générale sur la culture, mais se limite à la lecture publique. Pour ce faire, nous étudions la fréquentation des usagers dans les dépôts du savoir humain sous l’intitulé « la désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques en République Démocratique du Congo (RDC) : Cas de la bibliothèque spécialisée du Bureau de la Représentation de l’Organisation Mondiale de la Santé à Kinshasa ». Nous menons cette étude dans le contexte de la communication documentaire pour mieux appréhender le fait.
Nous avons observé, durant une longue période, dans nos rapports et évaluations semi-annuelles, qu’il y a un déséquilibre dans la fréquentation des usagers au sein de notre bibliothèque. C’est donc ce phénomène de désaffection que nous cherchons à mieux appréhender ici.
Nous avons utilisé l’approche comparative qui nous a permis de décrire, d’analyser, d’interpréter et de mieux comprendre le fait observé et étudié afin de pouvoir proposer des solutions.
PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE ET CONSTRUCTION DE L’HYPOTHÈSE
Nous vérifions au travers de cette étude l’hypothèse selon laquelle les professionnels de la santé en RDC ne lisent pas. Celle-ci est récurrente dans plusieurs débats culturels et scientifiques. D’abord, MUKALA KADIMA-NZUJI[1] dit que les africains ne lisent pas. Ensuite, Alcino DA COSTA[2] singularise le postulat que « les journalistes Africains ne lisent pas, ne se documentent pas… ». Puis Olivier BARLET[3] ajoute à cette thèse que les Africains (même s’ils sont lettrés) ne lisent pas les sous-titres. Et en dernier lieu, DEE LEE[4] conclut que les noirs ne lisent pas et resterons toujours des esclaves. Au vu de ce qui précède, nous avons pensé qu’il est important d’examiner cette hypothèse par secteur. Dans le cas échéant, il s’agit du domaine de la santé. Car ce postulat soulève quelques préoccupations liées à l’expertise de soins, à la veille informationnelle, à la formation continue et à l’affermissement du savoir acquis sur les bancs de l’école.
Etant donné que les professionnels de santé ne s’adonnent pas à la lecture continue, il y a lieu de se poser quelques questions. Pourquoi ne fréquentent-ils pas les bibliothèques ? Pourquoi ne s’adonnent-ils pas à la lecture continue ? Quelle est la nature des soins qu’ils administrent ? Par quel mécanisme sont-ils informés des innovations et des changements pratiques qui s’opèrent dans leur domaine ? Le fait de travailler longtemps sans se cultiver contribue-t-il à se forger une expérience ou un savoir-faire pratique, théorique et professionnel ?
La réponse aux préoccupations soulevées ci-dessus devrait nous conduire non pas seulement à confirmer ou infirmer notre hypothèse de travail, mais également nous aider à démontrer, expliquer et comprendre les conséquences directes liées au fait décrié. Mais, bien avant cela, rappelons certains concepts opérationnels utiles à la compréhension du débat.
CADRE CONCEPTUEL
Il y a quatre concepts opérationnels à définir dans cet exercice, en l’occurrence la bibliothèque, la bibliométrie, la bibliologie et la lecture.
BIBLIOTHÈQUE
Rappelons d’abord que la mission première de toute bibliothèque, qu’elle soit matérielle ou numérique est de fournir les renseignements dont le lectorat a besoin : recherche, enseignement, information, formation, etc.
Sur le plan étymologique et selon LE ROBERT[5], le mot bibliothèque tire son origine vers 1493, du latin bibliotheca, du grec bibliothêkê avec biblion, ‘livre’ et ‘thêkê’ = ‘coffre’, lieu de dépôt (armoire, casier, rayon, rayonnage). Annie KUPIEC[6] précise que le mot bibliothèque est apparu en Grèce pour désigner le coffret des livres, et par extension le lieu de dépôt où les livres sont conservés.
Pour l’UNESCO[7], peut être considérée comme bibliothèque, quelle que soit sa dénomination : « toute collection organisée de livres et de périodiques imprimés ou tous les autres documents, notamment graphiques et audiovisuels, ainsi que les services du personnel chargés de faciliter l’utilisation de ces documents par les usagers à des fins d’information, de recherche, d’éducation ou de récréation ».
