La démarche qualité à l'Agence bibliographique nationale
Claire Vayssade
Janine Guiton
L'Agence bibliographique nationale a pour mission de collecter la production éditoriale française, d'en effectuer le signalement bibliographique et d'en faire l'annonce, ceci à destination des lecteurs de la Bibliothèque nationale de France, des professionnels de l'édition et de l'information et à toute autre catégorie d'usagers. Cet article décrit la procédure de « démarche qualité » mise en place dans le service de la Bibliographie nationale française depuis 1995 afin de satisfaire au mieux les attentes des utilisateurs.
The Agence Bibliographique Nationale has as its mission the collection of French editorial production, the effectuation of its bibliographic description and the advertisement of this for readers of the Bibliothèque nationale de France, publishing professionals and all other categories of users. This article describes the quality management put in place in the department of the Bibliographie nationale française since 1995 in order to better satisfy the demands of users.
Die nationale bibliographische Agentur hat als Auftrag, die französische Verlagsproduktion zu sammeln, sie bibliographisch anzuzeigen und sie bei den Lesern der Bibliothèque nationale de France, den Verlags- und Informationafachleuten und jeder anderen Kategorie von Benutzern bekanntzumachen. Dieser Artikel beschreibt die Einführung der « Qualitätssicherung » bei der Bibliographie nationale francaise seit 1995, um besser die Erwartungen der Benutzer zufriedenzustellen.
L’Agence bibliographique nationale, créée lors de la mise en place des structures de la Bibliothèque nationale de France, début 1994, a notamment pour mission de collecter la production éditoriale française (c’est le rôle du service du Dépôt légal), d’en effectuer de manière exhaustive le signalement bibliographique, et d’en faire l’annonce (c’est la fonction du service de la Biblio graphie nationale française).
Les services bibliographiques produits par la Bibliographie nationale française, désormais accessibles en ligne sur Internet, doivent répondre au mieux aux attentes et aux besoins des lecteurs de l’établissement, mais aussi des professionnels de l’édition et de l’information, et à toute autre catégorie d’usager. Parmi les besoins très diversifiés exprimés, l’usager attend avant tout :
– un service de qualité (« zéro défaut » des notices) ;
– un service complet (trouver l’intégralité de la production éditoriale française) ;
– un délai de fourniture de l’information aussi bref que possible ;
– un accès facile, convivial et aussi peu coûteux que possible à la bibliographie
– des services nouveaux, tels que la réutilisation des données (récupération de notices).
Afin de satisfaire au mieux les attentes des utilisateurs/clients, une procédure de « démarche qualité » a été mise en place dans le service de la Biblio graphie nationale française à partir de l’année 1995.
Le service de la Bibliographie nationale française
Ce service doit, d’une part, décrire toute la production française éditée et diffusée en France, reçue par dépôt légal, pour les documents imprimés (à l’exception des collections spécialisées : cartes et plans, musique imprimée, etc.), donc couvrir l’exhaustivité de la production dans ces domaines ; d’autre part, effectuer un traitement bibliographique normalisé et complet des documents concernés. Il alimente la base de données bibliographiques BN-Opale.
Il est organisé en deux secteurs : section livres (environ 60 agents), section périodiques (une douzaine d’agents) 1.
Dès la création de l’Agence bibliographique nationale, il est apparu nécessaire de procéder à une réorganisation de la section Livres du service de la Bibliographie nationale française 2, essentiellement pour les deux raisons suivantes :
– pour être en synergie avec la direction de l’Imprimé et de l’Audiovisuel, organisée en quatre départements thématiques pour les documents imprimés, étant entendu que cette direction est le destinataire de l’exemplaire de dépôt légal à destination du lecteur, en rez-de-jardin ;
– pour améliorer et accélérer le processus de traitement des documents, qui souffrait d’un retard chronique très important, ce qui engendrait de nombreuses plaintes des utilisateurs externes.
Cette section, la plus importante quantitativement, a donc fait l’objet d’une restructuration portant sur les points suivants :
– création de quatre équipes thématiques, d’une dizaine d’agents chacune, pour un fonctionnement optimal (couverture complète d’un secteur thématique 3). Le travail en équipe de petite taille (8 à 12 personnes) permet en effet une réflexion collective, et facilite l’harmonisation des procédures de travail, dans des fonctions qui sont par essence assez individuelles ;
– traitement complet du document (catalogage et indexation) désormais effectué par le même agent, et non plus segmenté avec l’indexation matière effectuée par certains agents et le traitement signalétique effectué par d’autres, ce qui cloisonnait et ralentissait le travail, et tendait à « déresponsabiliser » le personnel.
