Petite histoire du sport à la Bibliothèque municipale de Lyon

Les Jeux olympiques de Paris 2024 organisés cet été auront probablement eu un mérite, celui d’interroger nos collections et notre mémoire de l’activité olympique sinon sportive. Le sujet n’a rien d’évident dans notre culture où le corps et l’esprit sont souvent perçus comme deux forces antagonistes. Pour preuve, les tentatives antiques, puis humanistes, puis contemporaines de les concilier : « Mens sana in corpore sano », écrit Juvénal dans la dixième Satire. À la Renaissance, chez Rabelais, l’éducation humaniste reçue par Gargantua associe savoir, hygiène et sport, elle se veut complète et équilibrée, au détriment de la part de l’apprentissage livresque. Dans notre ère contemporaine, les tâtonnements des différents assortiments ministériels manifestent encore cette dichotomie : le sport peut-il et doit-il relever du ministère de l’Éducation nationale ?

Dans la balance, les bibliothèques sont associées à l’esprit, en opposition sous-jacente au corps, même si leur vocation encyclopédique impose un traitement de la thématique sportive au sein des collections.

Intérêt documentaire autour du sport à la BmL

Plusieurs manifestations ont ainsi souligné l’intérêt de la Bibliothèque municipale de Lyon 1

(BmL) pour le sport.

Au mitan des années 1980, elle accueillait l’exposition « Naissance du sport en France et dans la région lyonnaise (1820-1914) » 2

, présentée conjointement par le Centre de recherche et d’innovation sur le sport de l’Université Claude-Bernard Lyon-1 et par le Musée du sport de Paris, actuel Musée national du sport, hébergé à Nice depuis 2013.

Plus récemment, profitant du mouvement populaire et festif né à l’occasion de l’Euro 2016 de football, elle collaborait avec onze autres bibliothèques métropolitaines, deux musées lyonnais et le Centre national de la mémoire arménienne de Décines-Charpieu à un parcours culturel et sportif réparti sur le territoire. Inscrit dans le grand mouvement post-Charlie qui réfléchissait aux fondements de notre démocratie, ce parcours comprenait des expositions, des débats scientifiques, des lectures, des jeux de plateau et des jeux vidéo, des spectacles… et quelques belles rencontres entre dirigeants, sportifs et supporters.

En 2023, année préolympique, a été organisée une Heure de la découverte 3

à la rencontre des représentations du sport dans les collections anciennes de la BmL. Si l’escrime, l’équitation ou l’athlétisme y ont trouvé une place attendue, la natation ou le cyclisme mais aussi des pratiques moins associées au patrimoine écrit et graphique ancien, comme le golf, le surf et le roller, ont pu être évoqués au détour d’une estampe sortie des collections de la bibliothèque.

Il faut cependant convenir que le sport est longtemps resté le parent pauvre des collections de la BmL si l’on en juge par la faible part occupée par cette thématique dans ses catalogues. Quelques milliers de notices seulement répondent à une recherche avancée sur le sport, c’est à la fois beaucoup et bien peu au regard de la richesse des collections de l’établissement.

Une nette évolution est cependant apparue au début des années 1970 avec la création du service de la Documentation régionale et la tentative de collecte exhaustive d’une documentation certes foisonnante mais jusqu’alors éparse, quelquefois même confidentielle : bulletins de liaison et annuaires associatifs, affiches illustrées et typographiques, revues de clubs sportifs, liasses d’éphémères, dossiers de presse constitués quotidiennement et bien sûr photographies sont progressivement venus documenter une multitude de pratiques amateurs et professionnelles sur les huit départements constituant à cette époque la région Rhône-Alpes.

Documenter le sport par la photographie

La recherche constante d’iconographie de la part de nos usagers a par ailleurs donné naissance en 2011 à la base de données Photographes en Rhône-Alpes 4

, créée sous l’impulsion d’Anne Meyer, ancienne conservatrice de la Documentation régionale, et aujourd’hui intégrée à la bibliothèque numérique de la BmL, Numelyo 5. Le sport y est représenté par les archives de deux grands titres de presse lyonnais de la seconde moitié du XX^e siècle. D’une part, le fonds Georges Vermard 6, photographe de presse de L’Écho-Liberté et occasionnel collaborateur de la luxueuse revue Reflet de la vie lyonnaise. D’autre part, le fonds Lyon Figaro 7, constitué par le quotidien éponyme, actif à Lyon et sur la région Rhône-Alpes entre 1986 et 2006.

