Le sCD Paris-8 et l’e-inclusion

Vers une émancipation numérique

Florence Codet

Clémence Desrues

Anne-Cécile Grandmougin

Goran Sekulovski

La fracture numérique désigne une forme particulière d’exclusion, ou tout du moins de frein à l’inclusion dans une société qui s’organise de plus en plus autour de l’accès au numérique. Dans le contexte universitaire, la fracture numérique dessine ses lignes de faille autour d’un enjeu crucial : la réussite des études. Le positionnement de la bibliothèque universitaire (BU) de Paris-8 dans le soutien à l’usage du numérique sous toutes ses formes n’est pas récent, et participe d’une dynamique générale de lutte contre toutes les formes d’exclusion, y compris l’e-exclusion.

À l’université, c’est sur deux fronts que la lutte contre l’e-exclusion s’organise, car la réalité de la fracture est à la fois matérielle et immatérielle.

Le premier enjeu, c’est l’accès aux équipements. Depuis 2016, la bibliothèque universitaire de Paris-8 propose le prêt de matériel informatique aux étudiants (prêt d’ordinateurs portables et déploiement d’une médiation dans l’usage des machines). La prise de conscience de l’ampleur de la « précarité numérique » des étudiants a été accélérée par le confinement sanitaire du printemps 2020. À Paris-8, université ancrée dans le territoire de Saint-Denis, ces problématiques se posent avec une acuité toute particulière. Deux opérations massives d’équipement des étudiants en matériel informatique auront été portées par l’université en 2020. Pour pérenniser et organiser la médiation aux solutions techniques, le service commun de la documentation (SCD) est un partenaire naturel. Fin 2020, le parc informatique de la bibliothèque a vocation à être considérablement accru.

Le second aspect de la fracture numérique dans l’environnement universitaire est cognitif et méthodologique. La déconstruction du mythe de la « génération connectée » 1

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Emmaüs Connect, Les connexions solidaires d’Emmaüs Connect : de l’enquête anthropologique aux interfaces inclusives, Presses de l’Enssib, coll. « La Numérique », 2017. En ligne : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/68251-les-connexions-solidaires-d-emmas-connect.pdf

met en évidence le fait que les jeunes digital natives ne sont aujourd’hui pas les moins concernés par les exclusions numériques. Si, dans leur majorité, les étudiants semblent avoir un usage particulièrement fluide des réseaux sociaux et de l’internet sur smartphone, l’usage critique et professionnel de la recherche d’information en ligne est souvent plus problématique. Par ailleurs, dans un contexte de transformation pédagogique qui redessine les contours du « métier d’étudiant », l’absence d’un socle de compétences numériques est discriminante, et augmente considérablement les risques d’échec.

À cet égard, le SCD de Paris-8 déploie une stratégie d’accompagnement, fondée sur la conviction que les bibliothèques universitaires ont un rôle éminent à tenir dans la transformation pédagogique de l’enseignement supérieur. Ce postulat se concrétise par trois axes forts, qui se développent dans un contexte de partenariats très étroits avec la communauté universitaire.

Le premier, c’est l’intégration des problématiques de web literacy dans les séances de formation aux usagers, tous niveaux confondus. L’accroissement des compétences informationnelles des étudiants (compétences analytiques et critiques) favorise l’émergence d’une véritable citoyenneté numérique.

Le second niveau d’action de cette politique d’e-inclusion s’appuie sur une intégration institutionnelle aux maquettes de formations, et notamment aux catalogues d’EC 2

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Un EC est un « élément constitutif » d’une UE, « unité d’enseignement ».

transversaux de « Nouveaux cursus à l’université », valorisant les soft skills. La BU pilote ainsi des ateliers de contribution à Wikipédia, et accompagne les étudiants, qui deviennent producteurs de savoir sur le web, dans leur autonomisation numérique.

Enfin, dans un contexte de crise sanitaire où la dématérialisation des apprentissages s’est généralisée dans l’urgence, la BU a proposé aux enseignants, à la rentrée universitaire de septembre 2020, un dispositif de six séances d’accompagnement à l’hybridation de leurs cours.

Le constat de ces opérations demeure que la co-construction permet de dépasser la logique du soin, de la réparation, de la réduction d’une douloureuse fracture numérique. Ce qui s’expérimente à travers ces cycles de formations, et plus généralement dans le large mouvement de transformation des apprentissages dans l’enseignement supérieur, c’est la co-découverte des riches potentialités d’une pédagogie renouvelée et le défrichage commun d’un chemin à parcourir avec les étudiants, pour les accompagner dans leur émancipation numérique.

