La lecture à voix haute
Entre écriture et oralité, une autorité en jeu
Article publié dans le BBF n° 11 de février 2017
Dans nos sociétés occidentales, la lecture dite « partagée » se pratique en groupe, dans une bibliothèque, une librairie, un musée ou un jardin. Un bibliothécaire, un comédien ou un conteur y dispensent une lecture à haute voix devant un public volontaire. Bien que la majorité d’entre nous aient accès aux livres et à leur lecture, certains font le choix de se rendre dans un lieu public pour, non pas lire un texte, mais écouter un lecteur. Pourquoi choisit-on de passer par la voie de nos oreilles et non celle de nos yeux pour (re)découvrir un texte, et pourquoi dans un cadre collectif ? À travers cette expérience esthétique et réflexive, l’auditeur est-il à la recherche d’une ouverture vers d’autres possibles ou d’une (re)définition collective d’un cadre social consensuel ? De l’autre côté, en quoi consiste l’engagement du lecteur ? Enfin, si cette pratique est un « partage », qu’y partage-t-on, qui donne quoi à qui ?
Afin d’explorer cette pratique résurgente en France, nous avons procédé selon une double ethnographie : d’une part, auprès d’auditeurs, de lecteurs et de médiateurs culturels dans la ville de Bordeaux et au Festival de lectures et de « racontées » EPOS organisé par le Conservatoire contemporain de littérature orale (CLiO) à Vendôme 1, et d’autre part, auprès d’une lectrice professionnelle et de ses apprenties lors d’un stage de formation au métier de lecteur. La pratique de la lecture à voix haute en France est un thème peu visité en anthropologie. Aussi, l’analyse présentée ici est-elle le résultat de la confrontation de nos données ethnographiques avec une littérature scientifique émanant de diverses disciplines de sciences humaines et sociales, et avec des ouvrages rédigés par des praticiens professionnels de la lecture à voix haute et du conte en France.
Une pratique instituée en tiers-lieu
Selon Didier et Stéphanie, bibliothécaires à Bordeaux, au sujet de la mission des bibliothèques aujourd’hui : « Nous ne sommes plus dans une vocation traditionnelle encyclopédique, mais dans une volonté de développer des ateliers participatifs, par exemple autour de l’écriture et de la lecture. » Les bibliothèques mènent depuis une quinzaine d’années des actions culturelles diverses dans le but de faire collaborer le lecteur à la vie de la bibliothèque, suivant le concept de bibliothèque troisième lieu. Lorsque le premier lieu figure le foyer, la maison, et que le second lieu se réfère à la sphère du travail, le troisième lieu ou tiers-lieu représente quant à lui un espace consacré à la vie sociale, espace de rencontre et de discussion informelle tel que le marché, le café ou l’église [Servet, 2010]. Inspiré de l’hétérotopie de Michel Foucault 2, le concept de tiers-lieu a été développé par le sociologue Ray Oldenburg dans les années 1980 [Foucault, 1994 ; Oldenburg, 1989]. Celui-ci articule l’agencement de l’espace et les phénomènes sociaux. Le tiers-lieu est avant tout un espace neutre et vivant, un lieu d’habitués où l’on se sent « comme à la maison ». Rapprochant des communautés variées, c’est aussi un lieu qui génère une forme d’« œcuménisme social », garant de nouveauté. En fournissant un cadre propice au débat public, à l’échange, le tiers-lieu aurait aussi une fonction politique 3.
Une forme oralisée du texte qui conserve les vertus émancipatrices de l’écriture
Alors qu’il avait toujours été entouré de livres, l’anthropologue Jack Goody, prisonnier pendant la Seconde Guerre mondiale, s’est retrouvé sans la possibilité ni de lire ni d’écrire pendant plusieurs mois. Cette expérience l’amena à s’intéresser à la culture orale et au pouvoir de l’écriture et, à travers elle, du texte écrit. Depuis que l’écriture est apparue au Proche-Orient, il y a 5 000 ans, une minorité de lettrés exerce une domination politique, économique et culturelle sur une majorité de non-lettrés. Ce n’est pas que les uns aient davantage accès au savoir que les autres, c’est que la culture écrite, minoritaire, influe sur la culture populaire, même lorsque celle-ci reste orale. Mais il ne faut pas réduire l’écriture à un instrument d’oppression, la maîtrise de l’écriture fournit également aux dominés de quoi s’affranchir, s’émanciper 4 [Grelet, 2009]. L’écriture, et à travers elle la lecture du texte écrit, favorise le développement de la pensée logique et critique : « Ce moyen d’inspection du discours permit d’accroître le champ de l’activité critique, favorisa la rationalité, l’attitude sceptique, la pensée logique […]. Les possibilités de l’esprit critique s’accrurent du fait que le discours se trouvait ainsi déployé devant les yeux ; simultanément s’accrut la possibilité d’accumuler des connaissances, en particulier des connaissances abstraites, parce que l’écriture modifiait la nature de la communication en l’étendant au-delà du simple contact personnel et transformait les conditions de stockage de l’information ; ainsi fut rendu accessible à ceux qui savaient lire un champ intellectuel plus étendu » [Goody, 1979, p. 86). Le texte écrit serait donc propice au développement de l’esprit critique dans l’acquisition des connaissances.
L’anthropologue Michèle Petit s’intéresse à la lecture dans la construction de la personne en tant que sujet et à son enjeu en situation de crise humanitaire. Selon elle, les livres jouent un rôle dans la construction de soi et d’une identité personnelle, ils fournissent un espace au-delà, ailleurs, de façon à ce que la personne puisse prendre une part active à son destin, sortir des voies toutes tracées, s’approprier des mots, des images, se découvrir, élaborer du sens. En ouvrant un espace personnel, la lecture participe à la construction d’une pensée indépendante et mène en outre à la libération de la parole [Petit, 2004, 2014]. M. Petit a observé que la lecture tient une place essentielle dans de nombreux endroits du monde marqués par la guerre, la violence, des crises économiques, des exodes, ou encore des catastrophes naturelles 5. Dans ces circonstances, ceux qui sont au plus loin des livres (peu scolarisés, pauvres, marginalisés ou dominés) viennent de sociétés où c’est davantage la tradition orale qui fournit des repères et des ressources pour construire du sens. M. Petit montre combien les expériences de lecture partagée participent de la (re)construction de soi. La lecture rend plus habile dans l’usage de la langue, plus subtil dans son intelligence, plus critique, plus à même d’explorer l’expérience humaine, de lui donner sens et valeur poétique. Si la littérature est une réserve où puiser pour donner du sens à sa vie, la penser, imaginer d’autres possibles, ce qui est à l’œuvre dans la lecture partagée est bien plus vaste que le soin : il s’agit de développer quelque chose de l’ordre du culturel, de l’éducatif et du politique [Petit, 2010].
