Série « 50 ans du Centre international de l’ISSN », n° 4/4 • L’importance des identifiants pérennes : la vision de Latindex

Carlos Authier

Ana María Cetto

José Octavio Alonso-Gamboa

Résumé

Les identifiants pérennes (PID) sont essentiels pour éviter la perte de contenu due aux changements d’URL (Uniform Resource Locator), en garantissant l’accessibilité et la citabilité permanentes des articles et en facilitant l’interopérabilité entre les systèmes. En outre, les PID renforcent la transparence et la traçabilité de la production scientifique, des aspects essentiels à l’ère numérique. Latindex, qui promeut des normes de qualité éditoriale en accord avec l’accès ouvert non commercial, attache une importance particulière aux PID gratuits, en se basant sur le principe que l’accès à la connaissance doit être libre et ouvert, en particulier dans les régions où les ressources économiques sont limitées. Cet article donne un aperçu de l’utilisation des PID en Amérique latine sur la base des données de Latindex et du DOAJ (Directory of Open Access Journals). Il fait référence à l’initiative développée en Argentine pour fournir aux revues scientifiques ARK (Archival Resource Key), un identifiant pérenne gratuit pour les revues. ARK est une alternative pertinente au DOI (Digital Object Identifier), largement utilisé dans le monde des revues scientifiques, qui a un coût que de nombreuses revues latino-américaines ne peuvent pas assumer.

Introduction

Les identifiants pérennes (PID) sont des éléments essentiels de la gestion de l’information numérique, en particulier dans les domaines universitaire, scientifique et culturel. Ils se caractérisent par une persistance garantie, assurant que la référence à la ressource reste inchangée même si son emplacement physique change. Ils garantissent l’unicité de la relation, en attribuant une identification unique à chaque ressource afin d’éviter toute ambiguïté ou duplication. Ils intègrent également des systèmes de résolution qui renvoient dynamiquement à la version actuelle de la ressource, et sont souvent liés à des métadonnées descriptives qui enrichissent leur contexte.

Leur importance pratique réside dans leurs caractéristiques suivantes :

  • ils favorisent la science ouverte et la reproductibilité en permettant des citations précises et vérifiables de toute production numérique ;
  • ils permettent l’interopérabilité entre des systèmes hétérogènes, en connectant les infrastructures grâce à des normes universelles ;
  • ils soutiennent la conservation numérique à long terme, en garantissant un accès continu aux ressources essentielles.

En Amérique latine, les éditeurs manquent de ressources pour avoir accès au DOI, le PID le plus répandu à l’heure actuelle, en raison de son coût. Les 275 USD (dollar américain) d’abonnement par an et le coût supplémentaire de 1 USD par DOI ne peuvent être payés par les revues latino-américaines, qui adoptent généralement un modèle non commercial, ce qui signifie qu’elles ne génèrent pas de revenus du traitement des articles ou des ventes de revues.

Cet article présente une brève conceptualisation des PID, leurs principales caractéristiques et fonctions ainsi que les critères de leur évaluation. Il présente les principaux systèmes PID et examine en particulier les avantages et les limites de l’utilisation de l’ARK par rapport aux DOI, en justifiant la préférence pour l’ARK dans les contextes à faibles ressources. Une analyse quantitative de l’utilisation des PID en Amérique latine est présentée à partir de données recueillies dans le DOAJ et le Latindex Catalogue 2.0, qui couvrent tous deux une grande partie des revues scientifiques latino-américaines. Il analyse également les conditions d’utilisation du PID dans les différents systèmes d’indexation. Enfin, à titre d’étude de cas, il examine l’historique et le développement technique d’ARK en Argentine et conclut sur les avantages de l’adoption d’ARK à grande échelle dans la région.

Caractérisation des PID et critères d’évaluation

Les PID sont des références numériques uniques attribuées à des ressources, telles que des articles ou des données, qui garantissent un accès pérenne et précis, résolvant ainsi des problèmes critiques tels que la fragilité des liens Web traditionnels et le manque de normalisation des citations. Ils sont essentiels car ils constituent l’épine dorsale d’une infrastructure numérique fiable : en garantissant la persistance (ils ne changent pas même si la ressource est déplacée), l’unicité (ils évitent les ambiguïtés) et la résolution dynamique (ils redirigent vers l’emplacement courant où est hébergée la ressource), ils permettent des citations scientifiques vérifiables, la conservation à long terme, l’interopérabilité entre les systèmes, l’attribution de la paternité et la gestion transparente des droits, qui sont fondamentales pour l’intégrité, la traçabilité et l’accès durable à la connaissance.

