Les sites web des bibliothèques universitaires
Évaluation et sites de référence
Avec l’arrivée massive de la documentation électronique dans les universités, les sites web des services communs de la documentation voient leur positionnement documentaire bouleversé. Jusqu’ici simples vitrines destinées à renseigner l’usager sur les services proposés par la bibliothèque, ils deviennent l’outil de distribution de ressources numériques abondantes, c’est-à-dire le support du service et le service lui-même. Mais des disparités fortes existent entre pays anglo-saxons et européens, avec notamment un important retard de la France. Des solutions existent pourtant pour mieux distribuer une documentation électronique dont la viabilité dépend de la visibilité.
With the massive invasion of universities of electronic material, university library websites are seeing a complete change in their documentary situation. Simple displays aimed until now at informing users about the services offered by the library have become tools for supplying a wealth of digital resources: that is, support for the service, and the service itself. But some powerful disparities exist between Anglo-Saxon and continental European countries, with France notably falling significantly behind. However, there are solutions for the better distribution of digital material, their viability depending on their visibility.
Mit der enormen Zunahme im Gebrauch von digitalen Dokumenten in Universitäten hat sich die dokumentarische Stellung der Webseiten von Bibliotheken und Dokumentationszentren dieser Einrichtungen grundlegend geändert. Was bisher für die Benutzer ein Schaufenster der von der Bibliothek angebotenen Dienstleistungen war, ist heute Mittel der Verbreitung einer grossen Anzahl von digitalen Ressourcen geworden, d. h. der Serviceträger ist jetzt der Service selbst. Allerdings bestehen noch sehr starke Unterschiede zwischen angelsächsischen und europäischen Ländern, insbesondere einen Rückstand Frankreichs. Trotzdem gibt es Lösungen, die Lieferung von elektronischen Dokumenten zu verbessern und einem breiteren Publikum zu erschliessen.
Con la llegada masiva de la documentación electrónica en las universidades, los sitios web de los servicios comunes de la documentación ven su posicionamiento documental trastornado. Hasta aquí de simples vitrinas destinadas a informar al usuario sobre los servicios propuestos por la biblioeca, se han vuelto la herramienta de distribución de recursos numéricos abundantes, es decir el soporte del servicio y el servicio mismo. Pero fuertes disparidades existen entre países anglosajones y europeos, con un particular retraso en Francia. Existen sin embargo soluciones para distribuir mejor una documentación electrónica cuya viabilidad depende de la visibilidad.
Posséder un site web est devenu pour un SCD (service commun de la documentation), à l’heure d’Internet et des nouvelles technologies, un atout indispensable, la crédibilité du site s’étendant, par « effet de halo », sur la qualité (perçue) de la bibliothèque et des services qu’elle propose. Avec l’irruption de la documentation électronique, le rôle du site web s’est renforcé et étoffé puisqu’il en devient l’unique distributeur. Par documentation électronique, il faut entendre l’ensemble des ressources documentaires pouvant être mises en ligne et accessibles via le web, que ces ressources aient été achetées, produites en interne ou récupérées sur le web 1.
Le rôle du site web de la bibliothèque est d’en assurer la distribution, ce qui revient à en faire le support du service et ce service lui-même. En effet, par le biais du site web de la bibliothèque universitaire, l’usager prend connaissance du service et de son fonctionnement, mais il y a aussi directement accès, et le support devient alors service : l’usager peut immédiatement consulter et exploiter la documentation électronique mise à sa disposition par l’université. Bien distribuer sa documentation électronique n’est donc pas une valeur ajoutée au service proposé : c’est la condition même de l’existence de ce service. Mal distribuée, la documentation électronique devient invisible aux yeux du public, et donc inexistante. De sa visibilité dépend ainsi sa viabilité.
C’est d’autant plus vrai que les bibliothèques subissent désormais une double concurrence. Interne à l’université, tout d’abord, puisque d’autres éléments de l’université, comme les laboratoires et les organismes de recherche, peuvent jouer ce rôle de distribution. Mais aussi externe, avec des organismes commerciaux comme Elsevier qui, au-delà de la vente de documentation électronique à l’université, mettent en place des systèmes de distribution et d’accès à l’information qui pourraient rendre accessoire le passage par les pages web de la bibliothèque : un simple lien vers le site de l’éditeur suffirait à accéder à l’information et aux modalités de recherche. Le service « documentation électronique » se limiterait alors à pointer des liens, il deviendrait un service « plaquette » aux simples fonctions de description et d’orientation.
