« Estimation de la fréquentation des bibliothèques : l’apport des normes volontaires »

Journée Afnor Normalisation – 27 mai 2021

Odile Jullien-Cottart

Le 27 mai 2021, la commission Afnor/CN 46-8 « Information et documentation – Qualité, statistiques et évaluation des résultats » proposait aux personnels des bibliothèques un webinaire dont l’objectif était de dresser un vade-mecum sur la question de la fréquentation en bibliothèque : comment l’appréhender, la mesurer, en rendre compte ?

Quentin Auffret, responsable de l’Observatoire de la lecture publique, au sein du Service du livre et de la lecture, a introduit la séance en détaillant le contenu : une introduction générale suivie de quatre retours d’expérience de bibliothèques départementales (BD), de bibliothèques municipales (BM) ou de bibliothèques universitaires (BU). Il a souligné un cadre partagé autour de ce sujet : comment compter ? Que compter ? Pourquoi compter ? en insistant sur les limites et les difficultés de la mesure.

Louna Gauvain, étudiante à l’École normale supérieure de Lyon, a dressé un bref aperçu de la fréquentation des bibliothèques. Mesurer la fréquentation à différents niveaux (national, local, interne) permet :

  • de disposer de données chiffrées qui rendent compte de la vitalité des bibliothèques ;
  • d’entamer le dialogue avec les élus ;
  • de mieux connaître son public et ses usages.

Contrairement aux musées ou aux cinémas, il n’existe pas de chiffre global de fréquentation des bibliothèques au niveau national.

Toutefois, l’enjeu de la mesure diffère selon le type d’établissement : pour les petites structures, compter le nombre d’entrées est la priorité. Pour les plus grandes bibliothèques, BM ou BU, des solutions techniques automatisant la mesure étant déjà en place, l’effort porte sur de nouveaux outils permettant d’avoir une approche plus qualitative.

Mesurer à l’échelle d’un département

Laurence Favreau, directrice de la BD du Val-d’Oise, a présenté l’action menée depuis 10 ans autour de la fréquentation au sein d’un réseau constitué de 111 bibliothèques partenaires.

La BD du Val-d’Oise accompagne les bibliothèques du réseau dans la mise en place d’un indicateur de fréquentation à l’échelle du département. Pour être additionnées, les mesures doivent être partagées par tous et suivre une règle commune : toute personne qui franchit le seuil de la bibliothèque est comptabilisée. En revanche, les méthodes de comptage peuvent différer : comptage manuel ou automatique.

À ce jour, trois enquêtes de fréquentation ont été menées à raison d’une tous les 5 ans : 2009, 2014 et 2019.

L’étude de 2011, basée sur le comptage de 2009 auquel 70 bibliothèques ont participé et portant sur les facteurs de réussite des bibliothèques, montre la corrélation entre la surface de la bibliothèque et sa fréquentation. Plus on fait de place au public, plus il est présent 1

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BD du Val-d’Oise : études et ressources. [En ligne] https://bibliotheques.valdoise.fr/Default/etudes-et-ressources.aspx [consulté le 11 juin 2021].

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La prochaine étude s’appuyant sur les résultats de l’enquête 2019 devrait démontrer les effets d’une plus grande amplitude horaire.

Comme l’a souligné Laurence Favreau, cette enquête est un outil de pilotage intégré dans le suivi de la politique du Val d’Oise. Cet indicateur permet de rendre compte de l’attractivité des bibliothèques, de mesurer l’impact de la bibliothèque auprès du public et constitue un outil d’aide à la décision pour attribuer les moyens de manière efficiente. Pour finir, elle a évoqué les projets à venir en matière d’accompagnement des bibliothèques (prêt de matériels), d’équipement et de communication.

Les participants ont soulevé la question des normes utilisées en bibliothèque, qui ne répondent que partiellement à la question de la fréquentation, alors que la normalisation faciliterait les comparaisons avec d’autres territoires.

Des solutions techniques pour affiner la mesure

Sony Beaufils, responsable de la bibliothèque Gabriel-Bourdin de Fresnes, a présenté un projet d’adaptation et d’extension des horaires d’ouverture.

