Médiathèques et Facebook
Le réseau social Facebook a été créé le 4 février 2004 à l’université Harvard par Mark Zuckerberg 1
Pour en savoir plus sur la paternité du réseau social, voir l’article de Nicholas Carlson, « At last – the full story of how Facebook was fonded », Insider, 5 mars 2010 : http://www.businessinsider.com/how-facebook-was-founded-2010-3#
« The Facebook Effect : l’histoire du réseau social qui change le monde » : http://www.inaglobal.fr/numerique/note-de-lecture/david-kirkpatrick/facebook-effect/facebook-effect-l-histoire-du-reseau-soc
Il faut savoir qu’aujourd’hui « 2,7 milliards de personnes dans le monde ont accès à Internet » 3
Lucie Dorothé, « Mark Zuckerberg veut que le monde entier ait accès à Internet », Begeek.fr, 21 août 2013 : http://www.begeek.fr/mark-zuckerberg-veut-donner-lacces-a-internet-au-monde-entier-101692?utm_source=Plus+d%E2%80%98actu&utm_medium=cpc&utm_campaign=Plus+d%E2%80%98actu
Le 5 octobre 2012, le réseau annonce un milliard d’utilisateurs : https://fr-fr.facebook.com/photo.php?fbid=10151498158461729&set=a.10151498156121729.515066.20531316728&type=1&theater
« Influence du “like” : sommes-nous tous des “moutons du clic” ? », Atlantico.fr, 12 août 2013 : https://www.atlantico.fr/article/rdv/influence-du-like--sommes-nous-tous-des-moutons-du-clic--louise-hoffmann
Ryan Grenoble, « Posting Too Many Facebook “Selfies” Can Hurt Your Real-World Relationships, Study Says », Huffpost, 8 août 2013 : http://www.huffingtonpost.com/2013/08/13/too-many-facebook-photos-study_n_3749053.html#next_slideshow
Jennifer, « Facebook : L’utilisation du réseau social favoriserait la dépression », Begeek.fr, 18 août 2013 : http://www.begeek.fr/facebook-lutilisation-du-reseau-social-favoriserait-la-depression-101462
C’est bien sûr dans un tout autre esprit que les médiathèques, soucieuses d’apparaître sur ce réseau, sont, peu à peu, entrées dans ce système. Il était tentant, en effet, de rejoindre un réseau aussi utilisé et facile d’accès 10
« Facebook has connected the world in a way it has never been connected before. People can now see and read and listen to the creation of another in almost every part of the world. » [« Facebook a mis le monde en réseau comme jamais il n’avait été connecté auparavant. À présent les gens peuvent voir, lire ou écouter la création de quelqu’un de quasiment tous les lieux de la planète. »] Voir : http://www.usbbgcommunications.com/information-technology-social-networks/article/14.php
Par exemple, sur quarante-cinq médiathèques sollicitées pour l’enquête [cf. note 12], une dizaine ont répondu.
Plusieurs raisons ont motivé les structures culturelles à être présentes sur le réseau social le plus utilisé. Changer d’image peut être l’une des raisons mais elle n’est pas la seule. Facebook apparaît comme le moyen de communiquer autour des actions menées au sein de la médiathèque auprès d’un large public. Il apparaît également comme un outil de valorisation des compétences, une mise en valeurs des collections. Le bibliothécaire via Facebook apparaît, au travers de notre enquête, comme ayant le souci constant d’être à l’écoute et dans l’interaction avec son public, tout en se plaçant dans la dynamique des réseaux sociaux, au cœur du monde multimédia.
Le réseau social s’adresse également à un public de digital natives pour lesquels cette forme de communication est, pour beaucoup, un outil quotidien. Les médiathèques rejoignant le réseau peuvent plus aisément, pensent-elles, toucher ce public, être réactives dans leur mise à jour, susciter des réactions, des avis parfois. L’interaction du web 2.0 paraît alors effective.