En fournissant des mécanismes pour l’identification non ambiguë, pérenne et fonctionnelle des objets, les PID constituent une infrastructure primordiale pour la représentation, la formalisation, la circulation et l’opérationnalisation des connaissances scientifiques (Wittenburg, 2019). Elles permettent de référencer formellement et de manière univoque des artefacts de toute nature, qu’il s’agisse de constructions abstraites, d’entités physiques, de personnes, d’institutions ou de composants de médiations communicationnelles, et garantissent que toute composante du système scientifique peut être identifiée, représentée et utilisée, facilitant ainsi la réutilisation, la citation et la socialisation des productions, des outils et des résultats (Authier et Ferreyra, 2023).

Les PID doivent de préférence répondre aux critères suivants :

  • durabilité : une capacité à être techniquement, organisationnellement et économiquement durable ;
  • interopérabilité technique : bénéficier d’une conception technologique en adéquation avec les infrastructures de réseau disponibles, les mécanismes de fourniture de services automatisés et les normes de description des ressources numériques ;
  • neutralité technologique : avoir des caractéristiques permettant de fonctionner de manière non dépendante par rapport à des technologies sous-jacentes spécifiques ou à d’autres contraintes (données, métadonnées ou services propriétaires ou restrictifs) ;
  • fiabilité juridique : une capacité à éviter les obstacles juridiques telles que des restrictions d’accès ou des blocages de service ;
  • portabilité fonctionnelle : pouvoir être utilisés dans différents contextes et sur différents supports ;
  • portée : être applicable à différentes entités, par exemple des objets numériques, des objets physiques ou des parties d’objets ;
  • documentation : proposer aux utilisateurs un ensemble de documents explicitant les conditions de mise en œuvre ;
  • souveraineté : opérer selon un modèle de gouvernance transparent ;
  • robustesse : bénéficier d’une architecture éprouvée et évolutive ;
  • interopérabilité diachronique : posséder des caractéristiques permettant une articulation avec des infrastructures en évolution.

Un bon identifiant pérenne doit être unique, immuable et lié de manière fiable à la ressource grâce à une infrastructure robuste. Il doit être associé aux métadonnées descriptives essentielles (auteur, provenance, licence), fonctionner selon des politiques de gestion et de préservation claires, être soutenu par un modèle financier stable et mis en œuvre avec des normes ouvertes qui garantissent l’interopérabilité. Il doit bénéficier d’un soutien institutionnel qui garantit sa pérennité indépendamment des changements technologiques, organisationnels et politiques, pour éviter l’obsolescence et garantir un accès perpétuel.

Les principaux systèmes de PID

Dans l’univers des identifiants, nous considérerons que les systèmes suivants sont fondamentaux.

ISSN (International Standard Serial Number)

L’ISSN a été créé en 1975. Il est attribué par des agences nationales lorsque le pays en possède une (actuellement 96 pays sont membres du réseau). Ces agences sont chargées d’identifier les ressources continues publiées dans leur pays, de leur attribuer l’identifiant ISSN, de les enregistrer dans la base internationale gérée par le Centre international et de publier les données. Lorsque le pays n’a pas d’agence nationale, c’est le Centre international situé à Paris, en France, qui attribue les ISSN aux publications.

DOI (Digital Object Identifier)

Le DOI est un identifiant attribué à un objet physique, numérique ou abstrait. Conçu pour être utilisé à la fois par les humains et les machines, il déploie un système alphanumérique pour identifier de façon permanente et unique un document tel qu’un article scientifique, une publication, un livre ou tout autre type de contenu. Il a été développé à partir de 1997, en utilisant l’infrastructure technique du système Handle créé par la Corporation for National Research Initiatives (CNRI) aux États-Unis. Depuis 1998, le système DOI est géré par l’International DOI Foundation (IDF), une organisation à but non lucratif constituée aux États-Unis mais opérant à l’échelle internationale. L’adoption du DOI a été déterminante dans le monde universitaire et celui de l’édition. C’est actuellement le système d’identification pérenne le plus largement utilisé.

