La place de la bibliothèque dans l’éducation artistique et culturelle
Journée professionnelle Médiaquitaine – jeudi 27 mars 2014
À l’heure de la mise en place des temps d’activités dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, Médiaquitaine, centre régional de formation aux carrières des bibliothèques, propose un cycle de réflexion et de formation sur l’éducation artistique et culturelle (EAC) soutenue par la Drac Aquitaine. La première journée a eu lieu le jeudi 27 mars et avait pour thème : « La place de la bibliothèque dans l’éducation artistique et culturelle ».
Réfléchir à la place de la bibliothèque en tant qu’acteur, c’est aussi réfléchir à la notion de « médiation culturelle ».
Dans un premier temps, Sarah Montero, enseignante à l’IUT de Bordeaux et spécialiste des politiques culturelles, a fait un rappel historique sur les récentes politiques culturelles et les enjeux de la médiation, donnant ainsi l’occasion de voir ou revoir l’évolution de la notion de médiation au fur et à mesure des politiques culturelles.
L’idée d’accompagner le citoyen vers l’art et la culture est une idée présente dès la Révolution française. En quelques points, Sarah Montero a montré que, depuis la création d’un ministère de la Culture sous la Ve République, il a été question de garantir l’accès à la culture pour tous les citoyens. À cette époque, il s’agissait de favoriser une rencontre sans médiation, sans rapport avec le savoir. On n’envisageait pas alors les modalités de cette rencontre. André Malraux comptait sur la force d’attraction naturelle des œuvres.
Après une première enquête dans les années 1970 et suite au concept des héritiers développé par Pierre Bourdieu 1, on convient que les habitudes culturelles ne se feront pas sans accompagnement.
Sous la présidence de Georges Pompidou, le développement culturel est fort et marque ainsi le début d’une politique de diffusion culturelle.
L’école est un des lieux de diffusion choisi, ce qui se concrétise par la collaboration entre le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation nationale. Les communes, dans le cadre de cette politique interministérielle ont donc vocation à répondre à cette préoccupation.
Mais la médiation va perdre un tant soit peu de sa légitimité face à la création. Il est reproché au médiateur de faire écran aux œuvres dans leur perception sensible.
Dans les années 1980 et avec Jack Lang, la culture devient plurielle et elle est entendue comme un moyen d’expression (Fête de la musique, soutien aux musiques amplifiées et pratiques amateurs). La question de la formation artistique est reposée et, en 1983, il y a une prise en compte de l’ensemble des arts à l’école.
La médiation culturelle refait surface et tente de se situer entre le culturel et l’apprentissage, entre enseignement classique et éducation informelle.
L’œuvre est importante mais dorénavant compte aussi la pratique, ce qui réintroduit la figure de l’intermédiaire.
On cherche à inclure les exclus et, de ce fait, on signe le retour du public. Le public est remis au cœur de la démarche.
De nombreux projets innovants, notamment autour de Culture à l’hôpital et Culture en prison, voient le jour dans les années 1990. On voit apparaître des jumelages entre établissements culturels et établissements de santé.
Dans les textes de l’Unesco, il est spécifié que la culture participe à la construction de la personne et l’objectif est toujours de réduire les inégalités d’accès.
Dans les années 2000, les pratiques culturelles explosent et les pratiques amateurs augmentent. La question de la culture légitime se pose.
Les études montrent que le goût de l’art résulte du rapport aux objets culturels mais surtout de l’échange entre les personnes, d’où l’importance de développer des actions de transmission.
La notion de médiation culturelle est complexe et ambiguë (médiateur prescripteur ou passeur ?), elle doit prendre en compte la créativité des individus.
La médiation culturelle s’institutionnalise et s’inscrit dans une logique de démocratisation culturelle, mettant en lien des artistes et des publics sur un territoire.
La réforme des rythmes scolaires donne la possibilité de temps d’échange et permet d’associer les collectivités locales en tant qu’acteurs.
Après cette introduction, Marine Rigeade (ministère de la Culture, Service du livre et de la lecture) est venue interroger la place de l’éducation artistique et culturelle dans les politiques du livre et de la lecture, à travers une enquête auprès des bibliothèques initiée suite au grand projet lancé par la ministre de la Culture en 2012. Ce projet « en faveur de l’éducation artistique et culturelle » a pour ambition d’agir sur l’ensemble des temps de l’enfant et de saisir l’opportunité périscolaire, en plaçant les artistes et les œuvres au cœur de la démarche.
Elle rappelle que l’EAC a pour public prioritaire les enfants et les adolescents et qu’elle a, entre autres, pour objectif de développer la sensibilité et la connaissance des œuvres par un rapport direct, par une approche cognitive et par l’expérimentation.