Les médiathèques, municipales et départementales, utilisent les réseaux sociaux depuis quelques années. L’enquête menée, lancée sur Facebook mais également relayée par Lorenzo Soccavo et par le site de l’Agence régionale du livre Languedoc-Roussillon Livre et Lecture 12
Enquête réalisée par l’envoi d’un questionnaire aux médiathèques via Facebook mais également relayée par Lorenzo Soccavo (http://ple-consulting.blogspot.fr/2010/09/papier-et-numerique-laissons-la-porte.html) et par le site de l’agence régionale du livre Languedoc-Roussillon Livre et Lecture (http://www.lr2l.fr/). Je tiens à les remercier pour leur participation.
Temporalité
Il ressort de l’enquête que les médiathèques se lancent sur le réseau social entre 2009 et 2011 pour la plupart. Par exemple, la médiathèque Pontanézen à Brest a été extrêmement réactive puisqu’elle s’inscrit dans la dynamique du réseau début 2009, afin « d’être au plus près du public ». Même si cette activité peut être chronophage, au moment où le réseau social prend de l’ampleur, au vu de sa facilité de gestion, au regard d’un site ou d’un portail, plusieurs médiathèques relèvent le défi. En janvier 2009, Mark Zuckerberg annonce le passage à 150 millions d’utilisateurs de Facebook, dont la moitié utilise le réseau quotidiennement. Certaines médiathèques, avec l’aval de leur tutelle politique, décident alors d’utiliser ce nouvel outil de médiation. Le phénomène va connaître une ampleur certaine. Tandis que se développent les portails de bibliothèques avec la notion de plus d’interactivité avec l’usager, le réseau social est intégré dans le fonctionnement de la médiathèque comme une approche originale, quasiment marketing, pour gagner un nouveau public, fidéliser l’existant, tout en s’emparant de l’image « cool » associée au réseau. Les médiathèques espéraient peut-être aussi gagner un public d’adolescents, difficiles à accrocher. Aujourd’hui, cette image « cool » est dénoncée par son propre fondateur Mark Zuckerberg. L’impact planétaire est tel que le premier succès du réseau, qu’il compare au succès de l’électricité, ne peut plus véhiculer la même image qu’à ses débuts 13
Corine Lesnes, « Pour Mark Zuckerberg, son cofondateur, Facebook n’est plus “cool” », Le Monde.fr, 20 septembre 2013 : http://www.lemonde.fr/international/article/2013/09/20/pour-mark-zuckerberg-son-cofondateur-facebook-n-est-plus-cool_3481997_3210.html
Changer d’image
Majoritairement, il ressort de notre enquête, que les médiathèques, adoptant ce nouvel outil, souhaitent avant tout changer leur image auprès du public 15
La bibliothèque départementale d’Ille-et-Vilaine nuance ce changement d’image : « Aucune enquête précise, ne permet d’affirmer que ça a changé l’image de la médiathèque départementale auprès du réseau. Cependant je constate qu’en interne, au sein du conseil général, la médiathèque départementale est à ce titre souvent considérée comme service “innovant” de par cette utilisation des réseaux sociaux. Le service communication fait régulièrement appel à deux agents de la médiathèque départementale, dont elle a repéré les compétences sur le sujet, pour contribuer aux groupes de réflexion. »
Pour en savoir plus sur l’évolution du métier de bibliothécaire : « Bibliothécaire à l’ère du numérique », article paru dans la revue Onisep Plus (Orientation et découverte du monde professionnelle), no 23, février 2013, p. 8.