M. Petit voit dans la lecture partagée d’une parole écrite le moyen de développer ses connaissances, d’élaborer du sens et une pensée indépendante. Mais ne doit-on pas se demander si l’oralisation d’un texte dans la lecture à voix haute conserve les valeurs émancipatrices de l’écriture ou si l’appétence pour cette forme d’oralité traduit, au contraire, la recherche d’une pensée moins polysémique, plus consensuelle ? Selon le point de vue de Didier, bibliothécaire et donc médiateur culturel, « la personne qui vient en bibliothèque est dans une démarche volontariste de découverte, de retrait et d’interrogation vis-à-vis de la norme médiatique ». Ainsi, on trouve une invitation à s’interroger sur le feuillet annonçant une lecture du texte intitulé « CAFI 6 » : « Louise, eurasienne, “métisse” les fils de l’histoire de ces milliers de Français pas tout à fait comme les autres puisque dits “d’Indochine” » ; et en introduisant la lecture de « CAFI », Pôleth Wadbled, sociologue, ajoute : « Il s’agit d’un pan d’histoire de France méconnu dont on peut se demander s’il y a un intérêt à ne pas en parler ; y a-t-il une volonté d’effacer cette histoire dont on n’est pas fier ? »
Nous notons aussi que les lectures proposées sont très souvent teintées d’« exotisme » : les textes lus font référence au Vietnam, aux États-Unis, à la Perse, à l’Afrique, au Chili, etc. L’ouverture à l’autre ou vers d’autres possibles est souvent évoquée dans les invitations écrites. Ainsi, sur l’annonce d’une lecture proposée par la compagnie À deux pas d’ici, on peut lire : « Rêver, s’évader, rire, pleurer, découvrir, s’envoler, apprendre, comprendre… ou comment grandir en écoutant des histoires », ou encore sur le site internet de la lectrice et conteuse Monia Lyorit : « Et maintenant… je raconte… des paroles pour ouvrir la porte d’entrée d’un univers où tout peut arriver. Et tout arrive… 7 » Si la lecture à haute voix procure un sentiment de liberté, on ne s’étonne pas qu’elle se pratique aussi en prison, comme nous l’a confié le conteur Jihad Darwiche qui s’y rend régulièrement. À la fin d’une lecture, une dame nous dit : « Je suis là par hasard, j’ai trouvé le flyer en bas, j’ai vu “Monsieur T. Louverture 8” et j’ai pensé que c’était en lien avec l’esclavage, et comme j’aime beaucoup l’Afrique… mais cela n’avait rien à voir. » Et Nicole, présente à la journée « Qu’est-ce que la poésie ? 9 », nous dit être elle-même lectrice auprès d’enfants ; elle a le souci de leur faire aimer la lecture et y associe les mots « liberté » et « liberté du choix » ; « vous trouverez toujours un livre que vous aimerez », dit-elle, comme si tout était toujours possible avec les livres. Elle ajoute : « Cette journée m’a ouvert l’esprit sur ce que pouvait être la poésie, sur d’autres choses. »
Avant la lecture de quelques-uns de ses textes, dans une longue introduction sur son œuvre et ses motivations, le poète chilien Carlos Diaz 10 nous parle de « l’importance de la polysémie », « il n’y a pas une histoire, mais des histoires au pluriel, il faut interpeller l’histoire officielle », et plusieurs fois : « il ne faut pas avoir une vision académique ». Il dit de la poésie que « c’est un engagement » et donne pour exemple les poètes de la négritude et les mots de Pablo Neruda dans son Chant général de 1950 : « je viens parler par votre bouche morte. » Pour Carlos Diaz, il s’agit à travers l’écriture et la lecture de « donner la parole à des gens qui ne l’ont pas normalement ».
Les discours et les pratiques des différents acteurs de la lecture à voix haute (auditeurs, lecteurs et médiateurs culturels) nous mènent à penser que l’oralisation de textes écrits conserve les enjeux de la mise à l’écrit de la parole, tels que le développement de l’esprit critique, le souci d’ouverture vers la connaissance et vers la pluralité de l’interprétation des mots et des points de vue.
Confiance et solennité associées au texte et au livre-objet
On ne peut éviter de faire un rapprochement entre la lecture à voix haute, telle que nous l’évoquons jusqu’ici, et la lecture « auriculaire » qui fait référence à l’écoute d’un livre audio (un texte dont on a enregistré la lecture à haute voix). Hervé nous livre ces mots que lui a inspirés la lecture du livre audio Cadastre d’Aimé Césaire : « J’écoute, et donc je lis avec l’oreille, je lis aveuglément et d’autant plus attentivement, peut-être, […] je me laisse bercer par le chant puissant et singulier […]. De même qu’il n’y a pas de paupières pour les oreilles, le livre audio jamais ne se ferme vraiment 11. » La lecture partagée se distingue en effet de la lecture auriculaire par sa temporalité toute singulière : les ondes sonores de la lecture partagée ne sont émises qu’une seule fois, le temps de la lecture. L’expérience est singulière. Ceci explique peut-être pourquoi certaines personnes participent à des lectures dans le noir 12 : pas d’images, uniquement une voix sous-tendue par un texte, comme dans un livre audio, mais avec la particularité d’être vécue collectivement et en temps réel.
En ce sens, la lecture à voix haute est une forme d’art ou de spectacle vivant, une performance dont le caractère éphémère rappelle celui de la musique jouée en public, « l’art de la durée » selon Jean et Brigitte Massin [Massin, 1985, p. 7]. Pour Stéphanie, bibliothécaire, « c’est avant tout la musicalité des mots qui compte dans la lecture à haute voix ». Ces propos s’accordent avec le fait que le conteur J. Darwiche nous a raconté l’une de ses histoires en arabe 13, le poète Carlos Diaz nous a lu l’une de ses poésies en espagnol, en précisant « si vous ne comprenez pas, ce n’est pas grave », et un lecteur du Poquelin Théâtre 14 nous a fait la lecture d’un texte de Louise Labé dans un français du XVIe siècle. La temporalité particulière à chaque lecture à haute voix est fixée par le lecteur et imposée au public auditeur qui se voit ainsi en quelque sorte soumis à une certaine autorité, celle du lecteur et/ou celle du texte. Dans la transposition orale d’un texte, est-ce notre rapport à la musicalité des mots portés par la voix qui explique le silence que le lecteur obtient soudainement et spontanément dès que sa lecture commence ? Stéphanie souligne : « L’importance du texte, c’est comme une partition pour un instrument de musique ; dans la lecture à haute voix, il y a une confiance dans ce qui a été écrit pour ce que c’est ; c’est pourquoi il n’y a pas besoin de mise en scène, le texte s’incarne de lui-même. » Didier, son collègue, partage cette idée : « Moins on en fait, plus le texte passe ; la solennité est due à la qualité du texte rehaussé par le lecteur ; il existe un silence très particulier pendant la lecture, le texte a une force intrinsèque, il s’agit de le faire rayonner un peu plus que quand on lit pour soi. » N’est-ce pas aussi au nom de cette solennité du texte que les lecteurs adressent souvent un message aux parents afin de prévenir tout désordre éventuel, même quand les lectures sont annoncées « tous publics » ?
