L’intercommunalité, une carte à jouer pour la lecture Publique ?
Journée d’étude ABF Rhône-Alpes – 2 novembre 2015
A l’heure de la prochaine redéfinition des périmètres des intercommunalités 1, le groupe ABF Rhône Alpes a organisé une journée de réflexion sur la place de la lecture publique dans ces nouveaux échelons territoriaux prévus dans les lois de décentralisation. Au bord du lac d’Annecy, dans la bibliothèque Bonlieu, bibliothèque d’agglomération, une soixantaine de bibliothécaires de toute la région se sont donc retrouvés pour analyser les enjeux de la mise en réseau.
Les travaux étaient organisés en deux temps : un retour d’expériences à travers les interventions de différents acteurs, puis des ateliers thématiques pour tenter de définir les bases d’un réseau intercommunal de lecture publique.
Dès l’ouverture de la journée par François Deschamps, le DGA culture et sports de l’Agglomération d’Annecy, il a été constaté que la culture était en grande partie absente de la réforme. Elle reste cependant la seule compétence pouvant être partagée, ce qui peut engendrer des interrogations, comme l’a souligné Marie Baudière, directrice de la Médiathèque Départementale de la Drôme. En effet dans le périmètre des agglomérations ou des métropoles, le rôle de la Bibliothèque Départementale peut être remis en cause, ce qui semble être le cas à Valence ou à Lyon, où les BDP n’interviennent pas sur les communes du territoire de Valence Romans ni sur celles du Grand Lyon. Marie Baudière a posé ouvertement la question de l’avenir des annexes de la BDP de la Drôme. Dans cette mouvance des territoires, s’est posée la question du bon échelon territorial en matière de lecture publique. Pour les intervenants, l’intercommunalité devrait être conçue pour apporter plus de services au public.
Dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités et donc de réduction des coûts, certaines collectivités choisissent de diminuer les budgets sur des compétences non obligatoires. Selon Bruno Forel, président de la Communauté de Communes des Quatre Rivières, une intercommunalité de 18 000 habitants, la mutualisation des moyens n’engendre pas d’économie immédiate. Pour lui, cette mise en commun permet de « faire exister la proximité », de maintenir des services de qualité dans des territoires qui en seraient sinon dépourvus. Il a pointé le manque d’identité qui caractérise souvent l’intercommunalité et défendu la culture comme moyen d’apporter aux habitants le sentiment d’appartenance nécessaire à la cohésion sociale. Considérant la bibliothèque comme « l’endroit culturel premier », Bruno Forel préfère un maillage des structures de proximité à l’existence d’un équipement intercommunal unique, trop éloigné de l’ensemble des usagers.
Dans ce nouveau territoire intercommunal, la bibliothèque doit trouver sa place, et le bibliothécaire apprendre à travailler en réseau, en partenariat, à partager outils et savoir faire. Le développement de l’intercommunalité est très inégal sur le territoire français, et la mise en réseau n’en est souvent qu’à ses prémices. Dans ce domaine, Anne-Marie Téraube, agent de coordination des bibliothèques du Beaufortain, a témoigné de son expérience de mise en réseau de 5 bibliothèques sur un territoire rural. Pour elle l’expérience a été positive : depuis 2002, le travail de mise en commun a permis de dynamiser les équipes le plus souvent composées de bénévoles. Pour le public, la mise en place d’une carte commune avec harmonisation des tarifs et l’accès à un catalogue commun ont permis une meilleure qualité de service.
Les ateliers de l’après-midi étaient consacrés à un travail de réflexion selon quatre thématiques : le réseau informatique, l’action culturelle, l’action partenariale, la coordination de réseau. Il est vite apparu aux participants que cet exercice se heurtait au manque de pratique et de recul des bibliothécaires sur la mise en réseau. Les différents ateliers ont néanmoins planché sur le sujet et plusieurs principes de base ont pu être repérés.
Avant tout, la nécessité de créer une « culture réseau » a été pointée. Mais celle-ci ne se décrète pas, les bibliothèques existantes ont des pratiques différentes et il faut du temps pour parvenir à cette « culture réseau ». Dans le domaine de l’informatique, atelier sous la houlette de Lionel Dujol, il a été posé en préambule que l’aspect technique n’est pas une finalité mais un moyen au service d’un projet au sein d’un territoire. Un véritable réseau informatique doit comporter à minima la carte unique, la navette, le catalogue commun, le SIGB commun et le portail commun.
En ce qui concerne l’action culturelle, le principal point mis en avant par les participants est l’importance du travail de coordination qui demande des compétences particulières et implique la nécessité de formation dans ce domaine.
En matière de partenariat, le réseau intercommunal élargissant le champ des acteurs culturels sociaux et éducatifs avec lesquels la médiathèque peut coopérer, il est possible de toucher d’autres publics et cela donne aux actions une plus grande visibilité.
Dans l’atelier animé par Christian Massault, la nécessité d’un poste de coordonnateur a rapidement été admise, avec des missions à la croisée de l’ingénierie de projet et de l’aménagement du territoire. Cependant beaucoup de questions sont restées sans réponse quant à son statut et son financement, ces postes de coordonnateurs relevant souvent de dispositifs particuliers et n’étant pas toujours pérennes.
Dans tous ces domaines il n’existe bien sûr pas de modèle unique mais uniquement des cas particuliers et tout est à construire.
Avec une mutualisation réussie, l’intercommunalité peut permettre un service public plus efficient, et peut devenir une carte à jouer pour le développement de la Lecture Publique et l’accès à la culture. Au-delà des frilosités, voire des peurs que suscite cet inconnu qui transforme le métier, il faut être pragmatique et saisir cette mutualisation forcée comme un atout. L’enjeu est de faire avancer la qualité de nos médiathèques sur l’ensemble du territoire. Les plus vieux d’entre nous ont connu les années quatre vingt comme le bond en avant des bibliothèques françaises, grâce à la politique culturelle de l’Etat. Gageons que, quarante ans plus tard, les années 2020 seront la période décisive du maillage des médiathèques troisième lieu, grâce aux politiques intercommunales.