Cataloguer demain, conduire le changement !

Journée ADBU / ABES – Paris, auditorium de la Bulac, 4 février 2015

Martine Kauffmann

L’ADBU, en collaboration avec l’ABES, a organisé le 4 février 2015 une journée d’information à destination des cadres des bibliothèques universitaires et de l’IST sur le thème « Cataloguer demain, conduire le changement ! ». À l’heure du web de données, du désilotage des données et des FRBR, le catalogue est un objet qui évolue fortement. Comment accompagner ce mouvement d’inscription plus étroite des bibliothèques dans l’économie du web au profit de tous les usagers ? Quels rôles pour les autorités, les référentiels, les identifiants dans une logique centrée sur les utilisateurs ? Comment accompagner les équipes dans cette évolution majeure, et quel(s) sens donner à leur(s) nouvelle(s) mission(s) ?

Dans son mot d'introduction, Jérôme Kalfon, directeur de l'ABES, rend hommage aux catalogueurs. Ils ont été les précurseurs des conceptions d'organisation des données. Aujourd'hui il faut apporter cette qualité au niveau du web des données, des réseaux, de la qualité des référentiels, avec pour objectif de parfaire nos catalogues et nos services.

Grégory Miura, directeur du SCD de l’université Bordeaux Montaigne, et Valérie Néouze, directrice du SCD de l’université Paris Descartes, respectivement responsable et membre de la commission Signalement et système d’information de l’ADBU, débutent la journée par une séance intitulée « Le catalogue, c’est le Web ! ». S'engager dans le web de données apparaît comme une évolution évidente pour les bibliothèques, cet environnement est totalement en phase avec notre mode de fonctionnement et nos compétences. En effet, les données de nos catalogues sont structurées depuis plusieurs décennies. Le web sémantique est une opportunité pour augmenter la visibilité de nos données et pour proposer des services individualisés. Dans un écosystème de données liées, chaque nouvelle contribution donne du sens à la donnée et permet d’établir de nouvelles connexions. L'objectif est d'exposer les données là où est l'usager, d’en faire un objet de partage et de « réutilisabilité ». Une de nos grandes forces est notre système d'information national ; appliquer la même dynamique de réseau à la documentation électronique est une évolution indispensable qui prend corps au travers d'initiatives telles que le hub de métadonnées et Bacon.

Pour doter les chefs d'établissement d'un levier d'accompagnement au changement et favoriser l'adhésion des équipes, une feuille de route écrite par des institutions de premier rang telles que l'ABES et la BnF est vivement souhaitée.

Il n’y aura pas de grand soir catalographique
– la transition bibliographique

Philippe Le Pape, responsable de la mission normalisation à l'ABES, et Gildas Illien, directeur du département de l’information bibliographique et numérique de la BnF, exposent les évolutions en cours en matière de catalogue et de catalogage.

Le modèle FRBR est né du constat de l'inadaptation des règles de catalogage en vigueur pour assurer le signalement de nouveaux types de documents, notamment les ressources électroniques. Les FRBR affrontent la complexité des métadonnées, permettent de passer de la description à l'analyse du document, se veulent un modèle universel au service d'une communauté très large d'utilisateurs. Des applications FRBRisées ont déjà été réalisées telles databnf et theses.fr. Cette dernière application met en œuvre les quatre tâches de l'usager définies dans le rapport FRBR : trouver, identifier, choisir, avoir accès.

Le code de catalogage RDA élaboré par la communauté des bibliothèques anglo-américaines n’applique que partiellement les FRBR. Le niveau de l'expression, notamment, est peu défini. Or, pour la communauté des normalisateurs français, les entités décrites dans le rapport FRBR doivent être toutes définies comme des entités bibliographiques. Notre culture des données liées est notre valeur ajoutée, adopter en l’état le code RDA serait une régression. De ce fait, la priorité est d'avancer pragmatiquement vers la FRBRisation des catalogues, de réviser le code de catalogage en fonction des urgences, de créer de nouveaux services et d’en montrer les bénéfices, puis, dans un deuxième temps, de revoir le système de production en réseau. La norme rda-fr, transposition française de RDA sera publiée progressivement et, à terme, remplacera les normes actuelles. Concrètement, deux éléments de RDA « type de contenu » et « type de médiation », déjà en application dans le Sudoc, vont être publiés de façon imminente.

Gildas Illien souligne la difficulté à définir une feuille de route, du fait qu'il n'y a pas aujourd'hui de schéma directeur rédigé parce que les besoins sont différents d'un établissement à l'autre.

Au niveau national, au sein du comité stratégique bibliographique BnF/ABES, Gildas Illien et Jérome Kalfon supervisent trois groupes de travail :

  • le groupe « Normalisation », piloté par F. Leresche, rédige la norme française de transition. A ce titre, des propositions d'évolution de RDA sont faites dans le cadre du groupe européen EURIG,
  • le groupe « Systèmes et données », piloté par P. Bourdenet, apporte de l’information aux administrateurs de SIGB ainsi qu’aux éditeurs de SID,
  • le groupe « Formation », piloté par G. Lucerna, poursuit le travail de sensibilisation et de formation aux enjeux de l’évolution des catalogues.

