Rétrospective 2022 : un an de bibliothèque vu par le BBF
Le Bulletin des bibliothèques de France vous propose un retour sur l’année 2022 au gré d’une sélection d’informations publiées sur son Fil de l’actu. Ce regard rétrospectif laisse apparaître cinq grandes thématiques qui ont dominé le monde des bibliothèques au cours de l’année passée. Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine, plongeant le monde entier dans la stupéfaction. Bien que se jouant sur l’échiquier politique et pouvant paraître loin de l’univers des bibliothèques, cet événement a profondément marqué les professionnels. Hasard des calendriers, le jour même du début du conflit se tenait la rencontre en ligne « Quels enjeux pour le livre et la lecture en Europe ? » organisée dans le cadre de la présidence française du conseil de l’Union européenne. Dans ce contexte si particulier, les intervenants ont eu à cœur de rappeler le rôle du livre et de la culture dans le processus démocratique. Dans les mois qui ont suivi, le monde de la documentation, en France comme à l’échelle internationale, s’est mobilisé pour défendre le principe de liberté de l’information, mis à mal depuis le début de la guerre, rappeler le rôle essentiel des bibliothèques dans ce domaine, et soutenir leurs homologues ukrainiens en envoyant du matériel, en lançant des campagnes de collectes de documents en lien avec le conflit ou encore en organisant l’archivage numérique du patrimoine écrit des bibliothèques ukrainiennes.
Sujet également très présent dans l’actualité de 2022, les politiques d’inclusion mises en œuvre par les bibliothèques et leur rôle dans la lutte contre les discriminations. Répondant aux injonctions de société, les bibliothèques ont plus que jamais à cœur d’être des lieux d’accueil au service de la population dans toute sa diversité, et de répondre aux besoins des catégories discriminées, tout autant que des personnes les plus fragiles.
De plus en plus investie par les bibliothèques, la mission d’éducation aux médias et à l’information, soutenue depuis 2015 par le ministère de la Culture, se structure et a donné lieu en 2022 à la publication de plusieurs documents et ressources pour accompagner les professionnels dans la mise en œuvre d’initiatives, tandis que le nombre croissant d’actions et d’acteurs renforce la nécessité de mettre en place des outils d’évaluation.
Autre problématique fondamentale qui traverse toute la société, le développement durable, dont les bibliothèques se sont emparées depuis plusieurs années, occupe une place prépondérante dans les questionnements des professionnels et traverse désormais tous les aspects de la vie des bibliothèques : écogestes en interne, sensibilisation des usagers, réflexions autour du livre « écologique », sobriété numérique, bâtiments écologiques.
La science ouverte est aussi de plus en plus souvent présente dans les réflexions des établissements documentaires de l’enseignement supérieur. Au fur et à mesure que cette nouvelle mission se généralise et se structure, des études évaluent son impact sur l’organisation des bibliothèques, le travail des équipes, le positionnement au sein de l’université.
Pour chacune des cinq thématiques, le BBF a sollicité des professionnels de la documentation qui apportent leur éclairage.
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1. La guerre en Ukraine
Février
- Les organisations européennes de bibliothèques répondent à l’appel de l’association des bibliothèques ukrainiennes
En réponse à l’appel lancé par l’association des bibliothèques ukrainiennes, EBLIDA, NAPLE et Public Libraries 2030 exhortent les bibliothèques de toute l’Europe à se mobiliser en faveur d’une information précise à diffuser sur le conflit, comme moyen de soutenir la démocratie et la liberté d’expression
Mars
- L’Association des bibliothécaires de France solidaire de l’Ukraine
Dans un communiqué du 1er mars 2022, l’Association des bibliothécaires de France exprime sa solidarité avec les bibliothécaires et le peuple ukrainiens. Sa commission Livr’exil se propose de servir d’interface pour permettre d’orienter les bibliothécaires ukrainiens qui seraient contraints à l’exil en France.
- L’IFLA exprime son soutien aux bibliothécaires ukrainiens
L’IFLA joint sa voix aux autres instances représentatives de bibliothécaires pour exprimer son soutien aux bibliothécaires ukrainiens. Elle appelle aussi ses membres à aider les réfugiés ukrainiens en lien avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales et à trouver les solutions pratiques pour leur fournir l’assistance nécessaire.
- Un blog sur les actions par lesquelles les bibliothèques peuvent aider dans le conflit ukrainien
Christian Lauersen, directeur des bibliothèques de Roskilde au Danemark, publie sur son blog « The Library Lab » un billet listant les différentes manières dont les bibliothèques peuvent aider dans le conflit ukrainien, telles que diffuser une information validée, collecter et promouvoir la littérature ukrainienne.
- Table ronde « La guerre en Ukraine : enjeux humains, juridiques, culturels » le 5 avril 2022
L’Enssib, le centre Gabriel Naudé et le laboratoire de recherche ELICO organisent le 5 avril 2022 la table ronde « La guerre en Ukraine, enjeux humains, juridiques, culturels » avec des spécialistes de science politique, de science de l’information et de la préservation du patrimoine. Elle sera diffusée en direct sur la chaîne YouTube de l’Enssib.
- Faut-il exclure les membres russes de l’IFLA ?
Le débat est lancé au sein de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques. La demande émane des associations de bibliothécaires ukrainiens et polonais mais certains professionnels, dont Peter Lor, ancien secrétaire général de l’IFLA, et des membres du CFIBD, branche française de la fédération, y sont opposés.
