Proximité, réseau et partenariat
Martine Cribier-Kozyra
Une ville de banlieue attenante à Grenoble
La ville d’Échirolles fait partie de l’agglomération grenobloise. Avec Saint-Martin-d’Hères, elles comptent chacune environ 34 000 habitants. Avec Pont-de-Claix et Fontaine, deux autres villes de la couronne de Grenoble, elles ont constitué le Syndicat intercommunal pour la télématique et les prestations informatiques (Sitpi), ce qui a amené dans les années 1980, par le biais technologique, la création du réseau des bibliothèques du Sitpi ; celui-ci, avec dix équipements, un catalogue unique 1, une carte unique de lecteur (mais pas un tarif unique puisque chaque équipement ou réseau d’équipements reste municipal, avec des tarifs municipaux !), un fonds de 450 000 documents, représente la deuxième offre de lecture publique de l’agglomération grenobloise. Un service particulièrement apprécié par les lecteurs du réseau est la possibilité d’emprunter et de rendre dans sa bibliothèque de proximité un ouvrage présent dans les collections d’une des trois autres villes grâce à des navettes quotidiennes.
Le réseau des bibliothèques d’Échirolles comprend trois équipements : la bibliothèque Pablo-Neruda (850 m², deux niveaux publics) située sur une place piétonne du quartier Villeneuve, la bibliothèque de la Ponatière (250 m², quatre niveaux publics) installée dans des classes désaffectées d’une école encore en activité dans le quartier Ouest, enfin le « bouquinbus » qui dessert toutes les semaines cinq emplacements situés dans d’autres quartiers.
Échirolles comporte 41 % de logements sociaux.
Une volonté politique de susciter une implication plus importante de la population dans la vie culturelle
En 2003, le conseil municipal vote le premier schéma de développement culturel, à l’initiative de l’adjointe aux affaires culturelles Chantal Cornier et à l’issue d’une large concertation des acteurs culturels de la ville ; en effet, dit Chantal Cornier, « la culture se fait par le lien social. Aller à la rencontre des habitants nécessite de sortir des actions quotidiennes pour nourrir notre réflexion ». Ce document trace les grandes lignes de l’action culturelle du mandat ; il couvre la période 2003-2007 ; c’est un véritable contrat d’objectifs pour la durée du mandat. Au chapitre des études à mener : un diagnostic sur la lecture publique.
Une première étude avait conclu en 2004 à la nécessité de construire un équipement de 2 000 m² au centre ville. Lors d’un rendez-vous avec le conseiller pour le livre de la direction régionale des affaires culturelles à propos de la politique de lecture publique d’Échirolles pour les années à venir, l’élue échirolloise expose son projet : non pas construire un équipement central qui amènerait, compte tenu des contraintes de gestion de la collectivité, la fermeture des équipements de quartier existants, mais au contraire renforcer la proximité en rendant ceux-ci plus attractifs et en consolidant le réseau avec une troisième bibliothèque dans le sud de la ville, dans un quartier qui doit faire l’objet d’une action ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), bibliothèque qui sera facilement accessible depuis le nouveau centre ville
Cette réflexion s’appuie sur la géographie de la ville : son territoire est nettement coupé en trois zones par la tranchée de la rocade sud d’une part, qui sépare le quartier Villeneuve du reste de la ville et le colle à la ville centre (Grenoble), et par une longue avenue bordée de bâtiments industriels d’autre part, qui isole le quartier Ouest du reste de la commune. Le conseiller pour le livre assure la ville d’Échirolles du soutien de la Drac dans son projet d’un réseau de trois bibliothèques à condition qu’elles fassent, au minimum, 800 m2 chacune.
Une volonté de tisser le territoire
Pour la ville, il s’agit de conjuguer proximité et réseau, singularité et complémentarité : tout habitant, quel que soit son âge, doit avoir à sa disposition, près de chez lui (pas plus de 20 minutes de trajet), un équipement de lecture publique qui lui propose un choix encyclopédique d’ouvrages de fiction, d’ouvrages de vulgarisation, une sélection de périodiques, des accès à internet (recherche documentaire et courriel) gérés par des professionnels qui ont un rôle centré sur la médiation ; il doit également avoir des raisons de désirer se rendre dans les autres équipements du réseau échirollois pour y trouver des ressources différentes ou plus développées.