C’est à la suite de cette réorganisation qu’a été entreprise la démarche qualité dont il sera question ci-dessous, afin d’accompagner le changement et de contribuer à le rendre opérationnel dans les meilleurs délais. La démarche avait essentiellement pour objet de montrer qu’on peut améliorer la productivité sans nuire à la qualité du travail.
La démarche qualité : modes opératoires et difficultés
Afin de sensibiliser le personnel du service à la problématique de la qualité, mais aussi aux outils méthodologiques susceptibles d’être mis en place pour gérer la notion de qualité au quotidien, la direction de l’Agence bibliographique nationale, en collaboration avec le service de la formation et des qualifications, a décidé de mettre en place une action ponctuelle, avec l’aide d’un consultant externe, reconnu dans ce secteur, en l’occurrence le Bureau Van Dijk. Éric Sutter, de ce cabinet, expert en gestion de l’information, spécialiste de la démarche qualité et de son adaptation au milieu documentaire, a été retenu pour conduire ce projet.
Ainsi, durant le premier trimestre 1996, cinq stages ont été organisés, à raison d’un jour et demi par session. Il s’agissait en fait d’une formation prescrite, c’est-à-dire obligatoire pour l’ensemble du service. L’objectif était de fournir à chaque participant des éléments de réflexion, des outils leur permettant de passer d’une vision individuelle (la conscience professionnelle, la compétence, voire l’expertise) à une vision collective et structurée de la qualité (comment s’organiser au sein d’une unité de travail et entre plusieurs unités pour satisfaire l’utilisateur, qu’il soit interne ou externe, et ce au moindre coût).
Au cours de ces différentes sessions de formation, alternaient théorie et cas concrets liés aux situations professionnelles des stagiaires. Différents points importants ont été mis en évidence à l’issue de ce travail collectif, comme par exemple :
– mieux connaître les attentes des utilisateurs, leurs critères d’évaluation de satisfaction, et favoriser le « retour d’information » ;
– identifier les paramètres qui influent sur les composantes de la qualité finale du produit bibliographique, et dégager les points faibles à corriger ;
– mettre en place des indicateurs de qualité (contenu, délais, etc.) ;
– enfin, mettre en place un processus planifié de progrès.
Compte tenu de ces constatations, il est apparu que des actions concrètes devaient être menées durant l’année 1996 pour améliorer la situation. Le consultant proposa alors à la direction de l’Agence ainsi qu’à l’encadrement du service de débattre ensemble de ces conclusions, afin de les hiérarchiser en fonction des enjeux et des moyens disponibles, puis de les formaliser à travers un Plan d’amélioration de la qualité pour le 2e semestre 1996.
Une fois définis les axes de progrès, des réunions régulières ont eu lieu, afin de marquer les différentes étapes du processus engagé, d’analyser les difficultés rencontrées, et de prendre les mesures correctives éventuelles. Ces réunions de suivi regroupaient le directeur de l’Agence, le chef de service et l’encadrement de la Biblio graphie nationale française, le représentant du service de la formation et des qualifications et le consultant externe, qui, dans son rôle d’accompagnement et de conseil, assurait la cohérence entre les éléments méthodologiques fournis durant les stages et entre les actions d’amélioration à entreprendre.
Il s’est avéré qu’à partir d’une formation ponctuelle, la sensibilisation à la gestion de la qualité devait déboucher sur une démarche qui s’inscrit dans la durée, et qu’elle se fait « à petits pas ». Elle doit être consolidée.
La lisibilité de la démarche qualité ne fut pas toujours bien perçue par les stagiaires, lors des formations dispensées et dans la courte période qui s’ensuivit : la formation avait en effet été annoncée trop hâtivement, et succinctement aux personnes concernées. En outre, elle était prescrite. Un temps de communication pour expliquer le « pourquoi » de la démarche, pour la resituer dans son contexte aurait été nécessaire pour éviter certains malentendus et emporter l’adhésion des agents.
La notion de contrôle qualité du catalogage et de la production bibliographique est facilement recevable par les stagiaires : cette idée a fait son chemin dans le monde des bibliothèques, mais élargir ce concept à l’activité d’un service dans son ensemble est plus délicat à faire entendre, et certains agents peuvent se sentir remis en cause dans leurs compétences professionnelles.
Mise en place de quelques axes d’amélioration
D’ailleurs, bien avant la formalisation d’une démarche qualité, des actions allant dans le sens d’une amélioration de service avaient été entreprises depuis la mise en place des structures de l’Agence bibliographique. Celle qui allait de soi pour un important secteur de production bibliographique était la reprise du contrôle qualité des notices à la source (le « zéro défaut »), pratique un temps abandonnée.