De la nécessaire adaptation des services aux publics

La politique d’accueil des publics de la bibliothèque universitaire de Paris-8 marque fortement depuis son ouverture les usages professionnels des équipes. Engagée depuis 2011 dans la labellisation Marianne 3

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Voir l’article de Lola Mirabail, « Label Marianne : la BU de Paris-8 confirmée dans sa démarche qualité », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2016, n° 8, p. 124-129. En ligne : https://bbf.enssib.fr/matieres-a-penser/label-marianne_66389

, elle maintient des critères d’accueil élevés et veille à s’adapter constamment aux besoins de ses usagers. Le premier confinement a été, comme pour un grand nombre de bibliothèques universitaires, l’occasion de constater une réalité parfois crue : le manque d’équipement informatique, les conditions de travail peu propices à la concentration, les problèmes techniques d’accès à internet sont autant de vecteurs menant au décrochage universitaire.

La réouverture de la bibliothèque en septembre 2020 a permis pour beaucoup d’étudiants de renouer le lien avec une ambiance de travail studieuse, avec l’accès aux outils numériques… Mais, là encore, le constat a été fait d’une nécessaire adaptation de nos services publics afin d’être un réel soutien en cette rentrée dite hybride. En effet, un grand nombre d’étudiants avaient par exemple cours en présentiel et en distanciel dans la même journée. Or, la région parisienne n’offrant que rarement des trajets courts en transport en commun, ces mêmes étudiants n’avaient pas toujours le temps de rentrer chez eux afin de suivre correctement ces cours. L’université ne disposant pas d’espaces mixtes suffisants, la bibliothèque a ainsi créé une zone spécifique pour la visioconférence dans la salle noire, salle à l’écart des espaces de travail silencieux, disposant de 12 boxes individuels et de 10 postes d’autoformation. Les usages classiques de travail individuel ou en groupe ainsi que d’autoformation ont ainsi été modifiés afin de créer cet espace. Pour qu’il soit efficace, il fallait pouvoir offrir un espace où pouvoir parler sans déranger, où la connexion était suffisante et où un matériel informatique pouvait être réservé à cet usage.

Cette question de l’équipement informatique a été cruciale dans la conduite de la réouverture de la bibliothèque. Les besoins en ordinateurs portables ne cessent d’être exprimés par les étudiants qui n’ont pas toujours ce matériel à disposition. Dans le contexte du premier confinement, l’université a mis en place, dès avril 2020, un dispositif d’aide sociale d’urgence à destination des étudiants en situation de précarité. En plus d’une aide financière et de ressources de première nécessité, 240 ordinateurs portables ont été distribués. La seconde opération d’équipement massif (500 machines), portée par la région Île-de-France et par l’université Paris-8 (décembre 2020) associera étroitement la bibliothèque. Le parc informatique destiné au prêt et implanté à la BU a vocation à être considérablement accru. La mise à disposition de ce matériel aux étudiants est essentielle et permet à la bibliothèque de continuer à affirmer son rôle pivot dans l’accompagnement à la réussite étudiante.

Par ailleurs, l’université s’est fortement positionnée en faveur d’outils libres ouverts à toute la communauté. Cependant, pour pouvoir autoriser plusieurs types d’usages, l’institution a également choisi de proposer des licences Zoom Pro à ses services. La complémentarité entre la solution libre BigBlueButton et la solution propriétaire Zoom permet ainsi d’inclure au maximum les étudiants qui solliciteraient les services de la bibliothèque et de s’adapter aux différents types de supports, notamment mobiles. Le renouvellement du parc informatique présent au sein de la bibliothèque a également été l’occasion de repenser aux logiciels utilisés pour les cours en distanciel par exemple. Entre les recommandations officielles de logiciels par les instances universitaires et la pratique, force a été de constater que les usages ont été plus variés. La mise à disposition de ces deux types de licences a ainsi été placée comme priorité par la bibliothèque afin de ne laisser aucun étudiant de côté.

