Matinée d’étude ADBU : restitution de l’étude sur les indicateurs clés des BU en Europe

Paris, 26 mars 2018

Claire Tignolet

Parmi les chantiers de la Commission pilotage et évaluation de l’ADBU figuraient la collecte et l’étude d’indicateurs permettant de comparer la situation des bibliothèques universitaires françaises à leurs homologues européennes. Réalisée entre septembre 2017 et mars 2018, avec le soutien du Département de l’information scientifique et technique et du réseau documentaire (DISTRD) du ministère de l’ESRI, l’enquête a porté sur les données d’activité 2013-2016 des bibliothèques universitaires de 13 pays européens et a été rendue publique lors d’une matinée d’étude à la Bulac 1.

Sophie Mazens (DISTRD) et Hélène Coste (Commission pilotage et évaluation de l’ADBU) ont tout d’abord rappelé les enjeux et la méthodologie de l’étude. Au-delà du contexte concurrentiel souvent évoqué, une telle comparaison a pour objectif la connaissance et la compréhension des différentes situations nationales et doit ouvrir la voie à des collaborations avec les partenaires européens. L’heure est en outre à l’ouverture des données publiques (un horizon qui reste certes encore à atteindre pour les données universitaires françaises). L’enquête a donc bénéficié de corpus conséquents, issus de pays aux structures universitaires variées : Allemagne, France, Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas, Hongrie, Autriche, Suisse, Danemark, Finlande, Norvège, Islande, Estonie, Suède 2. L’une des problématiques majeures fut d’identifier, au sein de ces corpus, des données et des indicateurs fiables, officiels, documentés, actualisés et actualisables. Si les normes établies à l’échelle internationale (ISO2789 et ISO11620) ont fourni un référentiel de départ, les définitions, voire les déclinaisons nationales, ont dû être maniées avec précaution. Les données et indicateurs à la fois communs et stratégiques ont été privilégiés : sur les 220 items collectés, seuls 26 données et 25 indicateurs ont ainsi été retenus.

Particularités et similitudes

Éric Anjeaux, du Cabinet Six & Dix sollicité pour cette enquête, en a présenté les principaux résultats (voir la synthèse ou le rapport complet).

La situation française se distingue par une pression étudiante plus forte qu’ailleurs (augmentation du nombre d’étudiants de 7 % en France contre 2,5 % en Europe), dont les effets vont se faire sentir dans les années à venir. C’est déjà le cas sur les espaces : en effet, alors que les surfaces et les places disponibles pour les usagers ont augmenté pendant la période considérée, la situation se dégrade depuis 2016, les constructions et aménagements ne permettant pas d’absorber l’augmentation du nombre d’étudiants. De même, en termes de moyens humains, la France est non seulement en dessous de la moyenne des pays étudiés (avec 3,8 ETP pour 1 000 étudiants contre 5 pour 1 000 à l’échelle européenne), mais l’augmentation du nombre d’étudiants n’est pas compensée par une augmentation des ETP (toutes catégories confondues) en valeur absolue. En matière de dépenses documentaires par étudiant, la France est également très en dessous de la moyenne (62 € par usager contre 158 € en moyenne en Europe). La situation tend à se dégrader, malgré l’augmentation des dépenses.

L’étude confirme que l’évolution des usages (diminution des emprunts, forte consultation des ressources électroniques) est en France sensiblement la même que dans les autres pays européens. La consultation des périodiques et des livres électroniques reste cependant inférieure aux moyennes, bien qu’en nette progression. Le seul secteur où les indicateurs français sont plus favorables concerne la formation des étudiants (en nombre d’heures de formation et en taux d’étudiants formés).

Comme les responsables de l’étude le reconnaissent, les résultats sont à analyser avec prudence, au cas par cas, tant le périmètre et la comparatibilité varient en fonction des données obtenues 3. Certains éléments restent en effet difficiles à comparer. Les heures et les jours d’ouverture des bibliothèques sont ainsi comptabilisés différemment selon les pays ; il n’en demeure pas moins que, sur ce point, la situation française est peu favorable, en faible progression sur la période considérée alors que la progression est forte ailleurs. L’évolution mériterait aussi d’être analysée sur une plus longue durée.

Menée sur un temps court et en fonction des données obtenues, l’enquête présente des limites qui ont été soulignées par les intervenants. Le groupe de travail n’a pas pu mettre au point des indicateurs susceptibles de cerner la contribution des BU à la pédagogie ni à la recherche, deux enjeux pourtant majeurs : l’une des pistes envisagées pour approfondir l’étude consiste à identifier de nouveaux indicateurs susceptibles de les évaluer. Un élargissement du périmètre à d’autres pays est également souhaité, ainsi, à l’inverse, que la mise au point d’une granularité plus fine, de manière à permettre l’approche par type d’établissement voire par discipline.

Mise en perspective

Deux intervenants ont été invités à porter un regard extérieur sur cette étude.

Matthijs von Otegem, de la bibliothèque de l’université Erasmus de Rotterdam et membre de l’UKB (Dutch Library Consortium), a montré tout l’intérêt que présente l’enquête de l’ADBU pour les pays dont les données ont été collectées. Les résultats peuvent en effet être exploités par chaque pays, à l’échelle nationale comme dans une perspective comparatiste. Matthijs von Otegem a souligné les spécificités de la situation néerlandaise, parmi lesquelles la forte dépense en personnel par étudiant mais aussi dans les collections (numériques notamment). Au-delà de l’analyse de chaque cas national peuvent émerger des pistes de collaboration pour des réflexions et des actions communes (élaboration de nouveaux indicateurs, échanges de pratiques, etc.).

Vincent Bonnet, directeur d’Eblida, a quant à lui présenté une autre expérience de collecte de données, mise au service de l’advocacy. Pendant plusieurs années, l’association Eblida s’est ainsi appuyée sur les données fournies par ses correspondants nationaux pour promouvoir l’action et le rôle des bibliothèques devant les instances de l’Union Européenne. Si d’autres modes d’action sont aujourd’hui privilégiés par Eblida (le storytelling notamment), Vincent Bonnet a mis l’accent sur deux enjeux : actualiser et maintenir outils et procédés de collecte, faire vivre les données recueillies. Ces impératifs restent d’actualité pour les indicateurs étudiés par l’ADBU.

En conclusion, Christophe Pérales, directeur de l’ADBU, a mis en avant les dimensions stratégiques d’une telle étude en termes d’orientation et d’évaluation des politiques publiques. L’enquête reste cependant à consolider, différentes pistes sont aujourd’hui envisagées pour cela : revoir la cohérence et la qualité de certaines données, poursuivre la collecte auprès de nouveaux partenaires et pour les années ultérieures, mettre en place différents outils (comme le requêtage ou la production d’indicateurs à la demande). Les résultats, très riches, n’en permettent pas moins dès à présent de situer la France par rapport à certains de ses voisins européens et de nourrir les réflexions en cours sur l’évaluation des bibliothèques universitaires.