Voir cet article plein d’humour pour « relooker » le bibliothécaire, sur BiblioRemix : http://biblioremix.wordpress.com/premiere-experience-en-juin-2013/redesigner-le-bibliothecaire/, et aussi cette analyse de la représentation du bibliothécaire, sur le blog Vagabondages : http://vagabondages.blogspot.fr/2005/10/bibliothcaires-en-reprsentation.html
« En effet, la bibliothèque est un lieu dont l’entrée est gratuite, chauffée et où l’on peut avoir accès à des toilettes. Même si l’idée nous semble exagérée, il est vrai qu’aucun autre lieu public n’offre aux jeunes de se retrouver dans un cadre aussi confortable sans débourser le moindre sous. Ainsi ils vont en bibliothèque pour se retrouver, discuter, mais assez peu souvent pour lire. » Véronique Le Goaziou, rencontre en région du SNE Montpellier, 26 avril 2012, table ronde « Les adolescents et la lecture en milieu défavorisé ».
Intervention de Virginie Repaire, « Les bibliothécaires vus par le public des 11-18 ans », journée d’étude organisée le 21 octobre 2010 par le Centre national de la littérature jeunesse – La Joie par les livres / Bibliothèque nationale de France et l’Enssib : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-48740 (fichier audio).
Sonia Mourlan-Mazarguil, Les bibliothécaires, ennemis de la bibliothèque ?, mémoire d’étude DCB, Enssib, 2012 : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-56768
L’enquête de Bruno Maresca 21
Bruno Maresca (avec la collaboration de Christophe Evans et Françoise Gaudet), Les bibliothèques municipales en France après le tournant Internet : attractivité, fréquentation et devenir, Paris, Éditions de la Bibliothèque publique d’information, 2007. En ligne : https://books.openedition.org/bibpompidou/176?lang=fr
Les non-inscrits sont des personnes fréquentant la médiathèque, utilisant ses ressources mais ne possédant pas la carte de la médiathèque.
D’autres facteurs, bien sûr, peuvent venir en ligne de compte, certains usagers par exemple préférant circuler en toute autonomie dans leurs médiathèques.
Par conséquent, Facebook apparaît comme une opportunité pour toucher un public « invisible », soit parce qu’il ne vient pas à la médiathèque, soit parce qu’il est présent mais ne demande rien aux bibliothécaires. Le bibliothécaire souhaite son lecteur autonome mais a également pour mission l’accueil de tout public, son confort vis-à-vis des informations toujours plus nombreuses mises à sa disposition : imprimés, mais aussi livres numériques, jeux… La médiation est un mot qui revient sans cesse dans les missions, de plus en plus nombreuses, du bibliothécaire dans le monde du web 2.0 : lutte contre l’illettrisme, « l’illectronisme » 24
, les fractures sociales…Facebook semble abolir l’obstacle du rapport physique au lieu et à l’équipe de bibliothécaires. Virtuel, le bibliothécaire via son lien Facebook devient curieusement plus proche, accessible, ancré dans son temps : « À l’opposé de la méfiance, l’invisibilité peut également avoir pour certains usagers un effet désinhibant, favorable à leur implication et donc à l’intensité des relations en ligne », nous informent Adeline Hérault et le professeur Pierre Molinier 25
Pierre Molinier est directeur du Laboratoire d’études et de recherches appliquées en sciences sociales (LERASS), et du Groupe de recherche et d’expertise en communication médiatisée (GRECOM). Voir Adeline Hérault et Pierre Molinier, « Les caractéristiques de la communication sociale via Internet », Empan, vol. 76, no 4, 2009, p. 13-21. En ligne : https://doi.org/10.3917/empa.076.0013
La bibliothèque de Valenciennes, à la question « Pensez-vous qu’il [le réseau social Facebook] change l’image de votre médiathèque ? En quoi ? », répond : « Il la rend plus “proche” (nous sommes une bibliothèque classée un peu classique), participe de l’effort d’accueil et de convivialité entrepris dans tous nos services, favorise la circulation des informations. Il donne l’image d’un lieu où il se passe plein de choses. »
