Les documents spoliés conservés à la bibliothèque de l’INHA

Les résultats d’une enquête et de nouvelles perspectives de recherche

Stefano Sereno

Il a fallu attendre le milieu des années 1990 pour que le sujet des biens culturels spoliés par les nazis redevienne d’actualité en France, après cinquante ans de silence et parfois d’oubli. Dans le contexte du discours prononcé par Jacques Chirac à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’d’Hiv en 1995 et de la création de la « Mission Mattéoli » en 1997, les institutions publiques n’ont cependant pas mis en œuvre les recherches nécessaires à une meilleure identification des œuvres possiblement spoliées présentes dans leurs collections.

Vingt ans plus tard, en 2018, une nouvelle impulsion a été donnée à la recherche et à la restitution des biens culturels spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Le vingtième anniversaire de la Déclaration de Washington, célébré par une conférence internationale entre le 26 et le 28 novembre 2018 à Berlin, a permis de dresser un bilan des pratiques de restitutions adoptées par les 44 États signataires, mais aussi de formuler un certain nombre de propositions : accentuer la coopération internationale, augmenter les moyens dédiés à la recherche de provenance, faciliter les démarches des ayants droit, réduire le temps de traitement des dossiers. La promulgation du JUST Act (pour Justice for Uncompensated Survivors Today) aux États-Unis le 9 mai 2018 charge le département d’État américain d’établir un rapport sur les mesures prises par les 46 pays signataires de la déclaration de Terezín 1

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Dans la déclaration de Terezín, signée lors de la Conférence de Prague qui eut lieu du 26 au 30 juin 2009, 46 pays se sont engagés à aider toutes les victimes des persécutions nazies à répondre à leurs besoins sociaux et médicaux spécifiques, ainsi qu’à les aider à récupérer leur patrimoine perdu.

en faveur de la restitution des biens des victimes de la Shoah, et de leur indemnisation.

Face aux nouveaux défis internationaux de la réparation des spoliations, la France a accentué d’une manière décisive son intervention dans ce champ avec le décret n° 2018-829 du 1er octobre 2018, qui a posé les bases de la nouvelle organisation publique pour la restitution des biens culturels spoliés. Deux administrations deviennent responsables de la mise en œuvre de cette politique : la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS). La Mission, créée en 2019 au sein du ministère de la Culture, se voit confier l’instruction des cas de spoliations de biens culturels, mais aussi une action de sensibilisation du public et des professionnels sur les biens conservés par les institutions publiques (musées, bibliothèques). En lien avec le travail effectué par la Mission, la CIVS, créée en 1999, a été dotée de compétences élargies et autorisée à s’autosaisir, et peut proposer de sa propre initiative au Premier ministre toutes mesures de réparation pour les biens spoliés qui ont intégré les collections publiques 2

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Voir le rapport d’activité 2018 de la CIVS. En ligne : http://www.civs.gouv.fr/images/pdf/lacivs/RAPPORT-CIVS-2018-vDef-2.pdf

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L’Institut national d’histoire de l’art (INHA) participe activement à cette nouvelle dynamique internationale portant sur l’histoire des spoliations des biens culturels pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis 2017, l’INHA mène, en collaboration avec des partenaires en France et en Allemagne, le programme de recherche RAMA (Répertoire des acteurs du marché de l’art en France sous l’Occupation), dont l’objectif est de mieux comprendre l’implication et les réseaux de certains marchands d’art français dans l’histoire des spoliations.

En 2018, la bibliothèque de l’INHA a repris un travail d’identification des documents spoliés pendant l’Occupation et déposés dans ses collections à la fin du conflit. En effet, les bibliothèques et les archives françaises furent l’objet du pillage nazi, commencé par les services du Troisième Reich en 1940, qui visèrent principalement la population juive de France. Ce fut une razzia d’une ampleur considérable : Jenny Delsaux, qui anima la sous-commission des livres au sein de la Commission de récupération artistique à la Libération, estimait en 1949 que les deux millions de livres retrouvés représentaient « à peine 20 % des volumes pillés par les Allemands en France » 3

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M. Poulain, Livres pillés, lectures surveillées. Les bibliothèques françaises sous l’Occupation, Paris, Gallimard, 2013, p. 379.

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Fin 1949, à la dissolution de la sous-commission des livres, qui avait été chargée de recenser, rapatrier et restituer les collections spoliées, une Commission de choix fut instituée, dans le but de répartir auprès des bibliothèques publiques les livres et les documents dont les propriétaires n’avaient pas pu être retrouvés. Les établissements furent chargés, par circulaire, d’inscrire ces ouvrages sur un inventaire provisoire, mis à la disposition des collectionneurs pillés ou spoliés jusqu’à l’expiration du délai légal de revendication : pendant trois ans, aucune marque de propriété ne devait être apposée sur ces documents 4

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M. Poulain, « De mémoire de livres. Des livres spoliés durant la Seconde Guerre mondiale déposés dans les bibliothèques : une histoire à connaître et à honorer », dans Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2015, n° 4, p. 176-190.

