Nouvelles des bibliothèques universitaires
Martine Poulain
Annie Le Saux
Comme chaque année, l’administration centrale a réuni les directeurs de bibliothèques universitaires et autres services communs de documentation pour deux journées d’information.
Des emplois, des budgets et des divorces
François Hinard, directeur de la Direction de l’information scientifique et technique et des bibliothèques, a souligné la difficulté à négocier des emplois nouveaux pour les bibliothèques universitaires, ceux-ci étant intégrés administrativement dans les ATOS (personnel administratif). Le nombre d’emplois nouveaux s’élève pour 1995 à 150. Ces emplois seront dans l’ensemble réservés aux surfaces nouvelles, aux extensions ou créations de bibliothèques universitaires dans les universités nouvelles.
Le directeur de la DISTB, faisant un tour d’horizon de la situation, a rappelé qu’au cours de 1995, 57 000 m2 d’espaces de bibliothèques seront construits, soit un total de 250 000 sur l’ensemble du Plan. Il a évoqué le problème des implantations d’antennes universitaires, dont l’administration centrale n’est plus maîtresse et qui se font souvent de manière anarchique, « affaiblissant de manière parfois considérable l’université et la documentation ». Il n’a pas caché les problèmes que rencontre parfois la coopération sur le terrain. Tout conduit à considérer que l’existence de bibliothèques interuniversitaires, ou de services documentaires communs à plusieurs universités est évidemment une bonne chose. Mais, las ! Certaines universités ne s’entendent pas et il est difficile à l’administration centrale de les empêcher de se séparer. Un rapport sur l’état de la coopération dans la documentation universitaire a été demandé à l’inspection générale, qui devrait d’autre part, après avoir été en extinction, être renforcée : trois postes supplémentaires du côté du ministère de la Culture, deux postes du côté de l’Enseignement supérieur, les inspecteurs étant eux-mêmes toujours polyvalents.
Claude Jolly, sous-directeur des bibliothèques universitaires, n’a pas caché que le budget de 1995 était loin d’être bon. Un budget difficile, qui croît, comme celui de l’Enseignement supérieur d’à peine 2,78 %, soit de 10 MF pour les BU, alors que le nombre d’étudiants, de nouveaux services, de nouveaux établissements, la création de l’ABES (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur), du Centre technique du livre, demanderaient des investissements bien supérieurs. On sait qu’il existe deux modes de répartition des budgets entre les bibliothèques : une dotation sur critères, une dotation sur contrat. Ces répartitions subiront certaines modifications : la dotation par étudiant, auparavant de 52 F, passe à 42 F. La dotation par notice catalographique, de 11 F, maintenue en 1995, pourrait être abandonnée. Le bonus accordé aux bibliothèques qui consacraient plus de 60 % à leurs acquisitions n’a pas été maintenu.
Claude Jolly a évoqué plusieurs études en cours : l’une porte sur l’usage des bases de données, l’autre, complexe, sur la numérisation des thèses. Le dispositif actuel concernant les thèses est à reprendre de A à Z, dans le cadre du schéma directeur universitaire.
Pierre Carbone a rappelé qu’une nouvelle campagne de contractualisation aurait lieu en 1995. Les contrats seront globaux, associant enseignement et recherche. Du côté des bibliothèques, on insistera moins sur l’aspect quantitatif des acquisitions et on n’évoquera pas seulement les besoins des premiers cycles. Sera prise en compte la cohérence de la politique d’acquisition de la documentation avec les projets scientifiques de l’université. On insistera sur l’accroissement des horaires d’ouverture, du libre accès, sur les regroupements documentaires, la coopération et les projets d’informatisation.
Le système universitaire
Le point fut fait l’après-midi par Françoise Pellé sur l’état d’avancement du schéma directeur informatique des bibliothèques universitaires, mis en chantier en janvier 1993.
L’étape actuelle a défini les principales fonctionnalités du système universitaire, aboutissement de ce schéma directeur regroupant les applications informatiques que sont le PEB, les catalogues collectifs et RAMEAU, en un outil unique, collectif, organisé et structuré. Ce système offrira la consultation du catalogue collectif recensant et localisant les documents quel que soit leur type, monographies, thèses, publications en série, documents audiovisuels. La base sera alimentée soit par dérivation des sources (BN-OPALE, OCLC, CIEPS), soit par le catalogage partagé, et transmise sur supports variés : optiques, magnétiques, disquettes... RAMEAU et F-MeSH pour les bibliothèques médicales ont été retenus pour l’indexation matière.
