L'évaluation au service des politiques culturelles locales
éléments pour la réflexion et l'action
Observatoire des politiques culturelles
Dédié aux « décideurs et aux acteurs » des politiques culturelles, ce volume expose de façon synthétique les principes et les méthodes qui doivent guider une démarche d’évaluation.
Politiques et actions publiques
L’approche ne doit rien à l’idéologie managériale. Le « prêt-à-porter » et les « recettes » empruntés tant bien que mal aux écoles de commerce sont donc épargnés au lecteur. L’exposé se situe d’emblée dans le cadre des politiques et des actions publiques. Le premier chapitre s’attache à résumer les notions de base de l’évaluation des politiques publiques à partir du rappel des composantes d’une prise de décision publique, et distingue les caractéristiques des trois angles d’approche de l’évaluation : « efficacité » (ou écart objectifs-résultats), « pertinence » (ou écart objectifs-moyens), « efficience-rendement » (ou écart objectifs-résultats). Le reste de l’ouvrage s’interroge sur la « spécificité du domaine culturel », pose quelques questions préalables, passe en revue un certain nombre d’outils et méthodes, et donne en annexe des références et quelques exemples. La lecture est facilitée par une typographie aérée et éclairée par des schémas qui mettent en relief les idées directrices. L’effort de clarté et de concision du rédacteur, dans un domaine où l’on se laisse facilement aller à jargonner, mérite d’être tout particulièrement relevé.
Cette plaquette est donc de nature à nourrir la réflexion des bibliothécaires qui, en amont de toute mise en œuvre pratique, est nécessaire au choix des indicateurs, à leur insertion dans un dispositif de programmation des services, et à leur interprétation. A ce titre, elle constitue bien en effet un guide pour la réflexion et pour l’action, et sera donc utile à tous ceux qui souhaitent proposer et mettre en place un processus d’évaluation.
Un concept vague
Cependant, l’objet évoqué par son titre, « les politiques culturelles », appelle, à la lecture, quelques réflexions. L’essentiel de l’exposé concerne l’évaluation des politiques publiques (et là réside d’ailleurs les meilleures qualités de l’ouvrage). Mais ce propos pourrait s’appliquer aux « politiques publiques » en général, et non exclusivement aux « politiques culturelles ». Or, lorsque l’ouvrage aborde les spécificités du domaine culturel, l’argumentation hésite et ne convainc plus. On serait tenté de penser que ce défaut est le résultat du caractère trop vague du concept de « politiques culturelles » retenu par l’ouvrage. Certes, le domaine culturel tel qu’il est institutionnellement défini dans les habitudes françaises depuis Malraux, dispose, comme il est rappelé, de personnels, de bâtiments, de budgets (importants). Mais cette affirmation, aussi juste qu’elle soit, ne démontre pas pour autant qu’il soit pertinent de considérer et d’évaluer des actions de nature très diverses sous une même notion. En quoi, par exemple, l’enseignement de la musique et des arts plastiques, dans les écoles de musique, et les conservatoires d’arts plastiques est-il plus « culturel » que l’enseignement des lettres, des langues ou de l’histoire dans les infrastructures de l’Éducation nationale ? On peut se demander si une segmentation différente, mieux affinée ne serait pas plus opérante.
Le rôle de la bibliothèque
Si la bibliothèque est elle-même si peu évoquée, c’est sans doute parce qu’elle échappe, tout particulièrement, à une catégorisation strictement culturelle qui, trop équivoque, n’apporte rien, mais restreint son domaine d’intervention et subordonne son action et ses objectifs à des considérations subjectives et souvent abstraites. Or, l’action d’une bibliothèque s’inscrit dans la permanence et dans la durée. Elle a trait à des actions concrètes, qui relèvent de politiques publiques très diverses : formation, information ; tout autant que de la « culture » et des « loisirs » (notions entendues elles-mêmes dans un sens si large qu’il en est devenu indéfini). Elle joue et devrait, comme on peut le souhaiter, mieux encore, jouer un rôle majeur dans des domaines telles que la formation initiale et permanente, l’information du citoyen et de l’usager. Ces missions ne peuvent raisonnablement être considérées que comme un sous-ensemble des « politiques culturelles ».
Les auteurs n’ignorent pas la possibilité de telles objections. Dans le chapitre « Le domaine culturel a t-il une spécificité ? », ils reconnaissent même que l’on a rarement affaire, dans ce domaine, à des « politiques pures ». Ils écartent toutefois un peu trop rapidement la difficulté par un argument d’autorité. Le concept des « politiques culturelles » s’impose parce que, disposant de moyens et d’acteurs 1 répertoriés comme tels, il correspond à un état de fait. Certes, mais ce regroupement de « moyens et d’acteurs » n’est lui-même qu’une convention. L’accepter comme tel ne permet pas de répondre à la question essentielle : que peut donc valoir l’évaluation d’un domaine aux contours imprécis, et aux objectifs par là-même indéfinis ? Ne peut-on pas tout autant penser que, par exemple, le concept de « bibliothèque publique » ou mieux encore de « bibliothèque de service public » est tout aussi concevable puisqu’il recouvre plus précisément encore que le « domaine culturel », des personnels des bâtiments et des budgets. Une « politique des bibliothèques » permettant de fixer des objectifs déterminés dans des domaines aussi variés que le développement de la lecture, l’instruction publique, la formation permanente, l’information du citoyen, ne permettrait-elle pas, bien plus clairement, d’évaluer des résultats et des impacts en relation avec les actions convergentes ou complémentaires menées dans ces domaines par les différents niveaux de décision publique ? En dépit de ce qui est affirmé, l’approche « culturelle » se révèle ici plus abstraite que pragmatique.
La mise en œuvre de l’évaluation
A qui revient la mise en œuvre de l’évaluation ? La réponse à cette question reste ici générale et pour l’essentiel elliptique. Le chapitre « Choisir l’évaluation » semble privilégier le recours à une évaluation extérieure, bien que l’éventualité d’une auto-évaluation soit évoquée, sans pour autant être développée. On aurait souhaité voir abordées quelques questions supplémentaires. Peut-on notamment, en bonne logique, éviter d’associer la définition des objectifs et le choix des indicateurs de résultats lors du processus « d’aide à la décision » (c’est-à-dire, pour ce qui concerne les bibliothécaires, au cours du dialogue avec les autorités politiques et administratives pour la définition des objectifs généraux et opérationnels). Cette démarche ne conduit-elle pas, dès lors, à fixer de facto un cadre intermédiaire entre évaluation et auto-évaluation ?
Malgré ses limites, la lecture de cette plaquette constitue une bonne introduction à l’approche des problématiques de l’évaluation dans le cadre des politiques publiques. Les questions qu’elle soulève en sont elles-mêmes la preuve. Elle sera donc utile à la compréhension du sens général de l’évaluation en gestion publique, et donc à l’interprétation des résultats. De ce point de vue, le chapitre « L’évaluation des politiques publiques : quelques notions de base » constitue, par lui-même, une excellente introduction à la littérature professionnelle à laquelle cette dimension a trop souvent manqué. Cependant, cette lecture ne peut, ni d’ailleurs ne prétend, suffire à la définition de la politique et du dispositif d’évaluation d’une bibliothèque. Dans ce domaine les bibliothécaires ont la chance de pouvoir d’ores et déjà, recourir à une instrumentation professionnelle en plein développement et qui présente le mérite d’être directement applicable 2.