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Les dépôts de la Commission de choix

La Commission de choix se réunit quatre fois entre 1949 et 1953. La Bibliothèque d’art et d’archéologie (BAA), dont la bibliothèque de l’INHA est l’héritière, reçut un grand nombre de livres courants, issus des bibliothèques d'amateurs d’art spoliés, ainsi que quelques ensembles de documents précieux. Ce fut en 1950 que la bibliothèque reçut le dépôt le plus important, soit 7 recueils d’estampes anciennes, 3 manuscrits, quelque 582 livres, 696 fascicules de périodiques et 536 catalogues de ventes. Au total, quelque 1 825 documents furent déposés à la BAA par la Commission de choix 5

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Les listes des documents attribués par la Commission de choix sont conservées aux Archives nationales, sous les cotes F/17/17993 et F/17/17994.

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Le repérage de ces ouvrages dans les collections de la bibliothèque s’est révélé complexe pour plusieurs raisons. Les listes des titres conservées aux Archives nationales sont souvent imprécises et lacunaires : 429 livres sont indiqués sans plus de détail comme « catalogues de musées » ou « catalogues d’expositions », et les catalogues de ventes sont non identifiables car les données fournies par les listes de la Commission de choix sont très sommaires et il n’existe pas à la bibliothèque de l’INHA de registres d’inventaire pour ce type de document.

Nous ne possédons que peu d’information sur le traitement des ouvrages spoliés, qui semble s’étaler sur un temps très long. En effet, la correspondance entre les titres déposés par la Commission de choix et les registres d’inventaire de la BAA, qui regroupent à la fois les entrées onéreuses et non onéreuses, a été identifiée dans le registre de 1964 : on y relève 353 numéros d’inventaire associés à la mention de « récupération » ou tout simplement « R », marquée au crayon à papier. Les raisons de cet écart temporel restent inconnues.

Les numéros d’inventaire repérés dans le registre de 1964 ne concernent que les livres, les manuscrits et les recueils d’estampes spoliés. Pour ce qui est des périodiques, la bibliothèque de l’INHA ne conserve plus aucun registre d’entrées pour ce type de document. L’identification des fascicules spoliés a dû se faire à partir des listes de la Commission de choix, qui ne mentionnent que les titres des périodiques et le nombre de fascicules déposés, sans indiquer leurs numéros. Seul un examen systématique fascicules en main a permis de repérer, sur la couverture des exemplaires spoliés, la mention « Réc. » écrite au crayon à papier. Ce sont 296 fascicules spoliés qui ont ainsi pu être identifiés.

Au total, le nombre de documents spoliés signalés dans les collections de la BAA s’élève à 649 volumes. Les documents identifiés ont été intégralement examinés, afin de dessiner le profil de ces dépôts, relever d’éventuelles marques de provenance et les possibilités d’identification de leurs propriétaires. La plupart de ces documents sont des ouvrages publiés dans les années 1890 à 1930, dont les thématiques relèvent de tous les domaines de l’histoire de l’art. Parmi eux, on remarque la présence de nombreux catalogues de musées et de collections, français et étrangers. Dans leur immense majorité, ces livres ne comportent pas de note ou de mention spécifique qui permettraient d’en savoir plus sur leur provenance.

Parmi les documents les plus précieux, se trouve un recueil de 528 estampes de Jacques Callot et Stefano Della Bella, collées dans des encadrements aquarellés, qui est une des 40 suites de gravures rassemblées par l’éditeur Charles Bance entre 1789 et 1792 (fig. 1).

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Figure 1. Jacques Callot, La noblesse, eau-forte, Paris, éd. Charles Bance, entre 1789 et 1792. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BAA, Fol Est 125.

Une autre pièce remarquable, notamment par son unicité, est la suite de 50 dessins originaux de Léo Lelée ayant servi à l’illustration de La louange du cyprès, publié en 1928 aux éditions de Plantin (fig. 2).

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Figure 2. Léo Lelée, étude pour La louange du cyprès, aquarelle, suite de 50 dessins originaux. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BAA, Ms 424.

