Livres au trésor : sélection 2009
Bobigny, Ville de Bobigny, 2010, 55 p., 30 cm
Il est des outils dont la beauté supplanterait presque l’utilité : un stylo plume à la forme ergonomique, un couteau de Thiers au bois de rose somptueux… une bibliographie Livres au trésor illustrée par Sara !
Livres au trésor est un centre de ressources sur le livre jeunesse qui s’adresse à l’ensemble de la population de la Seine-Saint-Denis, et plus particulièrement aux professionnels de l’enfance et/ou du livre et de la lecture. Il propose, en consultation sur place dans la bibliothèque municipale de Bobigny, un fonds de ressources sur la littérature jeunesse, anime un réseau d’informations, d’échanges, de coopération et de partenariats, et publie des bibliographies et des sélections d’ouvrages. Leur site internet * est à l’image de la richesse de leurs activités.
1989-2009 : l’anniversaire de Livres au trésor
Chaque année depuis vingt ans, le collectif de professionnels du livre, emmené par Véronique Soulé, sélectionne rigoureusement parmi la production pléthorique de livres pour enfants en ne retenant, avec minutie et exigence, que le meilleur. Pour résultat, 55 pages précieuses et précises, joyeuses et ingénieuses, une mine de renseignements pour de multiples pistes de lecture. Les livres sélectionnés sont classés dans cinq grandes rubriques : livres d’images, théâtre, poésie, romans, contes, et sont indexés par thèmes, genres, choix narratifs, tranches d’âge et bien évidemment par auteur et par illustrateur, ce qui rend l’outil particulièrement pratique et riche d’utilisation.
Des auteurs, des illustrateurs
Avec fidélité, Livres au trésor donne des nouvelles des anciens, les valeurs sûres, celles qui nous ont déjà donné de grands plaisirs de lecture, sur lesquelles on peut compter depuis deux décennies. Outre Sara dont, coïncidence, le premier album paraissait il y a tout juste vingt ans, on retrouve Pef, Bruno Heitz, Yvan Pommaux, mais aussi Anne Herbauts, Kitty Crowther, les Chats pelés… Mais Livres au trésor sait également dénicher les nouveaux talents, les valeurs sûres de demain, comme Nicole de Cock, Julia Friese, Élisa Géhin, Alexandra Pichard, etc.
Des éditeurs
Avec fidélité également, cette bibliographie donne des nouvelles de quelques éditeurs. Ainsi les éditions Être avec la présentation de leur nouvelle collection, « L’étrangeté », dont l’ambition et le projet – on ne sera guère surpris – sont de publier des livres singuliers à l’univers inhabituel ; mais aussi les éditions Panama dont on ne peut que regretter, avec Livres au trésor, la liquidation judiciaire prononcée en juin 2009. Cet éditeur n’hésitait pas à adopter des formats hors mesure pour servir les illustrations et se distinguait par le soin particulier apporté à l’aspect esthétique des albums et par les inventions graphiques et ludiques de ses créateurs. Pour parachever l’hommage, Livres au trésor n’hésite pas à conserver dans sa sélection 2009 un livre désormais introuvable de cet éditeur : celui d’un auteur particulièrement talentueux, très emblématique et représentatif de l’esprit de cette maison : Hervé Tullet pour Le grand livre du hasard.
De l’économie
Et, ce n’est pas l’un des moindres mérites de cette sélection 2009, Livres au trésor prend le temps de faire le point et de mesurer l’activité du secteur éditorial jeunesse. Pour ce faire, il laisse la parole à Claude Combet, journaliste à Livres Hebdo ; son état des lieux fait froid dans le dos et rappelle qu’aujourd’hui l’édition jeunesse a tout d’une grande, avec ses qualités, mais surtout ses défauts : concentration, industrialisation, médiatisation, mondialisation, surproduction, marchandisation (produits dérivés, adaptations cinématographiques…). Dans un tel contexte économique, on ne peut que s’inquiéter pour la survie des petites maisons d’édition artisanales, dont le travail patient, courageux, exigeant et exemplaire de découverte de nouveaux talents sert tôt ou tard les intérêts de ceux qui les dévoreront ou les anéantiront.
En écho à cette tribune inquiétante, Livres au trésor donne quelques chiffres, vingt ans après sa première sélection, et fait le décompte des maisons d’éditions ou collections disparues (Le Sourire qui mord, Épigones, Page blanche, Bibliothèque internationale…). La surproduction galopante et la modification rapide du paysage éditorial ne peuvent que rendre plus précieux les outils bibliographiques comme celui-ci, indispensables comme l’est le tamis pour l’orpailleur.
Une sélection de 181 titres
Et parmi le sable et le gravier de la production, cette sélection nous offre donc les 181 pépites de l’année 2009, sans taire les débats qu’ont forcément engendrés des choix parfois difficiles. Ainsi des pictogrammes apportent des informations complémentaires en estampillant les livres : ceux qui ont suscité des controverses, ceux qui décrochent le coup de cœur, les livres CD, les livres pour lecteurs débutants, etc. Par ailleurs, la mise en page très claire distingue les rééditions des nouveautés et propose dans des encadrés des informations complémentaires sur des auteurs ou sur certains titres. Ici Londres, par exemple, dont la gestation a été longue et compliquée ; Siobban Dowd, talentueux auteur décédé en 2007, dont deux romans ont été fort heureusement traduits en 2009 pour le plus grand plaisir des grands et bons lecteurs. Les traducteurs ne sont pas en reste ; beaucoup ont également droit à un encart présentant leur parcours, une attention qui valorise ces passeurs de textes trop souvent négligés.
En conclusion, cette bibliographie est donc un outil tout aussi beau qu’indispensable et on ne peut que déplorer que le conseil général de Seine-Saint-Denis, qui en est l’un des principaux financeurs, mette en péril cette structure en proposant, lors du premier vote de son budget 2010, de réduire drastiquement ses subventions.
Jusqu’à présent, ces somptueuses sélections annuelles étaient distribuées gratuitement sur simple demande… Jusqu’à quand ?