Journées ABES 2018
Ensemble, construisons le service public des données de l’IST • Montpellier, 23 et 24 mai 2018
Les journées ABES 2018 se sont déroulées à Montpellier les 23 et 24 mai. Elles ont permis de faire le point sur l’avancée de nombreux projets, ainsi que sur l’évolution des applications gérées par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur et ont été plus particulièrement placées sous le signe de trois grands enjeux : la Transition bibliographique, les autorités (avec le souhait de mettre en place un fichier national d’entités d’ici cinq ans) et la poursuite du projet SGBm, entré dans sa phase de production au sein de plusieurs établissements. Par ailleurs, ces journées ont également donné l’occasion de réfléchir au rôle de l’ABES, aujourd’hui mais surtout dans le futur, alors que l’agence est en train de construire son projet d’établissement pour la période 2018-2022 et a initié, à cette occasion, une démarche originale de consultation des usagers du réseau via son site Internet.
La Transition bibliographique
Les objectifs de la Transition bibliographique sont connus. Il s’agit, d’une part, de permettre aux usagers de trouver plus rapidement et plus aisément les informations dont ils ont besoin (par exemple, un nom d’auteur ou d’éditeur, un titre d’ouvrage ou un lieu de publication) en les faisant ressortir directement sur Internet par une interrogation effectuée à l’aide d’un moteur de recherche, alors que les notices contenues dans les catalogues actuels ne sont, la plupart du temps, pas aussi immédiatement accessibles car peu, voire pas, indexées par le web. D’autre part, l’enjeu est de rendre les données plus lisibles par des machines, afin qu’elles soient exploitées plus efficacement dans le cadre du web sémantique. Le code de catalogage international RDA (Ressources : description et accès) doit permettre de parvenir à ce résultat mais, dans le contexte français, il faut au préalable qu’il soit adapté aux pratiques de signalement nationales.
Depuis 2015, le pilotage du programme « Transition bibliographique » a été confié conjointement à l’ABES et au département des métadonnées de la Bibliothèque nationale de France. La rédaction du nouveau code de catalogage « RDA-FR » (transposition française de RDA) est en cours et devrait être achevée en 2021. Le choix qui a été fait consiste à publier les nouvelles règles au fur et à mesure de leur validation, afin de permettre aux membres du réseau de se familiariser progressivement avec elles. Trois groupes de travail (« Normalisation », « Systèmes et données », « Formation ») ont été mis en place et ont été divisés chacun en plusieurs sous-groupes. Les nouvelles règles de description seront mises progressivement en œuvre dans le cadre des formats MARC. La prochaine mise à jour du format de catalogage UNIMARC du SUDOC est quant à elle prévue en 2019.
Si le chantier paraît immense, d’autres réseaux ont déjà opéré une telle mutation. C’est le cas, notamment, du consortium des services universitaires de Catalogne, dont le catalogue collectif regroupe près de 80 institutions et dont l’exemple a été présenté lors des journées ABES. En 2013, une commission consultative de catalogage a recommandé que la Catalogne adopte le RDA, mais ce sont les responsables de chaque établissement qui ont pris la décision finale. La transition s’est faite en plusieurs étapes et, en moins de trois ans, toutes les bibliothèques du réseau ont effectué le basculement. La formation et l’accompagnement des personnels sont apparus comme des éléments déterminants pour mener à bien cette tâche.
Les autorités
Au sein de ce processus, la question des autorités occupe une place de choix. Le basculement des bibliothèques du consortium des services universitaires de Catalogne vers le RDA, par exemple, s’est accompagné d’une opération massive de modification des notices d’autorité : près de 17 000 d’entre elles ont été reprises, ce qui a eu des répercussions sur plus de 150 000 notices bibliographiques. En France, la création d’un fichier national d’entités (d’ici environ cinq ans) fait partie des objectifs régulièrement énoncés dans le cadre de la coopération entre l’ABES et la BnF, même si la décision définitive, sur ce point, ne sera prise qu’au second semestre 2018 1. La volonté d’autonomiser les données d’autorité par rapport aux notices bibliographiques du SUDOC a pour sa part déjà porté ses fruits : il est désormais possible de produire des données dans IdRef sans qu’il y ait nécessairement un document signalé dans le SUDOC correspondant aux autorités en question. Theses.fr, par ailleurs, peut exploiter des données issues d’IdRef sans passer par le SUDOC, enfin, on trouve des identifiants VIAF (Virtual International Authority File), ISNI (International Standard Name Identifier) ou ORCID (Open Researcher and Contributor ID) dans IdRef.