Un seul document porte une marque de provenance liée au circuit des spoliations : il s’agit de l’ex-libris manuscrit d’Oktawian Jastrzembski (1899–1982), peintre et ministre du gouvernement polonais exilé à Montréal, recouvert par le tampon de la sous-commission des livres, annulé le 1er février 1950. Bien que ce nom ne soit pas mentionné dans la base des personnes et institutions spoliées réalisée par Martine Poulain et disponible sur le site du Mémorial de la Shoah, Jenny Delsaux envoya le 29 juin 1950 une lettre à O. Jastrzembski à Montréal, l’informant que la sous-commission des livres avait identifié parmi les livres revenus d’Allemagne 11 ouvrages portant son nom 6

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AN, F/17/17976, dossier « CRA, sous-commission des livres, courrier doubles, 1950 ».

. La liste manuscrite des 11 documents 7
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AN, F/17/17982, dossier « Correspondance 1950, convocations des spoliés et réponses de ceux-ci. Demandes de convocation ».

a permis de comprendre que les ouvrages ne furent finalement pas envoyés au Canada et sont aujourd’hui conservés à la BULAC 8
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Voir B. Guichard, « Les livres spoliés déposés à la Bibliothèque des langues orientales : une source pour l’histoire de la destruction des diasporas d’Europe centrale et orientale en France », dans : Où sont les bibliothèques françaises spoliées par les nazis ?, sous la direction de Martine Poulain, Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2019, coll. « Papiers », p. 149-161.

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Les achats aux Domaines

Les informations sur les dépôts de la Commission de choix ont déjà fait l’objet d’études approfondies de la part de Martine Poulain. Le travail de recherche mené par la bibliothèque de l’INHA aux Archives nationales et au Centre des Archives diplomatiques à La Courneuve, ainsi que le dépouillement des registres d’inventaire de la bibliothèque, a permis de comprendre que les listes d’attributions de la Commission de choix ne représentaient pas la seule source pour essayer d’éclairer les mécanismes et la logique de l'intégration des livres spoliés dans les collections publiques.

Au début des années 1950, lors de la liquidation des instances de restitution, près de 300 000 livres furent remis à l’administration des Domaines 9

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293 646 documents, d’après le rapport final sur l’activité de la sous-commission des livres. AMAE, 209 SUP 1134.

, dont quelque 87 000 volumes furent achetés par les bibliothèques publiques à des conditions avantageuses 10
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AN, F/17/17977.

. Les listes des achats aux Domaines, bien que connues et signalées dans les répertoires des Archives nationales, apportent un nouvel élément au panorama des sources sur l'entrée des livres spoliés dans les collections après la guerre, car elles n’avaient pas encore fait l’objet d’un dépouillement approfondi.

Les collections de la bibliothèque de l’INHA furent concernées par ces achats car la Bibliothèque d’art et d’archéologie eut peut-être le projet d'acquérir alors 1 050 documents et la Bibliothèque du musée du Louvre 770 volumes et 607 fascicules de périodiques 11

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AN, F/17/17995.

. La fiabilité des listes d’ouvrages achetés par la BAA a été mise en question, car les documents n’ont pas été repérés dans ses collections et aucune trace de cet achat n’a pu être identifiée dans les registres d’inventaire. Des remarques différentes peuvent être faites pour les achats de la Bibliothèque du musée du Louvre, ensuite appelée Bibliothèque centrale des musées nationaux (BCMN), dont les collections ont rejoint la bibliothèque de l’INHA en 2016. La correspondance entre la liste des acquisitions et les registres d’inventaire de la BCMN a été identifiée dans le registre de 1951 et 1952 : on y relève en effet 425 numéros d’inventaire associés à la mention de « Acquisition Récupération ». Les listes des documents achetés aux Domaines, comme celles de la Commission de choix, sont parfois très sommaires et ne permettent pas d’identifier avec précision les livres : environ 200 documents sont indiqués sans plus de détail comme « catalogues de musées » ou « catalogues d’expositions », ou tout simplement « catalogues ». Pour ce qui est des périodiques, 97 fascicules ont pu être identifiés, uniquement grâce à leur numéro d’inventaire. Au total, le nombre de documents spoliés achetés aux Domaines et identifiés dans les collections de la BCMN s’élève à 522 volumes.

Dans cet ensemble d’ouvrages, se trouvent des monographies publiées entre les années 1840 et 1930, 23 catalogues du Salon du Louvre des années 1738 à 1789 et quelques ouvrages précieux, comme la Méthode pour apprendre le dessein par Charles-Antoine Jombert, publié en 1755 (fig. 3).

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Figure 3. Joseph-Marie Vien d’après Raphaël, planche n° 18 de la Méthode pour apprendre le dessein par Charles-Antoine Jombert, eau-forte et burin, Paris, 1755. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BCMN, Res 4 D 0624.

