Les journées du patrimoine écrit en région
Bibliothèque municipale de Bordeaux (Mériadeck) – 4 et 5 juin 2015
Les journées du patrimoine écrit 2015 se sont tenues à la bibliothèque municipale de Bordeaux les 4 et 5 juin derniers. Elles ont eu pour thème la formation aux métiers du patrimoine.
Hélène Richard, inspectrice générale des bibliothèques, a commencé par dresser un état des lieux de l’offre de formation disponible. Si les questions patrimoniales ne sont abordées ni dans l’enseignement primaire, ni dans l’enseignement secondaire, il existe, dans le supérieur, une offre relativement diversifiée, que ce soit dans le cadre de DUT, de licences professionnelles ou de masters, mais aussi, bien sûr, dans celui des formations délivrées par l’Ecole nationale des chartes (ENC) aux archivistes paléographes, par l’ENSSIB aux conservateurs et aux bibliothécaires d’Etat, ou encore par l’INET (en partenariat avec l’ENC) aux conservateurs territoriaux. Les BIBAS bénéficient eux aussi d’une sensibilisation aux questions patrimoniales lors de la formation qu’ils reçoivent après leur réussite au concours. Enfin, de nombreuses opportunités existent dans le cadre de la formation continue ; toutefois, les métiers du patrimoine évoluant très vite, celles-ci ne s’avèrent pas toujours suffisantes : alors qu’une mise à jour permanente des connaissances se révèle indispensable, le vivier de formateurs demeure en effet relativement limité. Par ailleurs, le coût des formations constitue souvent un frein, ce qui contribue à expliquer le succès des journées d’étude, surtout lorsqu’elles sont spécialisées, car elles représentent, pour les établissements comme pour les collectivités, un investissement moindre. De nombreuses bibliothèques se trouvent donc en situation de responsabilité patrimoniale sans toujours disposer des compétences nécessaires pour mener à bien leurs missions de conservation et de valorisation dans des conditions satisfaisantes.
Les discussions, au cours de ces deux journées, ont porté sur les nouvelles missions et les nouveaux métiers du patrimoine, ainsi que sur les défis qu’ils représentent. Au-delà de la formation initiale, l’importance des réseaux et des échanges de bonnes pratiques qu’ils permettent a été soulignée à plusieurs reprises. Pour Nicolas Barbey (BM de Bordeaux), le passage d’un environnement « douillet » à un environnement plus concurrentiel constitue sans doute l’une des mutations majeures des métiers du patrimoine au cours des quinze dernières années. La nécessité de savoir communiquer pour faire connaître les fonds et valoriser les actions de médiation mises en place ne fait plus de doute. Les formes de l’action culturelle se sont diversifiées et le temps consacré au traitement et à la conservation des collections elles-mêmes a eu tendance à se réduire, tandis que l’apparition de bibliothèques virtuelles a elle aussi considérablement changé la donne. Dans de telles conditions, il semble essentiel de dépasser les clivages et les corporatismes pour aller vers une plus grande unité de la formation aux différents métiers du patrimoine et de la conservation – un avis partagé par la plupart des participants. Alors que des formations complètes, en trois ans, existent déjà dans d’autres pays, comme en Allemagne, rien de tel n’a vu le jour en France, du moins pour le moment, ce qui est particulièrement dommage.
La nécessité d’aller à la rencontre de nouveaux publics a également été rappelée. Dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté, il est important de mettre en place des dispositifs permettant de communiquer sur le patrimoine, car les archives – entendues dans l’acception la plus large – reflètent la manière dont les sociétés se structurent et fournissent une clé pour comprendre le présent. La mise en valeur du patrimoine lié à la diversité et au métissage peut ainsi, par exemple, jouer un rôle non négligeable dans la réussite des politiques d’intégration, mais l’outreach concerne également des publics n’ayant pas la possibilité d’accéder aux espaces patrimoniaux traditionnels, comme les détenus. Des initiatives visant à faire sortir le patrimoine des murs de la bibliothèque ont ainsi été menées au cours des dernières années par différentes institutions, telle la médiathèque de Chambéry.
Si tout peut être communiqué à tout le monde, il convient, cependant, de mettre en place à chaque fois des actions ou des dispositifs de médiation adaptés, que ce soit envers des personnes physiquement présentes ou dans le cadre de la valorisation numérique des fonds. Le travail sur les métadonnées est crucial afin d’obtenir la description la plus fine possible des documents, mais il convient aussi d’identifier correctement les publics auxquels on s’adresse. Là encore, cet aspect reste peu présent dans l’offre de formation disponible en France, alors qu’il est plus largement développé à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis.
Un dernier point, enfin, a été évoqué avec insistance. Savoir dialoguer – aussi bien avec les autres métiers qu’avec les élus et les décideurs – est une nécessité. Les informaticiens sont aujourd’hui des partenaires essentiels et leur présence au sein des équipes est plus que souhaitée ; l’appétence des bibliothécaires pour les questions informatiques et leur bonne connaissance des formats ne peut que favoriser un dialogue fructueux. Même s’ils sont en partie couverts par la formation initiale que l’Enssib dispense aux conservateurs d’Etat, les besoins de compétences en gestion de projet sont importants, tandis que les responsables de fonds patrimoniaux doivent aussi, le cas échéant, être capables de dialoguer avec des architectes ou des muséographes, notamment lorsqu’ils souhaitent aménager des réserves visitables, comme l’a fait la BNU de Strasbourg dans le cadre du chantier de rénovation et de restructuration de son bâtiment principal. Enfin, il apparaît clairement que la capacité à convaincre les décideurs, à écrire des notes et à argumenter, constitue désormais un savoir-faire professionnel indispensable.
Dans un contexte en pleine mutation, la formation des professionnels du patrimoine représente donc un enjeu d’autant plus important que les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier ne sont pas toujours optimales et que la sensibilité des autorités de tutelle aux questions patrimoniales reste très inégale.