Documentation en milieu scolaire et bibliothèques publiques
Quelles coopérations ?
Mireille Lamouroux
La collaboration entre le monde scolaire et la lecture publique semble aller de soi tant leur histoire les lie. Pourtant, presque quinze ans après l’enquête de Jean-Marie Privat sur la coopération entre écoles et bibliothèques, on pourrait reprendre le sous-titre de son article paru dans le BBF : « entre résolutions et indécisions * »
La journée, organisée le 13 novembre 2007 à l’initiative de Médiadix, au Centre départemental de documentation pédagogique des Hauts-de-Seine, est introduite par Hélène Matthieu, inspectrice générale de l’Éducation nationale, qui témoigne de son activité militante et poursuivie pendant près de vingt-cinq ans pour multiplier les accès au livre. Différents plans BCD (bibliothèque centre documentaire) et illettrisme, plans éducatifs locaux, seront l’occasion pour elle de favoriser la lecture par l’approche culturelle, car la lecture est avant tout une question de référents culturels avant d’être une question de méthodes. Aujourd’hui, le contexte scolaire offre aux documentalistes la possibilité d’œuvrer sur plusieurs fronts en utilisant le Socle commun de connaissances et de compétences (SCCC), le Programme personnalisé pour la réussite éducative (PPRE), et l’accompagnement éducatif, dernier dispositif en date, qui permet de lier les temps scolaire et extra-scolaire.
Autour de la lecture
Le bilan du projet pilote de coopération en Seine-Saint-Denis entre la culture et l’Éducation nationale, initié en 1997 par la bibliothèque de Romainville, conforte des données déjà connues ; du côté de l’école, la coopération concerne essentiellement le niveau primaire avec une prédominance au niveau du CP, de façon disparate le collège et presque jamais le lycée. Alors que l’enjeu est de rendre possible l’accès quotidien de l’élève à la culture de l’écrit, on constate que les BCD, lorsqu’elles existent, commencent à vieillir. Du côté des bibliothèques, en attente d’échanges, le projet a eu un effet de levier. Mais très vite les objectifs de travail en réseau ont été oubliés et certains établissements ont repris des formes plus classiques de relations bilatérales avec un CDI (centre de documentation et d’information). Le dispositif de mise en réseau BM-CDI-BCD, après avoir connu son apogée en 2001-2002, décline lentement au fil des ans : aujourd’hui, il ne compte plus que huit communes sur les douze rassemblées au départ. Le mode de financement des projets est incriminé, puisque chaque projet est plafonné à 1 500 euros, mais c’est surtout le retrait du ministère de l’Éducation nationale en 2006 qui est invoqué.
Des pistes sont évoquées pour faire évoluer le réseau, comme celles d’amplifier les horaires d’ouverture et d’offrir de véritables formations interprofessionnelles des personnels.
Parmi les autres exemples de coopération présentés, citons deux projets montés en direction de publics spécifiques : celui des Mureaux reliant médiathèques municipales et CDI de collèges et de lycées pour de jeunes adultes, et celui de Choisy-le-Roi où des ateliers relais pour des jeunes en difficulté, financés par l’Éducation nationale mais créés en partenariat, fonctionnent depuis déjà cinq ans.
Autour de l’action culturelle
Le contexte institutionnel a changé ces dernières années. Conséquence de la décentralisation, de la déconcentration des moyens et de la Lolf, le partenariat s’est élargi. Autre élément de changement, l’émergence du projet culturel de l’établissement s’accompagne d’une politique de l’évaluation et de mise à plat des dispositifs. Enfin, alors que les enjeux pour l’élève sont réaffirmés de façon constante, les moyens attribués sont en baisse, elle aussi constante. Sauf dans l’académie de Versailles où on peut se féliciter du maintien de quatre cents classes à projet artistique et culturel (PAC). Cependant, on peut déplorer que seuls 25 % des projets aient comme partenaires des bibliothèques.
Les Préac, pôles de ressources pour l’éducation artistique et culturelle, institués par la circulaire du 12 avril 2007, ajoutent un peu plus de complexité dans le jeu des coopérations culturelles. En effet, le texte officiel prévoit qu’ils peuvent soit prendre la suite des structures précédentes (les pôles nationaux de ressources, institués en avril 2002) dans un cadre rénové, soit être créés en fonction de nouveaux besoins identifiés. L’action des Préac s’inscrit dans deux dimensions : l’une territoriale qui réunit CRDP (centre régional de documentation pédagogique), IUFM (institut universitaire de formation des maîtres), rectorat et structure culturelle de référence, l’autre thématique, dans laquelle ils sont constitués par domaines (littérature, patrimoine et architecture, arts du cirque…). Leur mission principale est de fournir des services et des outils.
Ces changements suscitent un certain nombre de questions en termes de dotations financières et humaines, de définition et/ou de redéfinition des cartes des pôles artistiques et culturels et tout simplement de place qui va être accordée demain à l’éducation artistique et culturelle.
Autour de la formation à l’information
Au niveau de l’enseignement supérieur, le bilan de la formation à la maîtrise de l’information est difficile à réaliser tant est grande la dispersion et l’autonomie des universités. Cette formation est l’affaire d’une équipe mais, dans cette coopération, on distingue des données variables et des données constantes. Parmi les premières, les formateurs, le temps et les dispositifs. Les professeurs certifiés en documentation (PRCE), sont souvent cités ainsi, bien sûr, que les bibliothécaires et conservateurs. Ils ne sont pas les seuls : tuteurs, assistants, ou encore enseignants de disciplines universitaires peuvent intervenir seuls ou à plusieurs, conjointement ou successivement, sur des temps divers, entre 1 heure pour 1 500 étudiants et 33 heures pour 25 étudiants. Mais tous utilisent la bibliothèque universitaire et des outils de recherche électronique et s’appuient sur une méthodologie et un référentiel de compétences.
Les perspectives de collaboration à envisager ne sont pas nouvelles. Il s’agit toujours de constituer un corpus de notions, d’élaborer un curriculum prenant en compte les acquis du secondaire et de réfléchir à l’articulation lycée-université.
En ce domaine comme dans d’autres, il n’y a pas d’évidence.