Bibliothek : Forschung und Praxis

années 2004 (no 3), 2005 (nos 1, 2 et 3) et 2006 (nos 1 et 2)

par Dominique Lahary
München : K. G. Saur.
ISSN 0341-4183
Abonnement (3 numéros par an) : 198 €
www.bibliothek-saur.de

Pour cette dernière chronique sur la revue allemande Bibliothek : Forschung und Praxis 1 par votre serviteur, celui-ci vous propose de présenter arbitrairement trois des articles parus depuis fin 2004.

Signalétique et orientation en bibliothèque

Dans « Les systèmes signalétiques et d’orientation en bibliothèque » (no 3, 2004), Volker Braun expose les grands principes d’une bonne signalisation. Il part des fondements psychologiques de l’orientation, qui peuvent différer selon les individus, les âges et les éventuels handicaps et s’intéresse tout particulièrement aux itinéraires. Il distingue les repères (Landmarke) visibles d’assez loin, comme un escalier ou une sculpture, des jalons (Wegmarke) se situant au bord du chemin, comme une table ou un panneau.

L’auteur énumère les éléments à prendre en compte en architecture extérieure et intérieure : façades et abords, orientation dans les espaces, forme des espaces, ameublement et présentation des documents, enfin éclairage et couleurs.

Trois niveaux de signalisation sont analysés, d’après la littérature portant sur l’agencement des magasins :

  • l’« effet de loin », avec les grandes surfaces colorées, les éléments graphiques ou les lettres lumineuses ;
  • la « zone d’information », avec les informations directionnelles à hauteur des yeux (à partir de 1,60 m) ou les changements de revêtement de sol, qui indiquent à l’usager où il se trouve ou bien vers où il peut aller ;
  • la « zone de confort », entre 0,75 et 1,60 m, pour la présentation des marchandises se trouvant à portée de main.

Les espaces les plus courants sont les pièces profondes. Leur avantage est de permettre une découverte progressive et une mise en valeur facile. Les pièces carrées provoquent une concentration de l’attention sur leur centre et les possibilités d’orientation sont pauvres. Les plans complexes amoindrissent les capacités d’orientation des usagers.

Un système de signalisation et d’orientation doit permettre de répondre à quatre questions :

  • où suis-je ?
  • qu’est-ce qu’il y a après ?
  • qu’y a-t-il dans les espaces alentour ?
  • ai-je vu tout ce qui pouvait m’intéresser ?

L’auteur énumère les caractéristiques indispensables des panneaux : bonne lisibilité et grande visibilité, cohérence entre eux et avec l’architecture intérieure, position perpendiculaire par rapport aux itinéraires, combinaison d’éléments verbaux sans jargon et de propriétés graphiques. À propos des pictogrammes, il rappelle que, selon la psychologie de la perception, pas plus de cinq éléments visuels de la même série ne peuvent être reconnus et retenus.

Les codes de couleur, qui concernent les lettrages mais aussi les pictogrammes, les revêtements de sol et de mur, les colonnes et le mobilier, peuvent permettre d’alléger d’autres types de signalisation, à condition qu’ils ne soient pas trop nombreux.

Des services futurs à développer

Dans « Une étude empirique des services futurs à développer par les bibliothèques municipales » (no 3, 2005), Reinhold Decker, Antonia Hermelbracht et Sandra Klocke livrent les résultats d’une enquête menée auprès de plus de 2 000 personnes par la chaire d’économie d’entreprise et de marketing de l’université de Bielefeld dans sept grandes villes allemandes : Dortmund, Dresde, Essen, Francfort, Hambourg, Karlsruhe et Münster. L’enquête a tenu compte des services actuels et futurs pouvant être délivrés par les bibliothèques publiques, universitaires et spécialisées. Les résultats ne font pas apparaître d’écarts significatifs par âge ou sexe, ni entre les différentes villes.

Le questionnaire, qui a été rempli en ligne ou sur papier, portait notamment sur la motivation de la fréquentation de la bibliothèque (recherche de documents et prêts, travail et lecture sur place, rencontre et communication), les modes de recherche d’information et de documents (autonome, mixte, recours au personnel), les supports (imprimés, autres supports) et les sujets des animations (formation continue, culture et loisirs). Le résultat est sans appel : les gens vont d’abord à la bibliothèque pour se procurer des documents, avant tout des livres, et préfèrent se débrouiller par eux-mêmes. Seules les réponses sur les animations ne permettent pas de départager la formation continue des autres thèmes.

Les auteurs en concluent que, dans leur orientation stratégique, les responsables de bibliothèques doivent préserver une place centrale à l’offre documentaire, à commencer par celle des imprimés. Mais ils invitent à ne pas négliger les autres fonctions des bibliothèques, insistant sur l’hétérogénéité des publics.

Et d’élaborer une typologie des usagers des bibliothèques.

  • Les 776 « usagers traditionnels » utilisent les bibliothèques comme lieu de prêt, mais aussi de lecture et travail sur place et de rencontre et communication. Ils font volontiers appel au personnel et apprécient l’offre documentaire d’imprimés. En matière d’animation, ils apprécient particulièrement celles qui ont un caractère de culture et loisirs, comme les expositions et les lectures.
  • Les 515 « usagers multisupports » utilisent d’abord la bibliothèque comme lieu de prêt, sans négliger les deux autres usages. Ils apprécient également les imprimés et les autres supports. Ils rejettent l’aide du personnel et apprécient les animations relevant de la formation continue autant que de la culture ou des loisirs.
  • Les 374 « lecteurs à domicile » utilisent avant tout la bibliothèque comme lieu de prêt et préfèrent chercher eux-mêmes les documents. Ils ne s’intéressent pratiquement qu’aux imprimés et ne voient guère l’utilité des animations.
  • Les 108 « lecteurs sur place » utilisent d’abord la bibliothèque comme lieu de lecture et de travail. Ils ne s’intéressent qu’aux imprimés et accordent une petite attention aux animations relevant de la formation continue.