La recherche de marques de propriété a permis de relever quelques traces du traitement dont ces livres ont fait l’objet, notamment pendant les efforts de restitution à la fin du conflit : 4 documents présentent sur les pages de garde des numéros d’enregistrement, précédés des mentions « ERR » ou « Tzb » marquées au crayon, et laissent supposer qu’ils furent découverts parmi les collections saisies par l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg), destinées à la bibliothèque centrale de la Hohe Schule et ayant été retrouvées à la fin du conflit par les Alliés britanniques dans le monastère de Tanzenberg 12

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P. Kennedy Grimsted, « Les pistes paneuropéennes des livres pillés par les nazis : trop d’ouvrages encore en exil », op. cit. à la note 6, p. 25-47. L’ERR était un commandement spécial qui avait entre autres pour mission de saisir et traiter les livres et archives de l’ennemi destinés à la Hohe Schule, un centre de formation pour l’élite nazie. Dès 1939, la bibliothèque centrale de la Hohe Schule fut ouverte à Berlin, pour ensuite être transférée en 1942 dans la Carinthie autrichienne.

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Quelques marques de provenance liées à des personnes spoliées ont été retrouvées parmi les achats aux Domaines :

  • un envoi autographe à Jules Martha (1853–1932), recouvert par le tampon annulé de la sous-commission des livres. Le nom de Martha ne paraît pas dans la base de personnes spoliées proposée sur le site du Mémorial de la Shoah, toutefois un dossier de réclamation a été retrouvé au Centre des Archives diplomatiques à La Courneuve : il s’agit d’une liste de livres appartenant à Martha, volés par les Allemands et retrouvés en Autriche. Cet inventaire, ni daté ni signé, fut « établi par la sous-commission des livres selon la déclaration du spolié » 13
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    AMAE, 209 SUP/1124-123.

    . Martha étant décédé avant la guerre, on peut émettre l’hypothèse que ses descendants furent les victimes de la spoliation ;
  • l’ex-libris manuscrit d’Hélène Paraf (1893–1943), recouvert par le tampon de la sous-commission des livres annulé le 1er février 1950. Hélène Paraf et son mari Henri Albert Kahn (1892–1944) décédèrent à Auschwitz 14
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    JORF n° 63 du 16 mars 1993, p. 4112 (arrêté du 4 février 1993 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès, NOR : ACVM9340007A).

     ;
  • l’ex-libris manuscrit de Marc Bloch (1886–1944). La présence de ce livre parmi les achats aux Domaines est étonnante car la bibliothèque de Marc Bloch avait été spoliée pendant la guerre et un dossier de réclamation avait été présenté après-guerre à l’Office des biens et intérêts privés (OBIP). Bien que cette demande ait été honorée par une restitution partielle, le livre à la bibliothèque de l’INHA a dû échapper à la vigilance de la sous-commission des livres, malgré la présence de l’ex-libris.

L’ensemble des documents spoliés conservés à la bibliothèque de l’INHA est décrit dans le Catalogue collectif de France. Dans le Répertoire de fonds du CCFr, la fiche « Documents spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale » permet aux bibliothèques qui ont effectué le signalement des ouvrages spoliés retrouvés dans leurs collections de donner de la visibilité à ce fonds particulier, à travers la description du contenu ainsi que de l’historique et de la constitution du fonds. Pour la bibliothèque de l’INHA, le signalement des documents spoliés dans le CCFr concerne à la fois les collections de la BAA et celles de la BCMN.

Un fonds allemand à la bibliothèque de l’INHA

Le dépouillement des registres d’inventaire de la Bibliothèque d’art et d’archéologie des années 1945 à 1964 a permis d’identifier 295 documents, la très grande majorité en langue allemande et entrés à la bibliothèque entre 1950 et 1954, indiqués comme « Récupération Allemagne ». Leur traitement a permis de comprendre que la mention « Récupération », employée à l’époque principalement pour indiquer les biens spoliés récupérés après-guerre, pouvait avoir des significations diverses. Les modalités d’entrée de ce fonds ne sont nulle part documentées, mais le travail de signalement des collections d’autres bibliothèques françaises permet néanmoins de proposer quelques pistes d’analyse 15

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Voir notamment D. Bouchery, « Le “Fonds Séquestres” de la BDIC, histoire d’une spoliation invisible », op. cit. à la note 6, p. 163-174.