L’image du temple de la culture, obstacle ou source de découragement pour certains lecteurs ayant peur de ne pas être à la hauteur du lieu, se fissure grâce à cet accès direct aux informations véhiculées par la médiathèque. L’information courte, les images, voire les vidéos contribuent à ce rajeunissement de l’image des médiathèques et de leurs bibliothécaires. En ce sens, à l’encontre de l’image « intellectuelle » des bibliothèques, la médiathèque de Juilly, outre les informations concernant leur structure, s’est illustrée par la valorisation d’images attrayantes de lecteurs, de livres, de librairies ou de bibliothèques du monde entier 26
.De plus, les bibliothécaires n’hésitent plus à se filmer de façon parodique, sur YouTube par exemple, pour parler de leur métier et désacraliser l’image des médiathèques 27
Exemple 1 : http://www.youtube.com/watch?v=WHeAqB9bZU0 et exemple 2 : http://www.youtube.com/watch?v=Nyt_WjJM44s
« Un p’tit jeu pour incarner une bibliothécaire (à lunettes et à chignon) » : http://www.oeildelabib.fr/multimedia/petit-jeu-pour-incarnez-une-bibliothecaire-a-lunettes-a-chignon/
Valoriser les actions menées en touchant le plus grand nombre
Concernant l’utilisation de Facebook par les médiathèques, une autre raison ressort de l’enquête : la nécessaire valorisation des actions menées auprès du public. Les animations sont nombreuses dans les médiathèques et, souvent, « trop d’information tue l’information ». Un atelier d’écriture succède à une rencontre d’auteur, suivi d’un accueil pour les bébés lecteurs, un spectacle, sans compter le vernissage d’une exposition… Ces informations sont la plupart du temps relayées par un support écrit, distribué au sein de la structure : bimensuel ou mensuel par exemple. Cette manne d’informations va, cependant, toucher toujours le même public : usagers réguliers, lettrés. Le public des animations est souvent un public conquis. Facebook apparaît comme le moyen de valoriser, à l’extérieur de l’établissement, la somme des animations proposées. À ce titre, le Facebook de la médiathèque « Les Quatre-Chemins » à La Trinité (Provence-Alpes-Côte d’Azur) renvoie vers le blog qui, lui-même, donne le programme des animations de la médiathèque. L’information pourrait se trouver directement sur le réseau social, mais il s’agit d’une volonté claire de valoriser le blog développé par la structure. De nombreuses bibliothèques, à l’instar de la médiathèque de Perpignan, utilisent les deux canaux d’informations : l’information sera directement placée sur Facebook, classée par évènement, et un lien est également proposé vers Calaméo 29
« Calaméo est le site pour publier et partager vos documents avec vos amis. Intégrez facilement des éléments multimédias (vidéos, animations interactives) dans vos publications. » Ce système pratique et attrayant est utilisé par certaines médiathèques pour mettre en valeur leur programmation. http://fr.calameo.com
Lorsque le Guichet des Savoirs, système virtuel d’interrogations à distance 30
Le Guichet du Savoir, dépendant du réseau des bibliothèques municipales de la ville de Lyon, est un système de question/réponse, proposé sur le web, inspiré du modèle anglo-saxon « ask and answer ». http://www.guichetdusavoir.org/
« Les publics du Guichet du Savoir. Enquête de fréquentation en ligne », octobre 2005 : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1081-les-publics-du-guichet-du-savoir.pdf
D’après les chiffres clés 2013, statistiques de la culture du ministère de la Culture et de la Communication (Secrétariat général – Département des études, de la prospective et des statistiques), les médiathèques municipales, au nombre de 3 410, étaient ouvertes 16 heures 45, en moyenne hebdomadaire, en 2010. Il est à noter que le réseau des bibliothèques de la ville de Lyon offre des horaires plus étendus. Par exemple, la bibliothèque de la Part-Dieu est ouverte dans l’année (hors période d’été) 44 heures hebdomadaires.
