Intercommunalité et bibliothèques
Journée Médiat Rhône-Alpes – 10 mars 2016
Le 10 mars dernier, à Villeurbanne, se tenait une journée d'étude consacrée aux relations entre bibliothèques et intercommunalité, organisée par Mediat Rhône Alpes. Mise en persective et témoignages de diverses institutions se sont ainsi succédé, devant une salle comble.
Intercommunalité et culture
Dans un premier temps, Philippe Teillet, de l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, définit l'intercommunalité ainsi : c'est un regroupement de communes dans une structure légale (EPCI : établissement public à caractère intercommunal) en vue de coopérer. Cette coopération s'exerce selon des compétences obligatoires, des compétences facultatives, et des compétences optionnelles. La compétence culturelle fait partie de ce dernier groupe.
La culture est un enjeu à la fois communal, et intercommunal, en termes d'identité de territoire, notamment. Elle peut être intégrée de différentes façons; soit l'EPCI est défini comme culturel, c'est-à-dire qu'il porte les projets culturels des communes; soit il a une réelle politique culturelle, au service de l'ensemble de la communauté.
Une compétence culturelle,
réelle valeur ajoutée pour un EPCI ?
Disposer d'une compétence culturelle pour un EPCI sert des objectifs soit transversaux, en termes d'aménagement du territoire, de développement économique, soit sectoriels, en termes d'accroissement des moyens, de diversification des publics, dans le cadre d'une politique volontariste.
Quelques écueils sont toutefois à éviter; ils s'expriment souvent par la crainte d'un éloignement des services par rapport au cadre décisionnaire, qui devient alors insécurisant.
Anne-Marie Boyer, et Nicolas Douez, de la DRAC Rhône Alpes Auvergne rappellent les dispositifs mis en place par leur tutelle à destination principalement des intercommunalités : les conventions d'Education artistique et culturelle pour les territoires prioritaires sont signées entre la DRAC et un ou plusieurs EPCI, permettant d'apporter à la fois un financement et une aide technique aux bénéficiaires. De la même façon, les Contrats Territoire Lecture, conclus par la DRAC soit avec des EPCI, soit avec des syndicats, permettent à ceux-ci de bénéficier d'une part du financement d'un diagnostic, étape primordiale à la prise d'une compétence, et d'autre part de l'aide du concours particulier pour la réalisation de projets divers.
Différents types de modèles
Ils s'appuient sur des modèles financiers, qui révèlent l'effort culturel souhaité, et se calculent en dépenses en euros par habitant d'une communauté de communes.
- Modèles émergents : l'effort financier commence;
- Modèles focalisés : l'effort financier et les moyens sont concentrés sur un équipement, un secteur;
- Modèles équilibrés : l'effort financier est exercé partout de façon égalitaire;
- Modèles engagés : il y a une approche politique très volontariste, et des moyens très conséquents sont déployés dans le domaine de la culture.
Cela se traduit sur le terrain en termes d'actions, qui peuvent être hiérarchisées selon 4 modèles, allant de l'inaction stratégique, au transfert global de la compétence, les deux intermédiaires étant d'une part le transfert de charges de centralité et d'autre part les transferts sectoriels.
Une traduction sur le terrain :
des réalités et des intégrations de réseaux
très différentes
Du fait de cette diversité de modèles, les exemples présentés par les cadres techniques ou politiques des différentes institutions sont multiples :
Le réseau de Lecture Publique de Strasbourg - Eurométropole
Le réseau Pass'relle compte 4 établissements majeurs et 30 établissements de moindre taille. Il dispose d'une carte unique, mais n'a pas de logiciel de gestion (SIGB) commun, même si cela est en projet depuis plusieurs années. La mutualisation ne se fait donc pas en termes de circulation des documents, mais en termes d'action culturelle et de communication.
Les communes conservent la compétence de leur bibliothèque, selon le principe de subsidiarité.