- Une opération internationale de sauvegarde du patrimoine culturel ukrainien en ligne
Lancé par un groupe de professionnels du patrimoine, bibliothécaires, archivistes, chercheurs, SUCHO « Saving Ukrainian Cultural Heritage Online » vise à sauvegarder le patrimoine culturel ukrainien en ligne. Plus de 1 000 bénévoles dans le monde ont déjà sauvegardé 1 500 sites de musées et de bibliothèques et des publications en accès ouvert.
Mai
- La BnF poursuit son appel à contribution pour la collecte de documents éphémères liés à la guerre en Ukraine
La Bibliothèque nationale de France a lancé un appel à contribution pour sa collecte de documents éphémères (brochures, tracts, affiches, dépliants) liés à la guerre en Ukraine, quel qu’en soit le producteur (pouvoirs publics, milieux associatifs ou militants, particuliers).
Juin
- Un webinaire le 15 juin 2022 sur l’état des bibliothèques en Ukraine
L’école des sciences de l’information de la San Jose State University organise le 15 juin un webinaire (en anglais) sur l’état des bibliothèques en Ukraine intitulé « Ukrainian Libraries during the Ongoing Russian-Ukrainian War ». Sont prévus une intervention de l’Association des bibliothèques ukrainiennes et des témoignages de terrain.
Juillet
- La Bibliothèque nationale de Finlande archive le matériel en ligne lié à la guerre en Ukraine
Les Archives finlandaises du Web, gérées par la Bibliothèque nationale de Finlande (BNL) collectent depuis février 2022 les contenus en ligne liés à la Guerre en Ukraine tels que les actualités, publications des réseaux sociaux, sites Web et, depuis mai 2022, ceux liés aux discussions de l’Otan.
Entretien avec Anne Maître, responsable du fonds Russie et Europe médiane à la bibliothèque Diderot de Lyon • « La communauté scientifique et le monde des bibliothèques se sont mobilisés dès le début du conflit »
BBF : Dans l’actuel conflit entre la Russie et l’Ukraine, une partie importante se joue sur le terrain de l’information et d’une relecture orientée de l’histoire. Que révèle sur cette question l’étude des fonds que vous gérez ?
Anne Maître : Depuis quelques années, nous avons entrepris de réorienter la valorisation de nos collections, jusqu’alors plutôt envisagées sous le prisme russe et soviétique, en accordant une place bien plus importante à l’Europe centrale et orientale. Dans cet espace géolinguistique, l’Ukraine a émergé, nous montrant que nos ressources étaient tout d’abord insuffisamment signalées et de toute façon bien trop maigres. L’actualité tragique du conflit a donné un élan brutal à cette évolution. Nous avons réalisé que nos ressources ukrainiennes étaient encore loin d’être visibles et qu’il était nécessaire d’exercer un regard critique sur nos documents pour y mettre à jour une identité ukrainienne souvent occultée, et décrypter nos sources pour y révéler la confiscation et la falsification du récit historique ukrainien accomplies par le pouvoir russe depuis très longtemps. Il était donc urgent de poursuivre le plus justement possible notre signalement et d’enrichir nos acquis : intensifier le catalogage et augmenter nos acquisitions, anglo-saxonnes en particulier.
BBF : Ce conflit a pour effet paradoxal de susciter un intérêt pour la culture ukrainienne jusque-là peu connue en France. Quelles sont les initiatives des éditeurs, des libraires et des professionnels de la documentation ?
Anne Maître : Beaucoup de bibliothèques ont rapidement présenté en ligne des focus bibliographiques et ont proposé des expositions de livres. C’est ce que j’ai fait à la Bibliothèque Diderot de Lyon, où des documents sur l’Ukraine ont été présentés en continu d’avril 2022 jusqu’à aujourd’hui. Ces focus ukrainiens ont été aussi mis en place dans les librairies. Ces entreprises ont été dynamisées par le travail des éditeurs qui ont très vite augmenté leurs propositions éditoriales. L’actualité a remis sur le devant de la scène des publications existantes, enrichies de nouvelles grâce à un investissement immense et sans faille de traductrices et traducteurs. Il faut citer les travaux d’Iryna Dmytrychyn (Inalco), traductrice de nombreux auteurs ukrainiens, dont Serhiy Jadan. Avec Emmanuel Ruben et grâce au soutien du Centre national du livre, elle a dirigé la publication d’une anthologie, Hommage à l’Ukraine chez Stock. Notons aussi les choix tournés vers l’Ukraine de maisons d’édition comme Noir sur Blanc, ou encore Bleu & jaune. Il faut saluer des rééditions bienvenues dont la poésie de Tarass Shevchenko chez Seghers, une édition revue et corrigée des « Terres de sang », de Timothy Snyder chez Gallimard, qui a aussi publié cet automne une traduction très attendue du livre sur l’histoire de l’Ukraine de Serhiy Plokhy, La porte de l’Europe.
BBF : Quelles sont les conséquences de ce conflit sur votre travail et votre fonctionnement, notamment pour les acquisitions, le travail des étudiants et des chercheurs ?
Anne Maître : Les liens officiels avec les institutions russes sont suspendus. Le climat engendré par le conflit, la censure et la répression possibles en Russie remettent grandement en cause les collaborations russo-françaises. Les séjours en Russie des étudiants ne sont plus possibles. L’accès aux sources russes est évidemment aussi empêché. Alors que les relations commerciales avec la Russie sont également remises en cause, il faut néanmoins poursuivre notre mission d’enrichissement des collections. Je travaille avec un diffuseur allemand qui a dû limiter son offre et je m’y suis adaptée. Ce partenaire propose désormais des ouvrages en ukrainien : j’ai donc pour la première fois acheté « ukrainien » !
