Le guide du routard

l'information scientifique et technique en Lorraine

Jacqueline Gaude

Jean-Claude Houpier

Tout a commencé en février 1990, quand un bilan de l’existant et un recensement des besoins des utilisateurs en matière de documentation ont été demandés pour la constitution du Service commun de la documentation (SCD) de l’Université de Nancy I. Dans le cadre du SCD Nancy I-Médecine, les réponses obtenues ont fait ressortir comme besoin prioritaire « l’informatisation ». Il s’agissait de remplacer les tiroirs de fiches par des écrans, mais aussi d’accéder à distance à cette information ainsi qu’aux bases de données consultables depuis peu sur CD-Rom et cela pour deux raisons : le grand besoin qu’ont les médecins d’une IST (information scientifique et technique), et l’importante dispersion des sites universitaires à Nancy.

Analyse de la situation

Tandis que les structures se mettaient lentement en place, l’équipe des bibliothécaires médicaux a procédé à une analyse de la situation : d’une part, des stocks d’information importants, mais pas suffisamment exploités, compte tenu de l’investissement financier qu’ils représentent ; d’autre part, des besoins en documentation non moins importants exprimés par les universitaires, mais aussi par les non-universitaires (hôpitaux périphériques de la région Lorraine, médecins isolés…) ; enfin un personnel motivé pour le changement.

Les buts à atteindre ont été progressivement définis :

– un catalogue multidocuments ayant pour objectifs leur signalisation dans le fonds documentaire local, une rationalisation de la politique d’acquisitions du SCD, une meilleure connaissance du fonds sur les plans local (réseau Stannet), régional (réseau Lothaire), national (réseau Renater), international (réseau Internet), un accès éventuel au document primaire numérisé ;

– un système d’information documentaire multimédia ayant pour objectifs l’exploitation des ressources du SCD et l’offre de services à valeur ajoutée en local et à distance (hôpitaux, médecins libéraux) en liaison avec la fourniture de documents (prêt entre bibliothèques-PEB) ;

– des outils de bureautique pour récupérer et traiter les données (traitement de texte, tableur…).

Les étapes

Il s’est avéré nécessaire, à la fois financièrement et stratégiquement, de procéder par étapes. Tout au long de cette mise en place, les professionnels ont été impliqués au travers de stages d’initiation et de réunions d’information.

L’idée était de constituer une plate-forme matérielle sur laquelle s’appuyer pour y développer ensuite des applications :

– les périodiques étaient déjà en mémoire sur un SGBD-système de gestion de bases de données (Multilog) depuis 1986 et un catalogue papier mis à jour tous les deux ans était diffusé aux utilisateurs ;

– pour les ouvrages, il fallait automatiser le catalogage et la décision d’adhérer au réseau OCLC a été prise en juin 1992 par le secteur scientifique et médical : (SCD Nancy I et SCD Institut polytechnique de Lorraine (INPL). Il fallait à tout prix un logiciel documentaire qui gère ce catalogue et offre des postes de consultation publics. Mais l’acquisition d’un tel logiciel relevait du SICD (Service interétablissements de coordination documentaire) et dépendait des moyens financiers du contrat d’établissement.

Le réseau local

Quel projet peut avoir une équipe qui a quelques moyens financiers ? Celui d’un outil commun : un réseau local.

Dès le début de 1993, le câblage de la section a été réalisé. La quantité d’informations susceptibles de transiter sur le réseau est techniquement acceptée par les réseaux de type Ethernet fin (10 Mbits/s). Des exigences de hauts débits ne se justifient actuellement que dans l’optique d’utiliser des images animées ou la vidéo-conférence. Un réseau Novell (NetWare 3.11) gérant sept postes a été installé, permettant à chacun de se familiariser avec la micro-informatique et de partager les outils bureautiques (traitement de texte, tableur) et les applications existantes (catalogue des périodiques, liste des lecteurs autorisés, facturation du prêt entre bibliothèques).

Gérer un budget et des régies de recettes, rédiger des comptes rendus, réaliser le Répertoire national des mémoires d’orthophonie… sont devenus un jeu. Ces nouvelles méthodes de travail doivent être bien assimilées par le personnel pour être ensuite perçues par les utilisateurs comme une étape vers l’amélioration des services rendus en quantité et en qualité.