Pour Stéphanie, « le public vient pour partager quelque chose dans une expérience commune, mais ce n’est pas du théâtre, c’est une expérience de lecture ; cette expérience de lecture, c’est comme tourner les pages d’un livre ; la lecture à haute voix a pour rôle de mettre en relation le contenu [du livre] et l’objet [livre] ; je suis un peu “intégriste” sur ce point : la présence de l’objet est nécessaire, la matérialité est importante ». Le rapport au livre-objet, à la fois pour le public et pour le lecteur, est en réalité très variable. Dans la plupart des cas, les livres correspondant aux textes lus sont en effet présents, souvent posés sur une table et volontiers manipulés par quelques auditeurs après la lecture. Quant aux pratiques des lecteurs, la plupart du temps, les textes sont lus à partir de photocopies ou d’impressions personnelles annotées, sauf lorsqu’ils s’adressent davantage aux enfants. Ainsi, la conteuse Mahalia insiste quant à elle sur « l’importance du support écrit ». Elle distingue « trois sortes de lectures à haute voix : il y a lire, raconter et conter ; quand je raconte, il y a une triangulation entre moi, le texte [livre] et le public ; je suis le porte-parole du livre, en tant qu’objet, indépendamment de l’auteur, que je ne représente pas ». De même, dans son ouvrage intitulé Le métier de lire à voix haute, Frédérique Bruyas écrit : « Le livre ne me quitte pas, je l’ai entre les mains et ne le perds jamais de vue. Sans l’audace qu’il me donne, je me sentirais totalement illégitime » [Bruyas, 2014, p. 44-45]. Mahalia manipule aussi beaucoup les livres au cours de ses lectures. Par ailleurs, elle danse, chante et incarne les personnages.
Selon Martine Burgos, sociologue de la littérature, à propos de la lecture à voix haute : « Il serait souhaitable lorsque les actions visent les personnes “hors” de l’écrit de leur faire sentir, palper, cette présence, non comme un élément étranger mais comme la matière même d’un monde qui fut, longtemps avant l’invention de l’alphabet, objet d’un travail de décodage, de déchiffrement, de liaison, d’interprétation, bref, de lecture. Il s’agirait d’exploiter les richesses métaphoriques que recèlent les gestes les plus simples qu’appellent le contact avec le livre et son appropriation : ouvrir un livre comme on ouvre une boîte à secrets, un écrin, une jarre et laisser échapper les mots du récit, de la mémoire, les matériaux des mondes imaginaires… le feuilleter comme on dit d’une pâte, tourner les pages – et […] explorer d’autres territoires de l’homme… » [Burgos, 2007]. Il semble donc, d’après M. Burgos, que la présence matérielle et la manipulation du livre-objet soient souhaitables lorsque la lecture s’adresse à un public éloigné de l’écrit.
La lecture à voix haute est une « forme d’art à part entière en ce qu’elle invente une relation inédite au texte, ni exégèse ni incarnation », écrit M. Burgos [2011, p. 192]. Elle ajoute à propos du « liseur » : « Il veille à ne pas occuper le territoire du texte afin de le laisser disponible à d’autres interprétations, aux reprises silencieuses que les personnes dans le public pourront vouloir effectuer à leur tour, livre sous les yeux » [Burgos, 2011, p. 190], et encore : « Cet enjeu est à la fois esthétique et politico-éthique : rendre actif, de façon concrète, visible, le triangle liseur/texte/auditeur de telle sorte qu’à chaque place du dispositif la singularité et la liberté des acteurs restent opérantes et se vivifient mutuellement dans une relation de réciprocité s’inscrivant dans une durée qui va bien au-delà du temps strict de la performance » [Burgos, 2011, p. 191]. On retrouve dans cette analyse la triangulation évoquée par Mahalia, et l’importance du livre, à la fois en tant qu’objet dans sa forme codex, un cahier formé de pages manuscrites reliées ensemble, et en tant que texte. F. Bruyas inscrit aussi sa démarche dans une « circulation triangulaire de la parole : de la main de l’auteur à la bouche du lecteur à l’oreille de l’auditeur. […] Je cherche à donner une écriture vocale du texte inscrit sur la page » [Bruyas, 2014, p. 29-30].
La sobriété vestimentaire apparente des « liseurs » semble par ailleurs participer de la prégnance du texte. Beaucoup sont habillés de noir, de la tête aux pieds ; d’autres, tels que les conteurs Jihad Darwiche, Mahalia et Pierre Rosat 15, portent un même « costume » : pantalon noir, chemise blanche (ou l’inverse), et un long et étroit foulard suspendu au cou, de couleur rouge ou rose, évoquant l’étole liturgique 16. Tous les trois sont pieds nus ; selon Stéphanie, questionnée à ce sujet, « c’est pour rester en contact avec la terre, s’ancrer dans le sol ». Le liseur serait-il seul à demeurer en contact avec la terre pendant que les auditeurs se trouveraient, eux, « déconnectés » de celle-ci et de sa matérialité ? Mahalia explique qu’elle maîtrise son rapport au public, elle claque des doigts, l’interpelle, utilise une phrase de clôture du conte au-delà de la chute « comme pour refermer l’enchantement », dit-elle. J. Darwiche aussi termine systématiquement ses histoires par « cette histoire est terminée ». Mahalia parle d’« envoûtement », de « séduction » et « à la manière des griots ». Elle ajoute : « Les contes africains ont la force de l’oralité, contrairement aux contes européens qui sont davantage une construction littéraire et ont un contenu moral ; les contes africains sont modulables, la décision morale appartient à l’auditeur. »
Il semble donc que, dans le cas des contes, l’accent soit davantage mis sur la personne du conteur (en tant que persona, interprète), et peut-être aussi sur le sens du texte, alors que dans les lectures de textes littéraires, la recherche d’une certaine sobriété, d’une sorte de distance, tente plutôt de mettre en valeur le texte et la musicalité de ses mots. Cette sobriété est quelquefois accompagnée d’une volonté explicite d’absence d’images, comme ce fut le cas à la séance de lecture « Apéro Jazz 17 » où le lecteur prit soin de prévenir le public en introduction : « Il n’y aura pas grand-chose à voir, on n’a pas mis d’écran géant avec des jazzmen etc. ; d’ailleurs, vous pouvez fermer les yeux. » Ce concept rejoint celui des lectures organisées dans l’obscurité. Mentionnons cependant qu’à l’inverse de la lecture précédente, Suzanne Doppelt, l’auteur qui est aussi photographe, nous a lu un texte poétique en relation directe avec ses œuvres graphiques abstraites projetées sur un écran. De plus en plus, la lecture à voix haute se trouve d’ailleurs jointe à d’autres formes artistiques, à la musique et à la danse, par exemple. Il est surprenant qu’au moment où se généralisent de nouvelles pratiques de la lecture impliquant les technologies du numérique (internet et la liseuse électronique), phénomènes majeurs de la nouvelle décennie, on note la réémergence des pratiques d’oralisation publique de textes qui, selon M. Burgos, « prennent, nécessairement, une signification autre que celles qu’elles avaient avant la généralisation de l’écrit, dans les périodes où la compétence lecturale était minoritaire » [Burgos, 2011, p. 186].
