Un travail de lecture productive. La galerie-librairie « L’Ollave » et le collectif de la revue « Actuels »
Jean-Claude Annezer, Julien Hage, Dominique Lahary, Patrick Laupin
Rustrel, Éditions L’Ollave, 2024
Collection « Préoccupations »
ISBN 979 10 94279 40 3
Cet ouvrage, habilement préfacé par Julien Hage, reprend un travail de mémoire que Jean-Claude Annezer avait rédigé pour l’École nationale supérieure des bibliothécaires (ENSB), devenue École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib).
Pourvu de son diplôme, Jean-Claude Annezer a exercé ses fonctions de conservateur des bibliothèques, aux Antilles d’abord, puis à Toulouse, où il a dirigé la bibliothèque universitaire. Et, entre les deux postes, il a été formateur au Centre de formation des bibliothécaires de Clermont Ferrand.
Ce texte est l’œuvre d’un bibliothécaire qui pensait son métier : la bibliothèque, comme la lecture, devait être « productive ». Comme le rappelle Julien Hage, ce texte est issu des années 1970, donc représentatif de l’entre-deux des années 1968 et 1980, mai 1968 et mai 1981. Entre ces deux dates, les écrivains, les lecteurs, les bibliothécaires, les libraires, les éditeurs devaient s’organiser entre la production capitaliste, consumériste, et les nécessités que les mouvements sociaux ont mises à jour : lutte contre les oppressions au travail, sexuelles, contre la rentabilité immédiate des métiers. Qu’on se souvienne : la loi sur le prix unique du livre, dite loi « Lang », si elle a été proposée par Jérôme Lindon, alors directeur des éditions de Minuit, n’allait pas de soi pour grand monde : les grandes chaînes de librairies, les grands éditeurs étaient vent debout.
Jean-Claude Annezer, jeune étudiant à l’ENSB, connaissait Lyon. Il découvre une galerie-librairie, L’Ollave, située dans le vieux Lyon, et qui proposait en vitrine des livres de poésie d’éditeurs confidentiels, et des rencontres, expositions, débats : il s’agissait alors de sortir de ses lectures, de ses repères, de ses amitiés. Il se lie donc avec des communistes, qui s’appuient sur Marx, bien sûr, mais aussi sur Artaud, Kafka, Georges Bataille, Roland Barthes.
Ce texte est à la fois une synthèse du mémoire de Jean-Claude Annezer, et une histoire de l’écrit et de la poésie à Lyon. Il y est clairement exposé que l’acte de lire, comme celui d’écrire, est un acte qui se situe hors du champ de la production (industrielle et financière) et de la consommation. Il s’agit d’un acte qui exige beaucoup de son acteur pour qu’il s’extirpe des chemins habituels.
Ce texte peut sembler daté : qui aujourd’hui encore se pose ces questions ? L’histoire (récente, par exemple) de la situation de l’édition, de la structuration des empires éditoriaux de plus en plus confiés à des propriétaires fortunés impose pourtant de ne pas oublier cette période 1968-1981, et de ne pas passer à côté de ce texte très important.
N.D.L.R. :
En 1977, Jean-Claude Annezer (JCA) rédige un mémoire 1
Michel Merland, « Les travaux de recherche à l’École Nationale Supérieure de Bibliothécaires », Bulletin des bibliothèques de France, 1977, no 4, p. 223-230. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1977-04-0223-003
En 2023, commence le travail d’édition. Plusieurs spécialistes s’associent au projet : Julien Hage, maître de conférences au Pôle métiers du livre de l’Université de Nanterre, rédige une préface, Dominique Lahary une postface retraçant le parcours de JCA, et le poète Patrick Laupin livre une évocation de Pierre Rottenberg. Anne Annezer confie des photos de son mari, Jean de Breyne retrouve des archives de l’époque, et peu à peu le livre prend forme. À l’été 2024, l’ouvrage est publié 3
. Le 21 novembre, il est présenté à la librairie Le Bal des Ardents (Lyon) lors d’un événement organisé par la Bibliothèque municipale de Lyon 4, qui conserve les archives de la Galerie-L’Ollave.