Le système universitaire ne se limitera pas à la seule consultation du catalogue – une interface de consultation différenciée sera proposée selon que l’on sera utilisateur professionnel ou non, novice ou non –, il évoluera jusqu’à la demande de fourniture de documents, qui pourra se faire à partir de sites externes pour certaines catégories d’utilisateurs habilités par leur bibliothèque, ou par l’intermédiaire de la bibliothèque pour les autres. Lors de la demande, les données bibliographiques et la localisation seront automatiquement fournies. Une mise en place d’aide à la facturation est prévue et la fourniture électronique de documents sera à prendre en compte, dès que les problèmes juridiques seront réglés.
Autres offres de ce système universitaire : le répertoire des centres de ressources et des fonds donnera toutes les informations pratiques sur les bibliothèques du réseau et décrira leurs fonds ; une base de données statistiques sur l’activité et les moyens des BU.
Plusieurs études sont prévues pour 1995 et 1996, dont celle sur la réalisation du cahier des charges pour l’acquisition du logiciel applicatif.
L’utilisation par les bibliothèques universitaires de ce futur système, qui sera accessible via Renater, est dépendante de l’existence dans ces bibliothèques de système de gestion intégrée : une vingtaine d’établissements n’a toujours pas de projet en ce sens. L’Etat ne pouvant subventionner entièrement cette informatisation, les chefs de ces établissements sont fortement invités à solliciter l’aide des conseils régionaux, des universités...
Un établissement public à caractère administratif vient d’être créé, qui aidera à mettre en œuvre ce système universitaire. L’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES) regroupe, à Montpellier, les anciens services du Serveur universitaire national pour l’information scientifique et technique (Sunist), du Centre national du catalogue collectif national (CCN), du Pancatalogue et du prêt entre bibliothèques 1.
Le Centre technique du livre
Un autre décret est nouvellement paru, portant également création d’un établissement public à caractère administratif : le Centre technique du livre. Ce centre est destiné à conserver les collections des bibliothèques de l’enseignement supérieur d’Ile-de-France, dont les magasins sont saturés. Situé à Bussy-Saint-Georges, à 31 kms à l’est de Paris, cet organisme permettra de conserver plus de trois millions de volumes. Le choix des documents à conserver se fera selon deux critères fondamentaux :
– le taux de rotation devra représenter au maximum une communication au mètre linéaire par an ;
– les documents seront essentiellement des imprimés, monographies, thèses, revues et les journaux, mais à condition qu’ils soient reliés ou en boîtes. Une seule collection de journaux sera conservée.
Outre les dépôts permanents, précise Hubert Dupuy, le centre pourra accueillir des dépôts provisoires, à la suite d’inondations ou lors de restructurations des établissements.
Les bibliothèques auront la possibilité de rester propriétaires de leurs fonds déposés – cela leur coûtera approximativement 25 F par mètre linéaire – ou de les céder au Centre technique du livre, pour un coût de 5 à 10 F par mètre linéaire.
Les ouvrages déposés pourront être communiqués soit – le cas le plus courant – par une navette qui, dès fin 1997, devrait fournir les documents 24 h après la demande, soit, lors de demandes urgentes, notamment pour des articles de revues, par télécopie. Une salle de communication sur place est également prévue en plus des magasins 2, des salles de préparation des documents (réception, tri...) et des bureaux (au maximum 30 personnes).
Les premiers fonds seront transférés à partir du quatrième trimestre 1995 et proviendront de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine, et des bibliothèques de la Sorbonne, des langues orientales et de l’Institut de France.
La Bibliothèque nationale de France partageant le même site, le Centre technique du livre pourra bénéficier de ses ateliers de désinfection, désacidification et de microfilmage.
Les constructions
Créé pour pallier le manque de place dans les bibliothèques, ce centre de dépôt n’existe que pour la région parisienne. Les problèmes rencontrés par les bibliothèques de province restent, pour l’instant, en attente.
Marie-Françoise Bisbrouck a fait le bilan des opérations de transfert et des créations pour 1994, où environ 30 000 m2 nouveaux représentant 21 opérations ont été mis en service. Les prospectives, pour 1995, concerneront environ 30 opérations d’extensions, de délocalisations et deux mises en chantier de gros bâtiments : Paris VIII à Saint-Denis et la section droit sur le site Richter à Montpellier.
Les ouvertures, en 1996, devraient augmenter et aller jusqu’à 65 000 m2.