Handle

Handle est un système de résolution d’identifiants pérennes développé en 1994 par le CNRI. Son objectif est d’attribuer et de gérer des références uniques et pérennes à des objets numériques, indépendamment de leur emplacement ou de leur format. Le système Handle a été adopté comme base technologique du système DOI à partir de 1997, et continue d’être son infrastructure sous-jacente. Depuis 2014, le système Handle est coordonné au niveau mondial par la Fondation DONA, basée à Genève, en Suisse.

Le dépôt numérique du CONICET (Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas) en Argentine utilise Handle. CONICET Digital rassemble la production résultant des activités scientifiques des chercheurs du CONICET pour une consultation libre et gratuite. Les documents comme les ensembles de données sont compatibles avec Handle. Le CONICET a opté pour le système Handle pour des raisons économiques, Handle étant moins coûteux que le DOI. Ce sont les mêmes raisons qui ont motivé la création de l’identifiant ARK-CAICYT (voir infra).

ARK (Archival Resource Key)

ARK a été créé à l’Université de Californie en 2002 par John Kunze. À ce jour, 1 100 organisations ont attribué 8,2 milliards d’ARK. Les ARK sont des PID décentralisés, ouverts, conventionnels et gratuits qui sont opérationnels en moins de 48 heures. Ils identifient tout objet numérique, physique ou abstrait. Il peut s’agir d’objets qui n’existent pas encore, mais qui doivent être référencés à partir de ceux qui sont en cours de création, comme un lien d’un projet d’article vers un ensemble de données en préparation, ou un lien d’une lettre numérique archivée vers un instrument de recherche en cours de constitution.

ORCID (Open Researcher and Contributor ID)

ORCID est une organisation internationale à but non lucratif financée par les subventions de ses organisations membres. ORCID est un identifiant gratuit pour les chercheurs, qui en sont propriétaires et qu’ils contrôlent. ORCID permet de distinguer un chercheur d’un autre en cas d’homonymie par exemple. Il peut être lié aux informations professionnelles du chercheur, telles que les affiliations, les subventions reçues, les publications, les évaluations par les pairs, etc. Il peut également être utilisé pour partager des informations avec d’autres systèmes en interopérant avec différentes plateformes, ce qui permet à l’auteur d’être reconnu pour toutes ses contributions, d’économiser des ressources d’alignement des données et de réduire le risque d’erreurs.

La Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA) reconnaît plusieurs systèmes d’identifiants utiles à la communauté des bibliothèques, et notamment Persistent Uniform Resource Locator (PURL), DOI, Handle, ARK et ISSN (IFLA, 2021).

Les PID sont des outils essentiels dans les dépôts institutionnels, car ils facilitent l’accès, la visibilité et la préservation à long terme du contenu scientifique. Leur mise en œuvre est considérée comme une bonne pratique dans le cadre de la science ouverte et de l’interopérabilité. Plusieurs études ont souligné l’importance d’aligner ces stratégies sur les initiatives nationales et le développement d’infrastructures coordonnées (Knudsen, 2025).

ARK ou DOI : quel identifiant pour les publications scientifiques ?

Les avantages du DOI sont nombreux. Il fournit un identifiant unique et immuable, qui garantit la persistance et l’accessibilité à long terme des ressources numériques. En outre, il facilite la citation des sources et la création de liens vers les documents, ce qui améliore la visibilité et la traçabilité de la recherche. Il offre également des métadonnées associées qui fournissent des informations détaillées sur la ressource, telles que l’auteur, le titre, la date de publication, entre autres, ce qui contribue à améliorer l’interopérabilité entre les systèmes et la recherche d’informations. Cependant, il présente également des limites et des inconvénients, notamment le coût associé à l’attribution et à la maintenance des identifiants, ainsi que la dépendance à l’égard d’organisations étrangères pour l’administration et la résolution des problèmes. En tant que fondation basée aux États-Unis, il ne peut pas être attribué à des pays soumis à des sanctions américaines. C’est le cas de l’Iran, qui a été contraint de développer son propre système d’identification pour ses articles scientifiques (Teymourikhani et Akbari-Daryan, 2015) et Cuba (Alfonso Manzanet, 2020).

