Journée Bibliopat 2015

Images à tous les étages : Fonds iconographiques et bibliothèques numériques – Paris, CNAM, 5-6 novembre 2015

Agnès Barbaro

Accueillies au CNAM à Paris, les 5 et 6 novembre, les journées d’étude Bibliopat 2015 ont connu un franc succès puisqu’elles ont rassemblé 157 inscrits, adhérents ou non de l’association. La réflexion portait sur le thème des fonds iconographiques et des bibliothèques numériques, autrement dit comment les bibliothèques gèrent-elles les images conservées dans leurs fonds patrimoniaux ?

Quatre ans après la parution d’Images et bibliothèques (2011) aux éditions du Cercle de la librairie sous la direction de Claude Collard et de Michel Melot, les membres de Bibliopat ont jugé pertinent de faire le point sur la relation que les professionnels des bibliothèques en charge du patrimoine entretiennent avec les fonds iconographiques. Longtemps anonymes, ces collections ont trouvé avec la numérisation un « révélateur » et sont devenues des supports privilégiés de la communication et de l’édition. Or, comme le souligne Michel Melot dans son introduction, « l’image pose problème aux bibliothèques » car ces dernières sont physiquement faites pour livre.

L’objet des Journées BiblioPat 2015 était donc d’étudier et de partager des expériences professionnelles autour de ce profond changement en cours dans les institutions culturelles patrimoniales.

Après une visite enthousiasmante du musée qui fut une découverte pour beaucoup, le mot de bienvenue de Marie-Annick Cazaux, directrice du SCD du CNAM, a introduit ces journées. La Présidente de BiblioPat, Christelle Quillet, a ensuite décrit les activités 2014-2015 de l’association, puis le programme des deux jours avant de laisser la parole à Claude Collard (BnF, département Histoire) pour sa conférence introductive. L’idée majeure qui se dégage est l’explosion du numérique et des services qui en découlent. Face à des corpus iconographiques gigantesques, dont beaucoup sont en péril, le poids du numérique a changé la donne. Même s’il n’existe pas encore de catalogues collectifs iconographiques, les images sont accessibles dans de grands réservoirs sur Internet. La numérisation est le triomphe de l’image, de ce document rarement isolé, qui vit plutôt en colonie et que les différents publics, chercheurs, iconographes, grand public, collectionneurs et marchands, feuillettent par lot parfois jusqu’à sa fragilisation. La numérisation apporte donc des réponses aux demandes de consultation, de reproduction et de diffusion, et bien entendu de conservation et de valorisation. Tout serait donc parfait s’il n’y avait pas deux problèmes majeurs, celui de la volumétrie de ces collections qui oblige à la plus grande prudence face aux nouveaux dons, et celui des droits d’auteurs devant lequel le bibliothécaire est souvent désarmé. En effet, les règles juridiques en vigueur concernant la propriété intellectuelle et le droit à l’image sont aujourd’hui inadaptées et il faut espérer que la future loi sur le numérique puisse apporter des réponses à ces questionnements.

La Table ronde qui suivit permit de porter des regards croisés sur ces fonds d’images fixes dans les bibliothèques, mais aussi les archives et les musées, grâce aux interventions de Pierre Beaumont, (Archives municipales du Havre), Emilie Dreyfus, (Bibliothèque municipale de Chambéry), Miriam Simon, (musée Carnavalet) et Thierry Devynck (bibliothèque Forney). Même si les musées considèrent plus l’image comme une œuvre d’art tandis que les bibliothèques et les archives les voient plus comme des documents utiles à la recherche, chacun se rejoint pour prôner la collaboration inter-établissements culturels à l’image des portails communs de Marseille ou de la région Franche-Comté par exemple. Qu’il s’agisse des cartes anciennes, des cartes postales, des « estampes », des affiches, des papiers peints, des photographies, des menus, des ephemera, les bibliothèques numériques et les expositions virtuelles sont des outils indispensables pour faire connaître et valoriser ces collections qui intéressent de plus en plus les chercheurs. Se pose alors la question du signalement de ces collections, sachant que les normes catalographiques traditionnelles ne sont pas vraiment adaptées à ces chantiers. Les bibliothèques numériques et les projets de publication sur la Toile auront incontestablement des conséquences sur les méthodes de description et de référencement et les outils utilisés.

Le lendemain, la première table ronde portait sur l’insertion dans les programmes nationaux de numérisation en insistant sur les contraintes, les limites et les conséquences. Depuis plusieurs années, la numérisation est soutenue financièrement au niveau national par le biais d’appels à projet qui accélèrent le processus de numérisation en cours et créent une pression sensible dans les institutions comme en a témoigné Sonia Zillhardt (Ministère de la Culture). Malgré les plans de numérisation qui visent à créer des réseaux de contenus à partir d’une coopération de structures, aujourd’hui seul 1% du patrimoine français serait numérisé. Le rapport du comité des sages de la commission européenne, « The New Renaissance », affirme que 100 milliards d’euros seraient nécessaires pour rendre la totalité́ du patrimoine européen disponible en ligne (2011). Les intervenants suivants, Laurent Manœuvre (Ministère de la Culture), Mélanie Marchand (Association Languedoc-Roussillon livre et lecture - LR2L), Catherine Masteau (Ecole des Ponts ParisTech) ont apporté leur témoignage sur les problèmes de visibilité et de référencement sur Internet ainsi que de reproduction, à des fins soit éditoriales soit documentaires, qui obligent à deux qualités d’image.

L’échange avec la salle a ensuite souligné les problèmes de conservation à long terme des fichiers sur les serveurs et l’existence d’éventuels tutoriels pour aider les publics à utiliser ces nouvelles banques d’images.

La dernière table ronde des journées aborda le problème de la publication de l’iconographie sur la Toile à travers les outils, les licences et les nouveaux services en ligne grâce aux contributions d’Isabelle Reusa (Rmn-Grand Palais), Sophie Bertrand, (BnF), Philippe Mouillon, (plasticien) et Catherine Bernard (Archives municipales de Toulouse). Ces intervenants, à travers l’exemple de leur établissement (Images d’Art, Gallica, ou urban-ist) ont choisi de mettre gratuitement à la disposition des publics des documents libres de droits, parfois en open data, ce qui garantit leur libre accès et leur réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière. L’artiste Philippe Mouillon propose même au public de se réapproprier ses photographies dans l’idée d’ « offrir plutôt que de se faire voler ». L’évolution vers la gratuité est inéluctable mais chacun doit trouver ses modalités de diffusion à travers des outils de diffusion libre : wikimedia commons, médias sociaux, flickr, etc. La société se trouve ainsi confrontée à un changement de modèle économique face à la notion de gratuité croissante.

Ces journées ont également accueilli l’assemblée générale de l’Association Bibliopat qui a présenté et validé son rapport moral et financier ainsi que les rapports d’activité de la liste et du site web. En 2016 l’association nous donne rendez-vous pour fêter ses 10 ans autour d’une réflexion sur la médiation et l’action culturelle.