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Les livres composant ce fonds sont issus d’un grand nombre de provenances, comme en atteste la multiplicité des tampons recensés. En effet, 195 de ces titres portent les tampons des écoles nazies « Ordensburg Sonthofen » ou « Adolf Hitler Schulen ». Cet ensemble relève de la littérature idéologique et la très grande majorité ne concerne pas des sujets d’histoire de l’art, mais plutôt des documents à la gloire du pangermanisme. Il s’agit vraisemblablement d’ouvrages saisis en Allemagne à la fin du conflit, à titre de dédommagement de guerre : cet Ordensburg, situé aux confins sud-ouest de la zone américaine, avait servi à héberger de 1937 à 1945 des élèves des Adolf Hitler Schulen, auxquels était dispensée une formation destinée aux futures élites du parti national-socialiste. Si la présence d’ouvrages venant des écoles nazies à la bibliothèque La Contemporaine trouve une justification dans sa vocation d’établissement spécialisé dans la documentation et l’étude des guerres mondiales, on s’interroge quant à l’entrée de ce fonds allemand à la bibliothèque de l’INHA. Parmi les titres indiqués comme « Récupération Allemagne », se retrouvent aussi 100 ouvrages d’histoire de l’art issus de la liquidation, par la Commission interalliée à Lisbonne, des bibliothèques allemandes hors Allemagne après la guerre, comme on peut le déduire par la présence de l’estampille sur la grande majorité de ces documents. L’appartenance de ces livres à des bibliothèques allemandes au Portugal est corroborée par les nombreux tampons retrouvés à l’intérieur des ouvrages.

Intégré dans ce fonds allemand se trouve un livre saisi par les nazis dans une holding, la Konzentration AG, une société fondée en 1925 par le SPD à Berlin, et ensuite démantelée en 1933 après l’interdiction du parti par le gouvernement nazi. Cet ouvrage sur la caricature au XIXsiècle porte le tampon de la Konzentration AG et la trace plus tardive de la propriété du ministère de l’Éducation du peuple et de la Propagande du Reich, qui contrôlait l’ensemble du secteur culturel pour le mettre au service de la propagande nazie.

La bibliothèque d'Ernst Saulmann : un parcours mouvementé

À la bibliothèque de l’INHA, le dépouillement des registres d’inventaire d’après-guerre a dévoilé des informations fort intéressantes, liées directement ou indirectement à l’histoire des spoliations. C’est le cas d’un important lot d’ouvrages entrés à la Bibliothèque d’art et d’archéologie en 1947 en tant qu’« achat Saulmann ». Le cachet présent dans certains de ces livres indique qu’ils sont issus de la collection de l’entrepreneur juif Ernst Saulmann (1881–1946) et de sa femme Agathe (1898–1951), pilote et fille de l’architecte Alfred Breslauer. Persécutés, ils furent obligés de s’enfuir d’Allemagne en 1935 pour se réfugier à Florence, où ils avaient une deuxième maison. L’année suivante le gouvernement nazi saisit leurs biens 16

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Sur les collections spoliées d’Ernst et Agathe Saulmann, voir : Eindeutig bis zweifelhaft. Skulpturen und ihre Geschichten [exposition, Francfort-sur-le-Main, Liebieghaus skulpturensammlung, 4 mai – 27 août 2017], sous la direction d’Eva Mongi-Vollmer, Frankfurt am Main, 2017, p. 30-32.

 : plus d’une centaine d’œuvres d’art, ainsi que la bibliothèque entière, furent l’objet d’une vente forcée à Munich en 1936. L’origine des œuvres ne fut pas précisée lors de la vente, comme cela était courant pour les biens juifs spoliés 17
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Les catalogues des ventes Weinmüller concernant les biens des Saulmann (26 juin et 11 septembre 1936) ont été numérisés par l’Université d’Heidelberg. La collection Saulmann est indiquée « S. in R. », c’est-à-dire « Saulmann in Reutlingen », qui s’explique par une volonté d’anonymisation de la provenance des œuvres spoliées.

. En 1938, le couple quitta l’Italie fasciste et se réfugia en France, défaite deux ans plus tard par l’Allemagne nazie. Ils furent alors internés au camp de Gurs, ce qui affecta durablement la santé d’Ernst Saulmann. Après la guerre, il tenta de récupérer ses biens, sans succès. Depuis plusieurs années, ses descendants travaillent à l’identification des œuvres disparues et des restitutions ont déjà eu lieu 18
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L’histoire des Saulmann a été le sujet d’un documentaire récent, intitulé Geraubte Kunst - Jüdische Sammlungen im Nationalsozialismus, diffusé par la chaîne allemande 3sat le 14 décembre 2019.

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Les livres entrés en 1947 à la Bibliothèque d’art et d’archéologie ne proviennent pas de la bibliothèque spoliée par les nazis et vendue aux enchères en 1936 : il s’agit en effet d’une vente, par Agathe Saulmann à la BAA, un an après le décès de son mari, et dont l’acte a été retrouvé aux Archives nationales 19

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AN, AJ/16/8393, dossier « Mémoires fournisseurs français et étrangers 1946 à 1953 ».

