Journée d’étude Couperin
« Chacun cherche son ebook » • BULAC, 4 juillet 2019
Le 4 juillet 2019 n’a pas été uniquement consacré à la fête nationale américaine…
Plus sagement, entre 100 et 150 personnes se sont retrouvées, sur le site de la Bulac, pour une journée dédiée au livre numérique et à son intégration dans une politique de service en bibliothèque organisée par le consortium Couperin.
Sous la houlette de la cellule e-book (CeB), la matinée s’est attachée à faire connaître diverses expériences autour de la valorisation de ce support tandis que l’après-midi – plus prospectif – a été l’occasion de présenter des projets innovants puis s’est conclu par une table ronde réunissant les représentants des principales plateformes de e-books.
La cellule e-book de Couperin est d’abord revenue sur un document élaboré il y a plusieurs années et constituant ses 10 commandements pour une offre de livres numériques idéale. Destiné aux éditeurs, ce document – tout en soulignant le décalage croissant entre les préconisations et la réalité de l’offre – s’était vite avéré difficilement utilisable. Dans une volonté de pragmatisme assumée, les intervenants ont alors commenté un sketchnote coloré, fort pédagogique présentant la version actualisée de ces 10 commandements 1.
Anne-Sophie Pascal et Lea Maubon ont présenté leur campagne de communication sur les e-books disponibles au SCD de Poitiers. Le choix d’un visuel fort, décliné sur des affiches grand format et des cartes postales, complété par une batterie de mesures telles que la rematérialisation des e-books dans les rayons via des pochettes de DVD, des stickers signalant sur les ouvrages papier l’existence de l’alternative électronique, la création d’un tutoriel en ligne sur le site et une campagne de formation des agents à l’usage des ressources électroniques a permis d’améliorer notablement les statistiques d’usage 2.
Après une présentation par Eric Bryss des diverses options de recherche du portail de visualisation Scholarvox de la plateforme d’ouvrages numériques Cyberlibris, implémenté à Lille sous le nom de LilliadVisio, Laure Delrue, de l’université de Lille, a complété le propos en expliquant la démarche de la bibliothèque pour valider et promouvoir ce service innovant auprès des étudiants et auprès des professionnel. Une enquête a d’abord été menée pour éclairer les attentes de ceux-ci, une stratégie de diffusion via des prescripteurs a ensuite été élaborée (moniteurs étudiants et agents systématiquement formés) avant que soit installée l’application sur un poste près de la banque d’accueil pour placer le bibliothécaire au centre du dispositif de promotion. Enfin, le retour sur les modes de consultation et la perception des utilisateurs a été organisé via des focus groups. Les efforts déployés ont été, à ce stade, concluants.
En deuxième partie de matinée, Sebastien Respingue-Perrin, de la cellule e-book de Couperin, a fait une synthèse de l’enquête 2017 sur les usages des e-books en bibliothèques académiques : des budgets aux divers modes d’acquisition, du portrait des divers types d’acquéreurs aux disciplines acquises. Les freins à l’utilisation de ce support ont également été listés de même que les attentes des établissements, les services associés et des préconisations. Cette enquête, riche d’enseignements, complète celle de 2009. Une lecture indispensable pour comprendre les problématiques et les enjeux liés aux livres numériques de la profession 3.
Une enquête plus spécifique dans sa focale a été réalisée et présentée par le Jean-Marc Meunier, de l’Institut d’enseignement à distance de Paris 8, qui a étudié les usages du livre numérique en situation d’apprentissage. Les résultats sont très finement détaillés 4.
Après une pause très agréable autour du buffet offert par Couperin, la journée a repris dans une optique résolument prospective par la présentation de plusieurs e-manuels en accès ouvert en France ou à l’étranger.