Dès lors, comment faire pour que les services « documentation électronique » des SCD demeurent acteurs des services qu’ils proposent ? Cette question est fondamentale, car les SCD apparaissent clairement comme les plus aptes à distribuer cette documentation : cela entre à la fois dans leur mission de service public et dans leur savoir-faire. Si les SCD perdent ce rôle de distributeurs de la documentation électronique, l’usager se verra dans l’obligation de passer soit par des organismes de recherche qui atomiseront l’information (chacun distribuant sa documentation électronique), soit par des organismes commerciaux dont les choix d’accès à l’information seront dictés par des impératifs d’ordre économique et financier. Mais cela remettra également en cause le statut même de la bibliothèque, comme partenaire de l’université ayant une mission d’orientation, d’étude, de recherche et d’enseignement bibliographique et documentaire. Comment en effet remplir une telle mission si tout un pan des ressources documentaires – pan, qui plus est, est amené à s’étoffer de plus en plus –, lui échappe ?
C’est donc autant la question de la survie du service « documentation électronique » que celle du positionnement documentaire du SCD tout entier qui sont posées avec celle de la distribution des ressources électroniques. D’où l’intérêt de se pencher sur les sites web des SCD comme outils de distribution de la documentation électronique de l’université. C’est ce qu’a permis une enquête dont l’objectif était double : dresser un tableau assez complet de ce qui se fait à l’heure actuelle dans les SCD au niveau de la distribution de la documentation électronique et sélectionner quelques sites de référence offrant des solutions complètes et novatrices en la matière.
Une méthode de sélection de sites web
Afin d’effectuer une sélection qui permette de prendre en compte à la fois le quantitatif (en ayant un panorama assez complet de ce qui se fait au niveau d’un service de documentation électronique) et le qualitatif (en analysant en profondeur quelques sites de référence), une méthode en deux temps (tri par élimination et grille coefficientée) a semblé la plus adéquate.
Première étape : tri par élimination
Cette première sélection a été appliquée à 294 sites de bibliothèques d’université 2. Compte tenu du nombre important de sites à évaluer, il s’est agi d’effectuer un premier tri rapide par élimination à partir des trois critères suivants :
– L’existant : ce premier principe permet de ne conserver que des sites proposant un service d’accès aux ressources, dynamique et interactif, avec possibilité de recherche et d’appropriation directe de l’information par l’internaute, et non une page « vitrine » énonçant les services accessibles uniquement via la BU, une rubrique simplement dédiée à la communication sur les services internes à l’établissement.
– Le contenu : signets, bases de données, cédéroms et périodiques électroniques sont les quatre services principaux que se doit d’offrir une rubrique « documentation électronique » de bon niveau, car elle apporte alors une valeur ajoutée au fonds physique de la bibliothèque, tout en lui permettant d’élargir son public.
– L’organisation : un site de qualité structurera son information sur le site dans son ensemble et sur chaque page afin de les mettre en valeur et d’en faciliter l’accès à l’usager, et ce via index, sommaires ou arborescences claires et lisibles, mais aussi grâce à une navigation simplifiée par des bandeaux de navigation et des items appropriés. Ce critère est plus qualitatif que les deux autres : il permet de doser le degré d’exigence en fonction de la qualité des sites visités, afin d’atteindre au final une sélection d’une petite centaine de sites.
Deuxième étape : tri coefficienté
Pour la seconde sélection on a appliqué à la centaine de sites sélectionnés au terme de la première étape une nouvelle grille plus précise, coefficientée à un double niveau (cf. grille
) :
– Chaque question implique une réponse comprise entre 0 et 4, ayant généralement le sens suivant : 0 indique une réponse nulle ou quasi nulle à la question ; 1 représente un niveau médiocre ; 2, un niveau moyen ; 3, un bon niveau ; 4, un excellent niveau. Le choix de quatre niveaux d’évaluation implique qu’il n’y a pas de réponse médiane, et qu’une réponse tranchée est obligatoire.
– Chaque rubrique représente un coefficient bien précis pour le calcul final de l’évaluation. La pondération est faite de façon à privilégier la section « contenu et structuration », la pertinence de l’information étant la pierre angulaire de tout site web. D’où les 55 % qui leur sont accordés. L’ergonomie et l’interactivité comptent pour 30 % de la note, car elles sont les clefs de pages « documentation électronique » dynamiques, qui offrent à l’usager une valeur ajoutée par rapport aux services habituels de la bibliothèque. Enfin, la présentation et la lisibilité comptent pour 15 % : elles permettent la mise en valeur de l’information et donnent une cohérence à l’ensemble du site.