Par ailleurs, il faut souligner l’entrée en mobilisation, dès le début de la guerre, de la communauté scientifique, pour analyser et transmettre le plus largement possible, pour comprendre et aussi garder espoir. Tables rondes, journées d’étude sont toujours d’actualité. J’ai participé à deux manifestations, à l’Enssib et à l’université Lyon-3. J’ai aussi organisé une séance consacrée à l’Ukraine dans le cadre du séminaire « L’espace littérature de Verlin à Vladivostok ».
BBF : Alors que les dégâts en Ukraine sont considérables, les collections détenues dans les bibliothèques françaises peuvent-elles assurer une mission de préservation au profit des établissements ukrainiens ?
Anne Maître : Il faut souligner la mobilisation permanente, concomitante du début de la guerre, de la communauté scientifique et du monde des bibliothèques qui multiplient les actions pour assurer la diffusion d’informations fiables. L’Association des bibliothécaires ukrainiens a appelé à la création de la Bibliothèque nationale numérique ukrainienne afin de recueillir toute archive du conflit. En France, on peut citer les initiatives du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre européen (CERCEC) qui propose sur son site une histoire de l’Internet en Russie pour éclairer la situation actuelle et illustrer les luttes menées pour la défense des libertés numériques, ainsi que des repères chronologiques et un corpus de documents susceptibles d’éclairer la situation depuis 1991. Enfin le CERCEC a appelé à la constitution d’un catalogue des dépôts d’archives « papier » conservées hors de Russie.
2. Les luttes contre les discriminations et les politiques d’inclusion
Février
- Agir pour l’égalité. Questions de genre en bibliothèque
Publié aux Presses de l’Enssib en novembre 2021 dans la collection « La Boîte à outils », « Agir pour l’égalité. Questions de genre en bibliothèque » a la double ambition de rendre plus visible cette problématique et de relayer les bonnes pratiques ainsi que différents outils pour aider les bibliothécaires à mieux l’intégrer dans leur travail.
Mars
- La Fill publie un dossier sur l’égalité femmes-hommes dans la filière du livre
À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la Fill (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) publie un dossier sur l’égalité femmes-hommes dans la filière du livre et annonce l’intégration des indicateurs sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses chiffres-clés annuels à partir de 2023.
- « Une bibliothèque pour rendre plus visible la culture queer : l’Espace QG ». Entretien avec l’association Espace QG
Comment construire son identité quand on n’est pas représenté·e ? Comment déconstruire les stéréotypes sans représentations adaptées ? L’association Espace QG était intervenue à l’occasion de la 7e Journée régionale de l’inventivité en bibliothèque, organisée par l’Agence Livre, Cinéma et Audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine, le 21 septembre 2021.
Mai
- L’ABF plaide pour la gratuité de l’inscription en bibliothèque
Dans son communiqué intitulé « La bibliothèque gratuite, on a tout à y gagner ! » publié le 10 mai 2022, l’Association des bibliothécaires de France plaide pour la gratuité de l’inscription en bibliothèque afin d’offrir « un accès simplifié et démocratique à la lecture, à la culture, à l’éducation et l’information ».
Juin
- Congrès ABF 2022 : « Illettrisme, handicap, publics empêchés : que faisons-nous vraiment ? »
Lors du congrès de l’ABF, organisé du 2 au 4 juin 2022 à Metz, une table ronde était consacrée à la question « Illettrisme, handicap, publics empêchés : que faisons-nous vraiment ? ». Une rencontre dense qui a posé le constat du long chemin encore à parcourir pour rendre les bibliothèques vraiment accessibles. Compte rendu de Stéphane Dufournet.
- C’est ouvert ! Hospitalité et inclusion en bibliothèque
Pour sa journée d’étude 2022 intitulée « C’est ouvert ! Hospitalité et inclusion en bibliothèque », le groupe Bibdoc 37 a choisi une formule hybride avec une session en présentiel à Tours le 5 mai 2022, et une session en visioconférence le 10 mai. Compte rendu par Anne-Sophie Pascal.
- Congrès ABF 2022 : « Quelle bibliothèque pour les publics précaires ? »
Le 67e Congrès de l’Association des bibliothécaires de France, organisé du 2 au 4 juin 2022 à Metz, a consacré sa 10e table ronde à la question de l’accueil des publics précaires, mettant en lumière l’importance essentielle de la dimension humaine. Compte rendu de Soizic Cadio.
Septembre
- Mini-conférence en ligne « Gratuité totale, impact maximal ? »
La Bibliothèque publique d’information propose le 11 octobre 2022 la mini-conférence en ligne intitulée « Gratuité totale, impact maximal ? ». Elle fera écho à la loi relative aux bibliothèques qui pose la gratuité comme principe fondateur, et à la campagne de promotion de la gratuité totale lancée par l’Association des bibliothécaires de France.
Décembre
- Une fiche pratique sur l’accueil des personnes LGBTIQ+ dans les bibliothèques
Le Laboratoire des bibliothèques de Bibliomédia présente une fiche pratique qui aborde certains axes de gouvernance propres à favoriser l’inclusion des publics LGBTIQ+ au sein des bibliothèques. Elle met à disposition une liste de groupes d’intérêts, d’organismes de formation du personnel et une courte bibliographie.