Le passionnant projet de e-manuel d’histoire a ouvert le bal. Ce prototype de manuel enrichi en open access, porté par l’université de Versailles Saint Quentin, Numérique Premium et Couperin, et lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt du MESRI en 2018, a suscité un grand intérêt. La genèse du projet, les acteurs, la répartition des rôles et des responsabilités, les aspects juridiques, techniques et organisationnels, l’état d’avancement du prototype ont été décrits et l’assistance a pu visualiser le résultat potentiel grâce aux multiples exemples d’enrichissements prévus (vidéos, entretiens radiophoniques, extraits d’émissions, cartes interactives, quizz d’autoévaluation…)
Delphine Lereculeur a ensuite présenté le projet éditorial collaboratif de Sciences Po : l’atlas de la mondialisation. Ce projet souhaite répondre à la démultiplication du lectorat et aux pratiques de lecture numérique. Réalisé par une équipe plurielle réunissant cartographes, géographes, politistes, éditeurs et développeurs informatiques sous la houlette de la bibliothèque qui dirige le projet, ce prototype de web-book, dont le contenu est ouvert et réutilisable, propose de multiples parcours de lecture et sera mis à disposition dès la rentrée 5.
L’intervention dynamique de Jeff Gallant, de l’University System of Georgia (USA), a complété le panorama. La problématique spécifique du coût prohibitif de la documentation dans les universités américaines, qui oblige de nombreux étudiants à renoncer à certains enseignements, explique la démarche proactive des bibliothécaires américains pour créer des manuels en open access depuis plusieurs années. Cette politique de publication suit une programmation pluriannuelle et répond à un strict cahier des charges qualitatif (vérification des articles par les pairs, recours à des experts pour les contenus, la maquette, les modules d’évaluation, mises à jour régulières). Le catalogue atteint à ce jour 62 documents : l’impact sur la réussite des étudiants concernés a été finement analysé et la large communication autour des conséquences positives d’une telle politique contribue au développement de ce mouvement dans l’ensemble du territoire américain 6.
Enfin, Gregory Miura, directeur du SCD de l’université Montaigne, a tenté de montrer quelques pistes pour « sortir le livre électronique de son enclave » en s’appuyant sur l’expérience de Bordeaux : ainsi propose-t-il d’augmenter le volume de formation au signalement du livre électronique des collègues acquéreurs afin d’avoir le même niveau de compétence que pour les ouvrages, de caler le calendrier d’acquisition des e-books sur celui de l’imprimé, et d’intégrer les livres électroniques à la chaîne de traitement des ouvrages.
La fin de la journée fut consacrée aux plateformes et à leurs évolutions pour l’amélioration de la qualité de service des usagers.
Sébastien Respingue-Perrin a expliqué la méthodologie utilisée pour une enquête comparative de 19 plateformes de e-books réalisée entre mars et juin 2019 auprès des bibliothèques utilisatrices : 30 critères ont été retenus répartis selon 5 axes (l’accès à la plateforme, l’accès aux contenus, la lecture, l’exploitation des contenus à des fins de recherche personnelle, l’administration de la plateforme). Les résultats seront publiés en 2020 et permettront à Couperin de négocier en disposant d’outils fiables et récents quant aux besoins des bibliothèques et aux diverses offres des fournisseurs 7.
Une table ronde a réuni les représentants de Cyberlibris, Dawsonera, Cairn et Ebsco. Des questions très pratiques concernant la clarté du catalogue, la personnalisation de la plateforme, les outils d’analyse de la perception de leur qualité de service et leurs réponses ont permis à chaque auditeur de repartir avec une idée plus précise des forces et des faiblesses de leurs partenaires actuels ou futurs.
Une rapide synthèse a permis de conclure la journée sur la nécessité d’un signalement optimisé pour sortir le livre électronique des profondeurs des catalogues. La journée a par ailleurs mis en lumière la montée en puissance des ressources électroniques dans les institutions documentaires françaises : celles-ci ne se contentant pas de mettre à disposition des contenus mais de plus en plus d’en devenir des producteurs…