Les bases de données sur CD-Rom y ont été intégrées. Une synthèse faite sur ce sujet par l’Urfist (Unité régionale de formation en information scientifique et technique) de Bordeaux a confirmé la décision.

Le 31 juillet 1993, la commande était passée, pour la rentrée, de trois tours Toshiba de sept lecteurs chacune, ainsi que des logiciels CD-Net de Meridian Data et CD-Manager de CD-Tech pour mettre à la disposition des usagers trois postes de consultation des trois bases de données détenues par la section : Medline, EMbase « drugs and pharmacology », Pascal et diverses applications. Au niveau du SICD, s’élaborait un volumineux cahier des charges pour l’acquisition d’un logiciel intégré de gestion de bibliothèque.

Réalisation de l’informatisation

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche accordait 1,3 MF au titre de 1993-1994 dans le cadre du contrat d’établissement pour informatiser les six sections du SICD.

Dès janvier, le cahier des charges fut envoyé à cinq fournisseurs. Pour le seul logiciel devant assurer toutes les fonctions bibliothéconomiques, les évaluations reçues se situaient entre 1,8 et 2,4 MF. Elles étaient totalement irréalistes et irréalisables pour résoudre le problème, dont les données étaient les suivantes :

– le système de prêt informatisé dont étaient équipées quatre sections devait être impérativement changé, car la société productrice n’était plus en mesure d’en assurer la maintenance ;

– le matériel qui faisait tourner ce système, obsolète, devait être remplacé ;

– le nouveau centre de documentation de l’INPL sortait de terre et son ouverture prévue pour novembre 1994 ne pouvait décemment se faire sans catalogue et prêt informatisés ;

– la section Droit devait suivre le mouvement et abandonner enfin ses méthodes traditionnelles et manuelles.

Comment informatiser six bibliothèques avec 1,3 MF ? La seule certitude était qu’il fallait commencer modestement quelque chose sur chacun des sites, par souci d’équité et de dynamique d’ensemble. Progressivement l’idée est apparue de mettre en place dans chaque section des modules catalogage/catalogue public et prêt d’un logiciel intégré de gestion de bibliothèque. Un serveur et cinq postes de travail comme plate-forme étaient nécessaires pour faire fonctionner ces modules.

Les présidents d’université ayant donné leur accord pour ce projet, il ne restait plus qu’à rédiger deux cahiers des charges, l’un pour le logiciel, l’autre pour le matériel et à les soumettre au chef de projet de Stannet (réseau métropolitain haut-débit de Nancy) et aux ingénieurs informaticiens recommandés.

En mai, deux marchés ont été établis avec l’agent comptable de l’université de rattachement du SICD : un marché négocié pour le logiciel et un marché public avec appel d’offres pour le matériel.

Choix et calendrier

Fin juin, le logiciel Vubis de la société ODIS était retenu – facilité d’utilisation, convivialité du catalogue public, adaptation aux besoins en particulier par la conversion des données existantes et par le développement d’une interface OCLC ; « évolutivité » ; conditions financières acceptables. La société OLI Systèmes, qui avait fait la meilleure offre (prix et services) pour le matériel informatique, a été retenue.

Enfin le calendrier d’implantation a été fixé de la manière suivante : septembre 1994 pour les sections Lettres et Médecine ; octobre 1994 pour la section Sciences ; novembre 1994 pour le centre de documentation de l’INPL ; décembre 1994 pour la section Droit ; janvier 1995 pour la section Pharmacie-Odontologie.

Il est clair qu’actuellement cet ensemble constitue un noyau de départ pour chaque site. En 1995, l’accès à ce nouvel outil sera adapté en fonction des besoins des utilisateurs de chaque site : nombre de licences, postes publics, protocoles d’accès.