Après un bref historique permettant de replacer le projet dans son contexte (bibliothèque ouverte en 1999 sur 2 684 m² répartis sur 5 niveaux et offrant 37 heures d’ouverture par semaine), Sony Beaufils a précisé le projet d’extension des horaires à 44 heures par semaine : 30 dimanches par an du mois d’octobre à la fin avril et ouverture en continu le mercredi. Ce projet s’inscrit pleinement dans la continuité du projet historique de l’établissement tel qu’il avait été défini en 1999 2

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Le constat après deux ans de fonctionnement est que la fréquentation du dimanche est inférieure en nombre d’entrées de 20 à 30 % à celle du samedi mais que les salles de travail sont très fréquentées ce jour-là, concentrant une grande partie du public.

Comment mesurer cette activité pour la valoriser auprès des élus et de l’organisme financeur ?

Pour répondre à cette problématique, l’utilisation de caméras 3D de type XOVIS a permis de mesurer finement la circulation des personnes dans les salles de travail. Un monitoring de l’activité de ces salles a été réalisé sur 10 samedis et 10 dimanches du 2 janvier au 7 mars 2021. Ce suivi a montré que la fréquentation des salles de travail le samedi n’était que de 5,75 % supérieure à la fréquentation de ces mêmes salles le dimanche. Ce chiffre est à mettre en comparaison avec la fréquentation de la bibliothèque sur la même période : la fréquentation de la bibliothèque en nombre d’entrées le samedi a été de 21 % supérieure à celle du dimanche. L’activité traditionnelle de prêt du samedi explique en partie cette différence.

Ces mesures plus fines ont donc permis de confirmer un constat empirique : la fréquentation de la bibliothèque le dimanche se concentre principalement sur les espaces de travail. Des enquêtes de terrain permettront de définir par la suite les usages sur place ainsi que les catégories d’usagers fréquentant ces salles de travail le dimanche, le jeudi en nocturne et le samedi.

L’impact des extensions d’horaires d’ouverture sur la fréquentation

Laure Papon-Vidal, bibliothécaire chargée de mission coopération et coordination documentaire au SCD d’Aix-Marseille université, a, quant à elle, exposé une étude mesurant l’impact des extensions d’horaires d’ouverture dans le cadre de PBO+.

L’objectif était de mettre en regard la fréquentation et l’activité pendant les extensions et pendant le reste de la journée. Le tout avec trois BU aux horaires d’extension variés et aux technologies de comptage hétérogènes.

Les résultats montrent que 10,7 % de la fréquentation totale sont générés par les extensions. Laure Papon-Vidal a ensuite présenté les résultats détaillés qui montrent que les indicateurs fluctuent selon la période de l’année mais elle balaie un a priori : il n’y a pas de spécificités liées aux disciplines.

Adapter l’offre grâce aux statistiques de fréquentation

Cécile Touitou, chargée de mission marketing à la bibliothèque de Sciences Po Paris, a proposé, pour clore ce webinaire, une étude et des outils visant à catégoriser les usagers pour mieux connaître la fréquentation.

Ouverte sur réservation et en demi-jauge depuis septembre 2020, la bibliothèque de Sciences Po s’est dotée en janvier 2021 de la solution technique Libcal seats. Cet outil catégorise les espaces et les besoins et offre la possibilité aux étudiants de choisir la place adéquate. Il permet également de mesurer la fréquentation des espaces de façon plus fine, école par école, ainsi que le temps de présence des étudiant.es.

Cécile Touitou a terminé en insistant sur l’importance de cet indicateur de fréquentation qui est un outil d’aide à la décision.

Une des questions posées à l’issue de ces présentations concernait l’intégration de ces indicateurs dans les processus métier. La mesure de la fréquentation permet d’adapter l’offre à la demande et/ou aux besoins ont souligné Cécile Touitou (moins de personnel posté sur les plateaux de lecture en période de faible affluence) et Sony Beaufils (dimanches ouverts en période de forte fréquentation).

Compter sans discrimination toute entrée ou mesurer plus finement un échantillon ? Ce sont deux visions macro/micro qui se complètent.

Quentin Auffret a conclu le webinaire en indiquant que la deuxième séance porterait sur la question des outils de mesure et sur les aspects méthodologiques, l’objectif à terme étant d’avoir un référentiel sur la question.

Cette initiative de l’Afnor aura permis de rassembler BD, BM et BU autour de la question partagée de la fréquentation et de l’analyse des publics. Il est rassurant de constater que toutes les bibliothèques avancent dans la même direction, même si toutes ne vont à la même vitesse.

À l’ère de l’évaluation, la question de la fréquentation est essentielle, qu’elle soit globale ou partielle, macro ou micro.

Illustration
Sketchnote de la journée par Coline Blanpain

Source : © Coline Blanpain / CC BY-SA-NC

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