Les catalogues en ligne

enquête à la médiathèque de la Cité des sciences et de l'industrie, panorama des recherches

par Yves Desrichard
coordination Mohamed Hassoun et Danielle Roger. Villeurbanne : ENSSIB-CERSI, 1994. – 189 p. ; 24 cm. ISBN 2-910227-04-9 : 145 F

Ouvrage publié par le CERSI (Centre d’études et de recherches en sciences de l’information), équipe de recherche de l’ENSSIB, Les catalogues en ligne est principalement consacré au compte rendu d’une étude réalisée à la médiathèque de la Cité des sciences et de l’industrie (CSI), portant sur l’utilisation du catalogue en ligne de cette bibliothèque, entre novembre 1991 et janvier 1993.

Une enquête

Regrettant en introduction que le terme d’OPAC se soit peu à peu imposé comme dénomination des catalogues en ligne – alors même que, outre ses origines anglo-saxonnes, le terme offre de malheureuses tentations homonymes quant à ses facilités d’usage ! – les auteurs et réalisateurs de l’étude en présentent les composantes et les protocoles, d’une manière très détaillée, parfois très technique. Ce souci de transparence, louable, permet au lecteur d’avoir une idée complète et développée du projet, de sa problématique, de son déroulement, de ses résultats et de leur exploitation.

Six cents usagers ont été interrogés sur leur pratique du catalogue en ligne, en deux temps : d’une part, par une série de questions posées directement par le système, avant l’interrogation proprement dite du catalogue – ainsi que la collecte précise de la session de recherche de l’usager ; d’autre part, par un questionnaire oral, destiné à compléter les informations sur le comportement des usagers, leurs attentes, leurs déceptions, leurs satisfactions.

Une bonne part des résultats proposés sera familière au bibliothécaire ayant une expérience des usages et des usagers de catalogues en ligne : erreurs syntaxiques, fautes de frappe, incapacité à maîtriser d’une manière conceptuelle le domaine de recherche ; difficultés à comprendre qu’il s’agit d’un catalogue de références, et non de documents, obligeant par conséquent à une seconde démarche « dans les rayons », une fois identifiés les documents. Les catalogues en ligne n’apporte pas de réel étonnement – mais le sérieux de la démarche et de l’exploitation des résultats permettent d’affiner les commentaires, surtout dans un établissement comme la médiathèque de la CSI, qui possède déjà une longue pratique d’enquête auprès de ses publics.

Les résultats pourront, parfois, paraître accablants, d’autant plus qu’ils viennent souligner que perdurent certaines suprématies quant aux publics, à leur nature et à leurs préférences. Les trois quarts des usagers des OPAC sont des hommes et une bonne majorité est constituée d’étudiants. Il est vrai aussi que certains usagers (l’un d’entre eux au moins !) ont le mérite de la lucidité quant à considérer que les difficultés résident aussi dans la « tête du lecteur ». A la question : « Comment auriez-vous souhaité formuler votre question dans un système idéal ? », l’un d’entre eux répond : « Il n’existe pas de système idéal ».

Sans oser avancer des solutions, les auteurs proposent cependant d’explorer quelques pistes de travail : développer des outils comme les thésaurus graphiques, dans la mesure où une bonne part des interrogations se fait à partir de « sujets » – mais avec le risque d’introduire une interface qui, à son tour, générera une série de problèmes de médiations entre le lecteur et le catalogue... ; développer des bases offrant, pour une même série de documents, différents outils d’indexation, précoordonnés ou postcoordonnés. Une autre piste intéressante serait de fournir, sur les documents s’affichant à l’issue d’une session de recherches, un certain nombre de renseignements complémentaires permettant d’affiner le choix : table des matières, prière d’insérer...

Une bibliographie commentée

Dans une dernière partie, après une rapide présentation d’études comparables sur l’usage des catalogues en ligne en Grande-Bretagne, Danielle Roger propose une bibliographie abondante et commentée d’articles consacrés aux OPAC, à l’analyse de leur utilisation comme à celle de leur conception. Effort remarquable, qui permet une synthèse claire et précise de la question, et qui offre à chacun l’occasion de se reporter aux éléments de la bibliographie pour approfondir tel ou tel point. Une telle étude est, dans les ouvrages bibliothéconomiques en français, suffisamment rare pour qu’il faille en saluer la pertinence et l’intérêt.

Pour autant, l’ensemble de l’ouvrage laisse le lecteur un peu insatisfait : d’une étude aussi fouillée et aussi méthodique, on attendait des réponses, des aides. Les auteurs se « contentent » de souligner que, en matière de logiciels de bibliothèque, les produits proposés ont quelques générations de retard sur le reste du marché informatique. De même, les professionnels des bibliothèques sont rarement associés à la conception et à la réalisation des produits qui leur sont destinés (ce qui n’est peut-être pas si vrai) : de ce fait, les écarts entre les besoins et les produits peuvent être grands, encore plus quand le module proposé ne s’adresse pas aux professionnels, mais directement aux usagers.

Par ailleurs, en désignant les « OPAC comme représentation appauvrie d’un univers de connaissances », les auteurs font, à notre avis, un contresens. Les catalogues en ligne ne sont que le reflet, certes appauvri, des documents conservés, et non des informations contenues – les uns comme les autres n’étant que le reflet, là encore appauvri, d’une production d’informations dont les professionnels ne maîtrisent pas le développement ni la présentation. S’il semble vain de vouloir définir les besoins d’informations des usagers dans le cadre d’une politique éditoriale redéfinie, il est indispensable d’interroger encore et encore les pratiques de nos usagers, pour s’efforcer avec constance et modestie de leur faciliter l’accès à l’ « univers des connaissances », tel qu’édité au moins.