Au final, chaque site se voit donner trois moyennes intermédiaires, correspondant aux trois grandes parties de la grille, et une moyenne d’ordre général. Seront sélectionnés comme sites de références les 7 sites possédant les meilleurs résultats dans une ou plusieurs des quatre moyennes.
La distribution de la documentation électronique : analyse des résultats obtenus
Résultats du tri 1
Les sites évalués ont pu être répartis en quatre catégories : les sites ayant reçu trois réponses positives, puis ceux ayant reçu une réponse négative à la question de l’existant, du contenu ou de l’organisation. L’ensemble des résultats par pays est synthétisé ci-dessous.
Sites non retenus sur le critère de l’existant : les 58 sites concernés proposaient un service « documentation électronique » à plat, sans accès direct à l’information, une présentation de l’information et non sa transmission. L’usager ne peut y mettre en place un parcours de recherche débouchant sur une appropriation de l’information. Les sites anglo-saxons offrent majoritairement un service d’accès dynamique à l’information. Peut-être est-ce dû à une « culture Internet » plus récente, ces pays pouvant être considérés comme les pionniers du web et du numérique ? Espagne et Québec sont concernés pour un cinquième de leurs sites ; la France et la Belgique pour un tiers, l’objectif étant pour eux de proposer un site vitrine dans un but d’information de l’usager, la mise en ligne des ressources apparaissant alors comme un plus et non comme une priorité.
Sites non retenus sur le critère du contenu : ils sont au nombre de 24. Les pays anglo-saxons ne sont, là encore, pas ou peu concernés par cette question, ce qui semble indiquer que pour eux, un site web de bibliothèque universitaire possédant un service d’accès aux ressources électroniques se doit de proposer tous les services de base (signets, bases de données, cédéroms, périodiques électroniques). La mise en ligne des ressources est pour eux une priorité. Les autres pays ont environ 10 % de leurs sites concernés par cette question, ce qui est relativement faible. Pour eux aussi, la mise en place d’un service d’accès à la documentation électronique va donc de pair avec une offre diversifiée de ressources.
Sites non retenus sur le critère de l’organisation : 47,3 % des sites ont été refusés sur ce critère, qui avait pour but d’éliminer les sites n’offrant pas une structuration satisfaisante de l’information, et ne facilitant pas la navigation, donc l’accès à l’information. Mais celui-ci étant, contrairement aux autres, plus qualitatif que quantitatif, les résultats qui en découlent sont moins objectifs que les autres, et donc à prendre avec précaution. Les sites majoritairement concernés sont anglo-saxons, puis espagnols. Cependant, cela ne signifie pas que ces sites sont statistiquement moins bien organisés, mais qu’ayant été peu concernés par les autres critères, on les retrouve majoritairement sur cette question.
Les sites retenus se sont finalement élevés à 70, soit 23,8 % du panel d’origine. Trois sites n’ont pu être analysés pour cause de dérangement durant la période de sélection (du 16 au 25 septembre 2002).
Ces 70 sites se sont vu appliquer une grille coefficientée permettant d’évaluer contenu et structuration du contenu, ergonomie et interactivité et enfin présentation et lisibilité de chaque site.
Contenu et structuration du contenu
Pour ce qui est du contenu et de la structuration du contenu, la moyenne générale s’élève à 9,47/20. La France, avec 7,81/20 confirme qu’elle considère le site web plus comme un support informationnel pour l’usager que comme un outil à part entière. Le 11,25/20 des États-Unis exprime au contraire une attention plus particulière portée au contenu, la volonté d’offrir des ressources numériques et des modalités de recherche variées.
À un niveau plus global, la mise en évidence des pages de la bibliothèque au niveau de la page d’accueil de l’université est bonne : 60 % des sites d’université visités offrent une visibilité immédiate et forte sur la page d’accueil, et 11,4 % une visibilité satisfaisante via un menu déroulant. Nous n’avons, par contre, rencontré aucune signalisation de la documentation électronique elle-même au niveau de la page d’accueil de l’université.
Une fois parvenu au niveau de la page d’accueil de la bibliothèque, cette bonne signalisation se confirme, avec plus de 85 % de visibilité immédiate ou satisfaisante via un menu déroulant de la ou des rubriques « documentation électronique ». Cette signalisation est souvent améliorée grâce au recours massif à un moteur de recherche, propre aux pages de la bibliothèque dans près de 50 % des cas. Les sites français visités n’ont pas encore généralisé cet outil puisque 19 % seulement proposent un moteur de recherche propre aux pages de la bibliothèque, et 19 % n’offrent aucun recours à un moteur de recherche.