Pourquoi utiliser ARK au lieu de DOI pour identifier les publications scientifiques ? Tout d’abord, les revues scientifiques non commerciales à accès libre (modèle diamant) ont souvent des difficultés à obtenir des financements, et l’avantage principal de l’ARK est qu’il est gratuit.

Avec ARK, il est possible de créer des identifiants sans métadonnées ou avant même qu’un objet numérique n’existe. Il est possible de garder l’identifiant privé pendant que les données et les métadonnées évoluent. Un identifiant supplémentaire peut être attribué, comme un DOI, un Handle, etc. En outre, le protocole ARK permet de créer des identifiants plus courts, car il prend en charge l’utilisation des majuscules et des minuscules pour former des chaînes plus denses. Et, fondamentalement, l’utilisation d’un PID avec une structure ouverte est conforme aux valeurs de la plupart des organisations scientifiques latino-américaines.

Enfin, si le contexte change et que la revue reçoit des financements, il est possible d’attribuer rétrospectivement des DOI aux articles déjà identifiés par des ARK.

Enquête sur l’utilisation des PID en Amérique latine

Afin de connaître l’utilisation des PID par les revues latino-américaines, les auteurs ont mené une enquête à partir des données fournies par le Directory of Open Access Journals (DOAJ) et le Catalogue 2.0 de Latindex.

Le DOAJ est un répertoire en ligne qui donne accès à des revues de haute qualité, en libre accès et évaluées par des pairs. Toutes ses données sont disponibles gratuitement. Son choix en tant que source se justifie par sa couverture mondiale, son prestige et la possibilité de télécharger les notices des revues dans leur intégralité.

En novembre 2023, le DOAJ contenait des informations sur 17 602 revues, provenant de 130 pays, publiées en 80 langues. Environ 40 % des revues utilisaient le DOI. Moins de 1 % d’entre elles utilisaient d’autres identifiants tels que ARK, Handle ou PURL. Les 60 % restants n’utilisaient aucun identifiant pérenne.

Cette étude réalisée par le DOAJ reflète l’utilisation marginale de PID autres que le DOI. Le deuxième PID le plus utilisé est Handle, dont le coût est inférieur à celui du DOI. Cependant, seules 49 revues l’utilisent, ce qui représente 0,27 % du total. En troisième position, on trouve ARK, qui n’entraîne aucun coût pour les revues mais exige qu’elles mettent en œuvre leur propre résolveur. Seules 16 revues l’utilisent (0,09 %). En quatrième position se trouve PURL, utilisé par seulement 4 revues (0,03 %).

Le Catalogue 2.0 est une base de données sélective du système Latindex. Pour faire partie du Catalogue, les revues doivent se conformer à une méthodologie basée sur 38 critères de qualité, dont l’un (le critère 36) fait référence à l’utilisation d’identifiants de ressources uniques (URI). Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, son inclusion parmi les critères encourage son adoption par les éditeurs et permet d’évaluer l’avancement de l’utilisation d’outils numériques dans les revues indexées.

Les données du Catalogue 2.0 ont été obtenues par des recherches avancées dans la base et extraites au format CSV. Toutes les revues latino-américaines figurant dans ce catalogue ont été identifiées et comparées à celles qui respectent la caractéristiqueФ36.

Le tableau 1 montre que 72 % des revues du Catalogue 2.0 utilisent un PID, tandis que dans la DOAJ, ce pourcentage est de 60 %. L’analyse par pays dans les deux bases de données révèle que les pays ayant un plus grand nombre de revues enregistrées ont, en général, un pourcentage de conformité plus faible. En revanche, les pays qui comptent moins de revues dans les deux systèmes, comme le Honduras, le Panama ou l’Uruguay, enregistrent des niveaux élevés d’adoption des PID.

Dans le cas de l’Argentine, l’utilisation des PID est comparable dans les deux plateformes, avec des valeurs légèrement supérieures à 50 %. Il faut souligner qu’une autre étude récente a montré que 67 revues argentines utilisaient ARK (Authier et Ferreyra, 2023).

Le Brésil se distingue comme un acteur important, se classant troisième en termes de revues indexées dans le DOAJ et premier dans le Latindex. Bien que le taux de conformité au critère d’utilisation des PID pour les revues brésiliennes soit proche de 60 % dans le DOAJ et de 80 % dans le Latindex, il faut noter que le nombre de revues brésiliennes enregistrées dans le DOAJ est nettement plus élevé.

