Cherchez l’éléphant pour trouver les données : traduction graphique à partir de l’interview de Christine Borgman

Solenn Bihan

Solenn Bihan s’est livrée à une traduction graphique (à la fin de l’article) de l’entretien de Christine Borgman réalisé par Élise Lehoux pour le BBF 1

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Élise LEHOUX, « Les données de recherche : questions à Christine L. Borgman », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 12 octobre 2021. En ligne : https://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/les-donnees-de-recherche_70116

. Christine Borgman est professeure émérite et chaire présidentielle en études de l’information à l’UCLA. Elle livre son analyse des évolutions des enjeux inhérents aux données de recherche.

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Les enjeux de la facilitation graphique

Au quotidien, notre attention est saturée par le rythme et le volume d’informations à assimiler. Pour soutenir notre attention, nous avons besoin de médiation, de supports qui traduisent les informations abstraites en images simples, concrètes et accessibles.

C’est à cela que sert la facilitation graphique : proposer un accompagnement dessiné dans un but pédagogique. Si le résultat est ludique ou artistique, c’est encore mieux, mais ce n’est pas sa qualité principale.

Chacun de nous a déjà vu ces notes manuscrites illustrées de pictogrammes, ces portraits croqués sur le vif lors d’une conférence, ces schémas colorés qui rendent visibles la structure d’un projet. Tous les outils graphiques sont utilisables, de la bande dessinée à la carte mentale, du moment qu’ils sont clairs pour le spectateur et qu’ils lui donnent une perception d’ensemble et une vision concrète d’un sujet.

La facilitation graphique trouve sa pleine utilité dans le travail collaboratif, dans les démarches de design thinking, car le dessin permet aux différentes parties prenantes de dépasser les jargons et les cultures professionnelles, et donc de mieux se comprendre.

La facilitation graphique se pratique en direct (sketchnoting, scribing) ou en différé (modélisation, illustration), mais toujours avec un crayon à la main.

Les étapes du processus créatif

Lorsque le BBF m’a sollicitée pour réaliser une traduction graphique de l’interview de Christine Borgman sur les données de la recherche, je n’ai pas hésité longtemps. Cette occasion me permettait de concilier mon savoir-faire graphique et ma culture professionnelle.

Je suis partie de ma propre difficulté à visualiser les données de la recherche. Un tour rapide sur un moteur de recherche d’images m’a confirmé que je ne suis pas la seule dans ce cas : les visuels associés aux données de la recherche sont pauvres et très semblables aux représentations du numérique en général : des nuages (le fameux cloud), des circuits imprimés ou encore des lignes de code qui s’échappent d’un écran.

Certes, il n’est pas simple de représenter en une image immédiatement compréhensible des données aussi diverses : hormis le format numérique, quel est le point commun entre des relevés de satellites, des sondages d’opinion, ou encore l’analyse d’une œuvre littéraire ?

De fait, je me suis laissée guider par le dernier paragraphe de l’interview, et par cette phrase de Christine Borgman : « La valeur des données réside dans leur usage. » Changer de point de vue, prendre en compte l’écosystème global des données plutôt que leurs particularités, voilà ce qui m’a permis de transposer les données de la recherche dans l’univers visuel de la nature, et plus précisément de me représenter les données comme l’interaction d’une espèce animale avec son environnement. Cette métaphore rend palpable la nécessité de protéger les données de la recherche, qui sont aussi fragiles qu’un écosystème menacé.

Chr. Borgman elle-même fait allusion à la parabole de l’éléphant dans l’introduction de son livre. Pour traduire graphiquement son propos, il ne me restait plus qu’à assembler les pièces du puzzle : de la vue parcellaire à l’animal complet, de l’animal à son espèce et son écosystème.

Présentation de l’auteure

Conservatrice des bibliothèques depuis 2000, Solenn Bihan a exercé à l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC) puis à l’université de Lille. Elle s’est progressivement spécialisée dans l’édition scientifique et la bibliométrie. Attachée à l’implication des usagers et adepte de la pensée visuelle, elle s’est reconvertie dans la facilitation graphique.

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Références associées

• Élise LEHOUX, « Les données de recherche : questions à Christine L. Borgman », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 12 octobre 2021. En ligne : https://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/les-donnees-de-recherche_70116

• Élise LEHOUX, « Christine L. Borgman, Qu’est-ce que le travail scientifique des données ? : big data, little data, no data », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 22 mars 2021. En ligne : https://bbf.enssib.fr/critiques/qu-est-ce-que-le-travail-scientifique-des-donnees_69929