Dans le quartier Ouest, sont localisés l’école intercommunale de musique, le musée Géo-Charles 2, le musée de la Viscose, musée du monde ouvrier, les locaux du DCAP 3 . La bibliothèque de la Ponatière pourrait disposer d’un fonds de documents en lien avec ces équipements, DVD liés à la musique et à l’art contemporain, références ciblées de sites… La bibliothèque Neruda, proche de la Maison des écrits 4 et du Centre du graphisme, pourrait proposer des documents liés à l’illustration et des activités plus spécifiquement liées aux thématiques de l’écriture et de la langue.
La troisième bibliothèque, située dans un équipement rayonnant rassemblant trois entrées, social, jeunesse et lecture publique, pourrait développer une offre de bureautique, d’accompagnement dans la recherche d’informations pratiques, de téléchargement de documents divers (texte, image, son) et accueillir ainsi des collaborations avec la Maison des écrits ou le DCAP autour de création de blogs, de musique assistée par ordinateur…
Dans le cas des deux premiers équipements, il s’agit de distinguer, dans cette transversalité entre équipements culturels, ce qui relève de la collaboration de proximité et ce qui relève de projets communs à l’échelle de la ville.
Transformer la bibliothèque de la Ponatière
En 2005 est lancé l’appel d’offres pour une étude visant à faire de la bibliothèque de la Ponatière un équipement de 800 m², fonctionnel, ouvert sur la ville, lisible, convivial. Parallèlement, le projet de troisième équipement prend place dans le dossier de rénovation du sud de la ville dans le cadre de l’ANRU.
Parmi les candidats est choisi celui qui, avec son équipe pluridisciplinaire, se donne comme objectifs de renforcer le caractère de proximité et de confirmer l’appartenance au réseau des bibliothèques d’Échirolles et au réseau des bibliothèques du Sitpi, définir l’articulation urbaine de la bibliothèque avec le quartier en tant qu’équipement structurant et central, et définir le contenu de la bibliothèque en tenant compte de la singularité de l’équipement. Il s’agit de deux cabinets réunis pour répondre à l’offre, un spécialisé dans les études sociologiques autour de la lecture publique, l’autre dans la programmation de bâtiments culturels.
La première étape de l’étude a consisté en une enquête sociologique ; menée auprès des lecteurs, de la responsable et des bibliothécaires, elle montre que la bibliothèque est appréciée pour la qualité de son accueil et de l’accompagnement des recherches. La place de la bibliothèque comme lieu de vie au cœur du quartier est confirmée.
Cette première étape joue un rôle essentiel car elle confirme le choix politique de renforcer le réseau échirollois des bibliothèques en s’appuyant sur des équipements de proximité de taille moyenne ; elle apporte des arguments forts pour la négociation qui doit conduire à transformer un bâtiment presque invisible, situé dans une quasi-impasse, en un équipement situé en bord d’avenue, transparent, facile d’accès, entouré d’un espace vert et qui reste de taille moyenne.
L’enquête sociologique apporte un autre argument essentiel pour la dynamique de la politique de lecture publique : le fait de proposer aux lecteurs de disposer dans leur bibliothèque de proximité de tout titre présent dans une autre bibliothèque (échirolloise et, au-delà, appartenant au réseau Sitpi) grâce au prêt inter est un atout qui n’empêche pas les lecteurs de fréquenter les autres équipements mais contribue au rôle de proximité.
Dans la réflexion entre les élus à la culture des quatre villes du réseau Sitpi, cet argument a un impact fort car il justifie de développer une politique commune de communication autour de ce réseau atypique et, aujourd’hui encore, peu visible, et de développer en son sein mutualisation et coopération.
Le nombre de lecteurs fréquentant plusieurs équipements est modeste ; il augmente lentement et sûrement, souvent à la faveur des vacances, mais ne sera sans doute jamais majoritaire. Ce service semble à ce jour être peu répandu dans les réseaux français de bibliothèques.
Janvier 2008