Dans un souci d’accessibilité au plus grand nombre, le recours à des options de langue sur le site de l’université est utile, car il permet de dépasser ses frontières linguistiques et d’ouvrir son site à un public international. Or, près des trois quarts des sites visités ne proposent aucune option de langue, même pour un simple descriptif de l’université et de ses services. Les sites anglo-saxons ne proposent jamais d’option de langue, estimant sans doute que l’anglais est une langue internationale en soi. Mais du côté des sites français, peu d’efforts sont faits, ce qui est plus grave : seulement 30 % des sites proposent des pages bilingues ou trilingues au niveau de la présentation de l’université, le reste des sites n’offrant aucune option de langue. À ce niveau, la France devrait prendre exemple sur l’Espagne, dont 40 % des sites visités sont bilingues ou trilingues en quasi-totalité, et 20 % bilingues sur les pages de présentation de l’université.
En ce qui concerne les services que l’on peut trouver sur la page d’accueil de la bibliothèque, le graphique ci-dessous résume bien la situation.
Le service « signets » est le plus représenté : seuls 8,5 % des sites visités n’en proposent pas. Près de 62 % des sites ne possèdent pas de serveur de cédéroms. Ce chiffre relativement élevé peut s’expliquer par le fait que le cédérom n’est pas un support très pratique en terme de fonctionnement et d’actualisation des contenus. Les bibliothèques font par conséquent souvent le choix d’une limitation de l’achat de cédéroms, et les remplacent progressivement par leur équivalent électronique. Dès lors, investir dans un serveur de cédéroms ne serait pas pertinent pour elles.
Du côté des ressources produites par l’université, elles ne sont que peu mises en avant au niveau des pages de la bibliothèque : seuls 12 % des sites proposent des pages spécifiques aux ressources pédagogiques produites par l’université, et 27 % des pages propres aux ressources pour la recherche produites par l’université. Pourtant, de telles ressources existent : thèses, bibliographies et supports de cours sont régulièrement produits par les étudiants et les enseignants-chercheurs. Mais la bibliothèque ne joue pas le rôle de centralisateur de cette production, qui est éparpillée au niveau des laboratoires de recherche. On note également peu de rubriques « documentation pédagogique » (35 %), qui regroupent toutes les ressources électroniques du domaine pédagogique, quelle que soit sa source (universitaire, commerciale, web).
Les bases de données sont un service offert par l’ensemble des sites visités, seul le nombre proposé varie. Près de 70 % des sites offrent entre 50 et 199 bases de données commerciales. En complément de ces bases commerciales, payantes et donc réservées aux usagers de la bibliothèque, 66 % des sites offrent également des bases de données alternatives (récupérées gratuitement sur le web), gratuites et accessibles par tous (52 % pour la France) ; 53 % de ces sites proposent alors un accès similaire à toutes les bases, gratuites et payantes, ce qui facilite la recherche de l’usager.
À l’inverse, l’offre en périodiques électroniques commerciaux est très importante (ce qui s’explique par l’adhésion de plus en plus fréquente des universités à des consortiums), mais celle en périodiques alternatifs plus marginale. Si près de 68 % des sites visités proposent plus de 2 000 périodiques électroniques commerciaux, seuls 45 % y associent des périodiques d’origine alternative. On peut penser que dans le cas des bases de données comme des périodiques, une offre faible d’un côté est compensée par une offre plus importante de l’autre.
Proposer des ouvrages de référence en ligne n’est pas systématique. Peut-être est-ce dû à une culture du support papier très ancrée dans les habitudes des usagers et des bibliothécaires eux-mêmes ? Toujours est-il que seuls 36 % des sites visités proposent des ouvrages de référence commerciaux, et 49 % des ouvrages de référence d’origine alternative. Même constat pour les prépublications, proposées par 10 % seulement des sites.