Autre pays notable, Cuba éprouve des difficultés à couvrir les coûts d’adhésion à des agences telles que Crossref, qui exigent des paiements en devises étrangères. Si l’on ajoute à cela les restrictions budgétaires auxquelles sont confrontées les revues cubaines, il en résulte un faible taux d’adoption des PID avec 11 % des revues cubaines dans le DOAJ utilisant un PID et seulement 5 % dans Latindex.

Dans le Catalogue 2.0 de Latindex, il n’est pas possible d’identifier le type de PID utilisé par les 1 894 revues qui satisfont au critère no 36. Cependant, si l’on considère les données du DOAJ – où l’utilisation des PID autres que le DOI est marginale –, il est probable qu’il en soit de même pour les revues de Latindex. Pour illustrer cette hypothèse, nous avons repris les résultats d’une étude menée en 2022 sur 195 revues mexicaines du Catalogue 2.0 (Alonso Gamboa et Reyna Espinosa, 2022). L’étude a conclu que toutes les revues utilisant des PID n’utilisaient que le DOI, sans aucune mention de l’utilisation d’autres PID.

Tableau 1. Revues latino-américaines avec PID présentes dans le DOAJ et le catalogue Latindex (2025)

Répertoire des revues en libre accès (DOAJ)

Latindex (Catalogue 2.0)
PaysNombre total de revuesAvec PID (pourcentage)Nombre total de revuesAvec PID (pourcentage)

Argentine

379

54 %

528

53 %

Bolivie

8

100 %

14

71 %

Brésil

1 646

55 %

365

83 %

Chili

166

57 %

213

89 %

Colombie

433

58 %

134

96 %

Costa Rica

76

72 %

99

80 %

Cuba

123

11 %

77

5 %

Équateur

98

78 %

319

69 %

El Salvador

7

71 %

14

43 %

Guatemala

3

67 %

22

59 %

Honduras

4

100 %

11

100 %

Mexique

215

62 %

386

73 %

Nicaragua

13

61 %

23

83 %

Panama

5

80 %

37

95 %

Paraguay

28

82 %

22

64 %

Pérou

126

75 %

240

91 %

Puerto Rico

4

100 %

10

30 %

République dominicaine

8

88 %

16

69 %

Uruguay

33

88 %

54

94 %

Venezuela

41

71 %

32

47 %

TOTAL

3 423

60 %

2 616

72 %

Systèmes d’indexation et PID

Dans le cadre de ce travail, les auteurs ont analysé l’utilisation des PID comme critère d’inclusion dans différents systèmes d’indexation : Latindex Catalogue 2.0, Redalyc, DOAJ, Dialnet, SciELO et le Núcleo Básico de Revistas Argentinas (CAICYT-CONICET). Les résultats de cette analyse sont résumés dans le tableau 2.

Le seul indexeur qui exige l’utilisation d’un PID est SciELO. Le lien vers le texte intégral présent dans les métadonnées du DOI de Crossref soumis par les revues doit contenir l’URL du texte intégral de l’article dans SciELO en plus d’autres URL pour en garantir l’accès. Les articles multilingues doivent avoir des DOI différents pour chaque version et l’élément Crossmark doit être utilisé pour enregistrer une nouvelle version de l’article. Le DOI doit être spécifié dans les versions XML et PDF des fichiers, conformément aux lignes directrices de Crossref pour l’affichage des DOI. Tous les preprints ont un DOI et une notice dans Crossref, ce qui garantit l’interopérabilité et la visibilité dans le flux d’information global. Dans SciELO Data, lorsqu’un jeu de données est créé, sa version préliminaire est identifiée comme brouillon par Dataverse. Cette version reçoit immédiatement un DOI, qui sera enregistré et activé après la publication du jeu de données. Ce DOI sera distinct du DOI de l’article, car ils sont considérés comme des objets différents et donc citables et gérables séparément.

Latindex, Redalyc et DOAJ considèrent l’emploi des PID comme un critère d’inclusion et encouragent leur utilisation, mais aucun de ces systèmes ne les rend obligatoires. En revanche, Dialnet et le noyau de base des revues argentines (NBRA) ne font aucune mention ou suggestion spécifique à cet égard, comme le montre le tableau 2.