. Bien que l’acte de vente mentionne 507 volumes et brochures, ainsi qu’un inventaire des titres achetés, qui n’a pas été retrouvé, ce sont seulement 173 titres qui sont indiqués comme « achat Saulmann » dans le registre d’inventaire de la BAA. Il semble improbable que Saulmann ait pu rassembler cette bibliothèque à la Libération. Les moyens par lesquels il aurait pu garder ces livres jusqu’à sa mort, en traversant les persécutions et l’internement à Gurs, demeurent à ce jour inconnus.

L’analyse de ce fonds met en évidence la perspicacité de Saulmann en tant que collectionneur de livres anciens. En effet, quelques documents rares et précieux y ont été recensés. Notamment les éditions de 1550 et de 1568 des Vite de’ più eccellenti pittori, scultori et architettori, par Giorgio Vasari, avec une variation, bien connue par les collectionneurs, sur la page de titre du premier volume de la seconde édition : la page est en effet présentée dans son deuxième état, plus rare, dans lequel une gravure sur bois représentant une allégorie de la Renommée est encadrée au milieu de la page 20

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C. A. Girotto, (Ré)écrire les vies dans l’atelier typographique. Quelques questions bibliographiques dans l’édition giuntina des Vite (1568) de Giorgio Vasari, disponible dans Hyper articles en ligne (HAL).

(fig. 4).

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Figure 4. Giorgio Vasari, Le vite de' più eccellenti pittori, scultori, e architettori, Florence, 1568, 3 vol., I, page de titre avec xylographie allégorique de la Renommée. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BAA, 8 Res 148 (1).

Des livres de la Propagandastaffel à la bibliothèque de l'INHA

Aussi bien que les registres d’inventaire de la BAA, les registres d’après-guerre de la BCMN ont fait l’objet d’un dépouillement minutieux à la bibliothèque de l’INHA, avec des résultats inattendus.

En septembre 1944, quelques semaines après la Libération de Paris, un petit lot de 20 ouvrages provenant de la Propagandastaffel, avenue des Champs-Élysées, rejoignit les collections de la BCMN. Cette entrée signalée dans le registre d’inventaire est confirmée par une liste de titres retrouvée aux Archives nationales, datée du 11 septembre 1944 et signée par Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux et de l’École du Louvre 21

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AN, 20150538/27, dossier « Livres saisis à la Propagandastaffel et remis à la Bibliothèque du Louvre ».

. Service de propagande nazie et de censure, la Propagandastaffel avait quatre bureaux en France, dont un à Paris. Ce dernier était notamment chargé de recenser les livres interdits en France pendant l’Occupation : la censure était appliquée sur la base de la liste Otto, qui indiquait les titres interdits et qui fut diffusée dans toutes les librairies, les maisons d’édition et les bibliothèques de la zone occupée 22
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M. Kühlmann, « Les bibliothèques dans la tourmente », dans Histoire des bibliothèques françaises, tome IV, « Les bibliothèques au XXe siècle, 1914-1990 », sous la direction de Martine Poulain, Paris, Promodis - Éditions du Cercle de la librairie, 1992, p. 223-247.

. Les ouvrages conservés à la bibliothèque de l’INHA fournissent des exemples concrets des missions à la fois de propagande nazie et de censure de la Propagandastaffel. On retrouve en effet un exemplaire de La nouvelle peinture allemande par Fritz Alexander Kauffmann, analyse détaillée des exigences du Troisième Reich en peinture, avec une perspective apologétique : les artistes doivent rejeter le modernisme et l’intellectualisme, et représenter un ordre sain et naturel, défini par les valeurs esthétiques propres au classicisme. Le lien avec la tradition classique explique la présence parmi les ouvrages venant de la Propagandastaffel d’un exemplaire de Chapelain-Midy par Bernard Champigneulle : l’artiste était en effet apprécié par les hiérarques nazis pour son langage ouvert et accessible, qui s’éloignait de la peinture de l’avant-garde contemporaine 23
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M. C. Cone, « French Art of the Present in Hitler's Berlin », dans The Art Bulletin, vol. 80, n° 3, p. 555-567.

. La fonction de censure de la Propagandastaffel, qui pouvait s’exercer sur les sujets des livres mais aussi sur leurs auteurs, est aussi représentée parmi les ouvrages retrouvés à la bibliothèque de l’INHA, notamment par un exemplaire de Philippe II ou pouvoir et religion par l’écrivain censuré Reinhold Schneider.

