Le réseau international des bibliothèques publiques

Annie Le Saux

Le mardi 25 novembre, à Paris, un groupe restreint de bibliothécaires a eu le plaisir d’écouter Bettina Windau, directrice, depuis 1991, du Département des bibliothèques publiques de la Fondation Bertelsmann, à Gütersloh, petite ville du Nord-Ouest de l’Allemagne 1, présenter la Fondation Bertelsmann, ses objectifs et les travaux déjà accomplis au sein du Réseau international des bibliothèques publiques.

Les actions de la Fondation Bertelsmann, créée en 1977, à l’initiative de l’éditeur Reinhard Mohn, sont peu connues en France. L’engagement social – auquel tenait particulièrement son fondateur – de cette entreprise privée se manifeste dans des secteurs culturels proches de la presse, des médias, des bibliothèques, aussi bien que dans le domaine politique et économique et dans celui de la santé. Actuellement 120 projets sont en cours, pilotés par une centaine de personnes.

Partant du principe que, pour tous les problèmes qui se posent dans une société, il existe quelqu’un, quelque part, qui a une solution, la Fondation Bertelsmann a mis en place des réseaux internationaux dans les domaines dont elle s’occupe. Les échanges dans les réunions, les congrès ou les publications n’effleurant bien souvent que la superficie des choses, la Fondation a décidé d’entreprendre une démarche plus efficace, visant à rechercher de nouvelles méthodes de gestion existant déjà à un endroit du monde, à les tester, puis à les adapter et à les transposer à d’autres situations. Car son objectif premier est de diffuser des expériences positives.

Méthode suivie

C’est afin de développer cette recherche dans le domaine des bibliothèques qu’est né en 1996 le Réseau international de bibliothèques publiques. Cherchant à mettre en place et à promouvoir des bibliothèques modèles 2, attrayantes et conviviales, dans lesquelles les efforts se concentrent sur le rapprochement avec les lecteurs, sur une gestion rentable et sur une utilisation maximale des ressources disponibles, le réseau s’est vite constitué d’un petit groupe flexible de professionnels des bibliothèques ayant fait leurs preuves. C’est par le biais des associations professionnelles, des rencontres internationales ou encore des prix décernés, dans les pays anglo-saxons notamment, que la Fondation a formé ce réseau, qui ne devrait jamais dépasser les vingt personnes.

Les correspondants, d’origine et de pratiques diverses, se sont rapidement mis d’accord sur les thèmes à étudier en priorité, ainsi que sur le modus operandi. Chacun des représentants du réseau a été chargé de déterminer, à partir du sujet qu’il avait choisi, les points positifs et les difficultés, avant d’exposer aux autres membres du groupe le modèle le plus adéquat et le plus susceptible d’être transposé dans d’autres pays 3. Cette première phase s’est terminée par la publication, en allemand, des rapports 4 de chacun des membres.

Elle a été suivie, en octobre dernier, d’une deuxième phase, qui doit se développer selon deux axes. Tout d’abord, le groupe s’est engagé à appliquer concrètement, dans une bibliothèque, les résolutions exposées dans les rapports. Cette phase de test est essentielle, car elle constitue l’épreuve de vérité. Il est prévu de faire le bilan de cette expérience dans un an.

Le second axe consiste à déterminer de nouveaux thèmes à étudier. C’est pourquoi le Réseau international de bibliothèques publiques a procédé, en décembre dernier, à un appel d’offres. Parmi les thèmes qu’il aimerait voir développés, figure en premier lieu le chapitre des nouvelles technologies. Ce sont surtout les bibliothèques des villes moyennes qui sont concernées – les moins armées pour réagir et donc celles qui ont le plus besoin d’une impulsion. Le but est de leur faire acquérir une souplesse et une flexibilité qui leur permettent de ne pas se laisser distancer par un marché en constante évolution. Les moyens d’attirer les lecteurs qui ne viennent pas à la bibliothèque, le management, les partenariats et la coopération, l’utilisation optimale des ressources matérielles et financières… telles sont quelques suggestions de thèmes que le Réseau souhaiterait voir traités.