Transmettre, mettre en partage, faire circuler
par la parole une vision sensible du monde
Bien qu’ils soient peu explicites sur cet aspect, chercheurs et praticiens de la lecture à voix haute associent très fréquemment la notion de « partage » à cette pratique, d’ailleurs appelée communément « lecture partagée ». Que signifie « partager » ici ? Prendre part à quelque chose avec d’autres, s’associer en pensée ou en sentiment, communiquer, percevoir ou ressentir en commun 18 ?
Ainsi, l’étude sociologique de M. Burgos s’intitule : « La lecture à voix haute : un rituel de partage » [Burgos, 2011]. « Les auditeurs des lectures à voix haute expriment de façon très explicite leur désir du contact, le plaisir qu’ils éprouvent à vivre et partager une expérience avec les autres, sur un mode très particulier, qui a à voir avec ce qu’on attend de la relation à un texte littéraire – c’est-à-dire que l’écoute collective fasse renoncer à un ressenti de l’ordre de l’intime et une interprétation personnelle », écrit-elle 19. Et F. Bruyas affirme : « Quand […] certaines personnes viennent me confier combien les textes étaient beaux, je repars plus légère. Ce sont les textes qui m’ont aidée à rencontrer les autres. Nous avons partagé la contemplation des œuvres sans analyse » [Bruyas, 2014, p. 67-69]. Mais si celle-ci reconnaît une « valeur sociale » à la lecture publique qui « permet à des gens qui ne se connaissent pas de se réunir autour de l’écoute d’une sélection de textes », elle note toutefois qu’« il n’y a pas de débat pendant ou après la lecture des textes » ; « je ne crois pas en une vérité qui pourrait trouver son expression via la littérature, et je ne considère pas la lecture publique comme le partage de cette vérité », écrit-elle [Bruyas, 2014, p. 67 et 69]. « Les écrivains que j’aime lire à voix haute ne cherchent pas à expliquer le monde mais à l’exprimer » ; « l’auteur a trouvé dans le monde des lettres un équivalent du monde réel, c’est-à-dire son expression littéraire. Mais la distance entre ces deux mondes reste infranchissable » [Bruyas, 2014, p. 33 et 69]. S’il y a partage dans la lecture à voix haute, la valeur de son objet est sensorielle, esthétique, et toutefois herméneutique, empreinte de sens, de signification, car le sens du texte est enraciné dans le son et dans la musicalité des mots : « De cette compréhension de la matière sonore qui fonde le texte, j’attends qu’apparaisse une sorte de première intelligence qui va me conduire à une révélation du sens. Comme si la matière littéraire portait en elle […] la mémoire de tous les sens, une mémoire du monde » [Bruyas, 2014, p. 34]. De cette perception du monde, elle s’efforce de transmettre, de mettre en partage, de faire circuler la sensibilité au moyen de sa voix, c’est-à-dire de sa bouche, de sa langue (« ce qui me fonde », dit-elle) et de la parole : « L’énergie proprement physique enfermée dans le livre se libère de ma bouche, pénètre le spectateur par l’oreille et donne à la parole écrite sa véritable nature de son et de sens, alliage, alliance indissociables » [Bruyas, 2014, p. 43 et 66].
Notre ethnographie de la lecture à voix haute a très peu relevé l’expression du « partage » dans le discours des divers acteurs et l’unique observation que nous pourrions lire dans ce sens est celle de l’auditeur qui, consentant, « donne ses oreilles » au lecteur, à condition d’envisager ce « don » comme faisant partie d’un processus d’échange entre le lecteur et le public où l’auditeur recevrait, à travers la voix du lecteur, une parole mise en partage. L’expression « donner ses oreilles » trouve son origine chez J. Darwiche qui dit à son public : « Une dernière histoire, et ensuite je vous rends vos oreilles. » Mais s’agit-il là d’un partage ou d’un rapport d’autorité, d’une soumission consentie par les auditeurs vis-à-vis du lecteur ou du texte ? Lui a-t-on effectivement donné nos oreilles ou en a-t-il pris possession ? N’oublions pas que l’auditeur participe volontairement à cette pratique et qu’il a donc choisi de venir « donner ses oreilles » le temps d’une lecture. Pour M. Burgos, « reconnaître, respecter, préserver la liberté interprétative, tel est peut-être le véritable combat que la lecture à voix haute mène contre la tentation qui la hante : reconstituer le rapport frontal, autoritaire, qui a présidé à la transmission des textes, sur le mode sacré ou canonique, dès le temps où l’accès à l’écrit était réservé à une minorité, et se perpétue avec toutes les formes d’inégalités culturelles – se saisir d’un écrit, le transmettre oralement, c’est-à-dire lui donner forme, peut être une prise de pouvoir symbolique violente sur le texte et sur le public » [Burgos, 2011, p. 191]. Cette prise de pouvoir symbolique par le lecteur, sur le texte et sur le public, n’est pas sans rappeler une autre pratique de lecture à haute voix, celle du prêtre lisant la Bible à ses fidèles, une pratique qu’évoque le « Livre d’heures » imaginé par F. Bruyas pour « une journée complète de lectures du lever au coucher du soleil. […] Bibliothèque portative que je pourrais emmener partout avec moi et qui aurait l’intensité des prières pour les croyants. […] J’imagine bien mon Livre d’heures comme un objet autonome qui existerait sans moi et qui pourtant retiendrait ma meilleure part » [Bruyas, 2014, p. 53-55]. Si ces deux pratiques de la lecture à haute voix ont des points communs, nous ne sommes pas surpris d’observer des fidèles sortant d’une église catholique et traversant la chaussée pour enchaîner le prêche sur une lecture profane programmée dans une médiathèque municipale 20.