De la même façon, il est probable que l’utilisation de Facebook par les médiathèques attire aussi un autre public que celui des usagers, même si aucune étude quantitative ne semble exister sur le sujet. Comme pour le Guichet des Savoirs, le réseau social offre probablement une couverture médiatique plus large, cette forme de communication n’étant pas liée à un déplacement physique au sein de l’établissement. Pour le profil sociologique des « amis » de la médiathèque sur Facebook, il est à supposer que des bibliothécaires, sans doute, mais également des curieux de littérature, des personnes n’ayant pas de bibliothèques importantes à proximité, des personnes empêchées pour diverses raisons, dont leur profession (professions libérales, cadres…), etc., consultant de France ou de l’étranger, se retrouvent sur les pages du réseau social.
En effet, Facebook assure une visibilité accrue pour les médiathèques, touchant plus largement un public différent du public cible de la structure culturelle. Le site ou le blog d’une bibliothèque véhiculent souvent des informations pratiques, tels les horaires ou l’accès au catalogue. Le public cible de ces ressources en ligne est l’usager. Il peut aussi toucher le nouvel arrivant, l’usager futur. A contrario, le réseau social est proposé comme complément sur d’autres missions à destination, certes, du public cible, de l’usager, mais pas seulement. Comme le rappelle le slogan de Facebook précédemment cité, il s’agit de s’ouvrir au monde, même si cela peut sembler présomptueux ; le public cible sur le réseau social sera national, à défaut peut-être d’être international, ne serait-ce que pour la barrière de la langue.
Mettre en avant un savoir-faire
« L’objectif était de diffuser l’information de manière dynamique auprès des lecteurs et de promouvoir la lecture et l’échange », souligne la Bibliothèque communale Hannut.
L’une des missions des médiathèques comporte la valorisation des auteurs, de leurs œuvres. Le réseau social reflète cette valorisation. Ainsi, la médiathèque de Bagnolet par exemple, via Facebook, présente les derniers romans, ses coups de cœur, tandis que la médiathèque du Grand Troyes offre, pour sa part, son patrimoine écrit et son salon du livre pour la jeunesse. De même, la médiathèque Voyelles de Charleville-Mézières met-elle en avant ses expositions ; la bibliothèque multimédia de Saint-Germain-en-Laye, ses sélections pour les adolescents ; la médiathèque départementale d’Ille-et-Vilaine, une sélection de romans à télécharger pour les 10-14 ans ; la médiathèque de Perpignan, outre des sélections, propose des vidéos retraçant, par exemple, des ateliers menés avec des enfants ou la mise en place d’expositions ; la médiathèque Bellevue à Brest incite les internautes à partager leurs coups de cœur…
Par conséquent, les pages Facebook des médiathèques sont riches d’un savoir-faire valorisé. Si l’usager n’ose pas toujours demander un conseil aux bibliothécaires, le réseau social va mettre à sa disposition des ressources pour lui permettre de trouver au mieux le livre, le disque, le jeu… qui trouvera grâce à ses yeux. Cela touche un public à l’aise avec les nouvelles technologies et capable de chercher sur le Net d’autres ressources, tel un blog littéraire, un site spécialisé en littérature jeunesse, en bandes dessinées… Ces valorisations sont le reflet du travail quotidien des bibliothécaires au sein de la médiathèque.
En définitive, chaque médiathèque présente sur Facebook a à cœur de présenter son travail, de mettre en avant la médiation envers son public, ainsi que les outils à sa disposition. De plus en plus, des vidéos valorisent les actions menées : atelier de création avec les enfants, rencontres littéraires ou avec un artiste. Cette forme de médiation est plébiscitée par un public jeune mais séduit également tout public. Les médiathèques espèrent, là aussi, gagner un autre public, attiré par la diversité de l’offre et la qualité des actions proposées.