Les enquêteurs ont également déterminé 41 services actuels et futurs des bibliothèques et interrogé les enquêtés sur leur utilité. Un graphique positionne ces services, d’une part selon leur importance, d’autre part selon leur utilité.

Les services jugés les plus importants et les plus utiles sont le renseignement personnalisé, le catalogue en ligne, le prêt à distance en ligne et la consultation en ligne du compte usager. Viennent ensuite les liens validés, les conseils de lecture, les informations par messagerie électronique et les notes de lecture en ligne. Suivent les bornes de prêt automatique, l’assistance téléphonique, les services de recherche professionnelle. Sont jugés moins importants, dans l’ordre décroissant d’utilité : les pages web de bibliothèque, les bases de données en ligne, les cartes multifonctionnelles d’usagers, les périodiques électroniques, les forums, la poste et le fax, et enfin, lanternes rouges, les services payants de livraison et les services d’information par SMS.

L’enquête a également établi la complémentarité entre la bibliothèque municipale centrale, les bibliothèques universitaires et les bibliothèques de quartier d’une grande ville. Les auteurs en concluent qu’il est important d’offrir des services collectifs en réseau, comme la recherche en ligne sur plusieurs catalogues ou la possibilité de rendre un document dans une autre bibliothèque que celle où il a été emprunté. Ils en appellent à la coopération entre bibliothèques de différentes natures.

Rien n’est plus constant que le changement

Dans « Rien n’est plus constant que le changement : la bibliothèque municipale de Würzburg, un centre de service innovant » (no 2, 2006), Hannelore Vogt présente l’évolution récente de son équipement, qui est considéré comme un des plus performants d’Allemagne. Cette cité bavaroise de 130 000 habitants compte 23 000 étudiants. Sa bibliothèque municipale comptabilise 700 000 entrées par an et a connu ces dix dernières années une croissance de 130 % des inscrits et des prêts.

C’est depuis 1993 que l’établissement s’est engagé dans un processus de changement reposant sur quatre piliers : l’orientation clients 2, le développement de la lecture et l’apprentissage tout au long de la vie, les services électroniques et la gamme d’animations ciblées. Intéressons-nous particulièrement au premier de ces piliers et voyons en substance comment une collègue allemande s’exprime à ce sujet.

La satisfaction des usagers est la meilleure publicité possible et la meilleure façon de les renouveler. Il existe une concurrence entre les activités et services culturels et de loisir, la bibliothèque doit de frayer sa place parmi les autres. Reprenant à son compte des formules de l’auteur de marketing Philip Kotler, l’auteur définit le bibliothécaire comme un « jardinier » qui entretient la relation avec l’utilisateur et un « chasseur » qui le capture. Elle affirme que la bibliothèque ne doit pas seulement satisfaire l’usager mais en faire un véritable partenaire, qui conseille et contribue à l’amélioration des services. Parmi les nombreuses mesures « orientées client », sont notamment cités les efforts de présentation attractive des collections, la limitation stricte des temps d’attente, les services de livraison, un Opac convivial, les lunettes pour lire, les tables à langer, les écuelles pour donner à boire aux chiens, les badges pour le personnel et une bonne signalisation.

Les bibliothèques de Würzburg et de Brême ont systématisé la « gestion des plaintes », qui repose sur ce principe : les personnes qui se plaignent apportent une meilleure contribution à l’amélioration des services que celles qui ne le font pas. Le personnel est conduit par des formations à ne pas avoir une approche négative des plaintes, même si les louanges, qui contribuent à la motivation du personnel, sont également prises en compte. Les études de marketing établiraient que 95 % des clients mécontents d’un commerce ne se plaignent pas mais que 90 % ne reviennent pas. Il faut donc faire en sorte que les usagers se sentent encouragés à exprimer leurs critiques. Une boîte à suggestions bien placée est cinq fois plus utilisée qu’un formulaire en ligne. La bibliothèque de Würzburg reçoit chaque mois, par les deux voies, une cinquantaine de messages (28 % pour émettre des critiques, 43 % pour faire des propositions, 26 % pour féliciter et 3 % pour poser une question).

Bibliothek : Forschung und Praxis continue à combiner les articles ponctuels sur des sujets bibliothéconomiques les plus divers concernant les bibliothèques publiques ou d’étude et de recherche avec les dossiers thématiques, comme les relations entre bibliothèques et écoles (no 1, 2005), la conservation des collections (no 2, 2005) ou les nouveaux services (no 3, 2005).

Le site web de la revue 3 restreint l’accès des articles de l’année en cours aux abonnés, mais donne libre accès aux autres. Un wiki sur les bibliothèques 4 mis en place par l’Institut für Bibliotheks und Informationswissenschaft de l’université Humboldt à Berlin lui consacre un article comprenant des appréciations personnelles, dont celle-ci : « Un peu de couleur pourrait rendre le périodique plus attirant. » N’est-ce pas également le cas du BBF ?

Longue vie à ces deux revues cousines, quelles se décident ou non à prendre des couleurs !