Retour sur les Rencontres nationales des métiers et de la formation en bibliothèque territoriale, ministère de la Culture • Bibliothèque publique d’information, 12 mars 2024

Mathilde Larrieu

La 3e édition des Rencontres nationales des métiers et de la formation en bibliothèque territoriale, organisées par le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture, a eu lieu le 12 mars 2024, à Paris, au Centre Pompidou et à la Bibliothèque publique d’information (Bpi).

Ce rendez-vous annuel est l’une des dix mesures issues de la concertation initiée par le ministère de la Culture en 2021, pour accompagner la transformation des métiers et favoriser le meilleur accès à la formation des personnels des bibliothèques territoriales.

Près de 300 personnes ont participé à ces rencontres : professionnel·les de la lecture publique, des Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), directeur·rices des Centres régionaux de formation aux arrières des bibliothécaires (CRFCB), etc.

Nicolas Georges, directeur du Service du livre et de la lecture (SLL), a commencé la journée en présentant quelques chantiers en cours, comme l’allongement de la formation d’intégration des territoriaux ou le travail sur une meilleure coordination des offres de formations sur les territoires

Une première table ronde a interrogé l’attractivité des métiers comme nouvel enjeu pour les bibliothèques

Le constat est partagé d’une difficulté à recruter dans la fonction publique territoriale en général. Pour autant, le rôle essentiel des politiques de lecture publique a été largement identifié pendant le Covid. Christophe Benett, président de la Fédération nationale des associations de directeurs et directrices des affaires culturelles des collectivités territoriales (FNADACT) souligne que l’un des points de tension réside dans le fait que les politiques de lecture publique continuent d’être ambitieuses malgré les difficultés de recrutement. Cela conduit les services à pallier les postes manquants tant bien que mal, ainsi qu’à des glissements d’une catégorie à l’autre (des postes de catégorie C faisant le travail de catégorie B, des agents B prenant en charge des missions de catégorie A). Ces difficultés risquent par ailleurs de s’accentuer avec la prochaine vague de départs à la retraite : 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite d'ici à 2030, souligne Valérie Travier, cheffe du bureau de la lecture publique (ministère de la Culture).

« Les difficultés à recruter sont sur toute catégorie hiérarchique confondue : A, B, C. En C, nous avons notamment du mal à avoir des profils informatiques, numériques », abonde Hélène Brochard, présidente de l’Association des bibliothécaires de France (ABF).

Plusieurs interventions dans la salle ont souligné l’évolution des pratiques de recrutement en cours, l’attention portée à de nouveaux profils, moins « standards », la question de l’aménagement des temps de travail, et le constat de candidats postulant aux postes ouverts sans vouloir passer les concours, préférant le statut de contractuel. Le fort enjeu que représente la reconversion professionnelle est également relevé, ainsi que l’importance de soutenir ces parcours.

Plusieurs pistes ont été dégagées pour renforcer l’attractivité de l’emploi en bibliothèque, parmi lesquelles :

  • mieux faire connaître les métiers des bibliothèques, qui sont des métiers en constante évolution, et pour lesquels on constate un décalage entre la représentation et la réalité (les présentations dans les guides d’orientation généraux sont en décalage avec la réalité des bibliothèques contemporaines) ;
  • collaborer avec les services de ressources humaines et sensibiliser les élus à l’évolution des bibliothèques et des métiers des bibliothèques ;
  • revaloriser les rémunérations et les avancées de carrières ;
  • offrir un cadre de travail plus souple, à travers l’accès au télétravail et en permettant une marge d’autonomie sur l’organisation du temps personnel, lorsque c’est possible ;
  • développer une formation en ligne, pour favoriser l’ouverture à des profils atypiques, et leur acculturation à l’environnement des bibliothèques, ainsi que la formation des bénévoles, levier pour le bon fonctionnement des bibliothèques départementales.

Par ailleurs, l’opportunité que présente la concertation menée dans le cadre du Printemps de la ruralité, est rappelée. Cette concertation nationale sur la vie culturelle en milieu rural, lancée par le ministère de la Culture, et se clôturant fin mars 2024, permet notamment de mieux faire connaître le rôle que jouent les bibliothèques départementales, et les principaux obstacles qu’elles rencontrent. Jérôme Belmon, chef du département des bibliothèques (Direction générale des médias et des industries culturelles – Service du livre et de la lecture), invite les communautés professionnelles à se saisir de cette opportunité.