La présentation graphique constitue également un enjeu sur le réseau social. Les photographies exposées valorisent la structure même de la médiathèque, présentée à son avantage. Il faut donner envie à l’internaute de venir découvrir « sa » bibliothèque. S’il est loin physiquement, la photographie de la structure ajoute une plus-value à la représentation positive d’une bibliothèque. Dans l’inconscient collectif, cette bataille de l’image est importante : un lieu attractif, coloré, rempli de collections intéressant l’usager potentiel, attirera, donnera envie. Une forme de marketing est déployée dans le graphisme du réseau social. Par ailleurs, de nombreuses photographies peuvent être ajoutées, soit directement liées à la communication sur des évènements, soit relayant d’autres informations, sur d’autres bibliothèques par exemple. La photographie l’emporte sur le texte, sauf à « créer un évènement », auquel cas le texte sera plus long. Il y a ainsi une forme particulière d’écriture sur Facebook : concise, accrocheuse. Peu de mots sont utilisés sinon ils disparaissent du cadre ; un clic de souris est nécessaire pour lire la suite, ce que peu de personnes font en définitive. Le graphisme, la communication verbale ont donc leurs codes, leur nécessité sur cet outil. Une certaine forme d’appauvrissement du contenu par rapport à la présentation graphique peut être déplorée. L’idée du bibliothécaire est de renvoyer vers son site, ou son portail, et surtout vers la bibliothèque, pour approfondir tous les sujets abordés.
À la question posée lors de l’enquête « Diriez-vous qu’aujourd’hui c’est un outil incontournable ? », la plupart des médiathèques interrogées répondent par l’affirmative, tout en nuançant leur réponse, car d’autres formes de communication sont déjà utilisées par le bibliothécaire. Il s’agit d’un média de plus, avec d’autres spécificités, un outil miroir.
Interaction avec le public
Facebook permet l’immédiateté des réactions des internautes, usagers ou non de la médiathèque. Cependant certaines médiathèques se contentent de proposer un espace non ouvert aux remarques. A contrario, d’autres prennent le risque d’ouvrir au dialogue, voire de susciter les réactions, comme la médiathèque de Bellevue à Brest souhaitant recueillir les coups de cœur des internautes, ou encore la médiathèque de Suresnes demandant avec humour comment aménager son espace multimédia. Adeline Hérault et Pierre Molinier, dans leur article « Les caractéristiques de la communication sociale via Internet », remarquent que : « Dans le même ordre d’idées, l’usager peut juger que l’invisibilité est un atout qui place tous les interlocuteurs potentiels en position d’égalité, effaçant ou estompant les marqueurs sociaux et culturels (âge, sexe, ethnie, accent, etc.) qui sont autant de sources de discrimination dans les échanges de face-à-face, et serait donc une porte ouverte à des relations plus riches, avec des interlocuteurs plus variés. » 33
Adeline Hérault et Pierre Molinier, « Les caractéristiques de la communication sociale via Internet », article cité [cf. note 25].
Être au cœur du monde actuel
Les médiathèques ont à cœur d’être au plus près de l’innovation, répondant ou devançant la demande politique. Intégrer, dans leurs pratiques, la révolution numérique fait partie des objectifs des bibliothécaires. Les réseaux sociaux sont l’un des aspects de cette révolution. Comme le souligne la bibliothèque municipale Max-Rouquette à Clermont-l’Hérault au sujet de Facebook : « Il fait partie des outils de communication courants de notre époque, il est utilisé par un très grand nombre de nos adhérents. La bibliothèque, lieu de lien social, ne peut rester à l’écart de ce qu’on nomme les réseaux sociaux. » 34
Être au cœur de la révolution numérique, proposer de nouvelles technologies, proposer des ressources nouvelles, virtuelles, apprendre à utiliser ces nouvelles ressources, font partie des missions du bibliothécaire web 2.0. Les bibliothécaires interrogés s’avèrent sensibles à cet aspect du métier. Certaines bibliothèques proposent des ressources numériques, des liseuses, des tablettes, ou bien des flux RSS et/ou un compte Twitter. Les médiathèques s’ancrent dans le monde contemporain. La bibliothèque Max-Rouquette ajoute que c’est « une façon de montrer que la bibliothèque évolue avec la société, que c’est un lieu vivant ». Le réseau social devient le miroir d’un travail de fond sur le cœur du métier de bibliothécaire.Les pratiques culturelles des Français changent, comme le montrent les enquêtes du sociologue Olivier Donnat 35
Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, Enquête 2008, Ministère de la Culture et de la Communication / La Découverte, 2009.