Enfin, si l’accompagnement des étudiants via l’équipement et la mise à disposition d’espace est un marqueur fort de cette rentrée universitaire 2020, il ne faut pour autant pas oublier la médiation numérique qu’il induit. Le mail de contact de la bibliothèque a été fortement sollicité par les étudiants pour de l’aide à la connexion, à la réservation de créneaux. Les équipes de répondants ont donc été renforcées afin de répondre à cette demande et de ne pas se contenter de réponses trop automatiques. Cette médiation numérique a fortement marqué les échanges depuis la rentrée et a nécessité l’adaptation de tous, étudiants et professionnels, que ce soit en ligne ou en physique lors de l’accueil des usagers au sein de la bibliothèque. L’accompagnement personnalisé a ainsi repris une importance considérable dans ces moments de crise et il nous est d’emblée apparu vital de s’engager fortement dans cette médiation numérique afin de continuer à répondre à nos missions d’accompagnement et de soutien de la communauté universitaire.

Nouvelles compétences et nouveaux usages numériques

Pour le Service de la formation des usagers (SFU) au sein du SCD de l’université Paris-8, la problématique de la fracture numérique et ses actions de remédiation s’articulent autour de deux enjeux. Le premier concerne l’accompagnement à la réussite des étudiants par une initiation à la consultation des ressources électroniques disponibles dans leur discipline, mais aussi plus largement à la web literacy, de manière à aiguiser leur esprit critique, à les sensibiliser à la question de l’intégrité scientifique autant qu’à celle de l’identité numérique. Le second enjeu s’inscrit dans un contexte sanitaire global, subi autant que surmonté, dans lequel la formation doit désormais se faire nécessairement à distance, occasionnant de nouvelles pratiques et normes de transmission.

En étroite concertation avec les enseignants et les écoles doctorales de la communauté universitaire, le SFU poursuit une logique d’inclusion à deux niveaux, tant au plan académique qu’au plan de la citoyenneté numérique.

Outre les séances de recherche documentaire, désormais inscrites dans les maquettes des licences, dans le cadre de la Méthodologie de l’expérience étudiante (M2E), le SFU met en œuvre un TP intitulé « S’éduquer à l’info(x) et vérifier ses sources ». Ce dernier décline une série d’exemples et d’exercices (énoncés relayés sur des réseaux sociaux, vidéos diffusées sur internet…), en engageant les étudiants à en vérifier les sources. Il s’agit avant tout d’interroger la manière dont l’information circule et se répand, par le jeu des algorithmes ou par celui des groupes de discussion, préoccupation renforcée par la viralité de « l’infodémie » 4

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François-Bernard Huyghe (dir.), Qu’est-ce qu’une infodémie ?, « Dossier #1 : Le virus du faux », octobre 2020, Observatoire (Dés)information & Géopolitique au temps du Covid-19 de l’IRIS. En ligne : https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/11/Dossier-1-Le-virus-du-faux.pdf

en période de crise sanitaire mondiale. La séance se poursuit par un examen attentif de l’argumentation à l’œuvre dans un « média de référence » sur un sujet controversé, puis par une recherche de sources académiques sur ces questions dans les bases de données de la bibliothèque.

Un autre enseignement, « Contribuer à Wikipédia », inscrit dans le parcours NCU So Skilled de l’université Paris-8 pour développer les compétences transversales, vise à approfondir cette initiation à la pensée critique et à accompagner les étudiants dans leur autonomisation numérique. Cette unité d’enseignement intègre l’écosystème propre à Wikipédia (enrichissement des articles, discussions, référencement…) et requiert des étudiants des contributions rédigées s’appuyant sur des sources académiques fournies par la BU. La démarche privilégie un positionnement actif d’auteur, et valorise l’insertion dans un projet collaboratif.

L’importance des sources, témoins de la construction d’une pensée, d’une théorie ou d’un concept, est également prépondérante dans les contenus délivrés aux étudiants en master. La présentation des outils de gestion de données bibliographiques est complétée d’un TP intitulé « Identifier le plagiat et bien citer ses sources », pour les inciter à utiliser leurs références en toute intégrité – le plagiat involontaire relevant souvent d’une méconnaissance ou d’une incompréhension des bons usages.

Enfin, pour les doctorants, les formations mettent en lumière les questions de l’Open Access et des archives ouvertes. Ceux-ci sont également invités à élaborer une stratégie relative à la valorisation de leur identité numérique – ou comment s’inscrire de manière pertinente au cœur d’un vaste réseau de ressources et de sites à caractère académique.