Le concept a beaucoup évolué depuis sa création et son institutionnalisation, des tablettes d’argiles jusqu’au numérique. Les bibliothèques sont soit des établissements à part entière, soit des services faisant partie d’un autre établissement. Certaines sont en libres accès et d’autres en accès indirect et restreint. Certaines encore sont gérées par des pouvoirs publics et d’autres par des tiers.
BIBLIOMÉTRIE
Pour Jean-Max NOYER[8] la bibliométrie est l’ensemble des méthodes et des techniques de type mathématiques, statistiques, susceptibles d’aider à la gestion des bibliothèques et, d’une manière très générale, des divers organismes ayant à traiter l’information. Il faut dire aussi qu’on ne doit pas seulement se limiter à la gestion des dépôts du savoir, mais s’ouvrir aussi et surtout à l’interprétation et l’explication des phénomènes quantifiables observés sur le terrain. Dans ce sens cette explication prend une orientation bibliologique.
BIBLIOLOGIE
Bibliologie peut être définie de plusieurs manières. Gabriel PEIGNOT[9] en premier lieu la considère comme une science qui embrasse l’universalité des connaissances humaines, notamment l’origine, l’histoire, la division, la classification et la conservation. Paul OTLET[10] la définit ensuite comme science et technique générale du document, c’est-à-dire l’art d’écrire, de publier et de diffuser les données de la science. Pour cette raison, elle devient une science autonome, de toutes les connaissances théoriques et pratiques relatives au livre. En outre, le Centre national de recherches textuelles et lexicales (CNRTL)[11] voit la bibliologie comme la science de l’histoire et de la composition matérielle du livre. Et en dernier lieu, Robert ESTIVALS[12], la considère comme l’étude scientifique de l’écrit et de la communication écrite. Pour notre part, nous pouvons considérer la bibliologie comme étant une investigation de l’ensemble des phénomènes mesurables et quantifiables qui se produisent tout autour de l’écrit, notamment la création, la reproduction, la distribution et la consommation, ou la lecture.
LECTURE
Le ROBERT[13] définit la lecture comme l’action matérielle de lire, de déchiffrer ce qui est écrit, de prendre connaissance du contenu d’un écrit. Ainsi, on lit bien sûr avec l’intention d’apprendre d’avantage, d’augmenter et de parfaire ses connaissances, de maîtriser mieux les connaissances acquises et de s’améliorer dans la vie pratique, pour mieux faire et mieux servir dans le domaine de la santé par exemple pour administrer des soins appropriés et adéquats.
Après avoir parcouru les concepts opérationnels clés, disons maintenant un mot sur la lecture dans la spécificité qui nous concerne.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
Il existe plusieurs phénomènes interrogeables dans les dépôts du savoir. Les faits examinés dans les bibliothèques des pays du nord se distinguent de ceux du sud. En effet dans les établissements du nord, plusieurs fais quantifiables et mesurables sont expliqués. Claude POISSENOT[14] parle en premier lieu du parallélisme entre la fréquentation et la pratique de la lecture publique en France. En second lieu Bruno MARESCA[15] argumente sur la mesure de l’audience, de la mutation liée aux technologies de l’information et de la communication et de la création des archives ouvertes. Enfin, Christophe EVANS[16] oriente sa vision sur les enquêtes et les explications de nature sociologiques, culturelles, économiques et technologiques liées à la lecture et la fréquentation des bibliothèques.
Dans notre pays, il existe une littérature qui tente d’examiner et d’expliquer les faits afférents à la lecture publique. Selon les données en notre possession, les écrits sur ce sujet se caractérisent par trois faits remarquables : les projets de création des bibliothèques pour encourager la lecture publique, l’élaboration des états des lieux de ces dernières et les déclarations sur la fréquentation de certaines bibliothèques. Nous prenons en compte quelques écrits congolais les plus récents sur la question.