La variété des ressources proposées (signets, bases de données, cédéroms, ressources pédagogiques ou pour la recherche, etc.) et de leur nature (commerciale, interne et alternative) nécessite une bonne présentation du service « documentation électronique »
, des ressources qu’il propose et de leurs conditions d’accès. Les bibliothèques l’ont bien compris puisque 80 % d’entre elles mettent à disposition de l’usager des explications claires sur les missions et les services de la bibliothèque en général et de la documentation électronique en particulier. À cela s’ajoute une bonne mise en avant de l’actualité de la bibliothèque : 54 % possèdent une rubrique « actualités » pour toutes les pages web de la bibliothèque, 21 % mettent en évidence les nouveautés de la documentation électronique au niveau même des ressources (par une couleur ou une icône spécifiques), et 16 % proposent une rubrique « nouveautés » propre aux pages « documentation électronique ». Ce dernier cas de figure n’est possible que s’il existe une page spécifique réservée à la distribution de la documentation électronique, ce qui est le cas pour 61 % des sites : cela permet de gagner en lisibilité. Mais c’est aussi au niveau des droits d’accès à l’information qu’il faut se montrer clair, afin de préciser à l’usager ce à quoi il a accès. Or, des efforts sont encore à faire à ce niveau-là, car près de 13 % des sites visités se montrent très flous sur ce point, allant pour certains jusqu’à faire l’économie de toute signalisation.
Mais faire de son site web un outil de distribution de la documentation électronique implique d’aller plus loin, et d’offrir des modalités de recherche ciblant cette distribution, collant aux besoins de l’usager. Les résultats montrent que le classement par ordre alphabétique est majoritairement appliqué. Les bases de données sont également souvent classées par discipline ; 30 % des sites anglo-saxons proposent aussi un accès par mot clef, et 60 % des sites espagnols par mot du titre. Un effort de diversité des modalités de recherche est fait pour les périodiques électroniques, leur quantité importante interdisant une simple liste alphabétique, alors que pour les bases de données et les cédéroms, le problème se pose moins. On trouve ainsi un accès par discipline, mot du titre et surtout éditeurs assez généralisé. Sauf pour les sites français au niveau de la discipline : seule la moitié des sites visités propose cette option de recherche, adoptée par 92 % des sites américains. C’est pourtant un gain indéniable pour l’usager, dont la recherche est majoritairement disciplinaire. Les cédéroms ont généralement les mêmes modalités de recherche que les bases de données, car le support n’est pas distingué. Pour les signets, enfin, le classement par discipline s’impose, même si l’on trouve souvent des rubriques plus générales et multidisciplinaires. Seuls deux sites espagnols visités proposent également un accès par mot clef (un tel classement impliquant un travail de recensement important que les bibliothèques n’ont pas toujours le temps de mettre en place).
Ergonomie et interactivité
La visibilité de ces ressources et de leurs modalités d’accès dépend en grande partie de l’ergonomie et de l’interactivité.
L’ergonomie va de pair avec la navigation : l’une comme l’autre permettent à l’usager de se repérer dans le cheminement hypertextuel qu’il a emprunté. Premier contact avec l’usager, la page d’accueil de la documentation électronique doit ainsi être tout particulièrement soignée : 78 % des sites possédant une page spécifique réservée à la distribution de la documentation électronique offrent une page d’accueil claire, recensant les principales rubriques du service ou proposant directement les modalités de recherche. Une fois le site ou le service atteint, il faut pouvoir naviguer d’une page ou d’une ressource à l’autre : 90 % des sites sont ainsi munis d’une barre de progression et/ou d’un bandeau de navigation, qui permettent à la fois à l’usager de se repérer dans le site et de passer plus facilement d’un point à un autre grâce aux liens hypertextes de la barre. Au niveau de la rapidité de téléchargement des pages, pas d’attente dans leur chargement, sauf dans le cas de listes importantes de titres de périodiques ou de bases de données. Par ailleurs, il y a peu de pages en construction ou vides.
En ce qui concerne l’interactivité, les résultats sont moins concluants. On constate tout d’abord qu’il n’est pas toujours facile pour l’usager d’envoyer des commentaires ou des suggestions : pour 12 % des sites, l’adresse du responsable n’est en effet pas disponible ou difficilement trouvable. Et seuls 7 % d’entre eux proposent aux usagers des grilles d’analyse ou des formulaires de suggestion (aucun site français ne le fait). Il est pourtant fondamental de garder le contact avec l’usager, contact qui passe également par la possibilité de le tenir au courant des dernières nouveautés, par le biais d’une lettre d’information ou d’un système d’alerte. Or, plus de 86 % des sites visités ne proposent pas cette option. Seuls 5 % offrent réellement ce service (mais sans possibilité de personnaliser la lettre d’information), les 10 % restant se contentant de renvoyer aux systèmes d’alerte des éditeurs de périodiques électroniques auxquels ils sont abonnés.