Sans surprise, les grands événements et les principaux clubs sportifs régionaux – ceux-là mêmes qui se disputent les faveurs du public – restent majoritairement représentés au sein de ces archives photographiques. De l’équipe de basket de l’Asvel avec ses champions multititrés à l’inévitable derby rhônalpin entre les deux clubs rivaux de l’Olympique lyonnais et de l’AS Saint-Étienne, ce sont ainsi des milliers de photographies qui rejoignent progressivement Photographes en Rhône-Alpes. Ceci sans oublier, bien sûr, les grands rendez-vous annuels quelquefois sponsorisés par l’un ou l’autre de ces titres de presse : le Critérium du Dauphiné Libéré, le tournoi bouliste de Pentecôte, le Rallye automobile de Lyon-Charbonnières, le Grand Steeple-Chase de Lyon à l’hippodrome de Bron-Parilly, le Grand Prix de tennis de Lyon, l’Open de golf de Lyon sur le parcours de Villette-d’Anthon, etc.

La plus grande des manifestations sportives appartient bien entendu à cette liste. Et de ce point de vue, le territoire de l’ancienne région Rhône-Alpes a été profondément marqué par l’organisation, à trois reprises, des Jeux olympiques d’hiver. En effet, en 1924, la France est doublement organisatrice des Jeux olympiques : Paris accueille ses premiers Jeux d’été, comme on le sait, mais Chamonix organise aussi les premiers Jeux d’hiver (rebaptisés ainsi a posteriori). En 1968, c’est Grenoble qui prend son tour, et en 1992, Albertville. Trois Jeux olympiques d’hiver, trois départements de la région : Haute-Savoie, Isère et Savoie.

Organiser une collecte sur les Jeux olympiques

En 2024, pour alimenter cette mémoire des Jeux olympiques en région et combler les lacunes de sa base Photographes en Rhône-Alpes, le département de la Documentation régionale et du Dépôt légal de la Bibliothèque municipale de Lyon s’est lancé dans une collecte. Il s’agit de faire entrer dans ses collections, pour les trois années olympiques concernées, à savoir 1924, 1968 et 1992, tous les documents iconographiques personnels (photographies argentiques, films et vidéos, cartes postales, affiches, flyers, tickets d’entrée, accréditations…) qui peuvent être numérisés, ainsi que les objets promotionnels (médailles, vêtements, et autres goodies et souvenirs…) qui seront photographiés.

Au-delà de la complétude de la base Photographes en Rhône-Alpes, l’opération projette de valoriser les documents obtenus par une exposition dans l’espace Patrimoine du site de la bibliothèque de la Part-Dieu et par une cartographie disponible librement en ligne, qui documentera sous forme d’itinéraire des points précis de la région et mettra donc en lumière l’évolution du territoire des Jeux olympiques.

Annoncé au public dès avril 2024, le projet a déjà fait l’objet d’une journée exceptionnelle de collecte, samedi 25 mai, journée au cours de laquelle plusieurs collègues ont été mobilisés pour accueillir le public, photographier les objets et numériser les documents imprimés.

Une deuxième journée de collecte doit avoir lieu le samedi 5 octobre. Une adresse mail (collecteJO@bm-lyon.fr) permet par ailleurs de répondre aux propositions d’éventuels donateurs tout au long de l’année.

À mi-chemin du dispositif de collecte, nous nous réjouissons d’avoir pu rencontrer des journalistes sportifs, des collectionneurs et passionnés des jeux, même si nous peinons pour l’instant à retrouver des photographies. En cela, l’Association française des collectionneurs olympiques et sportifs 8

(AFCOS) a été d’une aide précieuse en relayant auprès de ses adhérents les objectifs de la collecte et en faisant venir à nous quelques collectionneurs compulsifs et passionnés.