Les dons de la direction des Musées nationaux

Lors du traitement des documents spoliés conservés à la bibliothèque de l’INHA, la découverte d’un ex-libris dans un livre entré à la BCMN en tant que don en 1946 a permis l’identification d’un lot inconnu d’ouvrages spoliés dans les collections de la bibliothèque. En effet, à partir de ce premier indice, l’analyse du registre d’inventaire de 1946 et 1947 a mis en évidence un don massif d’environ 300 livres d’histoire de l’art et catalogues de vente, publiés dans la première moitié du XXe siècle et avant 1944, enregistrés comme venant de la direction des Musées nationaux.

Le repérage, à l’intérieur de ces ouvrages, de tentatives d’anonymisation de leur provenance (ex-libris arrachés, effacés ou recouverts par des morceaux de papier collé) ainsi que la présence d’ex-libris appartenant à des personnes spoliées laissent supposer que ces ouvrages ne suivirent pas le circuit de traitement de la sous-commission des livres. Deux documents fort intéressants, retrouvés dans les dossiers de la BCMN aux Archives nationales 24

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AN, 20150538/17, dossier « Cession d'ouvrages provenant de la récupération, à la bibliothèque des Musées nationaux ».

, semblent confirmer cette hypothèse : il s’agit de deux lettres de l’adjoint au directeur des Musées nationaux, Pierre Schommer, à Lucie Chamson, archiviste bibliothécaire à la bibliothèque du Louvre, dans lesquelles il rappelle une cession de 20 caisses de livres abandonnés par les Allemands au Jeu de Paume, faite en 1945 par la direction des Domaines à la direction des Musées de France. Ces livres ayant finalement été déposés à la bibliothèque du Louvre, il demande à Mme Chamson de lui indiquer « d’extrême urgence » les numéros d’inventaire de ces documents. Il sollicite la bibliothécaire deux fois dans une période très courte, le 11 et le 20 août 1948. La réponse de Lucie Chamson n’a pas été retrouvée, toutefois le dépouillement des Archives des Musées nationaux–direction des Musées de France a permis d’identifier, à la date du 21 août 1948, l’enregistrement d’un courrier venant de la bibliothèque du Louvre et contenant une « liste de volumes provenant du Jeu de Paume »  25
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AN, 20150333/1117.

. Parmi les marques de provenance identifiées dans cet ensemble de livres spoliés, on remarque :

  • l’ex-libris gravé « Comitis Nákó ». Il s’agit de la marque de propriété d’une famille de la noblesse hongroise. La comtesse Erzsébet Nákó (1922–1978) fit partie de l’équipe de Raoul Wallenberg à Budapest en 1944 26
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    Michael O'Sullivan, Patrick Leigh Fermor: Noble Encounters between Budapest and Transylvania, Budapest-New York, Central European University Press, 2018, p. 50.

    . La bibliothèque municipale de Tours signale parmi les ouvrages déposés par la Commission de choix deux livres portant ce même ex-libris 27
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    Les deux documents se trouvent à la bibliothèque municipale de Tours sous les cotes C 7.962 et C 7.963.

    (fig. 5) ;
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Figure 5. Ex-libris « Comitis Nákó ». Gustav Pauli, Max Liebermann : des Meisters Gemälde in 304 Abbildungen, Stuttgart et Leipzig, 1911. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BCMN, 4 D 0229 (19).
  • l’ex-libris gravé d’Ernst Hirsch (1869–1938). Propriétaire de la manufacture de meubles viennoise D. G. Fischel & Söhne, la famille Hirsch émigra à Paris en 1933. Le fils d’Ernst, Richard (1903–1938), fut victime d’un accident aérien. Pendant la guerre, la femme de Richard, Erica (1912–1946) fut internée à Drancy. Déjà orpheline, la fille de Richard et Erica, Evelyne, fut adoptée après la guerre par sa grand-mère Martha Hirsch née Lang et les deux émigrèrent à New York 28
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    La généalogie de la famille Hirsch a pu être retracée grâce aux requêtes soumises au début des années 2000 par Evelyne Lang au Claims Resolution Tribunal of the Holocaust Victim Assets Litigation. Les dossiers sont librement consultables sur le site internet du CRT.

    (fig. 6) ;
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Figure 6. Ex-libris d’Ernst Hirsch. Hermann Schmitz, Das Möbelwerk : die Möbelformen vom Altertum bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts, Berlin, 1929. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BCMN, 4 M 0070.
  • l’ex-libris gravé de Carl (1878–1942) et Thea (1883–1971) Sternheim. L’histoire de cette famille est liée à Paris et aux persécutions nazies. Après avoir divorcé de Carl en 1927, Thea émigra à Paris en 1932 et fut internée à Gurs en 1940. Sa fille Dorothea « Mopsa » Sternheim (1905–1954) fut résistante à Paris et déportée à Ravensbrück 29
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    Ruth Schwertfeger, In Transit. Narratives of German Jews in Exile, Flight, and Internment during "The Dark Years" of France, Berlin, Frank & Timme GmbH, 2012, p. 115, note 31.