Chacun des cycles (phase d’étude et de recherche suivie d’une publication et phase de mise en pratique des résultats) devrait se dérouler en 18 mois maximum.

La valeur de l’exemple

L’instrument le plus sûr auprès des décideurs, financiers et élus réside dans des exemples grandeur nature. Pour mieux faire connaître ses réalisations, la bibliothèque municipale de Gütersloh a publié des articles, accueilli des stagiaires, organisé des visites. Mais ce qu’elle considère comme le plus efficace, c’est le cursus de formation continue – deux cycles de dix jours – qu’elle a créé, et qui s’adresse à une douzaine de jeunes bibliothécaires, à la condition qu’ils aient au moins cinq ans d’expérience professionnelle.

La rapidité et l’efficacité du travail engagé – depuis la définition des directions de recherche jusqu’à la publication des résultats, un an seulement s’est écoulé – viennent de ce qu’une fondation privée, à la différence d’un service public, offre l’avantage de pouvoir réunir des interlocuteurs d’horizons et d’approches différents, sans contraintes administratives ou hiérarchiques. La Fondation Bertelsmann ne cherche pas à se substituer à un service public, ce qu’elle veut, c’est donner l’impulsion à un projet et, pour cela, elle le finance pendant deux ans, avant de se retirer progressivement, une fois sa viabilité prouvée aux municipalités concernées, qui, alors, prennent le relais.

Les outils du marketing au service des bibliothèques

Persuadé, lui aussi, que c’est par l’exemple que l’on convainc le mieux, Thierry Giappiconi, directeur de la bibliothèque municipale de Fresnes, a présenté les résultats de la recherche qu’il a réalisée dans le cadre de ce réseau, sur les outils du marketing au service des objectifs des bibliothèques publiques et de la qualité de leurs services.

Il s’est attaché à démontrer que le marketing, présent depuis longtemps dans la gestion d’entreprise, peut s’appliquer également en bibliothèque.

Par marketing, il faut entendre non plus la seule idée de promotion que ce terme recouvrait jusque-là dans les bibliothèques, mais encore la rencontre avec les besoins et les demandes des usagers. Il s’agit, en fait, de rechercher une conjonction entre un cadre politique et économique, des objectifs généraux qui s’insèrent dans une stratégie d’ensemble, des stratégies opérationnelles et des indicateurs mesurant les résultats obtenus.

La bibliothèque municipale de Fresnes a appliqué cette théorie à son propre cas à travers une enquête menée auprès d’un public visé, celui des entreprises. Ajuster l’offre à la réalité de la demande, adapter le mieux possible le service offert à l’environnement et à la population à desservir, accroître l’efficacité des ressources mises en œuvre, voilà qui répond pleinement aux objectifs poursuivis par la Fondation Bertelsmann.

Ce fut une journée stimulante, riche en enseignements et pleine de promesses. Une journée, où il fut prouvé que des échanges professionnels pouvaient être intensifs, concrets, efficaces et aboutir à des réalisations pratiques, innovatrices et ouvertes sur l’avenir.

  1. (retour)↑  Fondation Bertelsmannn, Carl-Bertelsmann-Strasse 256, D-33311 Gütersloh adresse Internet : http://www.stiftung.bertelsmann.de
  2. (retour)↑  Trois de ces bibliothèques existent déjà : une à Gütersloh, en Allemagne, une à Alcúdia, en Espagne et la troisième à Giza, en Égypte.
  3. (retour)↑  Le système du fundraising, par exemple, courant outre-Atlantique, peut-il fonctionner en Allemagne, où l’on est attaché au service public ? Tant que l’on n’a pas testé ce mode de financement, pense Bettina Windau, on ne peut pas affirmer a priori que ça ne marchera pas.
  4. (retour)↑  Une publication de ces rapports en anglais est en cours. Leur traduction en français et la recherche d’un éditeur sont à l’étude