Hélène Girard, « 98,5 % des bibliothèques municipales ne proposent aucun livre numérique », La Gazette des communes, 2 juillet 2013 : http://www.lagazettedescommunes.com/174266/985-des-bibliotheques-municipales-ne-proposent-aucun-livre-numerique/
« Lutte contre l’illettrisme, grande cause nationale 2013, enjeu majeur de la réussite éducative » : http://www.education.gouv.fr/cid72348/lutte-contre-l-illettrisme-grande-cause-nationale-2013-enjeu-majeur-de-la-reussite-educative.html
Jérémie Desjardins, « Les bibliothèques contre l’“illectronisme” », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2000, n° 4, p. 120-122. En ligne : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2000-04-0120-006
En revanche, les bibliothécaires interrogés reconnaissent le caractère chronophage de cette activité et, faute de temps, ne peuvent développer davantage leur présence sur le réseau social. Pour être visible sur Facebook, « exister » comme source d’information, il faut quotidiennement pouvoir ajouter du contenu sur la page de la structure. La bibliothèque départementale de Rennes met en lumière le déclin progressif des sites institutionnels. Sa responsable souligne, dans l’enquête, que : « Cette page Facebook peut, petit à petit, remplacer le site web actuel de la médiathèque dont les pages sont très peu consultées, à part la page d’accueil et le catalogue. » Un simple site n’attire plus. En revanche, la page Facebook d’une bibliothèque, par l’interaction avec le public, l’attractivité, le visuel et la facilité du réseau, en fait un outil important. Cela signifie un agent dédié à cette opération, tâche supplémentaire pour un résultat peut-être limité. Le réseau social s’ajoute à d’autres supports comme le site ou le portail. Il signifie donc plus de temps consacré à cette forme de communication. Alors que le site ou le portail peuvent être alimentés de manière hebdomadaire, le réseau social est chronophage puisque tous les jours, voire plusieurs fois par jour, le bibliothécaire en charge devra donner des informations, parler d’expositions à venir, proposer des ouvrages… Finalement, contrairement à ce qu’il pourrait être attendu, les critiques d’ouvrages sont relativement rares, faute de temps pour les rédiger. Il est plus facile de mettre un lien vers le programme existant de la médiathèque, ou d’ajouter une vidéo d’atelier en ligne, une conférence… que d’écrire une critique. Le temps consacré à cette activité en constitue donc l’une des limites. Une présence forte pour un impact limité est ce qu’il semble ressortir : la plupart des petites et moyennes bibliothèques ont peu d’« amis » ou de personnes ayant aimé leur page. La médiathèque de Juilly, particulièrement active, a presque 5 000 « amis » mais fait figure d’exception, la moyenne haute se situant à 500. Il y a presque une dichotomie entre l’institution, qui a des fonctions pérennes, travaille pour les siècles futurs, avec notamment la conservation, et la nécessité d’alimenter en permanence l’hydre Facebook.