Le réseau de Lecture Publique de
la communauté d'agglomération Loire Forez
33 bibliothèques municipales fonctionnent par convention avec l'intercommunalité, 2 Médiathèques Tête de Réseau animent celui-ci.
Les actions culturelles, les services numériques, le projet documentaire, le portail Web et le SIGB sont mis en commun.
Si les communes conservent la compétence de leur bibliothèque, le budget d'acquisition est intercommunal, de l'ordre de 2€/habitant
L'évaluation des usages révèle que le réseau bénéficie aux bibliothèques distantes de moins de 15 km de la médiathèque tête de réseau.
Le changement de périmètre du fait de la réforme territoriale et de la fusion de plusieurs intercommunalités est un point de fragilité fort dommageable.
Le réseau de Lecture Publique de
la Communauté d'Agglomération d' Annecy
L'ensemble des équipements culturels a été transféré à l'interco.
Le réseau "BiblioFil" comprend 13 bibliothèques, dont 10 sur un SIGB commun, auxquelles s'ajoutent 4 bibliothèques associées. La mutualisation des fonds et une navette interétablissements permet donc un accroissement de l'offre documentaire pour les usagers. Toutefois, les communes conservent la compétence de leur bibliothèque. Cette absence de compétence globale rend le processus décisionnaire très lent.
Avec le changement de périmètre des communes, par fusion de 6 communes en commune-nouvelle, une compétence globale pourrait de fait être prise, permettant un volontarisme plus grand.
Le réseau de Lecture Publique de
Clermont Ferrand Communauté :
une intégration complète réussie.
Constitué de 16 bibliothèques auxquelles s'ajoutent 2 bibliothèques spécialisées, ce réseau dispose d'un tarif et d'une carte unique, d'une charte de lecture publique et d'une charte documentaire commune, permettant des services aux usagers plus personnalisés, traduits par un élargissement des horaires d'ouverture et une offre de services numériques adaptée.
La compétence lecture publique est dans ce cas une compétence globale.
Le réseau de lecture publique de
la Communauté de communes Saône Beaujolais
Constitué de 9 bibliothèques sur les 15 que compte le territoire, il propose un tarif et une carte uniques, la possibilité de réserver, et une navette. Le modèle est ici hybride, puisque 3 équipements sont intercommunaux, tandis que les autres bibliothèques sont soit associatives soit municipales, pour des questions essentiellement d'identité locale. La politique développée en matière de numérique, fortement soutenue par la médiathèque départementale du Rhône, apporte ici une réponse à des problématiques d'éloignement.
Le réseau de Lecture Publique autour de
la Médiathèque du Bassin d'Aurillac
Le réseau constitué d'une médiathèque intercommunale et de 4 bibliothèques municipales fonctionne grâce à une convention tripartite, liant la communauté d'agglomération, la commune, et la médiathèque départementale. L'EPCI n'a pas eu le souhait de prendre une compétence Lecture Publique. Cela est à l'orgine d'écueils en termes de mise en place d'actions culturelles partagées.
Le réseau de Lecture Publique de
la Communauté d'agglomération du Pays Voironnais
Au 1er janvier 2017, la compétence Lecture Publique deviendra globale – l'ensemble des personnels, ainsi que le SIGB est ainsi tranféré à l'EPCI, tandis que les bâtiments restent propriété des communes. Le réseau de Lecture Publique actuellement en cours de constitution s'est fédéré autour d'un festival nommé « Livres à vous ».
Cette mise en réseau permet de récapituler les trois étapes de la création d'une compétence sur un territoire :
1 - l'Informatisation totale avec transfert du logiciel à l'intercommunalité ;
2 - la recherche de financements pour l'exercice de cette compétence est soumise à deux scénarios : soit la fiscalisation (augmentation d'impôts) soit la diminution de la dotation de solidarité aux communes ;
3 - l'extension du réseau à toutes les communes et l'extension de services aux usagers.
Cette journée a ainsi pu montrer des modèles variés et des paysages mouvants, du fait notamment des fusions de communes ou d'intercommunalités.