Marie-Françoise Bisbrouck a insisté sur la nécessité de prévoir très longtemps à l’avance les projets de construction, afin de pouvoir, le moment voulu, les insérer dans les programmes universitaires ou régionaux.
Des stages de formation existent depuis quatre ans pour les chefs de projet de constructions de bibliothèques universitaires, qui s’enrichiront en 1996 d’un nouveau module sur l’équipement mobilier des bibliothèques. Une journée d’étude devrait être organisée sur le nouveau règlement de sécurité concernant toutes les bibliothèques, adopté en juillet dernier par la Commission centrale de sécurité. Deux séminaires internationaux sur les constructions de bibliothèques sont en projet : l’un piloté par l’IFLA, d’ici la fin de l’année, et l’autre dans le cadre de LIBER en janvier 1996.
Le recensement des métiers
L’étude sur le recensement des métiers 3 lancée en 1994 est entrée dans la phase de synthèse.
De l’étude des fiches recueillies lors de cette enquête recensant les compétences et les connaissances nécessaires, les outils utilisés, les conditions d’exercice particulières, Anne Kupiec tire les remarques suivantes : le noyau qui structure l’ensemble des métiers est les collections, auxquelles s’ajoutent en second lieu les publics. Les activités de gestion reviennent elles aussi régulièrement et l’on note une constante : la présence de l’informatique. Est mise en valeur également l’extrême ouverture des relations professionnelles à l’intérieur de la bibliothèque et aussi et surtout vers les autres types de bibliothèques, vers les collectivités territoriales, les entreprises, les associations professionnelles...
Des évolutions sont sensibles dans divers domaines, tels que l’informatique, le cadre administratif dans lequel les bibliothèques se situent, les enseignements, le contexte européen...
Trois caractéristiques figurent comme préalables à l’exercice des métiers : la nécessité d’exercer une veille documentaire et technique, la connaissance du monde du livre et des bibliothèques et la connaissance approfondie de l’une au moins des disciplines de la bibliothèque. Photographie de l’ensemble des métiers des bibliothèques exercés aujourd’hui, cette étude permet également d’apprécier un certain nombre de facteurs d’évolution, susceptibles d’influer sur le contenu des formations initiales et continues et éventuellement des épreuves des concours. Claude Edelbloute a également souligné qu’à partir de 1996, il espère intégrer les résultats de l’étude des métiers dans les projets de recrutement des établissements.
Statuts, formations et gestion des personnels
C’est désormais traditionnel, les représentants de la Direction générale de l’administration font le bilan des questions statutaires, de la formation continue et de la gestion des personnels.
Claude Edelbloute a soulevé le problème du décalage entre les catégories A (passées de 27 % à 41 %) et B (tombées de 35 % à 21 %). Problème difficile à régler, car, comment logiquement peut-on augmenter le nombre de bibliothécaires adjoints après avoir tout fait pour le diminuer ?
Les recrutements de conservateurs s’étant accrus de 1991 à 1993, le risque de surnombre en 1996 par rapport aux emplois budgétaires est la raison avancée par l’administration centrale pour expliquer sa décision de supprimer en 1995 l’organisation du dernier concours exceptionnel sur titre, de réduire le nombre d’entrées à l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (ENSSIB), et de mieux répartir les élèves de l’Ecole des Chartes entre l’Ecole du patrimoine et l’ENSSIB.
Parmi les offres de formation continue, proposées par l’Institut de formation des bibliothécaires, l’ENSSIB et les centres de formation aux carrières des bibliothèques, trois thèmes ont été particulièrement appréciés : la construction de bibliothèques universitaires, l’informatique et l’organisation du travail et la formation. L’analyse des thèmes à succès et des stages moins recherchés devrait permettre de réorienter l’offre pour 1995.
Brigitte Cosson-Ladet a clôturé cette réunion en faisant le point sur les postes offerts aux concours en 1995 : 15 chartistes ont été recrutés en janvier, 30 postes figurent au concours d’entrée à l’ENSSIB, et 7 à l’examen professionnel ; 100 postes de bibliothécaires sont offerts au concours interne exceptionnel de bibliothécaires, 60 au concours de bibliothécaires adjoints spécialisés ; seront recrutés environ 25 inspecteurs de magasinage exclusivement à l’enseignement supérieur, 60 magasiniers en chef et 120 à 130 magasiniers spécialisés ; étant donné le surnombre de bibliothécaires adjoints par rapport à l’effectif budgétaire, il n’y aura pas de concours de recrutement dans ce corps.