- Les enregistrements du webinaire des Midis de l’accessibilité sur l’accueil des personnes autistes disponibles en ligne
Livre et lecture en Bretagne a mis en ligne la boîte à outils de son webinaire du 11 octobre 2022 organisé dans le cadre du cycle des Midis de l’accessibilité et consacré à l’accueil des personnes autistes en bibliothèque. Elle est constituée des podcasts audio et des diaporamas de toutes les interventions de la journée.
Entretien avec Michael David Miller, bibliothécaire agrégé à la Bibliothèque de l’Université McGill • « Nous devons éliminer autant de barrières possibles à l’accès aux bibliothèques »
BBF : Quels sont pour vous les faits marquants de 2022 dans le domaine de l’accueil des publics discriminés ?
Michael David Miller : Recevoir la drag-queen québécoise Barbada de Barbades au Congrès des professionnel·les de l’information (CPI) pour animer notre soirée de retrouvailles après deux années de congrès virtuel a été un fait marquant pour moi en 2022. C’était hautement symbolique car récemment, dans l’arrondissement Saint-Laurent de la Ville de Montréal, la mairie est intervenue pour annuler une heure de conte que Barbada de Barbades était censée donner à la bibliothèque. L’inviter était donc une occasion pour les milieux documentaires québécois de montrer l’importance qu’ils accordent à la diversité dans les activités d’heure de conte. C’était important pour moi à titre personnel car j’ai organisé en 2016 la toute première heure de conte avec drag-queen du Québec (peut-être de la francophonie) avec Barbada au Festival Fierté Montréal. Voir que ses heures de conte se poursuivent et constater la solidarité et le soutien de mes collègues des milieux documentaires me rend profondément heureux.
BBF : Quel doit être, selon vous, le rôle social et culturel des bibliothèques auprès des communautés défavorisées ?
Michael David Miller : Comme le dit David Lankes, « la mission d’une bibliothèque [et des bibliothécaires] est d’améliorer la société en facilitant la création de connaissances dans sa communauté ». J’ajoute « et des bibliothécaires » dans le but de mettre le côté humain de la bibliothèque au centre de cette mission, qui nécessite de la médiation documentaire et culturelle avec nos collections, espaces et technologies. Les bibliothèques démocratisent l’accès à l’information, à la culture et à l’éducation dans le but de faciliter la création des connaissances dans leurs communautés. Pour les communautés défavorisées ou dans des situations précaires, cela veut dire un accès aux livres pour que leurs enfants découvrent la lecture, un accès à l’Internet pour accéder au monde, un accès à l’aide à la recherche pour naviguer dans les services gouvernementaux ou simplement l’accès à un endroit pour échapper au froid, à la chaleur ou même peut-être à un logement qui ne permet pas un peu de solitude. Les bibliothèques, c’est la démocratisation de « l’accès ».
BBF : Quel est l’intérêt pour les publics d’une politique de gratuité totale des prêts ?
Michael David Miller : Pourquoi obliger à payer pour emprunter ? Au Québec, la gratuité est universelle et on commence à travailler à faire aussi des frais de retard une affaire du passé. Le mieux que nous puissions faire est d’éliminer autant de barrières possibles à l’accès aux bibliothèques. L’objectif est que les citoyens utilisent et empruntent nos collections. Sinon, pourquoi les avoir ? Ce sont les personnes les plus défavorisées qui sont le plus touchées par les politiques d’emprunts payants et de frais de retard et qui risquent de cesser d’utiliser la bibliothèque.
BBF : Que pensez-vous que les bibliothèques puissent apporter aux luttes LGBT+/Queer et aux questions d’égalité de genre ?
Michael David Miller : Avoir des collections qui représentent la diversité de l’ensemble de ses usager·ères est très important mais ce qu’on fait avec les collections est encore plus important. J’utilise Wikipédia comme outil de médiation documentaire, de visibilité et de mise en valeur de la communauté LGBTQ+ québécoise car c’est la source d’information la plus consultée du temps moderne. Kelly Doyle, ancienne wikipédienne en résidence pour l’équité et pour le genre à l’université de la Virginie-Occidentale dit que « le capital culturel de Wikipédia est tel que l’existence à l’intérieur de ce dernier dénote un niveau de pouvoir et d’importance. Considérer que quelque chose ou quelqu’un est significatif ou insignifiant en fonction de sa présence ou de son absence sur Wikipédia peut être néfaste ». Utiliser nos collections pour contribuer à Wikipédia fait passer les bibliothécaires et leurs collections d’un rôle passif à un rôle actif dans la création des connaissances locales.
3. Éducation aux médias et à l’information
Mars
- L’AFP livre trois bonnes pratiques pour vérifier une information
L’Agence France-Presse présente sur son site Internet des outils de recherche en ligne, accessibles à tous, permettant de vérifier une information et de répondre à trois objectifs : repérer une fausse citation, remonter à l’origine d’une image ou d’une vidéo, trier le vrai du faux dans un article sensationnaliste.
- Universcience publie son premier baromètre de l’esprit critique
Universcience publie, en partenariat avec Franceinfo et le journal La Croix, son premier baromètre de l’esprit critique basé sur une enquête menée en février 2022 par le cabinet Gece auprès de 3 218 Français pour évaluer leur rapport à la science, leurs sources d’information, leur rapport au débat d’idées et à l’altérité dans le raisonnement.