Marine Rigeade a donné quelques exemples des politiques de la lecture :
– Contrats territoire-lecture, contrats triennaux entre l’État et des collectivités territoriales autour de projets (multiplicité d’acteurs territoriaux, favoriser des partenariats larges).
– Opération premières pages : lecture des tout-petits.
Elle a ensuite présenté le cadre et les objectifs de l’enquête : analyser les actions relevant du champ de l’EAC à travers un questionnaire (volet quantitatif) et une enquête de terrain (volet qualitatif).
Le questionnaire a été envoyé à 400 bibliothèques dont 200 de collectivités de moins de 5 000 habitants (192 réponses) et à 40 BDP (23 réponses).
C’est une enquête en cours dont elle n’a pu présenter que des premiers éléments de retour, la diffusion des résultats étant prévue en septembre prochain. Elle indique une faible participation des grandes collectivités et plus forte représentativité des petites collectivités rurales.
L’enquête porte notamment sur les pratiques des bibliothèques autour des questions suivantes : quelles sont les propositions faites, vers quels publics, avec quels moyens institutionnels humains (partenariats, travail avec des artistes, etc.) ?
Un des objectifs est de mettre en valeur les pratiques des bibliothèques qui font déjà de l’éducation artistique et culturelle mais ne la nomment pas ainsi.
Après cette présentation, un échange a eu lieu l’après-midi avec la salle pour que les participants donnent leur avis et émettent des critiques sur cette démarche en évoquant aussi leurs attentes.
Cette étude devrait permettre de construire un référentiel en matière d’éducation artistique et culturelle et un guide pédagogique.
Une première table ronde en fin de matinée a rassemblé Marie-Hélène Rouaux (conseillère EAC à la Drac Aquitaine), Véronique Baris (chargée de mission Action culturelle à la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale de la Gironde) et Murielle Paquet (conseillère « Arts plastiques et visuels » à la Délégation académique de l’action culturelle), autour de la question des partenariats. Comment peut-on les mettre en place et avec qui ? Avec quels objectifs, quelles méthodologies ?
Sur ce sujet, les différentes intervenantes ont donné leur point de vue et ont fait part de leurs expériences.
Marie-Hélène Rouaux a évoqué le fait que la mise en place de l’EAC nécessitait de travailler en proximité avec les acteurs locaux pour favoriser le montage de projets, soulignant ainsi l’importance de la notion de territoire. Elle a mentionné certaines actions qui ont été conduites sur la région Aquitaine comme Jeunes en Librairie.
Elle a rappelé l’existence des contrats territoire-lecture qui proposent un certain nombre d’actions menées en partenariat avec les acteurs locaux.
Véronique Baris a cité une partie des actions menées au niveau de l’Éducation nationale et ainsi a souligné qu’il y avait un réel problème de représentation de la bibliothèque auprès d’une grande majorité d’enseignants. La plupart d’entre eux ne savent pas que la bibliothèque est un lieu ressource fort et un partenaire potentiel, lui-même souvent porteur de projets. D’où la nécessité de mettre en place des temps de rencontre avec les professeurs relais et les acteurs culturels des départements.
Murielle Paquet, quant à elle, a mentionné des projets en cours ou bien déjà menés autour de l’architecture, de la littérature et de la société.
Elle a souligné l’importance des calendriers pour monter des projets afin que les institutions puissent faire les propositions et avoir des validations et des moyens pour les réaliser.
La question d’identifier le bibliothécaire comme un acteur de ces projets a de nouveau été soulignée.
Pour terminer la journée, une table ronde rassemblant Christian Salles (professeur d’histoire et conseiller – patrimoine et musées – à la Délégation académique de l’action culturelle), Dominique Dat (responsable de la bibliothèque du quartier du Grand Parc à Bordeaux) et Anne Flore Labrunie (artiste plasticienne), a permis d’évoquer des projets remarquables, qui révèlent aussi bien l’importance de la construction en amont, la recherche de partenariats et leur grande importance dans la réalisation des projets, ainsi que celle de la place des artistes :
– Projet autour de la découverte des musées : comprendre un musée, en découvrir les multiples facettes depuis les réserves jusqu’aux collections exposées, par une appropriation active et préalable à une restitution publique.
– Projet Monumérique – Archimérique porté par l’agence régionale ECLA Aquitaine.
– Projet « Pétroglyphes » mené par Anne-Flore Labrunie et le poète Denis Pourawa, tous deux liés à la Nouvelle-Calédonie, avec des classes d’apprentis et lycéens de la région.
Après cette première journée très riche, Médiaquitaine organise deux journées de formation les 26 et 27 mai : « Concevoir un plan d’éducation artistique et culturelle sur un territoire ».