De la sorte, les notices actuellement validées pour passage dans les divers produits bibliographiques ont toutes fait l’objet d’un contrôle qualité, ce qui permet d’éliminer 20 % d’erreurs diverses (erreurs de saisie, erreurs de catalogage) avant la diffusion des données dans les produits bibliographiques. Une deuxième mesure concernant, elle, les délais de traitement, a également été prise par anticipation sur la démarche formelle. En effet, après un constat alarmant, courant 1995, concernant le retard accumulé dans le catalogage, l’Agence bibliographique a obtenu un renfort ponctuel pour traiter, durant 1996, le reliquat de 18 000 documents. Ceci a alors permis aux équipes de traiter la production courante et de resserrer le plus possible le délai entre l’arrivée du document au dépôt légal et son catalogage complet.
Les axes d’amélioration définis
Comme il a été fait mention plus haut, des axes de progrès précis sur un semestre ont été identifiés après les formations, démontrant bien que ces dernières pouvaient déboucher sur un suivi immédiat et réalisable. Trois secteurs d’amélioration ont été dégagés :
– amélioration des circuits internes de traitement du document (relations plus étroites avec le Dépôt légal pour mieux déterminer les filières de traitement, avec le service de la Coordination bibliographique sur les fichiers d’autorité, sur les validations de travail dans la base BN-Opale, etc.) ;
– meilleure connaissance des utilisateurs et leurs attentes : le personnel du service, qui, dans sa majorité n’est pas en contact avec le public, n’a pas toujours le retour d’information ;
– création et amélioration d’indicateurs d’activité : quels indicateurs, pour quelle utilisation ? Jusqu’à quel degré de finesse est-il nécessaire et raisonnable d’aller en matière de statistiques ? Autant le délai moyen de traitement est un indicateur indispensable, autant une typologie très détaillée des erreurs de catalogage n’est pas une priorité.
Des objectifs réalistes et à court terme ont été motivants pour le service, et il est apparu que des progrès avaient été réalisés sur un court délai sur les trois secteurs d’amélioration identifiés.
Contraintes extérieures
Néanmoins, il est apparu aussi que le service butait sur des obstacles extérieurs, parfois très lourds et bloquant :
– des contraintes logistiques telles que le système informatique GEAC, à l’ergonomie obsolète et arrivé au maximum de ses capacités. Cela entraîne lenteurs de traitement, voire interruptions nombreuses du travail, parfois avec perte de certains enregistrements en cours ;
– des contraintes administratives, comme par exemple les limites du budget d’acquisitions d’usuels nécessaires ;
– des contraintes structurelles, avec des dossiers gérés par des services connexes, et sur lesquels il est difficile d’agir seul.
Perspectives
Dix-huit mois après le début du processus, le bilan que l’on peut en tirer est nuancé.
Certes, les agents ont été amenés à effectuer une réflexion d’ensemble sur l’activité du service, sur sa place au sein de l’établissement et par rapport à l’extérieur. L’offre de produits et services bibliographiques est de plus en plus diversifiée pour ne pas dire concurrentielle 4. Pouvoir se situer par rapport à ces autres fournisseurs est tout à fait nécessaire, pour bien cibler son activité et pouvoir dialoguer avec les clients et/ou utilisateurs.
Certes, des avancées ont été réalisées au sein du service, qui maintient une productivité importante, tout en mettant en place de nouvelles actions, mais, pour autant, la visibilité de la démarche n’est pas encore très forte :
– il ne semble pas qu’elle ait pris corps auprès de l’ensemble des agents ;
– que met-on en réalité sous l’étiquette « qualité » ? Toutes les actions récentes menées par le Service ressortissent-elles à cette démarche, ou sont-elles tout simplement le fait de sa dynamique, et des objectifs de l’établissement ?
Enfin, et plus important en terme d’impact, la démarche marque, courant 1997, un temps d’arrêt : en effet, elle reste une expérience isolée et atteint alors ses limites, car ce processus n’a pas été relayé (pas encore) à un ensemble plus large de l’établissement, telle que la Direction, voire la Bibliothèque nationale de France dans son ensemble. Dans ce cas, il est difficile pour une entité d’avancer « seule », sans se heurter à des contraintes dont elle n’a pas la maîtrise : comme cela a été souligné plus haut, des obstacles administratifs ou techniques freinent ou empêchent certaines actions, car celles-ci peuvent ne pas être considérées comme prioritaires au niveau de l’établissement. Notons en outre que des freins d’ordre culturel peuvent aussi engendrer des blocages.
Il serait souhaitable que cette action engagée au service de la Bibliographie nationale française, qui a été conduite de façon empirique, par « tâtonnements » successifs, ne soit qu’une première étape vers une démarche qualité plus globale de l’établissement, en ce qui concerne les pôles d’excellence qui lui sont propres, et notamment l’information bibliographique.
Novembre 1997