En ce qui concerne la mise au point des projets, Christine DIALUNDAMA SUAMUNU[17] explique que le pays manque de bibliothèques scolaires avec des fonds documentaires intéressants, des livres adaptés aux usagers, d’activités d’initiation à la lecture ainsi que de personnel qualifié. Dominique AUZIAS et Jean Paul LABOURDETTE[18] pensent à la création d’un Centre de lecture et d’animation culturelle pour faciliter la lecture publique à Kindu. Bob BOBUTAKA BATEKO[19] démontre les efforts conjugués par la Banque Mondiale en créant un Centre d’Information pour développer et encourager la lecture publique en République Démocratique du Congo. Yves YUAN[20] insiste sur les dispositions prise par le Gouvernement français pour mettre sur pied des bibliothèques et centres de documentation afin de soutenir la lecture publique, pratiquement absente. Et enfin Eddie TAMBWE KITENGE BIN KITIKO[21] fait allusion aux différentes techniques destinées à l’analyse et à l’interprétation des situations qu’on observe dans les bibliothèques en RDC.
En dehors des orientations liées à la création des bibliothèques pour encourager la lecture publique, d’autres écrits décrivant les états des lieux des projets de bibliothèques créés sont disponibles. Illustrons le cas le plus récent de Christophe DE CASSIOU-HAURIE et Jacques HELLEMANS[22] qui élaborent le bilan de la situation des bibliothèques en RDC. Leurs explications se limitent à l’état des lieux de la typologie de bibliothèques congolaises, à la question de la conservation des fonds, du statut de la formation et du profil des bibliothécaires.
Enfin, il y a très peu de recherches systématiques menées sur la fréquentation des bibliothèques. Toutefois, Jean Pierre MANUANA NSEKA[23] et Georges MULUMBA KALONGA[24] donnent des illustrations de leurs bibliothèques respectives. Leurs argumentaires consistent à lever l’équivoque selon lequel les congolais ne lisent pas.
D’une part Georges MULUMBA KALONGA[25], dans l’interview accordée à Radio Okapi, affirme que la consultation du livre traditionnel a un avenir rassurant au vu de la quantité de cartes d’abonnement qu’il signe. Toutefois, cette déclaration n’explique pas et ne catégorise pas non plus le lectorat. Nous pensons bien qu’une investigation en ce sens demeure utile pour lever définitivement l’équivoque.
D’autre part, Jean Pierre MANUANA NSEKA[26] tente également de rejeter la thèse et de lever l’équivoque sur les débats autour de la lecture. Par l’intermédiaire des données sur les usagers de sa bibliothèque, il confirme que les congolais lisent. Toutefois, ces données ne sont pas analysées par une publication systématique, pour dégager les tendances sur les catégories du lectorat.
Ce qui est aussi curieux pour Jean Pierre MANUNA NSEKA[27], c’est qu’il conseille, suggère et propose des actions pédagogiques pouvant aider à la création de types de bibliothèques (familiale, scolaire, municipale, universitaire) pour encourager tout le monde à la lecture. Il n’aborde pas systématiquement les faits quantifiables, notamment les acquisitions, les collections, la connectivité, les usagers, etc.
Pour conclure cette partie, il faut noter que la RDC est encore à l’étape de la consolidation des efforts pour créer des bibliothèques afin de cultiver et encourager la lecture publique. Nous n’avons pas trouvé d’écrits systématiques qui analysent, catégorisent et classifient la fréquentation des usagers. Par contre, il existe des déclarations sur la fréquentation des usagers. Donc, le champ d’action est encore inexploité. Pourtant, plusieurs faits mesurables et quantifiables peuvent être examinés au sein des bibliothèques, notamment les collections, les acquisitions, les personnels et les usagers tels que le précise Claude POISSENOT[28].
Notre exercice ne s’applique pas aux projets liés à la création des bibliothèques, ni à l’élaboration des états des lieux de ces dernières. Il porte sur l’analyse et l’interprétation des données liées aux usagers de la bibliothèque. C’est pour cette raison que nous avons intitulé cet article « la désaffection des professionnels de la santé dans la bibliothèque du Bureau de la Représentation de l’Organisation Mondiale de la Santé à Kinshasa ». La question de la satisfaction des usagers dans les bibliothèques constituerait une réflexion ultérieure.