Si la lecture à voix haute est un moment de partage, elle l’est sans doute au sens de participare, en latin, qui signifie « faire participer quelqu’un à quelque chose, faire connaître, partager une chose avec quelqu’un, avoir sa part de, participer à », plutôt qu’au sens de partiri signifiant « diviser en parties, répartir » [Dictionnaire Gaffiot, 1934]. C’est au Poquelin Théâtre à Bordeaux que ce principe de participation fut le plus tangible. Chaque premier mardi du mois, auditeurs et lecteurs se rendent dans ce lieu intime à l’allure d’un café-théâtre (petites tables rondes, lumière tamisée, boissons) ; des lecteurs y lisent des textes de leur choix et dont ils sont quelquefois les auteurs. Bien que ces événements de lecture à voix haute constituent un cas particulier, dans le sens où les lecteurs y sont alternativement des auditeurs, nous pensons qu’ils peuvent cependant nous apporter un éclairage sur les enjeux de cette pratique et les principes qui les régissent. Dans un ordre qui semble aléatoire et dans le plus grand silence, les participants se lèvent l’un après l’autre pour nous faire la lecture. Le lecteur commence le plus souvent par introduire son texte en le contextualisant d’une façon subjective : « ça m’est venu ce matin », « je m’excuse, c’est un peu noir, j’ai peut-être un peu vieilli… mais j’ai un peu du mal avec la société d’aujourd’hui », « je suis triste aujourd’hui en pensant à notre beau littoral saccagé », « nous avons bricolé ce texte, tous les deux », « c’est un texte écrit par Bernard Dimey, un grand alcoolique par ailleurs », « un petit poème d’amour, ça ne nous fait pas de mal », « à cette époque-là, on savait parler entre générations », etc. Avec une certaine audace et une apparente fragilité à la fois, ces lecteurs sont visiblement à la recherche d’un lien et d’une reconnaissance. Si des textes sont lus, nos oreilles n’entendent dans leur voix qu’une seule parole : « Regardez-moi, écoutez-moi, je m’exprime. » En tant qu’auditeur, en « donnant nos oreilles », nous prenons part à, nous participons de l’existence de ces voix et, à travers elles, de ces paroles, de ces ressentis et finalement de ces personnes, en tant qu’êtres sociaux pour qui la parole est peut-être le seul recours face à « notre isolement » [Bruyas, 2014, p. 71]. Ces voix n’existent, et à travers elles les lecteurs, que parce que des oreilles en sont à l’écoute. Sans auditeurs, il n’y a pas de lecteur dans les lectures à haute voix.
Pour M. Petit : « Chacun de nous est un “espace en crise”. Les êtres humains ont d’ailleurs une prédisposition originaire, anthropologique, à la crise : naissant prématurés, nous sommes marqués par une fragilité dont les traces persistent tout au long de la vie » [Petit, 2008, p. 23]. Par « espace en crise », M. Petit, à sa façon, souligne le caractère dynamique de notre rapport au monde et aux autres, de notre socialisation, voire de notre adaptation à la société et aux représentations collectives qu’elle institue. Or, l’agentivité (des auditeurs, des lecteurs, des bibliothécaires) – la capacité consciente ou non, intentionnelle ou non, à agir sur le monde, les choses, les êtres, à les transformer, les influencer – participe de l’élaboration dynamique des représentations collectives exprimant les réalités collectives. La personne qui s’engage dans une activité culturelle instituée telle que la lecture à voix haute, est « partie prenante » et consentante. Dans « consentir », il y a « sentir » ou recevoir une impression par le moyen des sens, et le préfixe « con- » qui sous-entend « être complice, être d’accord ». Consentante… ou qu’on s’entende ? Car, au bout du compte, ne faut-il pas qu’on s’entende ? « Les oreilles ça sert à quoi ?, avais-je demandé en ouverture d’une soirée. À respirer !, m’avait répondu un enfant bien installé sur les genoux de son papa. Non, à coudre, pour que je déroule le fil de mon histoire de ma bouche à tes oreilles, lui avais-je répondu » [Bloch, 2008, p. 72].
La vision classique de la sociologie durkheimienne pose clairement la double dimension de l’humain, un être à la fois individuel et social, et considère la religion comme une expression de la transcendance du lien social [Durkheim, 1998]. Dès lors, la solennité, la ritualité, voire la sacralité des lectures à haute voix ne traduisent-elles pas un caractère religieux auquel on adhérerait pour se penser en société, pour penser le groupe ? En s’engageant dans une lecture à voix haute, si celui qui donne ses oreilles est à la recherche d’une polysémie, d’une ouverture sur le monde, d’une liberté accrue, d’une pensée indépendante, comme le suggèrent J. Goody et M. Petit en référence à l’écrit et sa lecture, cet auditeur est en sus à la recherche d’une cohésion, d’un cadre de pensée, voire de conduite, consensuel et adapté socialement, et qu’il cherche implicitement à (re)définir collectivement à travers sa participation à cette activité culturelle instituée.
Afin de mieux comprendre ce qui est recherché, de l’autre côté, par les lecteurs, nous avons participé à une formation à la lecture à voix haute, dispensée par la comédienne et lectrice professionnelle Solange Boulanger, au CLiO à Vendôme.
Se former au métier de lecteur : prendre (enfin) la parole
Le silence de l’écoute, celui des auditeurs-spectateurs, est absolument requis pour que s’exprime cet art de la parole qu’est la lecture à voix haute. C’est peut-être ce que sont venues chercher les stagiaires de la formation intitulée « Lire à haute voix » proposée par Solange Boulanger. Il s’agit de huit femmes âgées de 15 à 85 ans (des hommes y ont participé les années antérieures). Toutes cultivent un rapport singulier à la parole, son apprentissage, la mise en bouche des mots, leur expression verbale. Ainsi, Lucie est orthophoniste de formation bien qu’elle dirige une librairie. Hélène, Christine et Sophie déclarent avoir peu eu, et pris, la parole dans l’enfance et au-delà, et ressentent consciemment « le besoin d’acquérir une voix, une parole » (Christine). Patricia est venue avec un objectif précis : réussir à lire à haute voix un texte de Jorge Bucay [Bucay, 2008], une sorte de « charte du couple » qu’elle destine à un proche. Quant à Joséphine, elle s’exprime verbalement avec une facilité et une maturité exceptionnelles à 15 ans. Elle confiera plus tard : « Tout s’est précipité dans ma vie ; j’ai vécu des choses très dures ; j’ai perdu la naïveté de l’enfance trop tôt ; j’ai grandi trop vite. » Elle dit vouloir « enseigner plus tard le français aux enfants défavorisés et leur transmettre ce que les livres [lui] apportent dans le doute ou la tristesse ».
Compte tenu de ce rapport complexe, et en apparence quelquefois fragilisant, à l’expression vocale des mots ou à la prise de parole, plusieurs stagiaires trouvent une plus grande facilité à communiquer à travers un autre médium sensoriel que celui de la voix, et ce, parfois de manière relativement impressionnante. Ainsi, Christine est peintre ; elle pratique depuis longtemps une peinture monumentale, murale, et aussi l’illustration, même si elle tente aujourd’hui de devenir conteuse. Claudine s’exprime également de façon plus naturelle à travers la peinture et en a fait également son métier ; elle se dit un peu dyslexique : « S’exprimer avec des mots, c’est plus difficile. » Joséphine lit beaucoup et, comme Rachel, il lui arrive d’écrire ses propres textes ; elle est de plus musicienne : enfant, elle avait spontanément choisi de jouer du basson, ce grand instrument très expressif, souvent mélancolique et dont la sonorité profonde et sombre a été comparée à la voix d’un dieu marin par le poète Sacheverell Sitwell [Baines, 1962]. Si « le livre […] témoigne à tout instant de notre nature d’être de paroles », et si « le texte est l’espace où la parole peut à nouveau parler » [Bruyas, 2014, p. 43 et 15], cela permet peut-être de comprendre l’appétence des stagiaires pour cette formation, car celles-ci partagent de toute évidence un désir commun : prendre (enfin) la parole.