    (fig. 7) ;
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Figure 7. Ex-libris de Carl et Thea Sternheim. Alfred Lys Baldry, Sir Joshua Reynolds, Londres, 1903. Paris, bibliothèque de l’INHA, fonds BCMN, 8 H 0841.

Quel avenir pour les biens spoliés retrouvés dans les collections publiques ?

Les diverses provenances des livres spoliés retrouvés à la bibliothèque de l’INHA soulèvent le problème depuis longtemps débattu des œuvres des collections publiques qui y sont entrées sans que soient connus leur origine ou leur parcours douteux. En effet, tandis que les biens déposés par la Commission de choix dans les musées et bibliothèques ont conservé leur statut provisoire d’objets n’appartenant pas à l’État et peuvent donc sortir des collections, il existe un certain nombre d’œuvres qui se révèlent avoir été l’objet d’un vol ou d’une spoliation entre 1933 et 1945, qui ont pu être acquises ou reçues par dons ou legs par les institutions patrimoniales. Ces biens, intégrés aux collections publiques, sont de ce fait inaliénables 30

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Article L. 451-7 du code du patrimoine : « Les biens incorporés dans les collections publiques par dons et legs ou, pour les collections ne relevant pas de l’État, ceux qui ont été acquis avec l'aide de l’État ne peuvent être déclassés. »

et le code du patrimoine ne permet pas pour l’heure de retirer les œuvres des inventaires publics, ni d’annuler l’entrée dans les collections.

Bien que cet obstacle juridique ait toujours fait l’objet de critiques à l’égard de l’action publique sur la question des biens culturels spoliés, la nouvelle impulsion donnée par l’État veut fournir un engagement et une coordination gouvernementale forts dans les opérations de recherche et de restitution des œuvres spoliées conservées dans les collections publiques. En effet, comme le souligne le rapport publié le 29 juillet 2020 par le département d’État américain et qui donne suite au JUST Act de 2018, la France est aujourd’hui le seul pays, parmi les États signataires de la déclaration de Terezín, où les efforts pour identifier et restituer les œuvres volées pendant la Seconde Guerre mondiale relèvent du Premier ministre 31

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Voir le JUST Act Report, p. 8. En ligne : https://www.state.gov/reports/just-act-report-to-congress/

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Pour mettre en réseau les acteurs de la réparation des spoliations de biens culturels, la France, à travers la CIVS, a pris l’initiative d’établir une instance de coopération avec les commissions du Royaume-Uni, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche. Cela a donné lieu à la création, depuis janvier 2019, d’un réseau des commissions européennes pour les restitutions, une réponse nouvelle pour l’efficacité des recherches de provenance.

Une coopération européenne est aussi à la base de la résolution, adoptée par le Parlement européen le 17 janvier 2019, sur les demandes transfrontalières de restitution des œuvres d’art et des biens culturels volés au cours de pillages perpétrés en période de conflit armé et de guerre 32

. Le document souligne la nécessité de dresser un inventaire exhaustif de tous les biens culturels spoliés par les nazis et leurs alliés, de la date de la spoliation jusqu’à aujourd’hui ; de mettre en place un système de catalogage qui sera utilisé tant par les organismes publics que par les collectionneurs privés et qui regroupera des données sur l’emplacement des biens culturels spoliés ; la nécessité de projets de numérisation qui permettraient de créer des bases de données numériques ou de connecter celles déjà existantes, en vue de faciliter l’échange de ces données ainsi que la recherche de provenance.

La question du pillage des livres est beaucoup moins présente dans le débat public français que la problématique des vols d’œuvres d’art, non seulement parce que la majorité des ouvrages volés n’a pas de grande valeur vénale, mais aussi parce que les possibilités de restitution sont fort limitées, la très grande majorité des livres n’ayant pas de marques permettant d’identifier leur propriétaire. Le travail de signalement des livres spoliés déposés à la fin de la guerre dans de nombreuses bibliothèques publiques, qui est maintenant pour une grande part chose faite, permettra de renouveler le débat autour de cette importante source documentaire sur la mémoire des personnes et institutions spoliées.

Une nouvelle architecture de la réparation des spoliations est donc en train de se bâtir, aussi bien en France qu’à l’échelle internationale. Il s’agit plus que jamais d’une course contre le temps, pour reconnaître, après plus de soixante-quinze ans, les victimes et les ayants droit de victimes de spoliations, et tenter de réparer les injustices subies par les personnes et institutions persécutées.

* L’auteur remercie Anne-Élisabeth Buxtorf, Éric de Chassey, Juliette Robain, Ines Rotermund-Reynard.