« Pensez l’impensable »
29e Congrès annuel d’Eblida – 11 juin 2021
Le 11 juin 2021 s’est tenu en ligne le congrès annuel du Bureau européen des associations de bibliothèques, de l’information et de la documentation (Eblida), qui a ainsi pu maintenir un rendez-vous entre les acteurs européens des bibliothèques malgré le contexte de crise sanitaire. Ce congrès avait pour objectif de montrer comment les bibliothèques peuvent mobiliser les fonds européens structurels d’investissement (FESI) 2021-2027 en s’inscrivant dans une démarche de promotion de l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations unies (ONU) et de ses 17 objectifs de développement durable (ODD) qui répondent « aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice ».
Les fonds structurels européens d’investissement et les bibliothèques : une approche gagnant/gagnant
Dans ce contexte amplifié par la crise du Covid-19, Eblida a élaboré une vision de sortie de crise qui passe par la mobilisation des FESI pour financer une stratégie de développement des bibliothèques basée sur les ODD. Ce programme, baptisé « Think the Unthinkable (Penser l’impensable) », encourage les bibliothèques européennes à déposer des demandes de financement européen et leur propose une méthode pour aboutir.
Le congrès a ainsi permis de montrer que les financements européens sont déjà une réalité, comme l’ont montré les exemples des bibliothèques de Montreuil - Est Ensemble et de Rotterdam. Dans les deux cas, les actions des bibliothèques ont été présentées dans les dossiers de demande de subvention selon un angle qui correspondait aux objectifs de développement des fonds européens. Pour Montreuil, la lutte contre le décrochage scolaire a ainsi permis de mobiliser 25 000 euros sur deux années consécutives. Pour Rotterdam, le projet visait à valoriser les actions sociales de l’établissement. La bibliothèque a ainsi réussi à mobiliser plusieurs millions d’euros de fonds structurels sur un plan pluriannuel. Ce sont les stratégies nationales ou régionales qui orientent les projets qui peuvent être financés et peuvent avoir des dimensions très variables.
Partir de « Penser l’impensable » pour envisager de « Faire l’infaisable »
Une revue de la mise en place de la stratégie « Think the Unthinkable » dans différents pays a permis d’appréhender l’approche des collègues européens. En Bulgarie, l’adoption des ODD permet d’envisager de flécher des subventions européennes pour la période 2021-2027. La Grèce et la Lettonie ont décrit la méthode employée pour aligner les ODD, les objectifs des bibliothèques et les possibilités de financement européen. L’Italie a expliqué qu’ils avaient eu besoin de mettre en place des actions concertées entre les bibliothèques pour orienter les fonds vers les projets et ils soulignent l’intérêt des documents traduits d’Eblida.
En France, une journée d’information a été organisée le 25 novembre 2020 à l’initiative de la Bibliothèque publique d’information (Bpi) pour encourager les établissements qui le souhaitent à inscrire les ODD dans leur agenda et à postuler à des financements européens. La démarche portée par le Comité français international bibliothèques et documentation (CFIBD), l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), l’Association des bibliothécaires de France (ABF), et la Bpi sur l’Agenda 2030 et les bibliothèques y avait été présentée et l’expérience des financements européens obtenus par la bibliothèque de Montreuil avait été détaillée. Dans une visée de facilitation, une série de rencontres en région seront organisées par la Bpi, le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture et l’ABF en 2022 pour encourager la mise en relation entre porteurs de projets en bibliothèque et chargés de mission européens dans les territoires.
Pour les Pays-Bas enfin, Maarten Crump a décrit une vision de la stratégie des bibliothèques à l’heure de la pandémie. La transition de la société en cours a été accélérée par la crise sanitaire et les bibliothèques vont en subir les impacts financiers et sociaux. Elles ont intérêt à développer de nouvelles stratégies de financement. Si les actions sont concertées, elles auront plus d’impact. C’est la raison pour laquelle Eblida organise les différents réseaux de bibliothèques au niveau européen pour faire coïncider les enjeux locaux et les enjeux européens. Les ODD sont une réponse à la crise environnementale. En les intégrant aux objectifs stratégiques des établissements, leur déclinaison opérationnelle permet d’être valorisée au titre des financements européens.
Comment se lancer pour diversifier les ressources d’un service ?
En synthèse, Giuseppe Vitiello, directeur d’Eblida, a rappelé que depuis octobre 2020, Eblida a pu démontrer que les ODD ne sont pas des fictions mais bien des politiques tangibles qui peuvent être mobilisées et évaluées. Ils correspondent au cœur de métier de la profession de bibliothécaire et il y a un enjeu de taille à pouvoir traduire nos activités en les adaptant aux ODD puisque cela permet de solliciter les FESI.
Il a ensuite décrit les étapes pour mobiliser des FESI : consulter les outils mis à disposition par Eblida et notamment au niveau national, connaître les objectifs des programmes européens au moment de la préparation des dossiers en opérant une veille, sur les pages web des FESI par exemple. Adapter la stratégie « Think The Unthnikable » pour chaque projet de bibliothèque en intégrant les ODD et identifier les coordinateurs nationaux pour la stratégie permet d’enclencher la démarche.
À ces éléments, il convient d’ajouter trois facteurs de réussite qui ont été déterminés pour le projet de Montreuil : il faut pouvoir consacrer du temps à cette opération, rencontrer les personnes en charge des financements européens dans les régions ou collectivités de rattachement et enfin, c’est parce qu’il y a un lien entre les ODD, les objectifs des fonds européens et les missions quotidiennes des médiathèques que les projets peuvent être financés.
En conclusion, Annalisa Cicerchia, de l’Université de Rome Tor Vergata est intervenue sur les enjeux de l’amélioration des outils d’évaluation en bibliothèque. En effet, les dossiers de subvention européens sont réputés chronophages pour les services. À chaque nouveau programme européen, des efforts importants de simplification sont entrepris mais c’est là un facteur qui freine parfois les ambitions des services dans leur volonté de se lancer. Annalisa Cicerchia a décrit une approche de l’évaluation considérée comme un processus permettant de découvrir l’imprévu, l’inattendu dans les domaines environnementaux, sociaux ou les conséquences économiques et culturelles d’un processus ou d’un événement. Les compétences que les services peuvent acquérir dans ce domaine seront bénéfiques au-delà des dossiers de financement européens.
Le congrès d’Eblida a montré que, dans cette période de relance, les bibliothèques peuvent solliciter des fonds en vue de diversifier leurs sources de revenus grâce aux FESI. Pour cela, il convient d’adapter les objectifs fixés par les autorités de tutelles aux enjeux du développement durable.
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