Même chose pour la création d’un profil utilisateur de consultation, impossible dans les trois quarts des cas : 20 % des sites offrent des rubriques personnalisées sur leur page d’accueil (conseils et ressources par niveau d’étude ou statut : étudiant, chercheur, enseignant, professionnel), mais seulement deux sites (américains) proposent une interface permettant à l’usager de personnaliser son accès aux ressources et services de la bibliothèque.
Enfin, la possibilité d’exploiter directement les documents récupérés sur le site n’est donnée qu’aux usagers québécois et américains, et ne concerne que 8,5 % des sites visités. La plupart des pays européens ne proposent pas encore de logiciels permettant la création et la gestion de bases de données personnalisées. Le problème semble culturel : l’interactivité implique le recours à des logiciels et des habitudes de travail (renseignement en ligne de l’usager) peu ou pas entrés dans les mœurs européennes.
Présentation et lisibilité
Dernier élément clef d’un site web comme outil de distribution de la documentation électronique : la présentation et la lisibilité – 95 % des sites offrent une lisibilité des informations satisfaisante (taille et couleur du texte, espacement, fond, etc.), et 90 % une esthétique de la mise en page, des couleurs, des illustrations, du design et de l’habillage graphique satisfaisante. On a pu constater un réel effort de présentation, basé généralement sur la sobriété (peu d’illustrations, pas de recours à des animations sonores ou visuelles, utilisation de couleurs non agressives). Cette harmonie se retrouve au niveau des pages des sections/antennes disciplinaires, puisque les trois quarts des sites visités appliquent la même charte graphique à toutes les pages, en donnant ainsi une image unifiée et rationnelle. Mais on n’a trouvé que très rarement une charte graphique identique sur les sites des universités et de leur bibliothèque ; seul le logo « cliquable » de l’université les lie.
Analyse des sept sites de référence
Grâce aux moyennes obtenues via la seconde grille de sélection, il a été possible de sélectionner sept sites de référence en matière de distribution de la documentation électronique, pouvant inspirer les bibliothèques désirant valoriser leurs ressources en ligne. Il s’agit des sites des bibliothèques des universités suivantes : University of Porthsmouth (Grande-Bretagne), université du Québec à Montréal (Québec), universidad de Sevilla (Espagne), et Colombia University, MIT, Syracuse University, Princeton University (États-Unis).
Contenu et structuration du contenu
Environnement des pages « documentation électronique »
Pas de spécificité particulière : les liens vers la bibliothèque et la documentation électronique sont mis en évidence grâce à leur taille, qui attire le regard, ou leur couleur. L’université de Séville propose un site bilingue sur la majorité des pages du site de l’université 3, accessible grâce à une icône signifiant un drapeau anglais ou espagnol. Un moteur de recherche interne au site de la bibliothèque permet une recherche ciblée sur toutes les pages à Syracuse 4, qui propose des options de recherche permettant de chercher via Google sur le site de la bibliothèque, de l’université ou du web tout entier.
Les services proposés
- Rubrique « documentation pédagogique »
Séville propose une rubrique « aide à la recherche 5 », qui offre un accès à toutes les ressources par matières, des documents explicatifs sur le fonctionnement de la bibliothèque et de ses services et une collection d’ouvrages de référence virtuels.
Montréal donne accès à InfoSphère 6, un site pour apprendre à faire de la recherche documentaire, développé par une équipe du Service des bibliothèques de l’UQAM. C’est un véritable cours en ligne, classé par disciplines et niveaux, très complet et interactif, accessible à n’importe quel internaute.
- Ressources produites par l’université
Deux sites de référence seulement recensent les ressources produites en interne dans le domaine pédagogique et dans le domaine de la recherche. Le MIT propose deux rubriques concernant des ressources produites par l’université : MIT Thesis 7, qui permet une recherche (par auteur, titre, année) dans les thèses soutenues au MIT. Elles sont accessibles en texte intégral aux usagers du MIT. L’internaute lambda a tout de même accès à des résumés et des extraits. MIT Dspace 8 est une rubrique recensant les « MIT Research in digital form, including preprints, technical reports, working papers, conference papers, images, and more ». C’est la rubrique la plus complète qu’on ait rencontrée, avec plusieurs modalités de recherche (titre, auteur, date, collection) et possibilités de personnalisation de l’accès aux ressources (dont nous parlerons dans la rubrique consacrée à l’interactivité).
Princeton 9 propose des réserves de cours en ligne, accessibles aux étudiants de l’université sur mot de passe et code d’identification. On a retrouvé ces E-Reserves sur plusieurs sites anglo-saxons : outre des cours, elles recensent les ouvrages les plus usités ainsi que ceux utiles aux enseignements dispensés à l’université.