Être en soi et habiter le monde : une (re)naissance
« Un livre, c’est mort, c’est nous qui lui donnons vie », nous dit Solange Boulanger. « Je sens cette volonté chez chacune d’entre vous de transmettre les textes qui vous tiennent à cœur ; mais pour y parvenir, il faut être en soi », dit-elle. « Lire en silence pour pénétrer des existences autres, pour démultiplier la sienne propre. Je lis à voix haute pour me pénétrer de ma propre existence. J’aurais bien du mal à savoir ce qu’elle recouvre mais je sens qu’elle s’enracine dans ma voix qui dit les mots d’un autre. […] Je suis celle qui s’offre aux regards », écrit F. Bruyas [2014, p. 41 et 43].
« Il est évident que c’est seulement dans la mesure où le lecteur lira vraiment, c’est-à-dire qu’il se subrogera à l’auteur, au fur et à mesure de sa lecture, qu’il fera, si vous voulez, acte de commutation, comme on parle d’un commutateur, qu’il ouvrira la lumière, enfin qu’il tournera le bouton et qu’il recevra la lumière. C’est seulement donc le lecteur qui fait le livre, lui-même, en le lisant » [Francis Ponge, cité par Bruyas, 2014, p. 30]. De même, pour S. Boulanger, « on ne présente ni l’auteur, ni le texte qu’on va lire ; c’est un banquet, on ne rentre pas dans la cuisine… ; et on ne se préoccupe pas du public, il s’agit de nous et du texte ; il faut habiter le texte, y compris ses silences ; mais le spectateur-auditeur ne doit jamais être dérangé, et le temps qui suit la lecture, le silence de la fin, doit absolument être respecté, prolongé, car nous avons perdu nos repères pendant la lecture pour d’autres repères, des repères stables qui nous ont permis de partir dans la fantaisie ou l’imaginaire, une autre répartition de l’espace et du temps ». Ce propos rejoint celui de la conteuse Muriel Bloch : « Puis le silence revient s’installer entre les mots, le temps que les images fassent leur chemin dans la tête des auditeurs. Ceux qui se perdent en route pour se plonger dans leur propre film, peuvent revenir au récit. […] Il lui [le public] faut du temps pour “atterrir”. Ce silence ultime du temps suspendu avant de se quitter est précieux » [Bloch, 2008, p. 75]. Car selon Solange Boulanger, en effet, il s’agit d’« aller très loin » par la lecture à haute voix : « C’est un corps-à-corps, une prise de risques, une vraie transformation pendant ce stage. Vous avez toutes du goût, le goût des textes et de la lecture ; avec ça, on peut faire beaucoup de choses, on peut aller très loin. » « Être en soi » et « aller très loin » reviennent beaucoup dans le discours de S. Boulanger. Ce qui l’intéresse dans cette activité de formatrice à la lecture à voix haute, c’est « observer la “chirurgie esthétique” à l’œuvre chez chacune d’entre vous, “l’avant-après” le stage, le transport, le passage à la vie ». Solange parle souvent d’« accouchement », de « souffle », de « donner vie au texte », « le porter comme on porte un enfant, puis on le laisse faire son chemin… ».
À la suite d’un exercice d’improvisation marqué par une forte émotion collective, S. Boulanger conclut : « Chacun est unique ; il s’agit d’accouchements. » Et lorsqu’elle commente une lecture de Christine : « On sent que ce texte te parle, mais ton objectif n’est pas que tu montres mais que tu sois. Avec un texte qui nous plaît, il y a une vraie tension, il faut se laisser envahir, c’est le texte qui t’emmène, laisse-toi guider par le texte. On a souvent un manque de confiance, dans le texte, en soi et dans l’auteur. Mais il faut de la confiance, c’est elle qui amène la détente. » De même, « “tout est dans le texte” me disait mon professeur […]. Évidemment, tout est dans le texte, mais encore faut-il avoir une confiance sans limites dans la matière que l’on a entre les mains et s’y abandonner corps et âme » [Bruyas, 2014, p. 21]. Qui, dès lors, donne vie à qui ? La lectrice au texte, le texte à la lectrice, ou encore la formatrice à la lectrice en herbe ?
Hélène a 85 ans ; elle participe aux formations à la lecture à haute voix de Solange Boulanger depuis plusieurs années. Elle se présente au début du stage : « J’ai exercé toute ma vie le métier de psychothérapeute et psychopédagogue. Pour soigner les inhibitions des enfants qui n’arrivaient pas à abstraire, j’utilisais les contes du monde. Ceux-ci ont énormément compté dans ma propre vie. Ma mère était peu maternelle mais elle me lisait les contes de Grimm en allemand (je suis alsacienne). Elle lisait aussi la Bible. Nous étions protestants et j’ai eu une éducation très rigide. La lecture était le seul endroit où je rencontrais des autres, je n’avais pas d’amis. » Ces paroles résonnent avec celles de F. Bruyas [2014, p. 44] : « J’ai toujours ressenti une grande proximité entre la lecture à voix haute et l’art du funambule. […] Le balancier est à mes yeux l’équivalent du livre qui maintient l’équilibre entre moi et le monde. » À la fin du stage, Hélène confie encore qu’elle a beaucoup manqué d’amour dans son enfance, et elle tient à exprimer « une grande re-co-naissance à Solange ; merci de donner autant, et à chacune de façon équitable, sans favoritisme. Tu donnes beaucoup, comme une mère… ».
La pratique de la lecture à voix haute constituerait-elle un moyen parmi d’autres d’être au monde ? « L’auteur est celui qui, au contact de l’écriture, conduit son esprit et découvre qu’à force du regard le langage peut faire le poids et nous inscrire dans le tissu du monde. Le lecteur à voix haute est celui qui, au contact de l’écriture de l’autre, conduit son corps et découvre qu’à force du regard le langage peut faire le poids et nous réinscrire dans le tissu du monde » [Bruyas, 2014, p. 14] 21.
Mettre les mots en images : mettre à distance
la charge émotionnelle qu’ils contiennent
Au CLiO, lectures et « racontées » appartiennent à un même art, celui de la parole, célébré chaque année à l’occasion d’un festival à Vendôme (EPOS, Festival des histoires). À 86 ans, Suzy Platiel est formatrice au CLiO. Ethnolinguiste et africaniste, elle s’est intéressée à la fonction du conte dans les sociétés à tradition orale, en particulier chez les Sanan du Burkina Faso. Bien que cette chercheuse s’intéresse au conte et non à la lecture à voix haute, son travail nous intéresse ici parce qu’il met en liaison la prise de parole, les sens et le sens : trois dimensions consubstantielles que la lecture à voix haute partage avec le conte.
