Editorial
Anne-Marie Bertrand
Services à distance, bibliothèques numériques, « virtual reference desks »… Dans ce dossier, « distance » ne signifie pas non-présence ou éloignement – même si un article sur la distance culturelle ne l’aurait pas déparé. « Distance » signifie simplement par voie électronique, puisque cette technique semble en voie de cannibaliser toutes les autres formes de communication.
La présentation de la bibliothèque, de son actualité, de son fonctionnement, mais bien sûr le catalogue, mais aussi les répertoires de signets, mais aussi l’accès à des ressources électroniques (de la bibliothèque, de l’université ou externes), mais encore de l’information sur profil, personnalisée, mais enfin la fourniture de renseignements : la panoplie des services proposés est large – pas encore assez au goût des observateurs qui suggèrent la création d’autres services, des espaces de dialogue, le courrier des lecteurs, des débats…, ou bien davantage de contenus, d’accès à des textes, manuscrits ou imprimés. Plus d’interactivité et plus de documents.
Un site web peut-il remplacer une bibliothèque ? Oui, disent Françoise Gaudet et Claudine Lieber qui affirment : « Le site de la bibliothèque est la bibliothèque 1. » Non, écrit Michel Melot, pour qui la place symbolique de la bibliothèque dans la société d’aujourd’hui se renforce « dans les proportions mêmes où cette communauté perd ses attaches et ses repères, et lutte contre sa dispersion. Aujourd’hui que l’écrit s’envole, la bibliothèque reste 2 ». L’articulation entre le réel et le virtuel est encore nouvelle, mouvante et bien peu connue. Mouvement de balancier classique, la dématérialisation des textes et de l’information s’accompagne d’une demande croissante d’accompagnement individualisé. Les services à distance cohabitent avec des services « d’hyper-proximité » : car, au-delà des services, il s’agit toujours de combler la distance avec les usagers. Avec les usagers ou avec les collègues : la BnF organise tous les ans sa journée des pôles associés, l’ABES sa journée réseau. Être à distance sans être distant : dans distance, il y a du topographique et du relationnel.
La documentation numérique apporte beaucoup aux bibliothèques, en termes de rapidité de transmission, de capacité de stockage, d’accès à de multiples sources d’informations, en termes de services rendus à leurs usagers. Mais elle a aussi un coût, le coût paradoxal que paye la communauté scientifique pour avoir accès à ses propres productions, comme le souligne Claude Jolly. Le coût, aussi, de l’éphémère, puisque « l’activité numérique peut sembler produire de l’oubli », se mettant « au service d’un éternel présent, sans épaisseur » (Patrick Bazin) 3. Communiquer sans transmettre ?