- Service Signets
Aucun n’est intégré au catalogue de la bibliothèque : les liens sont accessibles sur une page à part. Sur les sites de référence, les liens sont plus nombreux, mieux explicités et mieux organisés. Ils vont notamment dans le sens d’une personnalisation des rubriques, proposant des liens par discipline et d’autres par niveau d’étude. La navigation entre les différentes pages est souvent facilitée par une barre ou un menu « cliquable ».
- Bases de données/cédéroms et périodiques électroniques
Les sites du MIT, de Portsmouth, de Columbia et de Québec offrent un accès identique aux bases de données gratuites et commerciales, et le MIT et Portsmouth aux périodiques gratuits et commerciaux.
À cette offre étoffée est associée une signalisation très claire (par écrit ou par icônes : à Columbia par exemple, une petite clef indique un accès réservé), qui permet à l’usager de savoir immédiatement à quelles ressources il a accès. Cf. en illustration
la signalisation proposée par le MIT 10 pour différencier les accès et la nature de ses ressources électroniques.
- Columbia propose une rubrique
E-Books 11 (monographies sous forme électronique) proposant des ouvrages de référence commerciaux et d’origine alternative, en accès libre ou réservé. Si ce service commence à se généraliser, l’offre qu’il propose étant encore numériquement faible, aucune base de données d’E-Books n’a été recensée sur les sites visités.
- Les prépublications alternatives sont mentionnées dans les rubriques « signets », souvent par discipline, et ne sont pas mises en avant en tant que telles.
L’ensemble de ces ressources sont explicitées (parfois, comme à Portsmouth, via une politique documentaire en ligne 12), les nouvelles acquisitions mises en avant grâce à une rubrique « nouveautés » spécifique à la documentation électronique, parfois doublée par des icônes de signalement (new ! au MIT). Columbia propose une rubrique « actualité 13 » avec archives : on peut ainsi accéder à la liste des nouveautés par année (de 1999 à aujourd’hui).
Organisation des ressources
L’organisation des ressources commence par une page d’accès réservée à la distribution de la documentation électronique, proposant soit la liste « cliquable » des rubriques (cas de Portsmouth et Columbia), soit l’accès direct aux modalités de recherche (cas du MIT et de Séville). Concernant les modalités d’accès, on trouve trois organisations différentes, qui peuvent coexister.
Les modalités d’accès par ressources. Chaque ressource est interrogeable individuellement, et les sites de référence proposent de multiples modalités de recherche (par mot clef, mot du titre, ordre alphabétique, éditeur, type de données, ISSN), comme c’est le cas à Portsmouth et Séville.
L’accès aux ressources par matière. Il liste l’ensemble des ressources disponibles pour une matière précise : c’est une modalité de recherche très appréciée des usagers, qui recherchent plus souvent un document sur un sujet particulier qu’un document de nature particulière (journal, base, cours, etc.).
Les modalités d’accès communes à toutes les ressources. Un outil commun à toutes les ressources est proposé. Le MIT l’appelle VERA 14 (Virtual Electronic Resource Access), Portsmouth « Subject directory 15 ». On en trouve un également à Séville 16. Cet outil a l’avantage de regrouper toutes les matières et toutes les modalités de recherche, d’où une économie de « clics » et de sens pour l’usager (vue globale sur l’ensemble de l’offre électronique).Compte tenu des multiples modalités et ressources offertes, c’est un menu déroulant qui est choisi pour sélectionner les données. L’exemple montré provient du site de Séville
: on y trouve la possibilité de chercher dans toutes les ressources par mot clef ou mot du titre, puis de sélectionner une discipline (ou d’en rester à toutes les disciplines) et de la combiner avec un type de ressource (ou, là encore, de faire une recherche sur toutes les ressources).
Ergonomie et interactivité
Ergonomie et navigation
La page d’accueil documentation électronique est particulièrement soignée sur les sites de référence. On y trouve deux types de présentation : une page qui recense les services proposés et les explicite brièvement ; l’usager n’a alors plus qu’à cliquer sur le lien hypertexte qui l’intéresse (cas de Princeton, du MIT, de Columbia). Une page qui donne un accès direct aux modalités de recherche (cas de Séville et Portsmouth). L’orientation est facilitée grâce à une barre de navigation. Celle de
Princeton 17 est particulièrement claire et pratique : le main menu reprend les rubriques de la page d’accueil. Lorsqu’on explore l’une de ces rubriques, elle s’affiche à droite du menu principal avec toutes ses ramifications. L’ensemble de ces liens sont cliquables, ce qui permet d’explorer le site sans avoir à revenir systématiquement à la page d’accueil.