Le prêt entre bibliothèques

Au niveau du SCD Nancy I Médecine, un certain nombre d’objectifs définis plus haut se sont concrétisés pendant le même temps. Un outil spécifique pour le prêt entre bibliothèques a été réalisé. Après avoir développé des outils logiciels effectuant quelques-unes des tâches du service PEB, l’occasion s’est présentée de mettre au point un produit gérant la chaîne complète de ce service, c’est-à-dire de la demande de l’utilisateur à la fourniture du document, avec la prise en compte de la facturation, de l’archivage des transactions, de la production de statistiques d’activité orientant la politique documentaire. Cet outil a été conçu en quelques mois pour parvenir à une version stabilisée en novembre 1994 sous le nom de PEB Pro.

Réseau de CD-Rom et accès à Internet

Les banques de données bibliographiques sur CD-Rom ont été rendues accessibles à distance par raccordement au réseau Stannet en juin 1994.

Le réseau lorrain, regroupement des réseaux Ampèrenet de Metz et Stannet de Nancy et raccordé au réseau national Renater, constitue à ce jour un des réseaux régionaux les plus importants de France. Ainsi, le principe de répartition des frais d’abonnement entre les différents utilisateurs du réseau Stannet a permis de fédérer l’ensemble des établissements universitaires et des centres de recherche de l’agglomération de Nancy, soit plus d’une dizaine d’organismes différents *, distribués sur 29 points géographiques de connexion. Le réseau Stannet peut jouer pleinement son rôle fédérateur pour l’ensemble des utilisateurs connectés, dans la mesure où des services d’application y sont offerts, permettant un usage optimal de l’infrastructure mise en place. Seul le personnel de la bibliothèque utilise pour le moment les services Stannet (messagerie, news, gopher, W3…) ; il est envisagé de mettre à disposition un poste de consultation dans l’établissement.

Bilan

Au 1er février 1995, la bibliothèque de médecine dispose d’un réseau informatique de vingt postes – neuf postes en interne, huit postes aux services de prêt, trois postes d’interrogation exclusivement (CD-Rom) –, offrant les applications suivantes :

– pour les professionnels : le catalogue des documents (ouvrages, thèses, articles de revues françaises) et le catalogue des périodiques de la section Médecine, le bulletinage des périodiques, la gestion complète du PEB, l’accès aux banques de données et catalogues sur CD-Rom, des applications spécifiques sur tableur et SGBD, le suivi statistique de l’utilisation de l’ensemble du système ;

– pour le public : le catalogue des documents (ouvrages, thèses, articles de revues françaises) et le catalogue des périodiques de la section Médecine, l’accès aux banques de données sur CD-Rom.

Quels projets pour 1995 ?

Pour le logiciel documentaire, la stratégie de rétroconversion des fichiers représente la priorité des priorités. En ce qui concerne le réseau PEB, depuis plusieurs années, a été développé un réseau de services aux hôpitaux périphériques de la région Lorraine. Ainsi, la mise en œuvre du logiciel PEB Pro permet de fédérer l’ensemble de ces établissements. Il est naturellement envisagé de poursuivre cette action en direction des établissements privés. Pour les banques de données, le service de recherches documentaires automatisées s’est créé et développé à partir de l’interrogation en ligne. Actuellement, elle est supplantée par la recherche bibliographique sur CD-Rom. Ces deux supports étant parfaitement complémentaires, le redéploiement de la recherche en ligne passe par la mise en place de logiciels de communication, d’interrogation, de reformatage des données…, récents, performants et conviviaux.

Cette expérience, qui n’en est pas encore à son terme, suggère quelques idées fortes : prendre le temps de circuler sur les petites routes de l’information pour observer le paysage ; utiliser le véhicule susceptible d’avaler un grand nombre de kilomètres avec un maximum de confort, mais adapté à ses moyens ; tracer son itinéraire, avant de partir, moyen le plus sûr de ne pas se perdre en route. Cette démarche, suivie par chaque région, pourrait être l’occasion de constituer le Guide du routard en IST en France.

  1. (retour)↑  Universités de Nancy 1 et Nancy 2, Institut polytechnique de Lorraine, Centre national de la recherche scientifique, Institut national de recherche en informatique et automatique, Centre hospitalier régional de l’Université de Nancy, Institut national de la recherche scientifique, Institut national de recherche agronomique, Institut national de la santé et de la recherche médicale.