S. Platiel a mesuré le rôle majeur des contes écoutés et racontés dans la formation de l’être humain. Elle parle de « besoin du lien que tisse le conte » [Platiel, 1993, p. 55] et s’interroge au sujet de l’enfant qui réclame une histoire : « Cherche-t-il aussi à retrouver ce temps d’avant son temps quand, seul pont reliant le dehors au dedans, c’était aussi seulement une voix qui, pénétrant son univers obscur, fermé, réduit aux dimensions de son être, lui parlait d’un autre monde et l’accompagnait dans son lent cheminement vers lui ? […] À quelles nécessités intérieures correspond son besoin d’écouter et de se dire des histoires qui surgit brusquement alors que se développe en lui et à l’égard de tout ce qui l’entoure la double problématique du semblable et du différent, qu’il commence à réaliser qu’il est autre parmi les autres, et qu’à travers les récits qu’il se fait à lui-même, il s’invente le monde. […] Dans les sociétés africaines, ce “besoin d’histoires” coïncide généralement avec le sevrage » [Platiel, 1993, p. 56]. Enfants, les Sanan ne se contentent pas d’écouter les adultes, ils content eux-mêmes dès l’âge de trois ans. Les anciens disent que les contes servent à « apprendre à maîtriser la parole ». S. Platiel montre qu’au-delà de l’acquisition du langage, les contes jouent un rôle beaucoup plus large : ils aident l’enfant à mettre en place les mécanismes mentaux d’abstraction et de raisonnement logique nécessaires à son évolution, en construisant sa relation au temps et à l’espace, et plus généralement sa personnalité : « Il lui faut apprendre à se situer dans le temps et dans l’espace en réalisant qu’en deçà et au-delà du lieu où il se trouve et de l’instant présent, il existe un “ailleurs”, un “hier” et un “demain” qu’il peut concevoir et dont il peut parler » [Platiel, 1993, p. 59]. En apprenant d’abord à écouter les contes, l’enfant découvre que la parole, comme le langage du corps et les messages que reçoivent ses sens, est un lieu privilégié de l’échange. Et pour s’exprimer, pour communiquer avec les autres, les comprendre et se faire comprendre, le langage doit supplanter progressivement les autres outils de communication. Mais pour qu’il y ait langage, il faut que dans son développement, l’enfant parvienne à construire le concept abstrait de « notion », c’est-à-dire apprendre les différences qu’il convient d’ignorer, ou au contraire celles qu’il faut retenir. Si son intelligence sensorielle lui permet d’associer mots, images, symboles aux émotions suscitées par la vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher de ce qu’il nomme du même nom, il lui faut construire le « domaine notionnel des mots » : chaque mot utilisé ne représente pas une personne, un objet ou un acte unique inscrit dans le présent du réel, mais une classe d’objets partageant des caractéristiques communes tout en gardant leur singularité ; il lui faut trouver le noyau commun qui permet de désigner par le même terme des choses différentes.
Dans ce processus de distanciation, d’abstraction et de généralisation, en apprenant à dépasser l’identification terme à terme de l’objet et du mot, c’est en dépouillant les mots du contenu émotionnel dont il les charge que l’enfant accède véritablement à la maîtrise du langage et donc de la parole. Or les contes, tout en faisant appel aux émotions et aux sensations à partir desquelles l’enfant organise son rapport au monde, aident dans ce lent processus de construction de l’abstraction. Enfin, la construction de la personnalité, de la conscience d’un soi, « ce noyau commun à toutes ses différentes manifestations, noyau qui les comprend et les englobe toutes et les dépasse en les sublimant » [Platiel, 1993, p. 70], utilise le même processus mental de distanciation à l’objet présent, réel et émotionnellement chargé. Dit autrement, perception sensorielle, émotions, littérature orale, langage, abstraction et processus de subjectivation 22 sont des dimensions ontologiquement intriquées de la prise de parole.
Ces différentes dimensions de la prise de parole se retrouvent dans le rapport qu’entretient F. Bruyas avec la lecture à voix haute. Celle-ci affirme que cette activité lui est devenue « une nécessité vitale », le moyen d’établir personnellement un contact avec elle-même impossible à trouver autrement : « Le fait de lire la pensée d’un autre est une liberté formidable, celle d’être dans l’oubli de soi. […] Mais il y a là un paradoxe essentiel. Je vais néanmoins avoir besoin de tout mon être pour pouvoir pénétrer cette matière inconnue, cette terra incognita que représente le texte. Le corps [les sens] et l’esprit [le sens] sont engagés à chaque instant » [Bruyas, 2014, p. 66].
Les deux versants de la sensibilité du lecteur :
émotion et imagination
Les textes proposés par Solange Boulanger touchent aux grands thèmes de la vie, la mort et l’amour. Ils évoquent souvenirs, émotions et quelquefois souffrances, des ressentis que les apprenties lectrices ont souvent du mal à contenir à la première tentative de lecture. Pour S. Boulanger, « la sensibilité est un carburant, mais c’est aussi un précipice ; il s’agit de tenir l’émotion comme le ferait une tour de contrôle ». Afin de permettre à la stagiaire de mettre à distance la charge émotionnelle que les mots contiennent pour elle et d’atteindre « plus de spontanéité, de liberté, de sincérité et de justesse », S. Boulanger lui propose un exercice préliminaire d’improvisation autour du texte choisi : en partant des premiers mots du texte, les yeux fermés, elle se doit de « laisser venir les images et dire avec ses mots, avec peu de mots car trop de mots tuent l’imaginaire et le souffle, son expérience propre », un vécu en relation avec le contenu signifiant du texte. Dans cet exercice difficile, en position de retrait et lui soufflant à l’oreille des questions, S. Boulanger aide son apprentie dans l’évocation vocale d’un imaginaire associé à un vécu personnel, « une musique intérieure, la vraie musique, à la fois la sienne propre et celle du texte ». Alors seulement, la lectrice sera capable d’incarner les mots d’un texte qui certes la touchent, mais « sans tomber dans le pathos ». C’est comme « pour le musicien qui entend d’abord la partition dans sa tête et doit ensuite trouver le geste instrumental qui saura rendre compte aussi subtilement que possible du son intérieur. […] pour que le dedans et le dehors coïncident », selon F. Bruyas [2014, p. 20].