Interactivité et personnalisation
L’interactivité et la personnalisation sont particulièrement soignées. Pour ce qui est des commentaires, Princeton propose sur sa page d’accueil une rubrique suggestions 18 qui met à disposition de l’usager un formulaire en ligne, qu’il n’a plus qu’à remplir. Il y précise sa remarque, s’il désire une réponse ou non, ainsi que son e-mail et son statut dans ou hors l’université. Des demandes type sont proposées à gauche de l’écran (dont rapporter un problème rencontré avec les ressources électroniques). La rubrique contact us de Portsmouth 19 distingue pour sa part plusieurs cas de suggestions, chacune étant accompagnée d’un formulaire distinct : Feedback (remarques générales), complaints (plaintes), suggest a URL (pour suggérer une adresse de site) et des adresses par départements et services. Pour ce qui est de la possibilité de s’abonner à une lettre d’information, les sites de référence ne la proposent pas directement, mais renvoient aux systèmes d’alerte des éditeurs de périodiques électroniques. Seul le MIT propose de recevoir les dernières nouveautés par e-mail dans sa rubrique Dspace. Il est par contre possible de se créer un profil utilisateur de consultation. Montréal propose ainsi un accès à ses services par niveau d’étude.
Mais la personnalisation est poussée à son maximum avec le Dspace du MIT, qui propose aux usagers d’éditer un profil personnalisé, avec le logiciel My Library, proposé entre autres par Syracuse 20. Il s’agit d’une collection personnalisable de ressources électroniques et de services développés par la bibliothèque qui la propose, conçue pour refléter la recherche et les intérêts personnels de chaque usager. Dernier degré de la personnalisation : la possibilité d’exploiter directement les documents récupérés sur le site. Montréal 21 propose les logiciels de gestion de données bibliographiques ProCite et EndNote. Ils permettent de créer des bases de données personnelles, d’y conserver des références bibliographiques élaborées à partir de données originales ou provenant de bases de données ou de catalogues de bibliothèques et de les exploiter par la suite pour constituer des bibliographies ou des notes en bas de page lors de la rédaction d’un texte.
Présentation et lisibilité
Présentation et lisibilité sont de qualité sur l’ensemble des sites de référence sélectionnés. Les éléments récurrents sont les suivants : l’utilisation de couleurs sobres, qui ne parasitent pas la lecture ; peu d’illustrations ; une charte graphique étendue à l’ensemble du site, sections comprises (voir en particulier Séville). Le recours à des tableaux pour classer l’information, en particulier les modalités de recherche. L’absence de textes trop longs pour expliciter les ressources proposées.
Conclusion
Les sites web des SCD, jusqu’alors souvent simples sites « vitrine » à vocation informative, deviennent donc les outils de distribution d’une documentation électronique désormais omniprésente, le lieu où se superposent support du service et service lui-même. Leur positionnement documentaire en est bouleversé : de fonction plaquette, voire passerelle, ils peuvent passer à une fonction dynamique et interactive, grâce à laquelle l’usager peut accéder facilement et de façon personnalisée à l’information dont il a besoin, puis s’approprier cette information pour l’intégrer à son projet de recherche.
Si les pays anglo-saxons et l’Espagne rentabilisent au maximum leurs sites web de BU et l’interactivité et la personnalisation que rend possibles Internet, la France est en retard et les sous-exploite. Les réalisations sont, bien sûr, proportionnelles aux missions et aux moyens techniques et humains dont disposent les bibliothèques, ainsi qu’à leurs impératifs politiques, documentaires et budgétaires. Mais un réel effort peut et doit être fait pour s’adapter à un nouveau média et à de nouveaux produits. L’objectif n’est pas une priorité du numérique sur le papier, mais une complémentarité entre les deux supports, la volonté de diversifier son offre et ses services pour répondre encore mieux aux besoins des usagers.
Faire de son site web un outil de distribution efficace de la documentation électronique de l’université permet à la bibliothèque de se repositionner, de repenser son action et son rayonnement, en se donnant l’opportunité d’améliorer les services existants et d’en proposer de nouveaux. Elle devient alors le foyer central où convergent l’écrit et le numérique, le lieu stratégique où le public peut apprendre à travailler sur les sources d’information, quel qu’en soit le support.
Mars 2003