Tous ces contenus, destinés à favoriser l’acquisition et l’augmentation de compétences numériques et transversales, sont actuellement dispensés en distanciel, d’un confinement à l’autre.

L’expérience du premier confinement, à bibliothèque fermée, a fait émerger diverses formes de fractures –  sociales autant que numériques – et conduit à expérimenter de nouvelles modalités d’inclusion dont nous tirons à présent les leçons, en ce temps de reconfinement. En premier lieu, l’urgence pour les étudiants de s’emparer des ressources documentaires disponibles dans les bases de données de la bibliothèque, ainsi que dans les archives ouvertes. Dans ce contexte inédit, nombre d’éditeurs scientifiques avaient par ailleurs ouvert provisoirement l’accès à un grand nombre de publications. Une aide individualisée a été alors fournie aux usagers pour leur permettre de bénéficier de ces ressources électroniques, à une période où l’on ne pouvait pas donner accès aux documents physiques.

Au-delà de son aspect académique et documentaire, la formation en distanciel synchrone via BigBlueButton ou Zoom a permis, au printemps 2020, de maintenir un lien avec les usagers et de rompre un isolement prolongé. Les formations doctorales, alors dispensées en visioconférence, ont également pu conduire à reconsidérer la question de la dématérialisation dans une situation d’adaptation et de transformation permanentes. Si celle-ci crée parfois un sentiment de distance ou d’éloignement, elle suscite aussi un nouveau défi : comment assurer une continuité et recréer une présence et une familiarité là où l’on a un sentiment d’absence ? Si l’enseignement en distanciel ne peut se substituer au présentiel, il permet toutefois de rassembler provisoirement dans une logique d’inclusion.

Par ailleurs, les injonctions à la distanciation physique dès la rentrée universitaire 2020 ne permettant pas d’accueillir tous les étudiants en présentiel dans le cadre de l’EC Méthodologie de l’expérience étudiante, des supports audiovisuels ont été réalisés, et tous les modules de formation sont actualisés de manière à pouvoir dispenser un contenu pédagogique à distance (synchrone et asynchrone).

On peut mesurer aujourd’hui le tournant numérique qui vient d’être franchi en l’espace de quelques mois : de nouvelles habitudes collectives, héritées du printemps 2020, semblent aller dans le sens d’une plus grande familiarisation du grand public comme de la communauté académique avec les réseaux sociaux et les outils numériques de visioconférence. L’usage massif, pour ne pas dire viral, de nombreux logiciels et applications (BBB, Blackboard, Google Hangouts, Jitsi Meet, Teams, Skype, Google Meet, Zoom, Houseparty, WhatsApp, Google Duo, Instagram, Messenger…), à l’heure de la classe comme à celle du café, du sport ou de l’apéritif, à des fins professionnelles autant que privées, a aussi entraîné une appropriation globale de nouveaux modes de communication dont on tire le constat actuellement, alors que l’enseignement et la formation se déroulent nécessairement, et pour une durée encore inconnue, en distanciel, dans l’incertitude de l’évolution de la situation sanitaire. On remarque ces jours-ci, dans le cadre de la formation des usagers, une plus grande confiance et un meilleur savoir-faire général dans la prise en mains des outils, vers l’acceptation d’une autre normalité, ou du moins d’habitudes alternatives.

Enfin, la production croissante de supports audiovisuels réalisés avec les moyens du bord marque également une évolution vers l’appropriation d’outils qui, il y a peu, étaient davantage l’apanage des professionnels de l’audiovisuel, ou de diffuseurs de contenus tels les gameurs et les youtubeurs, ce qui interroge sur un glissement de l’expertise vers une généralisation des usages.

En raison de l’urgence à dispenser un enseignement à distance dans un délai très court, la bibliothèque a construit pour la rentrée 2020 un cycle de formation auprès des enseignants, en collaboration avec des spécialistes du Bureau d’appui à la pédagogie numérique (BAPN) de l’université, renforçant ainsi les liens avec la communauté pédagogique.

Rouvrir le passage pour les imaginations pédagogiques

Avec la rentrée en septembre, un vocabulaire spécifique, longtemps cantonné au sein de la communauté universitaire, revient au goût du jour : hybridité, présentiel, distanciel, comodal, synchrone, asynchrone. Du côté de l’université Paris-8, plusieurs modules sur l’enseignement à distance destinés à la communauté enseignante ont été élaborés et dispensés par le SCD avant même le retour des étudiants. Si assurer la transition des cours en présentiel vers le distanciel reste un défi majeur, ces modules visent à accompagner les enseignants dans l’appropriation des outils numériques et la conception de scénarios pédagogiques.