Le stage terminé, autour d’un verre à la terrasse d’un café, les lectrices s’échangent coordonnées et conseils de lecture. Trois d’entre elles ont lu le même livre récemment et le recommandent aux autres qui, rapidement convaincues, en prennent note. Il s’agit de Renouez avec votre enfant intérieur de Margaret Paul. Médecin psychothérapeute, M. Paul s’inspire d’une méthode jungienne issue de la psychologie analytique. Ainsi, elle s’attache à développer en soi un adulte aimant pour l’enfant qui réside en chacun de nous, afin que celui-ci puisse exprimer son être spontané et sa sensibilité profonde. « C’est ce que nous avons fait pendant ce stage, faire appel à notre imaginaire et à nos émotions, en puisant dans les souvenirs, la mémoire de notre enfance », partagent les stagiaires. Si le procédé qu’utilise S. Boulanger évoque celui de la psychanalyse 23, notons qu’à aucun moment pendant le stage, il n’a été fait allusion ni à la psychologie ni à une quelconque vertu thérapeutique de la lecture à voix haute, et ce, ni de la part de S. Boulanger ni de celle des stagiaires. Bien au contraire, S. Boulanger parle de son stage comme d’un « laboratoire » et de méthode « scientifique », « anthropologique », et donne toute son importance au corps et à sa sensibilité : « imaginez une odeur, une couleur… », et au terme du stage, « quand les choses sont à leur place, on le sent dans notre corps ». Et F. Bruyas ne parle-t-elle pas « d’un Sens oublié qui conjuguerait nos cinq sens et en constituerait un autre, celui de la formulation, du Verbe. […] Ce sixième sens serait une incorporation de la matière littéraire et la mise à distance qu’apporte son écoute » [Bruyas, 2014, p. 11].
Plutôt qu’un versant psychologique, c’est un versant réflexif, philosophique, que conçoit S. Boulanger dans le rapport dialectique qu’entretient la lecture à voix haute avec le corps : « Quelquefois, pour reconstruire, il faut tout lâcher, mais on ne peut pas toujours s’analyser ; c’est pourquoi nous devons nous appuyer sur le texte, sur le sens du texte. Si l’esthétique est importante, il faut néanmoins rester dans le sens ; la poésie, on la sentira. Il faut être dans une réflexion par rapport au texte qui suscite des questions philosophiques, autour de la mort etc. ; le texte n’est pas limité à nous, nous ne sommes qu’un port, un pont, un véhicule. » Mais pour F. Bruyas, le sens ne prend pas directement sa source dans un processus réflexif ; il s’enracine dans la conscience du son de sa voix : « Donner une interprétation du texte sans avoir recours à un investissement psychologique qui abolit la distance entre le public et le livre. La distance comme espace de liberté et non comme fantasme de neutralité. La subjectivité est permanente […]. Comment s’en sortir […]. Par le son, en cherchant à avoir une conscience aiguë de ce que ma voix propose dans l’espace de l’écoute » [Bruyas, 2014, p. 62].
Poétique du corps médiateur entre le son et le sens
F. Bruyas considère son corps comme un espace de projection, « un écran de cinéma où l’image et le son conduisent le récit » [Bruyas, 2014, p. 21]. Pour S. Boulanger, le corps ne doit pas se mouvoir pendant la lecture à voix haute. Pourtant, les références au corps sont fréquentes pendant la formation des lectrices : « lire à voix haute, c’est comme une autre vie que l’on donne au texte ; lire un texte, c’est comme un accouchement », phrases qui résonnent avec celles de F. Bruyas : « une impulsion du dedans vers le dehors » ; « le lire à voix haute est une manière de le regarder à l’air libre, de le faire sortir de mon corps » [Bruyas, 2014, p. 15 et 38], car le texte est incorporé par le lecteur : « Corps vertical entre ciel et terre, parole qui s’élève et s’envole, prière ou litanie, parole sacrée où l’orateur est un passeur qui prête son corps. La musicalité propre à ces modes incantatoires s’appuie sur une mémoire particulière qui n’est pas celle d’un texte su, mais plutôt d’un texte incorporé qui impressionne l’oreille de l’auditeur » [Bruyas, 2014, p. 28]. Les mots sont faits du matériau des lettres qui font d’eux des sons. Dans la lecture à voix haute, si le sens s’enracine dans le son, le processus engage aussi l’auditeur et le silence de son écoute : « Sans la présence du public, il me manquerait une dimension fondamentale : le silence de l’écoute. […] Quand je lis un texte, tout mon corps est tendu dans son écoute. […] J’écoute la parole qui naît au bord de mes lèvres et, grâce à la présence du public, je l’entends à nouveau dans le silence de l’écoute. L’ouïe […] donne au présent de l’écoute une qualité d’être au monde » [Bruyas, 2014, p. 15-16].
En conclusion, nous pouvons dire qu’en comparaison avec la lecture classique, intime et silencieuse, se rendre à une lecture à voix haute implique, du point de vue de l’auditeur, une distanciation libératoire vis-à-vis d’un texte et, dans le même temps, un rapprochement social qui participe de l’élaboration des représentations collectives. Ces deux processus s’appuient sur l’aptitude du lecteur à opérer un « pont » entre l’auditeur et le texte, d’une part, et entre l’auditeur et la communauté présente, d’autre part ; d’où le caractère « religieux » de la lecture à voix haute (au sens latin de religare, signifiant « relier »). Du point de vue du lecteur, il s’agit de se placer « à la bonne distance », celle requise pour obtenir le silence de l’écoute, c’est-à-dire une distance mesurée, à la fois vis-à-vis du texte et de la sensibilité qu’il éveille en lui, et du public dont il cherche à recevoir l’écoute pour satisfaire son désir d’« être au monde » et d’exister à travers lui. Selon un principe de réciprocité, les auditeurs font don de leurs oreilles au lecteur qui se donne en retour car il se « doit » aux autres 24, son « autorité » étant en jeu, et en je… La lecture doit donc comprendre une part subjective du lecteur : « être en soi » et « s’autoriser » – du latin auctor, signifiant « celui qui augmente », « auteur » et « autorité » – la parole d’un autre, c’est-à-dire incarner de sa voix les mots qui verbalisent un monde, à travers le sens (signification mentale) et les sens (sensation charnelle) que ces mots font résonner en lui. En passant donc par son corps et par la musique que produit sa voix, le lecteur donne à entendre une présentation singulière, subjective et poétique 25 du monde : « La lecture à voix haute m’a démontré très concrètement le bien-fondé de cette conception ancienne et désormais poétique du corps de l’homme : un microcosme reflétant le grand macrocosme » [Bruyas, 2014, p. 57]. Enfin, contrairement au conteur quand celui-ci ne lit pas un texte mais raconte une histoire, le lecteur prend appui sur un texte écrit, le plus souvent la parole d’un autre. Et bien que l’auteur ne soit pas cité, les mots demeurent ceux d’un autre. L’altérité de cette parole qu’il doit faire sienne le temps de la lecture, protège le lecteur d’une complète mise à nu ; elle facilite la mise à distance du contenu signifiant du texte et le renforcement d’une confiance en soi consubstantielle à l’exercice du métier de lecteur à voix haute.
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