Une deuxième table ronde a présenté les ressources sur les métiers et la formation

Pour accompagner les transformations profondes que connaissent les bibliothèques et leurs métiers, pour favoriser la connaissance de ces métiers, et pour faciliter l’accès à la formation des professionnels, le ministère de la Culture publie deux guides, très complets, l’un sur les métiers, la formation et les concours de bibliothèques, l’autre sur la formation tout au long de la vie des professionnels des bibliothèques (à télécharger ici). Raphaële Gilbert, chargée de l’évolution des bibliothèques et de leurs métiers (ministère de la Culture), les présente et fait valoir leur correspondance avec le terrain actuel des pratiques et avec les besoins identifiés par les collègues. Elle met en avant l’importance de la documentation professionnelle pour nos métiers.

L’Enssib met à disposition des ressources sur les métiers et la formation : la bibliothèque de l’école a produit un guide thématique, Les métiers des bibliothèques, en accès libre ; Mathilde Larrieu et sa mission (prospective métiers et compétences) organisent une fois par trimestre un webinaire thématique, le Labo des métiers 1

, et un rendez-vous annuel dédié à la prospective, le Printemps des métiers 2
X

Thème 2024 : « Travailler autrement – Accompagner l’évolution des organisations et les compétences collectives ». Programme et inscription : https://www.enssib.fr/actualites/vos-agendas-3e-edition-du-printemps-des-metiers-le-1605

.

Les éditions de l’Enssib réunissent deux revues, en accès libre, et trois collections d’ouvrages qui produisent des connaissances dans le champ de la formation professionnelle comme de la recherche 3

X

La lettre d’information des éditions de l’Enssib permet de se tenir au courant des parutions. Pour s’y inscrire : https://colibris.link/aaZcL

. Les parutions sont présentées dans le cadre des Rencontres des Presses de l’Enssib, organisées par le Centre de documentation sur les métiers du livre 4
X

Replay des rencontres sur la chaîne YouTube du centre de Documentation sur les métiers du livre : https://www.youtube.com/@bibliothequebuffon8124/videos

.

Luce Perez-Tejedor, membre du conseil d’administration de l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD), présente le retour d’usage du Référentiel national des compétences des bibliothèques territoriales, réalisé par le ministère de la Culture en 2022. Elle expose la façon dont ce référentiel peut être utilisé comme un outil d’appui au recrutement, d’argumentaire auprès des élus locaux et de développement de l’offre de formation. Raphaële Gilbert signale sa mise à jour à venir pour tenir compte des retours d’usage.

L’après-midi s’est ouvert sur un atelier de prospective animé par Yves-Armel Martin, directeur du Bureau des Possibles, pendant lequel ont été explorées des représentations du futur et imaginées des fiches de postes qui pourraient voir le jour en 2050. Bibliothécaire référent accueil solidaire, rési-lien-thécaire, pollinisateur informationnel, bibliothé-care, écothécaire, animateur d’équipe, socio-scribteur : autant de possibles profils pour 2050.

Le forum

Les participants étaient ensuite invités à circuler au sein d’un forum de 10 stands qui offraient la possibilité d’échanger librement avec les intervenants, après leur présentation, à chaque fois très bien préparée et documentée, autour des axes suivants : « Égalité, diversité, inclusion (EDI) : l’approche canadienne de l’inclusion et de l’hospitalité » ; « La culture du faire (« maker ») en bibliothèque : évolution des laboratoires de fabrication » ; « Transition écologique et responsabilité sociale : de nouvelles missions à intégrer à l’organisation du travail ? » ; « De nouvelles organisations du travail pour accompagner les transitions des métiers : l’exemple du management environnemental » ; « L’ingénierie territoriale, mission en développement ou mission externalisée ? » ; « La coordination de réseaux, un métier en transition ? » ; « Bibliothèques en tension, bibliothèques résilientes ? S’adapter et se réinventer en situation de crise » ; « Réinventer la médiation quand il n’y a plus de collections sur les étagères : l’exemple de l’audiovisuel » ; « Jouer et faire jouer, mission à part, mission culturelle ? » ; « Intégrer la culture scientifique, une transition culturelle ».

Le vaste plateau de la Bpi (fermée au public le mardi) favorisait la circulation d’un stand à l’autre, et les interactions enthousiastes entre collègues venu·es de tout le territoire.

En bref, une journée riche, exposant les grands enjeux autour de l’évolution des métiers des bibliothèques, des besoins d’accompagnement des professionnels, et de la prise en compte des transitions des métiers.