La plupart de ces services n’exigent donc pas l’utilisation des PID car le DOI, l’identifiant le plus utilisé, implique un investissement que de nombreuses revues latino-américaines ne peuvent pas faire. C’est pourquoi il est essentiel de disposer d’alternatives telles que ARK. Cela permet aux articles publiés dans les revues latino-américaines d’accroître leur visibilité et leur accès, d’être repérés par les moteurs de recherche universitaires, d’être liés à différents référentiels et, en général, d’être intégrés dans un environnement international de science globale où les PID sont déjà la norme.

Tableau 2. Utilisation du PID comme critère d’inclusion des revues dans les systèmes d’indexation

Indexeur

Citation/Suggestion

Obligatoire

Latindex (Catalogue 2.0)

36. Utilisation d’identifiants de ressources uniformes. Tous les articles publiés doivent utiliser des identifiants de ressources uniformes (URI), par exemple des identifiants tels que Handle, Digital Object Identifier (DOI) ou Archival Resource Key (ARK).

Non

Redalyc

5.9 Identifiant de ressource numérique (DRI)/CAV. Tous les articles doivent avoir un identifiant d’objet numérique (DOI, Handle, etc.).

Non

DOAJ

Les articles doivent utiliser des identifiants pérennes. Les plus couramment utilisés sont DOI, ARK ou Handle. Tous les permaliens doivent fonctionner correctement.

Non

Dialnet

Non

Non

SciELO

Oui

Oui

Noyau de base des revues argentines (NBRA)

Non

Non

Étude de cas : ARK-CAICYT en Argentine

L’Amérique latine a été pionnière dans la mise en œuvre de l’accès ouvert. Face à la demande des éditeurs scientifiques argentins qui avaient de sérieuses difficultés à acquérir des DOI, le Centre argentin de l’information scientifique et technique (CAICYT), dépendant du Conseil national de la recherche scientifique et technique argentin (CONICET), a initié en 2018 une expérience pilote pour créer une infrastructure permettant d’attribuer des identifiants uniques, pérennes et gratuits aux articles.

Le choix s’est porté sur ARK, l’un des identifiants reconnus par l’IFLA, qui peut être attribué non seulement aux articles scientifiques, mais aussi aux images, aux textes, aux ensembles de données et aux outils de recherche.

Historique du projet

La chronologie du projet est la suivante :

  • 2018 : conception technique et développement du logiciel ;
  • 2019 : le prototype est publié, la plateforme de gestion en ligne est développée ;
  • 2022 : le logiciel de gestion des utilisateurs est publié ;
  • 2023 : de nouveaux utilisateurs sont ajoutés au système, atteignant un total de 108 revues, soit 3 600 ARK attribués ;
  • 2025 : un projet visant à étendre le service à l’ensemble de l’Amérique latine est présenté à Invest in Open Infrastructure (IOI).

L’application ARK-CAICYT est basée sur l’adaptation d’un résolveur d’URL générique afin de pouvoir utiliser des motifs configurables dans le libellé des URL. Il utilise l’algorithme défini par HashIds (maintenant Sqids) pour écrire des chaînes d’identification uniques. Les exigences techniques actuelles sont les suivantes :

  • serveur HTTP Apache (mod_rewrite activé) ;
  • MySQL version 5.0 ou supérieure ;
  • langage de script PHP version 5.3.2 ou supérieure (extensions mysqli et curl installées et activées).

Le CAICYT gère le Centre argentin de l’ISSN qui fournit des identifiants uniques pour les publications en série argentines. Dans le cadre de ce développement, nous avons choisi de lier la norme ARK à la norme ISSN, comme suit :

  • la revue scientifique contacte le CAICYT qui lui attribue un compte d’utilisateur avec un mot de passe pour accéder à l’URL du service 1 ;
  • une fois l’utilisateur validé, il accède à une page où figure la liste des ISSN et des revues associées ;
  • en cliquant sur le nom d’une des revues de la liste, l’éditeur accède à l’écran intitulé Liste des ressources associées à cet ISSN et à un formulaire permettant d’ajouter une nouvelle ressource ;
  • cet écran comporte deux sections, à savoir le formulaire pour ajouter une nouvelle ressource/article en l’associant à l’ISSN actuel et la liste des ressources déjà associées à cet ISSN. Dans le champ « URL de la ressource », l’URL de l’article de la revue doit être saisie sans aucune modification et l’éditeur valide l’opération en générant un ARK pour la ressource. Après quelques instants, la page se rafraîchit, affichant en dessous de l’URL saisie l’ARK nouvellement généré pour cette URL.