La réflexion à mener devait apporter une réponse à la question : quelle est la part de présentiel absolument nécessaire et la part de distanciel possible ? En l’absence des repères physiques et verbaux habituels qui accompagnent une rencontre en face-à-face dans un cours présentiel, un des plus grands défis de l’enseignement à distance était d’arriver à engager les étudiants dans les cours. Enfin, à distance ou en présence, la pertinence de l’enseignement est garantie par un alignement pédagogique : des objectifs poursuivis, des méthodes déployées et de l’évaluation.

Au tout début du cycle, de petites anxiétés et des résistances ont pu être exprimées par quelques enseignants. La formation, comme toute introduction au téléenseignement, servait sûrement aussi à prendre en compte ces inquiétudes, à rouvrir le passage pour les imaginations pédagogiques. Sans se perdre dans la diversité des technologies, l’objectif de cette première session à destination des enseignants était d’encourager à se concentrer sur la manière dont cette mise à distance permet à chacun d’enrichir ses pratiques pédagogiques ou ses stratégies d’apprentissage.

320 participants ont suivi les six modules de formation « Enseigner à distance dans l’enseignement supérieur » en septembre et nombre d’entre eux ont passé d’un triste découragement au tout début à « haut les cœurs ! » durant la formation, tant il paraît évident que la mission principale reste d’accompagner les apprentissages des étudiants. C’était la preuve en même temps que cette formation fonctionne en dépit d’un contexte qui ne lui est pas favorable.

Le passage de la rentrée universitaire en septembre au deuxième confinement en novembre a entraîné des changements de paradigme notamment dans la manière de penser le distanciel. La nouvelle session proposée en novembre sur la construction de l’enseignement à distance a permis de constater cette mutation. Le distanciel correspond à une toute autre forme de cours et de contrat pédagogique par l’invention d’autres modes de travail et la création doit y avoir sa place. Des compétences nouvelles, enrichies, sont construites par l’expérience du distanciel pour les étudiants comme pour les enseignants : métacognition, réflexivité, culture de l’écrit, cohérence. Il y a tout intérêt à les valoriser dans les consciences des étudiants et des enseignants.

Pour les enseignants qui suivent cette nouvelle session, le distanciel représente de plus en plus une démarche volontaire, qui exige des consignes claires et un alignement pédagogique. La plateforme numérique est désormais perçue comme un tiers lieu, qui change le rapport enseignant/étudiant. Elle est envisagée comme un « assistant » sympathique, à la disposition des étudiants, cohérent, lisible, qualités que le distanciel permet davantage que le présentiel. Ainsi pour un enseignant qui a commencé à travailler sur la plateforme Moodle, en septembre, l’envisageant comme un appui au présentiel, elle est devenue progressivement en novembre le cœur du dispositif : le présentiel devenant appui au travail sur la plateforme. Dans la même perspective d’inclusion numérique, certains étudiants s’expriment plus dans le tchat à distance qu’en classe en présentiel.

Le « tout à distance » porte à réfléchir davantage au travail réel et aux compétences mises en œuvre/attendues : le maniement de la plateforme, la capacité à s’adapter à un mode non habituel de travail, à comprendre (faire comprendre) les enjeux et le cadre d’un nouveau contrat pédagogique sont des acquis en termes de compétences, que l’enseignant peut expliciter et partager. Le temps de travail est conséquent mais pas davantage que le présentiel, l’énergie est distribuée autrement. Face à des questions qui restent assez classiques, l’enseignant peut formuler des réponses différentes : plus enracinées dans le travail réel, moins principielles, peut-être plus souples et créatives.

Pour finir, il reste encore en mémoire la sensation de rapidité (bien souvent de plaisir) avec laquelle le travail d’accompagnement des enseignants dans la conception d’un enseignement à distance a changé, voire basculé, tout en suscitant un pas de côté déterminant pour la compréhension, la motivation, l’énergie à l’œuvre dans ce travail d’un nouveau genre. Cette période aura ainsi permis d’affirmer l’inclusion du SCD au sein de la communauté enseignante, de penser ensemble cette nouvelle réalité et de co-construire des solutions pour la transformation numérique en cours.