Septembre
- Une infographie sur la détection des fausses nouvelles
L’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) a publié une infographie, traduite en 37 langues, sur la détection des fausses nouvelles qui rappelle les principes de base tels qu’identifier la source, l’auteur, aller au-delà du titre. L’IFLA décrit aussi des exemples d’utilisation de l’infographie par les bibliothèques.
Octobre
- La science à l’épreuve de la désinformation
Organisée par l’ADBU (Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation) le 30 mai 2022, la journée d’étude « La science à l’épreuve de la désinformation » proposait des regards croisés de professionnels de différents horizons. Compte rendu par Véronique Palanché et Anita Beldiman-Moore.
Décembre
- Des cours en ligne gratuits sur l’investigation numérique
Pour contribuer à la lutte contre la désinformation, l’Agence France-Presse (AFP) propose une formation en ligne gratuite consacrée à l’investigation numérique. Constituée d’une dizaine de modules, elle s’adresse en premier lieu aux étudiants en journalisme mais peut intéresser toute personne impliquée dans la vérification des informations.
https://fr.digitalcourses.afp.com/
- Un article sur le traitement des interfaces numériques dans l’EMI
Publié sur le blog « Éducation aux médias et à l’information », Jean-Claude Domenjoz propose dans son article de repenser l’EMI pour y intégrer les nouvelles techniques et stratégies d’influence, utilisées dans le cadre du design des interfaces numériques, qui visent à capter l’attention, modeler les affects et contrôler les conduites.
- Le rôle des bibliothécaires dans la formation des enseignants à l’EMI
Publié dans Journal of Information Literacy, l’article « The faculty-focused model of information literacy » de Jane Hammons présente un modèle d’éducation aux médias et à l’information axé sur le corps enseignant et le rôle des bibliothécaires dans leur formation afin qu’ils intègrent la maîtrise de l’information dans les cursus étudiants.
- L’Arcom présente le bilan de ses actions pour l’EMI
Dans son rapport d’activité 2021-2022, l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique présente ses actions en matière de formation des enseignants à l’éducation aux médias et l’information, l’étude réalisée par l’institut OpinionWay et ses préconisations aux éditeurs de l’EMI.
- Bibliothèques sans frontières publie un livret thématique sur la désinformation scientifique
BSF et la Bibliothèque des sciences et de l’industrie publient, en complément de la 2e édition du kit « EMI en bibliothèques », un livret sur la désinformation scientifique. Il propose des ressources fiables et vulgarisées, des conseils et des pistes de réflexion pour élaborer un programme de médiation et progresser dans des projets d’EMI.
- Les résultats de la consultation « De Facto » sur l’EMI disponibles
Les résultats de cette consultation citoyenne, organisée du 27 juin au 30 septembre 2022 par le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information, Sciences Po, l’Agence France-Presse et xWiki, sont disponibles. L’ambition de « De Facto » est de promouvoir la qualité de l’information, la diversité du débat et la régulation des plateformes numériques.
Entretien avec Juliette Panossian, chargée de mission Éducation artistique et culturelle-Éducation aux médias et à l’information à la Bibliothèque publique d’information • « En 2022, le principe de l’EMI comme grande cause nationale a été renforcé »
BBF : Quels sont, selon vous les événements marquants de l’année 2022 dans le domaine de l’EMI ?
Juliette Panossian : Plus que des évènements marquants, il est à retenir que cette année écoulée a permis de renforcer le principe de l’EMI comme grande cause nationale. La publication en début d’année 2022 du Rapport de la Commission Bronner propose en effet des recommandations visant au renforcement de l’esprit critique et de l’éducation de toutes et tous aux médias et à l’information à l’ère numérique1. À retenir également le texte du ministère de l’Éducation nationale sur la généralisation de l’EMI, fondée notamment sur le développement des projets pédagogiques et le renforcement des réseaux d’acteurs2.
BBF : La Bpi a une mission nationale en matière d’EMI. Qu’observez-vous des bibliothèques qui mettent en place des actions dans ce domaine ?
Juliette Panossian : Le cadre actuel est fortement incitatif pour permettre aux bibliothèques de mettre en place des projets EMI, avec le soutien du ministère de la Culture via les Drac. Les initiatives qui se déploient en bibliothèques sont très diverses, avec des équipements très moteurs et volontaristes et d’autres portant des initiatives plus modestes. Le partage d’expériences et de réflexions entre bibliothèques reste nécessaire, c’est d’ailleurs la mission confiée par le ministère de la Culture à la Bpi : promouvoir les échanges professionnels par l’organisation de séminaires et de journées d’étude, ainsi que par la création d’outils comme Le Guide pratique pour mener des actions d’EMI en bibliothèque publique3.
BBF : Avec le foisonnement des initiatives se pose la question de l’évaluation. Comment mesurer l’impact de ces actions ?
Juliette Panossian : Il est vrai qu’avec le développement des actions, la question de l’évaluation est d’actualité mais elle reste assez complexe. Il manque sans doute aujourd’hui un guide pratique afin d’accompagner les acteurs et les partenaires sur cette question dès la conception des projets. Car c’est à la naissance de chaque action que la conception d’outils et d’indicateurs d’évaluation – qui tiennent compte des spécificités de chaque projet – doit se faire, de manière à en dégager ensuite la plus-value culturelle, personnelle et éducative.
BBF : La Bpi a elle-même un programme EMI. Pouvez-vous nous en présenter les grands axes et les objectifs ?
