L'aventure des écritures

par Jean-Philippe Lamy
sous la dir. d’Anne Zali et Annie Berthier. Paris : Bibliothèque nationale de France : Réunion des musées nationaux, 2002. – 1 cédérom compatible PC et MAC + 1 guide de consultation (7 p.), 2 cm. 49,95 €

L’aventure commence avec l’installation du cédérom par l’utilisateur, requis de posséder une machine performante (au moins 64 Mo, carte graphique de haut niveau) ; cela ne mettra probablement pas le produit à la portée de tous les foyers. Les éditeurs affichent néanmoins une volonté encyclopédique et vulgarisatrice qui entend répondre « à toutes les questions » et présenter l’état de la recherche. On regrette au demeurant que cette dernière ne soit pas valorisée en tant que telle ; la qualité des commentaires, notamment sur les textes des écrivains du XXe siècle, aurait mérité un développement ou un accès spécifiques (ce que permet, précisément, l’interactivité) présentant l’objet des recherches en cours, les institutions et les équipes dont la relation à la BnF est ancienne et fructueuse. Enfin, pourquoi les concepteurs n’ont-ils pas donné la possibilité de copier les textes des articles, limitant l’utilisateur à la seule impression ?

Plaisir esthétique et curiosité stimulée

À ces réserves près, le cédérom répond pleinement aux ambitions qu’il affiche. Le soin extrême apporté à la réalisation graphique se situe assurément dans la logique du contenu, mais mérite d’être souligné à tous les niveaux : choix de la police de caractères, mise en page, enchaînement des écrans. Un plan simple (récits, dossiers, exploration interactive, recherche) structure l’ensemble et balise la navigation pour qui aurait tendance à perdre le fil de l’écriture.

La consultation ne se limite pas au plaisir esthétique qu’elle procure, car la curiosité de l’utilisateur se trouve constamment stimulée par des liens judicieusement organisés. Dans le dossier « supports », l’article sur le papier offre, par exemple, une série de liens ordonnés en un classement logique, et qui apparaissent sur une colonne facilitant l’accès à une information ponctuelle (le papier permanent) tout en ménageant une visibilité sur l’ensemble des articles se rapportant au sujet ou le complétant.

La première partie, « Récits », est un commentaire audiovisuel de 30 minutes, lié à une thématique (naissance de l’écriture, supports, calligraphie, composition etc.) et non à une chronologie. On pardonnera cette relative contradiction, car une simple présentation historique, à la manière d’articles d’encyclopédies, ne saurait restituer la matière dans sa diversité. L’utilisateur, malgré le caractère abstrait des termes utilisés pour les rubriques (inventer, matérialiser, tracer, composer), sera guidé par un discours concret et par un enchaînement efficace des écrans. On imagine le profit que peuvent tirer les enseignants de ces séquences aux divers niveaux de la pédagogie, en lien avec les dossiers qui représentent la seconde approche de ce cédérom.

Des documents judicieusement choisis

Quatre grands thèmes (naissance des écritures, les supports de l’écriture, la page, du signe au sens) composent la seconde partie. Le contenu propre à chaque « dossier » peut sembler relativement restreint si l’on s’en tient aux textes des articles. Le dossier contenant l’article sur l’écriture égyptienne ne comporte que quelques centaines de caractères, alors que son équivalent dans l’Encyclopaedia Universalis (version 8, 2002) en comporte 3 555. Mais plusieurs « fiches » ou « notes » viennent compléter l’article de base, qui se présente en fait comme une introduction, accessible à tous.

De plus, au-delà de l’aspect purement quantitatif, on remarque que chaque « dossier » de l’Aventure des écritures s’appuie sur des documents judicieusement choisis, reproduits dans des conditions optimales et référencés selon les canons bibliographiques ; ainsi, la tablette cunéiforme proto-élamite introduisant l’article consacré à cette écriture éveillera peut-être des vocations d’orientaliste, tant elle semble prête à la consultation et à l’interprétation du lecteur. De plus, les cartes et les chronologies accompagnent les rubriques, ce qui fait cruellement défaut dans nombre d’encyclopédies générales (en raison, précisément de leur non-spécialisation en la matière).

Le foisonnement des écritures en termes géographiques représente l’une des caractéristiques les plus stimulantes d’un point de vue pédagogique, et le cédérom l’illustre parfaitement. Enfin, les concepteurs ont exploité au mieux les possibilités de l’interactivité, et complété la relative brièveté des articles par des liens avec les séquences audiovisuelles.

Simplicité d’utilisation

La troisième partie, « Exploration interactive », donne accès à une information ponctuelle à la différence des « dossiers ». Ainsi, parmi les 17 rubriques de ce module, « l’évolution de l’écriture latine » s’appuie sur la présentation de 16 manuscrits. Plusieurs pages de texte introduisent une séquence audiovisuelle de quelques minutes. L’utilisateur peut ensuite revenir sur chacun des documents présentés, et accéder cette fois au commentaire sous la forme écrite, accompagnée de références complémentaires.

Au nombre de 650, les reproductions de tablettes, manuscrits et supports divers de l’écriture, s’ouvrent à la navigation, comme l’ensemble des dossiers, à partir du quatrième module, dédié à la recherche dans le cédérom. À la différence de nombreuses ressources électroniques, le moteur ne distingue pas ici la recherche « experte » de la recherche « simple », mais affiche d’emblée les diverses procédures (rechercher « tous documents », « textes », « images », « un de ces mots », « tous les mots », etc.), sans nuire à la simplicité d’utilisation. À ce niveau, l’utilisateur accède aussi à des articles brefs et à un glossaire.

Certains articles (« cryptographie », notamment), par leur orientation à la fois historique et technologique, reflètent le souci d’encyclopédisme et surprennent par la clarté avec laquelle ils exposent des notions souvent complexes. Mais le pointage de certains termes révèle des surprises ; si l’on trouve en toute logique le terme « esperluette », en revanche ses variantes orthographiques ne sont pas mentionnées et, surtout, on cherchera vainement le terme « arobase ».

Ces lacunes marginales ne compromettent pas la réussite de ce produit, qui associe l’accès à l’information ponctuelle au parcours thématique, réunit exposés pédagogiques et documents scientifiques. Ce cédérom trouvera naturellement sa place dans toutes les bibliothèques, publiques, scolaires et universitaires. Son prix très abordable (au niveau d’un jeu vidéo de qualité courante, les parents d’adolescents apprécieront) et le choix d’un double mode de diffusion (réseaux des librairies indépendantes et réseau Hachette) devraient contribuer à une large diffusion. C’est bien évidemment ce que l’on souhaite.