Les conditions d’utilisation du service ARK-CAICYT sont les suivantes :

  • la revue doit être de nature scientifique ou technique ;
  • elle doit avoir un ISSN délivré par le centre national argentin ;
  • elle doit avoir un ISSN pour la version en ligne (si elle n’en a pas, il peut être obtenu auprès du CAICYT) ;
  • elle doit être en ligne au moment de la demande d’inclusion dans le projet, avec son URL définitive ;
  • la version en ligne doit exister depuis au moins deux ans ;
  • la revue doit disposer d’un site Web officiel ou institutionnel dédié ;
  • elle doit adhérer aux principes du libre accès ;
  • les revues numériques ne doivent pas être mises à disposition dans un seul PDF ; elles doivent au minimum comporter une table des matières et des articles séparés dans des PDF séparés ;
  • les responsables éditoriaux et les membres du comité scientifique doivent fournir une adresse électronique ;
  • la revue doit disposer d’un système d’évaluation des articles externe à l’éditeur.

En juin 2025, le système ARK-CAICYT comptait 137 revues scientifiques et 5 210 identifiants ARK attribués.

Il faut aussi mentionner qu’en 2023, sous les auspices de LA Referencia 2

et de l’IBICT (Instituto Brasileiro de Informação em Ciência e Tecnologia), le projet dARK a commencé à être développé au Brésil, sur la base du même identifiant ARK et avec un objectif similaire à celui d’ARK-CAICYT (Segundo et al., 2023).

Conclusion : le potentiel d’ARK en Amérique latine

Les PID ont transformé la communication scientifique dans les revues en offrant un accès stable et durable aux articles scientifiques, avec la possibilité de les citer et de les référencer plus précisément, tout en garantissant leur conservation et leur disponibilité à long terme.

Le texte publié par John Kunze sur le blog du site officiel de l’ARK s’intéresse aux dix mythes des PID (Kunze, 2021). L’un des mythes est que « Les PID doivent être centralisés » et J. Kunze estime que cette affirmation n’a aucun fondement. Tout PID doté d’un noyau unique après le nom de domaine de l’hôte dans l’URL est pérenne. En fait, s’il ne peut pas être repris par d’autres domaines, il ne peut pas persister puisque sa résolution est liée à un domaine. Aucun nom de domaine, aucun protocole n’est éternel.

L’expérience argentine a montré qu’un PID peut être mis en œuvre sans coût pour la recherche avec un projet qui compte à présent plus d’une centaine de revues scientifiques répondant à toutes les exigences techniques des normes internationales. En ce qui concerne les recommandations relatives au projet de plateforme interopérable de revues argentines, CAICYT se concentre sur les PID comme éléments constitutifs de la plateforme.

Un peu plus de 60 % des revues latino-américaines indexées dans le DOAJ et le catalogue Latindex intègrent déjà l’utilisation de PID, principalement le DOI. Cependant, ARK peut être vu comme une alternative durable et efficace. L’ARK-CAICYT, dans son développement, sert d’exemple et d’impulsion pour la science ouverte en Argentine. Ce modèle peut être reproduit dans d’autres pays d’Amérique latine et ailleurs, avec un investissement minimal de la part des gouvernements.

L’importance croissante des PID dans le domaine de la science ouverte a suscité un regain d’intérêt pour la compréhension, non seulement de leur mise en œuvre technique, mais aussi du niveau de connaissance des chercheurs quant à leur utilisation. Si les PID sont essentiels pour assurer la traçabilité, la visibilité et le lien entre les objets et les acteurs de la recherche, des questions subsistent quant à la compréhension qu’en ont les chercheurs. Les études mettent en évidence une compréhension inégale avec des différences significatives selon la discipline et le rôle académique. Elles soulignent la nécessité de stratégies de formation et de sensibilisation plus ciblées pour renforcer l’intégration efficace des PID dans les environnements de recherche numériques (Macgregor, Lancho-Barrantes et Pennington, 2023).

*

Article traduit de l’espagnol par Gaëlle Béquet, directrice du Centre international de l’ISSN.

Bibliographie