Juliette Panossian : La Bpi développe depuis 2016 plusieurs actions d’EMI pour les collégiens et lycéens avec, d’une part, le Parcours médias, construit en trois modules (Info/Intox, Construire son opinion et Stéréotypes dans les médias) et, d’autre part, des ateliers qui croisent toutes les questions à l’œuvre en EMI telles que développer son esprit critique, ses compétences d’écoute et de dialogue, analyser des images de différentes natures, questionner les usages des médias et des réseaux sociaux.
1. https://colibris.link/ohneN
4. Développement durable
Juin
- Responsabilité sociétale et environnementale : quelles compétences pour les professionnels des bibliothèques ?
Le 12 mai 2022, l’Enssib consacrait la première édition de son nouveau rendez-vous Le Printemps des métiers à la thématique « Responsabilité sociétale et environnementale : quelles compétences pour les professionnels des bibliothèques ? ». Compte rendu de Véronique Heurtematte.
Octobre
- Conférence « Le livre peut-il être écologique ? », le 13 octobre 2022
Proposée le 13 octobre 2022 à Strasbourg et en distanciel par le Centre de culture numérique de l’université de Strasbourg avec plusieurs partenaires, la conférence « Le livre peut-il être écologique ? » se penchera, notamment, sur le bilan carbone du livre imprimé et du livre numérique et les moyens de le faire baisser.
- Atelier « Papier PEFC, imprimeur Imprim’Vert, encres végétales, conditions nécessaires ou suffisantes ? » le 10 novembre 2022
Auvergne-Rhône-Alpes Livre et Lecture propose le 10 novembre 2022 un atelier en visio sur les enjeux environnementaux de l’édition et de la fabrication du livre. Il dressera un panorama des impacts environnementaux de la production des livres et donnera des repères et outils aux professionnels afin de guider leurs choix dans la fabrication.
- Des webinaires sur le développement durable et la responsabilité sociétale dans l’ESR
Du 15 au 17 novembre, l’Amue (Agence de mutualisation des universités et établissements) propose une série de webconférences sur les enjeux du développement durable et de la responsabilité sociétale dans l’enseignement supérieur et la recherche qui aborderont les différents angles du sujet et proposeront des leviers d’action selon les métiers.
Novembre
- Une charte pour l’écologie du livre
Normandie Livre & Lecture présente sur son site une charte pour l’écologie du livre, imaginée et pensée grâce à un travail collectif, des échanges construits et une mutualisation d’idées. Ce document propose des valeurs pour un écosystème sain applicables par tous et pour tous.
- « Livre et lecture : à l’heure de l’écologie »
La Fédération interrégionale du livre et de la lecture a publié un dossier numérique qui met à l’honneur les nombreuses initiatives des acteurs et actrices du livre qui se montrent inventifs, volontaires et impliqués en matière d’écologie. Le dossier est composé de 4 thématiques : Sensibiliser, Expérimenter, Coopérer, Prolonger.
Décembre
- « Écologie et numérique : de quoi parlons-nous ? »
Rédigé par Jean-Marie Feurtret, ce billet de la Commission Bibliothèques vertes de l’Association des bibliothécaires de France propose de poser certains termes et expressions essentiels pour exprimer les relations entre écologie et numérique, en vue d’une appropriation de ce sujet riche et complexe en bibliothèques.
- « Bibliothèque, sobriété et réduction de l’empreinte environnementale du numérique »
Écrit par Thomas Fourmeux sur Biblio Numericus, cet article présente la place des bibliothèques dans les programmes de travail municipaux élaborés dans le cadre de la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique d’ici au 1er janvier 2025. Il liste notamment les diverses actions écologiques que les bibliothèques peuvent mener.
- « Écologie et culture : greenwashing ou véritable transition ? »
Lors des 6es Assises nationales des directeurs des affaires culturelles, les 20 et 21 octobre 2022 à Sète, l’Observatoire des politiques culturelles a présenté deux ateliers montrant la complexité de mener efficacement des projets de transition écologique dans les établissements culturels malgré la volonté des politiques et des personnels.
- Billet de blog « Intégrer la question environnementale dans une médiathèque »
La médiathèque de la Canopée présente le système de management environnemental qui est une façon d’intégrer la question écologique dans une médiathèque. Il permet de s’organiser pour réduire ses impacts sur l’environnement, de démontrer la conformité aux exigences réglementaires et de renforcer l’implication de l’équipe et de la direction.
Entretien avec la commission Bibliothèques Vertes de l’ABF • « 2022 a été marquée par un engagement fort des bibliothèques pour le développement durable »
BBF : Quels sont pour vous les faits marquants de 2022 pour les bibliothèques dans le domaine du développement durable ?
Commission Bibliothèques Vertes de l’ABF : En bibliothèque, de lecture publique ou de l’ESR, l’année 2022 a été marquée par un engagement fort de la profession dans ce domaine. Il s’est traduit par la mise à jour du Manifeste de l’IFLA et de l’Unesco pour l’adapter aux évolutions des sociétés de la connaissance (les notions de sustainability/développement durable voient utilement le jour dans la palette actuelle des missions des bibliothèques) ; par la création en juin de la commission Bibliothèques Vertes de l’ABF, dotée à l’automne d’un blog1 régulièrement enrichi de nouveaux contenus dont un agenda et une carte thématique interactive ; par l’attribution pour la première fois à une bibliothèque française, la Médiathèque de la Canopée la fontaine, du Green Library Award de l’IFLA, dans la catégorie Projet, ce qui est une excellente nouvelle dont nous espérons qu’elle pourra motiver et inspirer d’autres bibliothèques françaises à candidater à ce prix dans les années à venir. Il y a eu également l’organisation par l’Enssib du Printemps des Métiers consacré à la responsabilité sociétale et environnementale2 ainsi que la publication à l’automne 2022 par le ministère de la Culture d’un référentiel des compétences en bibliothèques territoriales comprenant une compétence Transition écologique et responsabilité sociale3. Les formations, voire cycles de formations, et journées d’étude se développent.
