Journées nationales du réseau des formateurs en bibliothèques
Paris, 25 et 26 janvier 2018
Co-organisées par l’ABDU et le groupe de formateurs Ile-de-France, ces premières journées parisiennes, (#JNFormateursBib) sur le thème « travailler en réseau », ont permis de rassembler au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) une cinquantaine de bibliothécaires formateurs des établissements français de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les organisateurs, obligés de refuser de nombreuses demandes – ce qui indique une attente réelle de la communauté des formateurs – formulent le souhait que ces journées « inaugurales » trouvent une suite, comblant ainsi le manque laissé par la fin des « Rencontres Formist » 1.
Le speed dating initial a permis de briser la glace et de faire se rencontrer des collègues venus de Bordeaux, Strasbourg, voire Bruxelles, arrivant dans un état d’esprit ouvert : ces rencontres étaient basées sur un principe d’échange de pratiques en petits ateliers. La première partie, à travers six ateliers, a interrogé l’animation d’un réseau de formateurs. La seconde journée a permis de revenir sur la notion de coopération et sur les compétences des formateurs et invitait Brigitte Simonnot, professeure en SIC, à observer les groupes au travail ; ce qui lui a permis de rappeler en conclusion que « les BU sont des dispositifs médiateurs ».
Réseaux et contexte
Damien Laplanche et Delphine Noël-Schmitt, du SCD de l’université de Strasbourg (Unistra), ont encouragé à « faire de son réseau un succès » : ils ont témoigné d’une coopération alsacienne qui a permis la mise en commun de supports dans un catalogue de pratiques pédagogiques, le recensement des compétences, une veille commune ainsi que l’organisation d’une journée rassemblant une centaine de formateurs. Dans leur « atelier cuisine », les ingrédients essentiels étaient relevés, repris par d’autres témoignages dans les ateliers concomitants : objectifs cohérents, portage académique, souci de la communication interne et externe par l’attention portée au nom du réseau, utilisation d’outils collaboratifs, rencontres régulières, avec une pincée d’ouverture d’esprit pour engager une dynamique de changement (exemple des pratiques ludo-pédagogiques du réseau parisien). Pour adapter cette recette, la définition d’objectifs précis, l’incarnation géographique du réseau, les moyens matériels (dont un budget) et le temps 2 ne peuvent suffire s’il n’y a pas une reconnaissance du travail accompli ensemble et sans donner envie de participer au réseau, notamment par la convivialité, qui permet d’entretenir la motivation.
Autour des expériences de fusion d’universités (Bordeaux et Paris Sorbonne-Nouvelle), les collègues ont témoigné d’opportunités : recrutement d’ingénieur pédagogique, portage par un groupe de travail aboutissant à ancrer les formations dans les maquettes, ou apports des coopérations antérieures ayant permis de créer des échanges réguliers et un partage de pratiques.
À travers la présentation des Urfist, qui ont développé des actions collaboratives (veille, journées d’étude) en lien avec la recherche, Claire Denecker a illustré l’évolution de ce réseau, avec la récente constitution d’un Groupement d’intérêt scientifique, qui doit permettre de porter les recherches menées pour répondre aux demandes du terrain – tant pour progresser dans la formation des formateurs que pour élucider les thèmes ou les objets de formation. Son atelier a questionné les motivations du formateur 3 et son intégration dans un groupe, et a souligné l’importance d’un accompagnement (voire d’un compagnonnage par l’observation ou la co-animation), d’une information claire sur les aspects matériels et pédagogiques, à travers mémento et plan de formation, et d’une reconnaissance : le formateur hésitant peut être encouragé et apprécier le binôme avec un formateur plus aguerri, qui hésitera moins à innover.
Permanences et innovations
En matière d’innovation, Damien Belvèze, initiateur des « CryptoPartyRennes », posait la question de l’implication des bibliothécaires dans la formation à la protection des données individuelles. Ce sujet, nouveau pour les bibliothécaires, peut être abordé à partir de la pratique des étudiants – « Savez-vous vraiment ce que fait G… avec vos données personnelles ? » – pour se centrer sur les navigateurs, les moteurs de recherche, les logiciels ou pour aborder les identités numériques dans les réseaux professionnels et grand public… Le champ des formations possibles s’allonge avec les sollicitations autour des « fake news », comme le relevait Olivier Faron, administrateur du CNAM venu soutenir les participants.
Bernard Pochet, du réseau belge InfoLIT, a rappelé l’intérêt des référentiels « toujours en work in progress », qui indiquent les objectifs des formations. En exposant la genèse du projet « 5 piliers de la maîtrise de l’information » (5PMIS) mis en ligne en septembre 2017, il a souligné les bénéfices du travail d’équipe autour d’un tel outil permettant de créer une cohésion, d’identifier les besoins de formation des formateurs et de rappeler la question des curriculums et des évaluations.