OBJECTIF À ATTEINDRE
Notre investigation comporte trois objectifs à atteindre :
- décrire, analyser et interpréter les renseignements sur la fréquentation au sein de la bibliothèque de la Représentation de l’OMS en RDC ;
- démontrer si oui ou non il y a désaffection des professionnels de santé dans ladite bibliothèque ;
- confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle les professionnels de santé en RDC ne lisent pas.
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Notre investigation se limite aux usagers de la bibliothèque du Bureau de la Représentation de l’Organisation mondiale de la santé à Kinshasa. Elle couvre une période de deux ans, soit de janvier 2014 à décembre 2015.
L’analyse documentaire a été le leitmotiv de notre démarche. Cette approche a été renforcée par les méthodes bibliométriques et quantitatives. La bibliométrie nous a aidés à interpréter les données recueillies. La méthode quantitative nous a permis de récolter des données susceptibles d’être analysées et interprétées. L’analyse de cet échantillon nous a aidés à tester l’hypothèse de recherche tout en établissant des relations de causalité.
RÉSULTATS
Rappelons d’abord avec F. PARENT[29] et al. qu’il y a plus de 350 écoles des Instituts de Techniques Médicales et plus de 30 Institutions d’enseignement supérieur en Techniques médicales au pays. De plus, les enquêtes que nous avons menées dans le cadre d’AHILA[30] attestent que Kinshasa renferme plus de 100 institutions universitaires et hospitalières n’ayant pas de bibliothèques.
A partir de nos différents répertoires d’entrées utilisateurs pour la période allant de janvier 2014 à décembre 2015, notre échantillon est constitué de 1365 abonnés toutes catégories confondues. Le tableau ci-dessous nous donne le profil de notre lectorat.
Source : Répertoires quotidiens d’accueils des usagers
Dans le présent tableau, il y a trois catégories de lecteurs :les chercheurs, les professionnels de la santé et les autres catégories de lecteurs.
- Chercheur : 1217 : le corpus est constitué d’élèves et étudiants de troisième graduat, de deuxième licence et de troisième cycle, ainsi que d’enseignants universitaires.
- Les professionnels de santé sont divisés en deux groupes : les médecins (60) et les infirmiers (18) formés, qui travaillent au sein des institutions hospitalières du pays.
- Les autres catégories sont constituées d’étudiants journalistes, juristes, économistes, etc. (70)
En termes de pourcentage, les données du tableau illustrent la tendance. Pour la distribution des usagers, nous avons utilisé la formule de la règle de trois. 1365/1365 X 100 = 100% des usagers. Les chercheurs représentent 1217 personnes sur 1365 usagers, ce qui nous donne donc les résultats suivants : 1217/1365 X 100 = 89,16% d’usagers. Cette catégorie d’usagers occupe la part la plus importante de notre échantillon.
La deuxième catégorie est représentée par les autres usagers, dont le nombre est de 70 sur 1365 usagers. Cela nous conduit à 70/1365 X 100 = 5, 13% d’usagers.
La dernière est divisée en deux groupes : les médecins et les infirmiers. Le premier s’élève à 60 abonnés pour deux ans sur 1365 usagers, soit 4,39 % du public. Et le deuxième est le plus faible, il est de 18 sur 1365 usagers pour deux ans, soit 1,32% d’usagers, donc cette catégorie couvre 5, 71% d’usagers.
Ainsi, pour mieux comprendre et appréhender le phénomène examiné, il est important d’établir un rapprochement entre les résultats obtenus et notre hypothèse.
DISCUSSION
Elle sera basée sur un rapprochement entre le phénomène observé de la désaffection de ces derniers par les professionnels de la santé, l’hypothèse émise, et les résultats d’enquêtes obtenus. Les typologies décrites par Claudine GARCIA-DEBANC[31] ne feront pas l’objet de la discussion. Rappelons d’abord les fondamentaux de la lecture continue.