Des exemples d’utilisation du réseau social dans d’autres pays
Pour quelques bibliothèques étrangères, nous retrouvons peu ou prou les mêmes comportements et utilisations sur Facebook avec cependant quelques différences. Par exemple, aux États-Unis, la New York Public Library 39
Site de la New York Public Library : http://www.nypl.org/ et sa page Facebook : https://www.facebook.com/nypl
DOK : « library concept center ». Voir l’article « Visite de la bibliothèque de Delft » sur le site de l’ABF : http://www.abf.asso.fr/17/651/322/ABF-Region/visite-de-la-bibliotheque-de-delft?p=4&p2=1&p3=2. Site de la DOK : http://www.dok.info/ et sa page Facebook : https://www.facebook.com/dokdelft
Site des bibliothèques de Montréal : http://bibliomontreal.com/ et page Facebook des bibliothèques de Saint-Laurent : https://www.facebook.com/bibliotheques.saint.laurent/
Aux États-Unis, la Bibliothèque du Congrès à Washington 42
, outre la mise en valeur de ses collections, propose dans le cadre du Festival national du livre 43, du 21 au 22 septembre 2013, des interviews d’auteurs téléchargeables en MP3. Il est possible d’écouter directement ces entretiens en cliquant sur un lien. Ces interviews sont proposées depuis 2007, avec des auteurs comme Terry Pratchett ou Joyce Carol Oates, témoignages importants sur le processus de création littéraire. Le réseau social devient une valorisation active des ressources du fonds existant mais également offre un regard sur la littérature en train de s’écrire, sur ses écrivains. Ces témoignages constituent un fonds unique au fur et à mesure des années qui passent.Sur le réseau social, la médiathèque publique de Brooklyn valorise ses collections. Elle met également, à disposition de son public, une application pour portable iPhone ou Android pour suivre l’actualité de la bibliothèque 44
. Cette application permet de chercher dans le catalogue, gérer son compte, trouver des informations locales comme le GPS ou des cartes, scanner un ISBN pour chercher un livre dans les collections. Aux Pays-Bas, à Amsterdam, l’OBA 45 (Openbare Bibliotheek Amsterdam) valorise ses animations, notamment ses débats. La langue utilisée sur le réseau social est le néerlandais, avec possibilité de traduction en français.Les quelques exemples pris à l’étranger montrent la même envie de valoriser les fonds de la médiathèque comme le savoir-faire des bibliothécaires présentant leurs multiples animations. Comme en France, le lien vers la structure physique apparaît important. Les bibliothécaires sont également très centrés sur les derniers apports technologiques et l’utilisent au mieux. Ils offrent par exemple la possibilité de télécharger en MP3 des interviews ou proposent une application pour iPhone ou Android pour rester connecté en temps réel à sa structure et pouvoir agir sur son compte à distance. L’information, la communication sont fondamentales pour le devenir des médiathèques, avec l’utilisation des outils technologiques les plus performants.
Les médiathèques se sont donc emparées de cet outil du XXIe siècle, porte ouverte sur le monde virtuel. Complément de l’architecture des médiathèques, de leurs collections, la présence sur le réseau social Facebook modifie, ou devrait modifier, l’image du bibliothécaire. Apparaissant compétent, au fait des nouvelles technologies, la figure sévère du bibliothécaire stéréotypé semble peu à peu s’éloigner. La mise en valeur des actions menées, des collections ou du savoir faire des bibliothécaires, trouve naturellement sa place sur Facebook. L’interaction avec le public semble se faire plus librement, sans obstacle physique ou psychologique, certaines médiathèques n’hésitant pas à solliciter directement leurs usagers ou followers. Au final, cet outil, que beaucoup considèrent comme incontournable, est un dispositif de plus à la disposition du bibliothécaire web 2.0. En phase avec son temps, il est plus que jamais dans la médiation pour faire connaître, toujours davantage, les médiathèques, ses collections, ses actions, dans une vision dynamique à l’opposé d’une image figée appartenant désormais au passé, du moins faut-il l’espérer. Aussi, malgré l’aspect chronophage de cette activité et les faiblesses inhérentes à cette forme de communication, il est probable que de plus en plus de médiathèques utiliseront le réseau social, rejoignant ainsi plus d’un milliard d’utilisateurs à travers le monde, contribuant peut-être « à rendre le monde plus ouvert et connecté » pour reprendre la devise de Facebook.