Les 15es journées des Pôles associés et de la coopération
Montpellier, 2 et 3 octobre 2014
Ouvertes par le président de la Bibliothèque nationale de France, qu’il est toujours agréable de voir se promener dans les rues, presque incognito – aurait-on vu Emmanuel Le Roy Ladurie déambuler dans les rues d’une ville de province ? –, et par quelques vice-présidents, dont la titulaire pour le conseil régional a tenté d’extirper une larme à la mémoire de feu Georges Frêche, par la Drac en personne, ces journées dont, au fond, on se demande bien ce qu’on est venu écouter, entendre, comprendre, ont rempli leurs promesses au-delà des espérances : il faut bien que, au-delà de la mort du Conseil supérieur des bibliothèques, quelqu’un se préoccupe de la coopération : il semble que la BnF s’en soucie, intelligemment, et c’est très bien. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il était venu nombreux (comme on dit) dans l’Opéra Comédie de Montpellier : structures régionales pour le livre, archivistes, bibliothécaires de tout poil et de toute plume, Bibliothèque publique d’information, Bibliothèque nationale de France, je ne crois pas avoir oublié quiconque, sinon les représentants des bibliothèques départementales de prêt, qui, ou bien n’ont pas d’action de coopération à mener, ou bien ont leur sort déjà joué.
« Les nouveaux visages du patrimoine » : au-delà de ce titre, volontairement nouveau, forcément nouveau, il nous faut reconnaître que le choix de Montpellier – et la région Languedoc Roussillon – était particulièrement judicieux : le Pôle existe sous sa forme actuelle depuis 2007, il associe l’État, la Région, la BMVR, la structure pour le livre, et déploie ses activités de coopération, de signalement et de conservation dans de nombreux domaines. Henri Gay, conseiller Livre et Lecture de la Drac, a dressé le cadre professionnel et politique de cette convention, suivi par Agnès Demé, sémillante chef du service Culture de la région, et Gilles Gudin de Vallerin, que nous ne présentons plus.
Michel Alessio, délégué à la langue française et aux langues de France, comme il aime à le rappeler, s’est montré toujours aussi persuasif quant à la nécessité de prendre en charge les politiques linguistiques du pays : il a ainsi donné la parole à Marie-André Ouret, qui a développé la valorisation des fonds basques à la bibliothèque de Bayonne, et à Benjamin Assié, du CIRDÒC (Centre interrégional de développement de l’occitan), on voit par-là que l’abbé Grégoire doit avoir un bleu à l’âme de son jacobinisme. Mais pas de crainte : il ne faut pas enfermer les langues régionales dans leurs fiertés, et ne pas, non plus, les laisser mourir sous la cendre. Les initiatives, prises avec la bénédiction de la BnF sont indispensables : à ce titre, le Pôle associé national CIRDÒC-BnF est assez emblématique d’une évolution sensible de la politique nationale à l’égard des langues dites minoritaires (en nombre, en tout cas).
La seconde journée était plus particulièrement consacrée à l’enseignement supérieur et aux travaux de la BnF. Un grand merci à Aline Girard, qui a su rendre vivants le CCfr et Gallica, dont les avancées, prévues en 2015, permettront les fameuses interopérabilités entre les bibliothèques numériques de référence (dont Numelyo), des développements de Gallica Marque Blanche (GMB pour les happy few), dont une des réalisations est Numistral, la bibliothèque numérique de la BNUS. Gildas Illien a développé l’ouverture des données : non sous l’angle purement technique, mais sous l’aspect politique : si l’ouverture des données implique fortement des normes (Z 3950 pour les plus anciens) jusqu’à SPARQL, la question est bien l’accessibilité des citoyens aux données (personnelles, de la recherche…). Ainsi s’ouvre (enfin) le chantier des coopérations musées, bibliothèques, archives, éditeurs, et vrais gens, serpent de mer qui semble sorti de sa soupe primitive.
S’en est suivie une série de contributions sur les collectes « qui ne vont pas de soi » : la Grande Collecte 1914-1918, les archives du web, et le dépôt légal des jeux vidéo.
Il est toujours étonnant de constater l’engouement des citoyens pour les témoignages, les traces qu’ils (ou leurs familles) ont laissées : c’est, bien sûr, le cas de la Grande Guerre, mais aussi des mémoires partagées, collectes filmiques organisées par l’Institut Jean Vigo de Perpignan, et l’INA, pour sa délégation des Pyrénées.
Il est tout aussi étrange de constater qu’un service d’archives revendique comme une preuve de la rébellion (sans doute), le non-versement dans Europeana : c’est compliqué, eh oui, tout cela est bien compliqué, mais tellement séduisant, intellectuellement, et tellement utile, quand c’est fait. Nous étions assis, aussi, nous n’avons pas eu à tomber de notre siège de la Comédie de Montpellier. Enfin, la BnF a salué la présence d’un éditeur de jeux vidéo, tout ému à l’idée que ses productions faisaient maintenant l’objet d’un dépôt légal : une sorte de reconnaissance institutionnelle qui, là encore, ouvre les orientations d’une BnF qui, pour ne pas être d’un type entièrement nouveau, embrasse des champs bien impensables il y a vingt ans.
Les conclusions sont revenues à Alain Colas, pour le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, à Fabien Plazannet, représentant Nicolas Georges du Service du livre et de la lecture, et à Sylviane Tarsot-Gillery, administratrice générale de la BnF.
Alain Colas a rappelé le principe de BSN (Bibliothèque scientifique numérique), et la volonté du ministère de « desserrer les coûts » des ressources numériques (par les licences nationales), mais a surtout précisé le rôle de Collex – pour collections d’excellence – qui est d’organiser la conservation partagée des collections, le prêt entre bibliothèques, d’articuler les réseaux, bref, comme il l’a dit lui-même : de prendre la place ou le relai des CADIST. Collex sera organisé en un comité de pilotage (où seront présents le CNRS, un représentant d’une COMUE, un chercheur, un expert étranger, la BnF…) et un comité opérationnel.
Fabien Plazannet a insisté sur la réforme territoriale en cours, sur le rôle conjoint des métropoles (dont celle de Lyon) en matière de lecture publique, des régions, concernant plus particulièrement le patrimoine, et sur l’interrogation quant au devenir des bibliothèques départementales de prêt, au moins en milieu urbain.
Sylviane Tarsot Gillery a conclu ces journées par le soutien de la BnF à la politique linguistique, à la veille organisée par le dépôt légal, qu’il soit pour les imprimés, le web ou les jeux vidéo, sur les capacités d’anticipation (techniques, politiques, territoriales) de cet établissement. La coopération, mal nécessaire qu’évoquait le Conseil supérieur des bibliothèques prend, grâce aussi aux interventions techniques, un contour que nous savions habiller de mots, mais dont, il y a vingt ans, nous étions bien peu capables de construire la réalité.