La transition écologique est aussi à l’agenda du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche comme en témoigne le rapport Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique, et de celui du ministère de la Culture, notamment dans les domaines de la création artistique et du patrimoine.
BBF : Quel peut être le champ d’action des bibliothèques sur les questions énergétiques, notamment le chauffage, la climatisation et le stockage des données numériques ?
Commission Bibliothèques Vertes de l’ABF : Les bibliothèques s’inscrivent le plus souvent dans des environnements dont elles dépendent sur le plan de la gestion énergétique ; leur part directe d’intervention est ainsi toute relative. Parmi les actions possibles, on peut mentionner agir sur le bâtiment en s’inscrivant dans des projets de rénovation ou de construction intégrant un volet écologique, par exemple avec le label Haute Qualité Environnementale, la végétalisation pouvant constituer une approche spécifique, ou encore faire évoluer les usages à travers une acculturation des publics et des personnels aux écogestes. Au-delà, il nous semble essentiel que les bibliothèques s’inscrivent dans les réflexions de leurs tutelles sur ces enjeux, pour participer à des objectifs de viabilité tout en maintenant une qualité de service public d’autant plus nécessaire en période de crise impactant le plus grand nombre. Ce dialogue permet aussi de prendre en compte les contraintes métiers dans une réflexion globale et de dépasser des injonctions contreproductives, voire contradictoires. Par exemple, réduire la facture énergétique peut avoir un impact sur les documents qui souffrent de variations thermiques en matière de conservation. Le numérique écoresponsable constitue aussi un enjeu fort en bibliothèques, en cours d’investigation au sein de notre commission.
BBF : Pensez-vous qu’une remise en question des pratiques matérielles de conservation des documents imprimés soit nécessaire ?
Commission Bibliothèques Vertes de l’ABF : Le premier pas est de s’interroger sur le besoin réel puis, quand il y a lieu de modifier des pratiques, d’organiser et d’accompagner les changements. Sur ce sujet, nous vous invitons à consulter le billet « Quid de l’équipement des collections imprimées ? »4.
1. https://bib.vertes.abf.asso.fr/
2. https://colibris.link/3H8JO
5. Science ouverte
Janvier
- L’état des pratiques de la science ouverte en France
Le Comité pour la science ouverte a publié le 26 janvier 2022 le rapport State of open science pratices in France présentant les résultats d’une enquête conduite de juin à septembre 2020 qui interroge les pratiques des outils numériques et autour des données de la recherche dans les communautés scientifiques françaises.
- « Bibliothèques, éditeurs, libraires, face au mouvement de l’open »
La 10e édition de la Biennale du numérique organisée par l’Enssib les 22 et 23 novembre 2021 était consacrée à la thématique « Bibliothèques, éditeurs, libraires, face au mouvement de l’open ».
Février
- Une nouvelle plateforme de formation à la science ouverte
Au premier trimestre 2022, OpenAIRE dévoilera une nouvelle plateforme de formation : un système de gestion de formations basé sur Moodle, configuré pour les besoins des communautés scientifiques. Cette nouvelle plateforme couvrira les sujets de la science ouverte pour tous les acteurs de la communauté académique.
Avril
- Le Fonds national pour la science ouverte apporte son soutien financier à trois infrastructures internationales
Le Fonds national pour la science ouverte (FNSO) apporte son soutien financier à trois infrastructures internationales sélectionnées par SCOSS – The Global Sustainability Coalition for Open Science Services. Ces trois infrastructures sont arXiv, Redalyc/AmeliCA et le DOAJ.
- Cours en ligne « Comprendre la science ouverte »
L’Inist-CNRS a traduit en français, mis à jour et adapté au contexte français le MOOC FOSTER Open Science datant de 2018. Disponible sur la plateforme Callisto sous le titre « Comprendre la science ouverte », il est composé de 9 leçons répondant aux questions les plus courantes pour la mise en pratique de la science ouverte.
Août
- « Politique documentaire et science ouverte, la nouvelle donne ? » Entretien croisé avec Christine Ollendorff et Claire Nguyen
Christine Ollendorff, directrice de la documentation et de la prospective à l’École nationale supérieure d’arts et métiers, et Claire Nguyen, directrice adjointe et responsable du service de la politique documentaire du SCD de Paris Dauphine-PSL, analysent pour le BBF les impacts de la science ouverte sur la politique documentaire.
Novembre
- Open up ! Open up ! Effets de la science ouverte sur les organisations
Du 28 au 30 septembre 2022 à Caen, le 51e Congrès de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU) s’est penché sur les conséquences de la science ouverte sur les bibliothèques universitaires. Compte rendu par Véronique Heurtematte.
- Une synthèse de l’étude « Décliner la science ouverte » disponible en ligne
Une synthèse de l’étude « Décliner la science ouverte » du Comité pour la science ouverte est disponible sur HAL Archives Ouvertes. Elle aborde la question de l’accompagnement de l’évolution des pratiques associées aux données en lien avec les incitations et les obligations portées par les politiques publiques de science ouverte.