La lecture continue cultive, informe et forme le lecteur. Elle s’effectue dans les dépôts du savoir humain, et informe des découvertes, des innovations et des changements dans la discipline. Elle permet d’être au fait de l’évolution théorique et pratique de sa discipline.
Les résultats obtenus par dépouillement de notre échantillon concernant la désaffection des professionnels de la santé sont éloquents. Les faits en rapport avec cette désaffection sont aussi paradoxaux que surprenants. Il faut noter d’abord que la capitale renferme plus de 22 institutions médicales et paramédicales universitaires. Ces dernières paraissent les plus attrayantes et saturées. Le nombre d’étudiants qui s’engagent dans le parcours est trop élevé. Trouver une place assise répondant aux normes classiques de fonctionnement d’un auditoire est une chance exceptionnelle. Pour assister aux cours, les étudiants montent sur les fenêtres, s’assoient à même le sol ou restent debout dans une chaleur accablante et étouffante. Les infrastructures d’accueil sont sous-proportionnées.
Il existe également un autre fait surprenant : les formations hospitalières (tant publiques que privées) qui emploient un grand nombre de professionnels de la santé, sont évaluées au-delà de 100 pour la seule ville de Kinshasa. Aucune d’elles ne dispose d’une bibliothèque actualisée. Au vu de ce qui précède, la question que l’on se pose est la suivante : où et de quelle manière les professionnels de la santé se documentent-ils ?
En ramenant cette question à nos données concernant les fréquentations, la réalité est tout à fait surprenante. Nous nous sommes rendus compte que les professionnels de la santé formés et en fonction viennent rarement à la bibliothèque. Pour une période de deux ans, de janvier 2014 à décembre 2015, nos répertoires ont démontré que la bibliothèque est plus fréquentée par les chercheurs que par les professionnels de la santé en exercice.
En effet, en appliquant les calculs de proportionnalité, nous obtenons les déductions suivantes. Sur un total de 1365 abonnés pour deux ans, les chercheurs représentent 89,16%. Tandis que les professionnels de la santé qui travaillent (toutes catégories confondues : médecins, infirmiers, laborantins, environnementalistes, biologistes, etc.) ne représentent que 5,71 % seulement du lectorat.
Si nous interprétons les chiffres des abonnements des professionnels de la santé au sein de notre bibliothèque, nous nous rendons compte que nous recevons un seul abonné professionnel sur 10 jours ouvrables. Si nous considérons que nous avons 250 jours ouvrables par an (ce qui revient à 500 jours sur deux ans) nous obtenons environ 0,2 usager par jour, soit moins d’un seul abonné professionnel sur 5 jours ouvrables par semaine. Ainsi, si nous appliquons la même logique aux abonnés chercheurs, nous obtenons 2,5. Si les chercheurs représentent 89,16 %, les professionnels de la santé qui travaillent ne représentent que 5,71 %.
Tel est le constat dressé au sein de la bibliothèque spécialisée en médecine du Bureau de la Représentation de l’organisation mondiale de la santé installé à Kinshasa. C’est au vu de cette observation que nous avons émis l’hypothèse selon laquelle « les professionnels de santé en RDC ne lisent pas ». Et effectivement, les résultats discutés ci-dessus confirment cette hypothèse.
Or, le domaine de la santé innove constamment sur le plan théorique, pratique et technique. En outre, les professionnels de santé rencontrent des cas nouveaux, variés et complexes. La solution à tous ces cas réside dans la recherche publiée dans des supports d’information conservés dans la bibliothèque. Celui qui n’accède pas à la bibliothèque ne peut donc pas se mettre à la page et reste ignorant de toute innovation ou de changement éventuel lié à son domaine.
Pour ce faire, la bibliothèque joue deux rôles différents pour les deux catégories de lecteurs. Pour la première, elle sert à soutenir son enseignement, sa formation, ses recherches et accompagner un travail universitaire. Dans ces conditions, nous parlons de la lecture obligée et circonstancielle liée aux besoins d’obtention des diplômes. Et pour la deuxième, elle est utilisée comme source de formation continue, d’affermissement, de la veille informationnelle et de la remise à niveau. Cette adaptation devrait correspondre à l’évolution du savoir et aux changements pratiques probables. Elle doit rester permanente et obligatoire
Nous venons donc de démontrer que les professionnels de la santé en fonction se désintéressent de la bibliothèque. Ils ne lisent pas. Or, nous vivons dans un monde marqué par une évolution perpétuelle et des changements permanents. Le domaine médical n’est pas resté immobile. C’est d’ailleurs là où le dynamisme scientifique est très important.
