Salon du livre et de la presse de jeunesse en Seine-Saint-Denis

Juliette Doury-Bonnet

Le 21e salon du livre et de la presse de jeunesse en Seine-Saint-Denis a eu lieu à Montreuil du 30 novembre au 5 décembre 2005. Son organisateur, le Centre de promotion du livre de jeunesse en Seine-Saint-Denis (CPLJ 93), a comptabilisé 145 000 visiteurs, dont 29 000 enfants venus avec leur classe, 21 000 professionnels, 500 journalistes, qui ont arpenté les allées durant la semaine… Difficile en effet de se frayer un chemin lors de la journée professionnelle du 5 décembre : sacs pleins de catalogues au dos, traînant des chariots remplis de livres, encombrée de poussettes et de petits enfants un peu éberlués, la foule se pressait entre les stands des éditeurs et des associations.

Quelle politique pour les adolescents ?

Parmi les multiples rencontres proposées, une table ronde fut organisée par le Centre régional du livre et de la lecture de la région Centre (invitée des journées professionnelles), sur le thème « Librairie, bibliothèque, quelle politique pour les ados ? ». Le sujet pourrait sembler rebattu, mais la salle était bondée. Et la chaleur, tropicale.

Véronique Bernier et Solange Aleberteau présentèrent l’expérience « Adolescences plurielles » menée par la bibliothèque municipale de Tours en 2004, en partenariat avec des établissements scolaires et le Centre de formation d’apprentis. Ce projet est né du souci de travailler avec les jeunes et de faire vivre un fonds destiné aux « grands adolescents ». Parmi les activités proposées pendant la manifestation (concours de nouvelles, etc.), des expositions alimentées par des lectures ont été réalisées par les adolescents. Les deux bibliothécaires soulignèrent la difficulté du décloisonnement entre sections d’un même établissement et se réjouirent de la « désacralisation » de la bibliothèque aux yeux des jeunes grâce à de telles opérations.

Grégoire Seguin, libraire spécialisé en bandes dessinées (Bédélire à Tours), a constaté, avec l’émergence des mangas dans les années 1990, l’apparition d’un nouveau public d’adolescents, garçons et filles. « Ce qui crée un phénomène culturel, c’est l’opposition à la génération précédente », souligna-t-il. Il regretta que la bande dessinée se soit « ringardisée » en devenant outil pédagogique : avec le manga, on a « quelque chose qui ressemble un peu à un livre et qui fait encore un peu rebelle : pourvu que le manga ne rentre pas trop vite à l’école ! » Il nota cependant le côté « réactionnaire et passéiste des mangas » puisqu’il a des BD pour filles et des BD pour garçons, « comme s’il y avait une attente de ça ».

Grégoire Seguin refuse les catégorisations par âge – bien présentes sur les stands des grands éditeurs du salon – et accueille les jeunes de la même façon que les adultes. Provocateur, il asséna : « Une façon de grandir, c’est d’arrêter d’écouter les prescripteurs. »

Hetzel, le bon génie des livres

Jean-Paul Gourévitch présenta son ouvrage Hetzel : le bon génie des livres (Le Serpent à Plumes, Le Rocher, 2005). Il insista sur la place incontournable de Pierre-Jules Hetzel, inventeur de l’édition moderne, qui a fait entrer l’image dans le livre.

Hetzel fut un découvreur qui édita les plus grands auteurs du XIXe siècle, tant français qu’étrangers, mais aussi des scientifiques tels que Flammarion ou Nadar. Il a fait appel aux meilleurs illustrateurs de l’époque (Grandville, Gavarni, Doré, etc.). Il a obligé « ses » auteurs à travailler avec lui et a mis en place un système de droit d’auteur sur les bénéfices.

Premier à comprendre qu’il fallait donner le meilleur aux enfants, il a rompu avec la littérature moraliste de l’époque, « due aux fruits secs de l’éducation » selon ses propres termes. Le meilleur au niveau de contenu, mais aussi du contenant : il a créé « des objets qui suscitent la stratégie du désir ». Hetzel était aussi un commerçant qui a mis en place la promotion du livre. Il a combattu l’édition traditionnelle catholique et l’édition « officielle » de type Hachette « qui épouse systématiquement le point de vue du pouvoir en place ». C’est pourtant Hachette qui rachètera la maison Hetzel en 1914, dix-huit ans après la mort de son fondateur.

Des expositions

La littérature pour la jeunesse s’écrit d’abord avec des images. C’est pourquoi les illustrateurs furent à l’honneur à travers sept expositions 1 dont quatre étaient consacrées au Brésil, le pays invité cette année.

L’animal, héros de tant de livres pour enfants, était le second fil conducteur de cette édition du salon 2. L’exposition La parade des animaux montrait l’approche de neuf artistes novateurs tels que Henri Galeron, Wolf Erlbruch, Michael Sowa ou François Roca.

En cette année du bicentenaire de la naissance de Hans Christian Andersen, l’exposition Olé ferme l’œil, créée pour la dernière foire de Bologne, présentait les illustrations imaginées par dix graphistes et auteurs de bandes dessinées (Lorenzo Mattotti, Blutch, etc.) pour quelques-uns des contes de l’écrivain danois. Bien loin de toute mièvrerie, les artistes ont mis en valeur l’atmosphère assez sombre qui émane de l’œuvre et lui ont donné un sens contemporain. Malheureusement, la présentation minimale ne rendait guère justice à l’originalité des œuvres.

Après le colloque d’avril 2005, « Enfants et littérature : encore beaucoup à dire 3 », le CPLJ 93 annonce pour les 27 et 28 avril prochains deux journées de rencontres autour de la médiation en littérature de jeunesse.