Les applications sont nombreuses, tel le projet Univ-Droit présenté lors des journées. Il utilise les notices d’autorité issues d’IdRef pour dresser la liste la plus complète possible des enseignants et des chercheurs liés aux établissements d’enseignement supérieur français et engagés dans des activités de formation ou de recherche dans le domaine du droit. À l’étranger, par ailleurs, des réalisations importantes ont vu le jour, à l’image du GND allemand (Gemeinsame Normdatei), fichier central d’autorités du monde germanophone conçu en 2012 par la Bibliothèque nationale allemande dans une perspective collaborative. Ce fichier regroupe aujourd’hui plus de 16 millions d’entrées, dont la moitié correspond à des noms de personnes. Le défi, pour une telle infrastructure, est à présent d’élargir le champ de ses partenaires, non seulement en intégrant les données issues d’institutions culturelles autres que des bibliothèques (musées, archives…) mais aussi celles produites par les éditeurs, qui doivent faire l’objet de rigoureux contrôles de qualité. L’objectif, là encore, est de développer l’exposition des données sur le web afin d’améliorer l’accès des usagers aux informations dont ils ont besoin.
Le projet SGBm
Comme la Transition bibliographique, le projet SGBm fait partie des sujets récurrents depuis quelque temps lors des journées ABES. Entre le début des années 2010 et aujourd’hui, les choses ont évolué, dans la mesure où l’idée d’un système unique à l’échelle nationale a cédé la place à celle d’une coexistence de plusieurs systèmes, les établissements volontaires ayant la possibilité de choisir l’un des fournisseurs identifiés dans l’accord-cadre signé en 2016 et d’opérer la transition vers le nouveau système par vagues successives. Après des années d’études prospectives puis de négociations, les premiers établissements viennent de passer à la phase de mise en production, en février 2018 pour Universcience, en mai 2018 pour les universités de Clermont-Ferrand, de Montpellier et de Nîmes. D’autres suivront rapidement. Pour le moment, seule la solution Alma de la société Ex-Libris a été retenue, ce qui pose de réelles questions sur un éventuel effet de monopole. Quoi qu’il en soit, dans le cadre de ce chantier, l’ABES joue un rôle d’appui auprès des établissements, puisqu’elle peut apporter une aide lors de la rédaction des documents de consultation et de l’analyse des offres, mais aussi mettre en place une assistance à la maîtrise d’ouvrage au moment de la phase de déploiement et centraliser ensuite la remontée des besoins des utilisateurs auprès du/des fournisseur(s). Les retours des premières expériences et des premières réalisations vont permettre d’améliorer encore l’accompagnement fourni, ainsi que de préciser les besoins de formation des personnels que font naître de telles opérations. Enfin, la question de la synchronisation des SGB avec le SUDOC est également à l’ordre du jour, avec pour objectif de permettre, à terme, de travailler aussi bien à partir des systèmes locaux que du SUDOC, grâce à des mises à jour et à des transferts de données s’effectuant dans les deux sens (seulement dans le sens SUDOC → SGB local actuellement).
Perspectives : un renforcement du rôle de l’ABES
au sein du réseau
Tous ces projets montrent que l’ABES, au cours des dix dernières années (alors que les établissements universitaires accédaient à l’autonomie et se trouvaient donc en mesure de développer des stratégies s’éloignant du cadre de la coopération nationale) n’a paradoxalement cessé de renforcer son rôle et ses missions au sein du réseau universitaire. Le partenariat avec la BnF, formalisé en 2015, constitue par ailleurs un moment fort dans la définition d’une stratégie commune aux établissements relevant du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, d’une part, et du ministère de la Culture d’autre part.
Ce rôle, toutefois, est à redéfinir constamment, en fonction de l’évolution des différents chantiers. Le cas du projet SGBm le montre clairement : que se passera-t-il à la fin de l’actuel accord-cadre, en 2020 ? Comment l’ABES pourra-t-elle continuer à apporter son appui et son expertise aux établissements qui décideront de se réinformatiser ? 40 % des établissements universitaires français ne faisaient pas partie du premier accord-cadre : si certains ont choisi (ou vont choisir) de se lancer de leur côté, d’autres solliciteront certainement un accompagnement. Dans cette perspective, une enquête va être lancée à l’automne 2018 pour faire un état des lieux permettant de déterminer la meilleure manière d’envisager la suite.
Au-delà des SGB, cependant, la même question se pose pour d’autres projets d’importance nationale : si l’acquisition de licences nationales dans le cadre d’ISTEX va se poursuivre tout au long de l’année 2018, qu’en sera-t-il à la fin du dispositif ? Comment seront prolongées les actions de signalement des ressources électroniques initiées dans le cadre de CERCLES, alors que ce projet a été jugé de manière très positive mais pose la question de la pérennité des moyens humains que les établissements volontaires peuvent lui consacrer ? Si les chantiers et les besoins ne manquent pas, la logique des projets et des structures à durée limitée, qui s’est imposée au sein de l’administration de l’ESRI (comme, d’ailleurs, au sein de la plupart des autres administrations de l’État) exige de réinventer régulièrement de nouvelles formes de pilotage et de coopération.
Vidéos et présentations, ainsi que tutoriels et sessions parallèles, sont disponibles sur le site de l’ABES.