Fréquenter la bibliothèque permet d’accéder aux revues scientifiques et à la documentation actualisée, et ainsi d’être au courant de toute évolution.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La lecture est une activité intellectuelle cruciale et obligatoire pour tout professionnel. Elle le met à l’abri de l’ignorance, actualise son savoir-faire par rapport à l’évolution scientifique de son domaine et le rend compétitif et performant.
Notre enquête a porté sur le constat de la désaffection des professionnels de la santé dans les bibliothèques. Ce phénomène a attiré notre curiosité et nous a obligés à réfléchir sur la question afin de proposer des solutions.
Pour résoudre cette question, il serait utile que les institutions hospitalières :
se dotent de bibliothèques actualisées et d’un personnel qualifié et formé ;
réinstaurent obligatoires les activités des journées scientifiques hebdomadaires destinées à analyser, à présenter et à discuter de divers cas, et ce pour chaque catégorie de professionnels de la santé. Cela obligerait les professionnels à retourner à la bibliothèque.
Notre hypothèse est confirmée. Les professionnels de la santé en RDC ne lisent pas. La pratique du savoir acquise au banc de l’école demeure lacunaire. Et cela a des effets directs et des répercussions sur l’administration des soins de santé.
Pour la continuité de la science et pour avoir une vision globale des faits décrits dans cet article, une autre réflexion s’avère utile. Elle devra être menée pour recueillir les avis et considérations des populations concernées quant à leur degré de satisfaction de la qualité des soins dispensés par les professionnels de la santé.
[1] MUKALA KADIMA-NZUJI. Paroles et musique : pérennité du lien, dans : Notre librairie, 154, 2004, 17-19, p. 17
[2] Alcino DA COSTA cité par Antoine CHAR. La guerre mondiale de l’information [en ligne]. Québec, Presses de l’Université du Québec, 1999 [Consulté le 13/04/2016], p. 39. Disponible : http : http://books.google.fr/booksIsbn ?=276051627X
[3] Olivier BARLET, cité par Alpha Ousmane BARRY (Ed.). Discours d’Afrique. Volume 1 : pour une rhétorique des identités postcoloniales d’Afrique subsaharienne : Extrait des actes du colloque international à l’IUFM Fort-Griffon de Besançon, les 29, 30 et 31 mars 2007 [en ligne]. Paris : Presses Universitaires de Franche-Comté, 2009 [consulté le 14/05/2016], p. 309. Disponible : http://boobs.google.fr/books?isbn=2848672676
[4] DEE LEE cité par Emmanuel EKA MENGUE. Et les tyrans s’accrochaient au pouvoir : Roman. Paris : EKA MENGUE, 2015. [Consulté le 11/04/2016], p. 14. Disponible : http://books.google.fr/books?isbn=1326113496.
[5]LE ROBERT. Bibliothèque. In Le Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française : texte remanié et amplifié sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey. Nouvelle édition de Paul Robert. Paris : Le Robert, 2011 p. 248. (Collection : Nouveau Petit Robert). ISBN : 978-2-84902-766-0.
[6]Annie KUPIEC (Dir.). Bibliothèque et évolution. Paris : Cercle de la librairie, 1994 p.9. (Collection bibliothèque). ISBN : 2-7654-2549-2.
[7]UNESCO. Acte de la seizième conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie à Paris du 12 octobre au 14 novembre 1970 [en ligne]. Consulté le 15/03/2015. Disponible : http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13086&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.