Cette question de l’évaluation fut reprise le lendemain, pour en rappeler les différents types : évaluation des étudiants en amont sur les prérequis, sondage à chaud de leur ressenti – qu’il faut parfois relativiser mais qui permet d’améliorer la pratique –, usage des focus groups, etc. Une difficulté demeure, celle de la mesure de l’impact réel des formations, malgré l’intérêt des synthèses avec les enseignants sur les compétences acquises. Il semble toujours nécessaire d’engager de véritables protocoles de recherche et d’enquêter sur de grosses cohortes, comme le fit notamment Alain Coulon à la fin des années quatre-vingt-dix. « Évaluer pour évoluer » apparaît indispensable, par la mesure de l’activité et la diffusion des indicateurs auprès des enseignants.
Coopération avec les équipes pédagogiques
La question sensible du lien avec les enseignants est revenue tout au long de la seconde journée. Si Laurence Tarin a témoigné de l’écosystème spécifique de l’École des Mines, où toutes les personnes possédant une compétence sont susceptibles d’assurer un enseignement, les participants ont rappelé l’importance d’arriver à exister dans l’équipe pédagogique, c’est-à-dire de participer à l’évaluation ou de travailler en binôme avec un enseignant. Pour cela, le travail de terrain permet d’identifier les personnes réceptives ou « amies », de soigner les relations interpersonnelles, de participer au dépôt des supports dans les plateformes pédagogiques comme Moodle, mais aussi de mieux connaître les contraintes et les objectifs des enseignants afin de s’imposer.
En fin de journée, Brigitte Simonnot a d’ailleurs souligné que la notion d’équipe pédagogique n’est pas acquise pour les enseignants eux-mêmes et a conseillé plusieurs leviers : participation à toutes les instances (CFVU, CA…), mise en place de dispositifs « d’intéressement et d’alliance » grâce à des travaux d’étudiants sur la bibliothèque ou par l’interpellation de chercheurs pour des recherches portant sur la bibliothèque et ses formations (sur l’évaluation par exemple). En parallèle, une vraie communication est nécessaire et peut se faire en créant des temps de rencontres, de travail, de réflexion ou de respiration communs ou par l’accueil d’événements pédagogiques (Apéro-TICE). De telles actions permettent de faire valoir le potentiel de la bibliothèque, de ses formateurs et de proposer des services comme l’accueil et la formation des nouveaux enseignants. Brigitte Simonnot rappelait également les conclusions du Lisec 4 sur les liens à tisser entre les professionnels de la documentation et les enseignants-chercheurs, pour une reconnaissance des compétences de chacun.
Compétences, labellisation et certification
La reconnaissance des compétences du formateur-bibliothécaire est d’ailleurs l’objet du projet de labellisation commun aux établissements alsaciens, puis de certification portée par les CRFCB et l’Enssib, dont témoignaient les collègues de l’Est. « Conception et animations sont les deux piliers des compétences des formateurs » disaient-elles : la maîtrise de la discipline d’intervention n’est pas prioritaire, tandis que la méthodologie est à la base de l’apprentissage. L’expérience de labellisation commune a, selon Anne Boraud (SCD de l’UHA), permis de lancer le projet de certification du bibliothécaire-formateur, reconnu comme une spécialisation du métier 5. Mathilde Barthes, directrice de Medial, a expliqué comment un cycle complet de stages pour les formateurs est devenu stimulant pour l’ensemble de la communauté. Cette future certification à l’échelle nationale ne sera pas un examen, mais une validation de traces de la compétence en action… Le processus est en cours d’élaboration. En attendant, il est possible à d’autres établissements de se lancer dans une labellisation, à condition de s’associer, cette action commune garantissant une certaine conformité des processus, et de cibler un type de compétences 6. Pour démarrer, il faut des candidats – car c’est l’agent lui-même qui lance le dispositif – puis procéder à un état des lieux des compétences de chaque agent demandeur, à objectiver, à lister puis à faire valoir auprès des services RH en accord avec la fiche de poste. Ce projet semble très important pour aider à faire reconnaître le bibliothécaire comme interlocuteur pédagogique.
Ces rencontres, toniques, ont eu le mérite de motiver davantage les participants, encouragés par le vice-président Formation de la CPU, Olivier Faron, qui accueillait ces journées et qui a notamment insisté sur le rôle des professionnels de bibliothèques, face aux « fake news qui nous menacent », et sur la place des bibliothèques dans les questions d’innovation pédagogique. C’était également l’occasion de relancer une dynamique de réseau entre les formateurs, avec la création d’une liste de diffusion : competencesinformationnelles@groupes.renater.fr. Gardons l’espoir que des candidats se soient présentés pour organiser les prochaines journées !