Journée #Bibdoc37

« La bibliothèque augmentée : regards croisés sur la co-construction des savoirs » – 16 avril 2015

Loïc Le Roux

Kathleen Le Gal

Mathilde Roussi

Laurine Soriano

Cette journée d’étude, organisée comme chaque année par l’association Bibdoc37, a une nouvelle fois attiré un nombre très important (plus de 250 inscrits) de bibliothécaires et de documentalistes venant de l’Indre-et-Loire et des départements avoisinants, et issus de tous les secteurs de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, des collectivités territoriales et de l’entreprise.

C’est un des points forts de ces rencontres que de confronter les points de vue et de faire se rencontrer des personnels aux expériences très diverses.

Cette année, il s’agissait encore de rencontres avec des expériences apportées par d’autres acteurs que les bibliothécaires, mais qui ont pour point commun de susciter les collaborations et les co-constructions, comme le met en relief le sous-titre de cette journée.

Les bibliothèques peuvent donc y trouver matière à enrichissement, à questionnement, et ce sont ces réflexions que les organisateurs ont voulu proposer au débat par une alternance de conférences et d'ateliers qui ont permis de surcroît aux animateurs de dialoguer entre eux.

Marc Maisonneuve, dans sa conférence introductive intitulée « Bibliothèques : mettez le numérique au service des publics », a voulu mettre d’emblée ces publics précisément au départ de la réflexion.

Certes, les bibliothécaires ont un souci constant des services offerts à leurs usagers, mais on constate qu’il est encore très difficile de véritablement partir de ce qu’ils sont et surtout de vraiment connaître leur perception de la bibliothèque et ce qu’ils en attendent. Quelles sont leurs idées à ce sujet ? Plus développées dans le monde anglo-saxon, les expériences sont, en France, encore assez rares. M. Maisonneuve note qu’aux USA la communication est basée sur les usagers alors qu’en France elle explicite l’offre et les animations.

De ce fait, la représentation qu’ont les usagers est souvent défavorable. Les études montrent une réelle érosion des publics, seuls les gros lecteurs demeurent et l’on perd les lecteurs occasionnels. On constate par ailleurs un recul des pratiques de lecture de génération en génération et il est très peu probable que cette tendance disparaisse. Il y a donc bien une crise, plus ou moins vive, des publics. Pour y répondre, M. Maisonneuve affirme que l’on ne peut plus repartir du modèle canonique, même rénové, de la bibliothèque de prêt.

Les pratiques des usagers s’imposent à nous, les demandes évoluent : plus de convivialité, d’immédiateté, de souplesse ou encore de services personnalisés.

Comment donc arriver à inclure tous les publics ou encore à lutter contre la fracture numérique qui demeure ? En effet, les plus jeunes ont une dextérité instrumentale qui ne va souvent pas de pair avec une véritable culture numérique et une bonne connaissance des méthodes d’acquisition des connaissances.

En réalité, M. Maisonneuve propose surtout de changer de posture. L’enjeu véritable est de créer des liens avec les publics, de mobiliser les usagers et de travailler avec eux. Cela passe aussi par un ancrage local plus fort. Il faut, dit-il, sortir du mythe de la bibliothèque universelle identique quel que soit le territoire. Il faut s’y ancrer, coproduire la culture locale et ne pas hésiter à sortir des sentiers battus.

Ces sentiers, les ateliers en ont proposé plusieurs. Certains sont partis des bibliothèques, comme le Biblio Remix de Rennes, ou de collaborations avec des associations et des expériences comme les Fab labs. En fait, il ne s’agit pas a priori de transformer les bibliothécaires mais de provoquer des rencontres avec d’autres expériences, d’autres acteurs qui peuvent prendre place dans la bibliothèque et en ouvrir l’espace.

On a d’ailleurs constaté qu’il n’est pas nécessaire de penser ces lieux en amont et surtout de les suréquiper en technologies toujours plus sophistiquées. Il faut construire des espaces avec les usagers et les concevoir avec eux en laissant le plus possible la créativité s’exprimer.

C’est bien une des caractéristiques des Fablabs que de permettre des créations, des activités collaboratives où chacun apporte aux autres son savoir et son expérience.

Les animateurs ont aussi beaucoup insisté sur l’importance de la documentation. Chaque action doit être documentée et permettre à d’autres de se réapproprier l’expérience, de la prolonger ou encore la modifier. En ce sens, on retrouve bien la raison profonds de la bibliothèque de mise à disposition et de transmission des savoirs. La bibliothèque est ainsi véritablement augmentée d’expériences et de connaissances nouvelles. Elle n’y perd pas son âme mais peut s’y renouveler en profondeur dans un dialogue plus poussé avec ceux qui la font vivre, bibliothécaires et acteurs-lecteurs.

Dans la conférence de conclusion, Coline Blanpain fait le point sur toutes les expériences de Labs très riches et très diverses, et montre bien leur intérêt en bibliothèque par leur impact sur les publics. Mais elle montre aussi toute l’exigence de ces processus. Les rapports humains y sont fondamentaux, riches et nécessaires, mais il faut faire vivre ces communautés, maintenir l’état d’esprit d’échanges informels, d’accessibilité à tous, tout en coordonnant suffisamment ces espaces de co-working. Il faut construire ensemble les lieux que l’on veut, laisser jouer les interactions entre les personnes. Il faut surtout, montre-t-elle, penser communauté, projet, usage, avant de penser lieu.

Cette journée a permis à de nombreux professionnels de découvrir des expériences encore assez rares, tout du moins dans leurs rapports avec les bibliothèques. Certes, ces modèles sont encore souvent à définir, à être pensés. Il nous semble qu’ils sont surtout très stimulants, qu’ils participent à ce profond renouvellement des bibliothèques dans leurs rapports avec les publics.

Le thème l’a bien caractérisé : les bibliothèques ont toujours une place essentielle dans la cité, et tout ce qui peut les augmenter, les enrichir, ne peut que rendre ce rôle encore plus fondamental pour le vivre ensemble dans notre monde contemporain.

Des ateliers pour construire demain

Les ateliers #Bibdoc 37 du 16 avril 2015 avaient pour but de présenter des mises en œuvre d’idées novatrices dans les bibliothèques notamment en incluant le numérique. Deux Fablabs étaient présents : le FunLab de Tours et celui de l’atelier Canopé d’Évry. Les Fablabs sont des lieux d'échanges et des ateliers de fabrication numérique qui regroupent toutes sortes de personnes formant une communauté dans l’expérimentation et les usages du numérique. L’atelier Biblio Remix présentait un autre concept, basé sur un temps de partage d'idées entre bibliothécaires pour imaginer les bibliothèques de demain. L’atelier Bibliobox, quant à lui, montrait un dispositif électronique créant un réseau local et mettant à disposition de nombreux contenus. Il s'agit d'un outil pédagogique permettant, entre autres, de s’affranchir des dérives du web. Ces différents ateliers ont tous proposé des pistes de solutions concrètes pour concevoir les bibliothèques du futur.