[8] Jean-Max NOYER. Les sciences de l’information : Scientométrie, infométrie : pourquoi nous intéressent-elles ? [en ligne]. in : Solaris, n° 2, Presses Universitaires de Rennes, 1995. Disponible : http://gabriel.gallezot.free.fr/ solaris/d02/2noyer_1.html
[9] Gabriel PEIGNOT. Dictionnaire raisonné de bibliologie. Tome premier [en ligne]. Paris : Viller, 1802 [consulté le 12/03/2016], p.viii. Disponible : http://bookd.google.fr/books?id=2DoT9yXS-RwC.
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[11] CENTRE NATIONAL DE RECHERCHES TEXTUELLES ET LEXICALES (CNRTL). Bibliologie [en ligne]. In : Ortolang : outils et ressources pour le traitement optimisé de la langue. Mise en ligne 2012 [consulté le 16/04/2016]. Disponible : http://www.cnrtl.fr/definition/bibliologie.
[12] Robert ESTIVALS (Dir). La bibliologie scientifique appliquée[en ligne]. Paris : L’Harmattan, 2009[Consulté le 13/04/2013], p 22. (Collection : Recherches en bibliologie). Disponible : https://books.google.fr/books?isbn= 2296215521.
[13] ROBERT. Lecture. Op cit. p. 248.
[14] Claude POISSENOT. La fréquentation en question [en ligne]. In : bbf. 2010 [consulté le 12/4/2016]. 67 T. 55. N° 5. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-05-0067-013.pdf.
[15] Bruno MARESCA. Les enquêtes de fréquentation des bibliothèques publiques : a quelle méthodologie s’en remettre ? In : bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0014-003-pdf.
[16]Christophe EVANS et al. Mesurer l’audience des bibliothèques municipales : statistiques institutionnelles et enquêtes de population [en ligne]. In bbf 2006 [consulté le 14/03/2016]. T 51, n° 6. Disponible : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf--2006-06-0020--004.pdf.
[17] Christine DIALUNDAMA SUAMUNU. Le projet SESAM et les bibliothèques scolaires en RDC. In : IFLA 2012 Helsinki. 160 – surprising library - Public libraries, libraries for children and young Adults and School libraries and Resource Centers, Proceedings of 78 conference on [en ligne]. Consulté le 15/05/2016. 11 p. Disponible : www.ifla.org/post-wlic/2012/160-suamunu-fr.pdf.
[18] Dominique AUZIAS et Jean Paul LABOURDETTE. Congo RDC 2015 (avec cartes, photos plus accès des lecteurs) [en ligne]. Paris : Petit Fute, 2015 [consulté le 25/05/2016]. Disponible : http://books.google.fr/books?isbn=2746987201.
[19] Bob BOBUTAKA BATEKO. Ecrit, information et communication en République Démocratique du Congo : essai de bibliologie. Paris : Harmattan RDC, 2009, p. 183.
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[21] Eddie TAMBWE KITENGE BIN KITOKO. Recherches sur l’écrit (au Congo-Kinshasa) : essai de bibliologie. Paris : L’Harmattan, 2004, p 43. (252 p.) (Recherche en bibliologie).
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[24] Georges MULUMBA KALONGA. Culture, actualité/livre, bibliothèque. RDC : l’avenir du livre est rassurant, diffusée le 23/04/2016 à 08 h 51. Radio Okapi.
[25] Georges MULUMBA KALUNGA. Op cit.
[26] Jean Pierre MANUANA NSEKA. Op cit.
[27] Ibdem
[28] Claude POISSENOT. Op cit.
[29] F. PARENT et al. Référentiel de compétences infirmiers en RD du Congo dans le cadre du renforcement des ressources humaine en santé. In : Santé Publique 2006[consulté le 13/05/2016]/3 (vol. 18), p. 459-473. Disponible : doi10.3917/spub. 063.0459
[30] AHILA : Association for Health Information and Leaders in Africa
[31] Claudine GARCIA-DEBANC. Dialectique de la lecture : regards croisés [en ligne]. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail, 1996 [consulté le 12/04/2015], p. 105. (Collection : Question d’éducation). Disponible : https://books.google.fr/books?isbn=2858162700
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3. BOBUTAKA BATEKO, Bob. Ecrit, information et communication en République Démocratique du Congo : essai de bibliologie. Paris : Harmattan RDC, 2009.
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