Quant au métier de catalogueur, il est en train de changer. Deux types de métadonnées coexistent actuellement : celles issues du catalogage traditionnel, très structurées et contrôlées humainement, et celles exogènes, très peu normalisées, essentiellement associées aux ressources numériques. Les métadonnées que les catalogueurs produisent et gèrent vont devenir moins importantes proportionnellement. Demain, leur effort se concentrera plus particulièrement sur des missions où ils apportent une réelle valeur ajoutée : le signalement de ressources numériques, l'enrichissement des données et surtout la production et la maintenance des autorités qui seront le pivot de la production des métadonnées. Leur expertise doit être capitalisée et transmise, elle sera essentielle à la conduite de leurs nouvelles missions.

La conduite du changement

Laurence Carrion, coordinatrice Sudoc, et Clémence Joste, ancien correspondant formation, présentent les actions de formation et de sensibilisation menées au sein du SCD de l’université Paris Diderot. L’application des nouvelles consignes de catalogage de l'ABES nécessite de former les équipes. En effet, le catalogage devient plus précis, plus complexe à assimiler et à transmettre. En interne, trois types d'actions ont été entreprises à destination des utilisateurs de WinIBW : des réunions bilan/nouveautés, la mise en place de groupes de travail et une assistance personnalisée. Pour leur permettre de mieux appréhender la finalité des évolutions en cours, les catalogueurs ont été fortement incités à suivre la journée de formation « Comprendre l’évolution des catalogues ». Et, pour que tous prennent conscience des enjeux, des demi-journées de sensibilisation sur site ont été proposées aux non-catalogueurs. Le bilan de ces formations s’est avéré très positif. Les personnels de catégorie C ont pu élargir leur culture professionnelle. Pour les responsables, cela a été l'occasion d'une prise de conscience des évolutions métier et de l'importance de maintenir des données de qualité et d'encourager les formations.

Ces perspectives donnent plus de sens au travail quotidien, permettent de mieux reconnaître le travail des catalogueurs et la légitimité des coordinateurs Sudoc et des correspondants.

Lors de leur présentation, Grégory Miura et Valérie Néouze ont abordé la question de l'évolution des fonctions des personnels induite par la transition bibliographique. Ils ont suggéré quelques pistes : faire monter en compétences les personnels de catégories B et C, positionner les catégories A sur de nouveaux services. Les réorganisations globales présentées lors des deux dernières sessions de la journée mettent en application ces axes de changement.

Pour Sarah Hurter Savie, directrice du SCD de l'université de Nice Sophia Antipolis, et Étienne Cavalié, responsable du département Sidoc, la transition bibliographique apparaît comme un levier du changement et implique le SCD dans l'ensemble de ses missions. Cet établissement récent, possédant peu de fonds patrimoniaux, est éclaté sur 8 sites et comprend 100 agents.

Le premier objectif de cette réorganisation est de rendre le circuit des acquisitions et du traitement du document plus performant.

Les exemplarisations dans le Sudoc seront confiées aux agents de catégorie C.

Les agents de catégorie B seront chargés des acquisitions et, en termes de traitement documentaire, assureront les créations et les corrections de notices, le signalement de la documentation électronique ainsi que des ressources pédagogiques produites en local.

L’utilisation de Web services proposés par l’ABES facilite la mise en œuvre de ce nouveau circuit du catalogage : distinction automatique des ouvrages à cataloguer ou à exemplariser, détection des notices incomplètes grâce à Check Sudoc.

Le second objectif est de positionner le SCD sur de nouveaux services : les agents de catégorie A assumeront de nouvelles missions en matière de politique documentaire, de services à la recherche, de médiation documentaire. L'offre de formation aux usagers sera quant à elle renforcée.

Nathalie Watrin, directrice du SCD de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, clôture la journée par une dernière présentation intitulée « On a tout changé ! ». Ce SCD multidisciplinaire est dispersé sur 6 sites et doté de 52 agents (15 A, 14 B, 23 C).

Avant la réorganisation, la répartition des tâches était classique : schématiquement, les A étaient acquéreurs, chargés de projets et responsables de bibliothèques ou de services, les B assuraient le catalogage, et les C le traitement physique des collections.

L’ouverture du Learning Center de Versailles et le déploiement d’un nouveau SIGB s’avéraient être deux projets porteurs : le premier permettait d’automatiser le prêt sur deux sites et le second d’informatiser toute la chaîne du traitement du document. Par ailleurs, le SCD s’était fixé comme objectif de développer de nouveaux services. C'est dans ce contexte favorable au changement que la réorganisation a été mise en œuvre de 2012 à 2014.

Dans un premier temps, la gestion des acquisitions a été transférée aux B.

Puis les C ont pris en charge les exemplarisations dans le Sudoc ainsi que la réception des documents dans le SIGB.

De nouvelles missions ont été confiées aux agents de catégorie A : mettre en place un portail Hal, gérer le dépôt des mémoires dans Dumas, développer l’offre de formation aux usagers avancés.

En 2014, les formations disciplinaires ont été transférées aux B, plus compétents pour les animer puisqu’ils gèrent les acquisitions.

Pour accompagner les projets de réorganisation, les établissements doivent se doter d’un budget formation suffisant. En effet, les actions de formation sont essentielles pour que les agents puissent prendre en main leurs nouvelles fonctions. Le transfert de compétences a été conduit pendant plusieurs mois par des collègues de proximité.

En conclusion, les grandes orientations de la transition bibliographique sont maintenant établies, même s’il reste des incertitudes. Tous les intervenants ont souligné que l'expertise des catalogueurs restera indispensable et qu’il est capital de continuer à partager une culture professionnelle des données. La problématique de l’évolution des règles de catalogage s’inscrit dans un contexte plus large d’évolution des missions et nécessite une démarche d’accompagnement au changement dans les établissements.