Décembre
- So MSH ! Un carnet dédié aux problématiques de science ouverte
L’équipe du pôle numérique de la Maison des sciences de l’homme Ange-Guépin de l’université de Nantes propose un carnet dédié à la science ouverte. Les articles sont le résultat d’une veille technique et juridique sur les questions liées à la gestion des données de recherche et à leur rapport à la réglementation.
https://somsh.hypotheses.org/a-propos
- Le premier rapport d’activité du FNSO est disponible
Le Fonds national pour la science ouverte publie son premier rapport d’activité qui correspond à la période de réalisation du premier Plan national pour la science ouverte. Il présente une vision synthétique des actions réalisées sur la période 2019-2021 : appels à projets, soutien aux infrastructures et financement d’actions ciblées.
Entretien avec Laetitia Bracco, conservatrice des bibliothèques, data librarian à l’université de Lorraine • « Les bibliothèques ont un rôle de plus en plus important et visible au sein de la science ouverte »
BBF : Quels sont pour vous les faits marquants de l’année 2022 dans le domaine de la science ouverte ?
Laetitia Bracco : L’année 2022 a été très riche pour la science ouverte ! Si je ne devais retenir que quelques faits, je citerais bien sûr le lancement de l’écosystème Recherche Data Gouv1, avec l’ouverture de son entrepôt de données accessible à l’ensemble de l’ESR français et ses modules d’accompagnement. Il représente vraiment une révolution puisqu’il met pour la première fois à disposition de nos chercheurs une offre généraliste, souveraine et pérenne de dépôt de données, pour les communautés scientifiques qui ne disposaient pas d’entrepôt de données dans leur discipline. Et contrairement à de nombreux outils techniques, il intègre dès sa naissance des équipes d’accompagnement généralistes sur le territoire (les ateliers de la donnée), disciplinaires et nationaux (les centres de référence thématiques) et transversaux (les centres de ressource).
Un autre fait marquant à mon sens serait le déploiement de la boîte à outils de l’Unesco2 pour la science ouverte, qui fait suite à la recommandation de l’institution publiée en novembre 2021. Des guides, fiches pratiques et check-lists ont ainsi été publiées récemment, pour aider à l’implémentation de la science ouverte à l’échelle mondiale.
Je terminerai par la nouvelle interface de HAL et la mise à jour de la typologie des documents, qui va permettre de mieux valoriser la diversité des productions scientifiques.
BBF : Le rôle des bibliothèques dans la mise en œuvre de la science ouverte s’est-il renforcé, et si oui, de quelle manière ?
Laetitia Bracco : Avec la mise en œuvre du plan S, qui impose la publication en accès ouvert immédiat des productions scientifiques subventionnées par la plupart des organismes de financement européens, et la généralisation des plans de gestions de données au niveau des projets de recherche mais également des plateformes scientifiques et des laboratoires, les bibliothèques ont un rôle de plus en plus important et visible au sein de la science ouverte.
En effet, les chercheurs, déjà très sollicités par leurs projets et par l’enseignement, ainsi que par des missions administratives, font face à des obligations de science ouverte toujours plus importantes et parfois complexes. L’accompagnement à la diffusion des publications, la gestion des données ou encore l’archivage du code, par le biais de formations, actions de sensibilisation et de communication, sont des missions incontournables pour les personnels d’appui à la recherche, qui sont souvent dans les bibliothèques mais aussi au sein des laboratoires.
BBF : Les États-Unis ont décidé en 2022 de rendre accessibles immédiatement et gratuitement tous les travaux de recherche financés par des fonds fédéraux. Qu’en est-il en France ?
Laetitia Bracco : La France adhère au plan S ; en cela, elle dispose déjà d’une stratégie d’ouverture immédiate et gratuite des publications scientifiques financées par des organismes tels que l’ANR ou l’Union européenne. Il reste encore à en mesurer la portée, qui ne pourra être réellement appréciée qu’à partir de l’année prochaine, quand les premiers projets concernés produiront des publications.
BBF : Vous occupez le poste encore assez peu fréquent de data librarian, en quoi cela consiste-t-il ?
Laetitia Bracco : En tant que data librarian, mon poste consiste à accompagner les chercheurs à la gestion de leurs données de recherche. Concrètement, je suis responsable de l’atelier de la donnée ADOC Lorraine, qui est le guichet unique de renseignement autour de ces questions pour l’ensemble du site universitaire lorrain. Rédiger un plan de gestion de données ? Savoir dans quel entrepôt déposer ses données ? Publier un data paper ? Trouver des données dans son domaine ? Être formé à l’utilisation du cahier de laboratoire électronique ? Connaître les bonnes pratiques en matière de production et de gestion des données ? Voici quelques-unes de mes activités au sein d’un service qui prend de plus en plus d’ampleur.
Outre les données, je suis également responsable du pôle Bibliométrie au sein de la Mission Appui Recherche des bibliothèques de l’université de Lorraine. J’y suis notamment en charge du Baromètre lorrain de la science ouverte. Enfin, je coordonne la communication Science ouverte de l’établissement.
Je complète ces activités par des engagements au niveau national : j’anime le Groupe de travail science ouverte (GTSO) sur les données de Couperin, et je suis chef de projet pour le Baromètre français de la science ouverte dédié aux données de la recherche et aux codes logiciels.