Bibliothèques actrices de la transition écologique

Bibliothèque d’Hérouville Saint-Clair – 9 mars 2023

Xavier Galaup

Alexandra Guéroult

Nicolas Huart

Julie Lallemand

Sandrine Le Marquis

Annie-Rose Pichonnier

Élisabeth Sauvage

La journée d’étude « Bibliothèques actrices de la transition écologique », organisée conjointement par l’Association des bibliothécaires de France (ABF) Normandie et le centre régional de formation aux carrières des bibliothèques, du livre et de la documentation Média Normandie, s’est déroulée à la bibliothèque d’Hérouville Saint-Clair le 9 mars 2023. Elle a débuté par les présentations des travaux et des missions de trois organisations impliquées au niveau local dans la transition écologique et plus spécifiquement pour le secteur du livre et des bibliothèques : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Normandie, The Shift Project et la commission Bibliothèques vertes de l’ABF.

Le GIEC Normandie 1

, émanation du GIEC international (Intergovernmental Panel on Climate Change [IPCC]) 2, est constitué d’experts régionaux (scientifiques et spécialistes) sur les différentes thématiques liées au climat et à son évolution. Il a vocation à traduire les prévisions de ce dernier au niveau du territoire et de faire la synthèse des travaux scientifiques locaux existants sur le sujet (données mesurées et projections à l’horizon 2050-2100).

The Shift Project 3

est une association française créée en 2010 et un laboratoire d’idées qui s’est donné pour objectif l’atténuation du changement climatique et la réduction de la dépendance de l’économie aux énergies fossiles, particulièrement au pétrole.

La commission Bibliothèques vertes 4

de l’ABF s’intéresse, quant à elle, à la manière dont les bibliothèques, en France, intègrent les enjeux d’éco-responsabilité. Elle se positionne dans l’aide et l’outillage des bibliothécaires sur les sujets d’écologie et de développement durable dans les différents domaines qui animent et caractérisent les bibliothèques (collections, offre de services, bâtiments, modes de fonctionnement, etc.)

Synthèse des conclusions du GIEC Normandie

Stéphane Costa, enseignant-chercheur à l’université de Caen, a proposé, en ouverture de la journée, une présentation de la synthèse des conclusions du GIEC Normandie. Celui-ci est né de la volonté du président de région de mieux connaître les impacts du réchauffement climatique sur son territoire. Dans ce contexte, une étude régionale impliquant 23 chercheurs a été initiée. Elle a conclu à une augmentation des températures au niveau local de plus de 3,6 °C en 2100 (contre 4 °C pour la France), faisant ainsi de la Normandie un « îlot de fraîcheur ». L’augmentation des jours de chaleur, la baisse des jours de neige et de grand froid, l’érosion du littoral, les risques de submersion, la salinisation des sols sont autant de phénomènes qu’il va falloir anticiper, plutôt que de chercher à uniquement les endiguer. Les risques environnementaux vont entraîner des risques technologiques, qui causeront à leur tour des risques sanitaires, notamment à cause de la présence de sites Seveso sur les bords de Seine. Des solutions existent, les petits gestes du quotidien représentent 30 % de la réduction des impacts du réchauffement climatique, tout comme notre façon de participer au débat public et notre façon de consommer.

The Shift Project et son application dans la chaîne du livre pour les bibliothèques

Fanny Valembois, qui a notamment co-piloté le rapport « Décarbonons la Culture ! » mené par The Shift Project en 2021, a présenté le travail de l’association et son application dans la chaîne du livre pour les bibliothèques.

Ayant pour mission de proposer des façons de décarboner l’administration publique, la santé et la culture, The Shift Project s’est intéressé à l’impact carbone de la filière livre. Un livre à la sortie d’une maison d’édition pèse 1 kg de CO². En librairie, son poids en CO² passe à 2 kg et 4 kg pour une librairie rurale, le déplacement des clients renforçant l’impact carbone. En bibliothèque, son poids est de 0,5 kg, le prêt étant un système plus vertueux. La neutralité carbone en 2050 demanderait 80 % de livres en moins ou des livres 80 % moins carbonés. Mais, comment produire des livres dans un monde post-pétrole ? Il y existe des leviers d’actions comme l’utilisation de papier plus économe en carbone, la réduction des distances parcourues par le livre ou par le client, la limitation de la production et le développement de la lecture grâce au prêt plus que par la possession de livres. Le livre numérique ne constitue pas une alternative intéressante puisqu’il faut plus de 250 lectures pour rentabiliser l’achat d’une liseuse. En bibliothèque, il y a des leviers importants comme la réduction du nombre d’écrans, de la consommation d’énergie de l’établissement, le prêt d’objets, les ateliers de sensibilisation ; en somme, tout ce qui peut permettre de placer la transition écologique au cœur du débat.

Les projets de la commission Bibliothèques vertes de l’ABF

Maryon Le Nagard, membre de la commission Bibliothèques vertes de l’ABF, a exposé la genèse et les projets de cette instance. Créée à l’été 2022, la commission Bibliothèques vertes est composée d’une quinzaine de bibliothécaires qui ont souhaité s’investir sur le sujet de la transition écologique en bibliothèque. L’idée forte est de constituer une expertise pour produire et publier des contenus, répondre aux interrogations des collègues, et aussi écrire des articles pour la presse professionnelle. Le blog est actif, il y a une à deux publications par semaine, les contenus sont relayés sur les réseaux sociaux avec une volonté très nette de montrer les bonnes initiatives prises en bibliothèque, notamment autour du prêt d’objets. En 2023, une campagne de plaidoyer sera lancée en lien avec la commission Advocacy 5

.

Il convient enfin de noter que le groupe projet « bibliothèque verte » a créé un Guide de la bibliothèque verte 6

accessible en ligne.

« Comment rendre une politique documentaire durable ? »

Alice Larmagnac, de la médiathèque de la Canopée la fontaine (Paris) a présenté brièvement l’institution et exposé ensuite les différentes méthodes pour rendre une politique documentaire plus durable.

Le bâtiment de la Canopée 7

est situé au-dessus d’un centre commercial au cœur de Paris. La bibliothèque reçoit un public très varié. Les collections sont axées sur la nouveauté, la détente et les loisirs. Il n’y a pas d’espace de travail, notamment en raison de la proximité de la Bibliothèque publique d’information (Bpi), qui a un public plus étudiant. La bibliothèque possède des fonds spécialisés dans les cultures urbaines, la culture numérique et est un des 5 « Pôles Sourds » 8 de la Ville de Paris. Au niveau du fonctionnement interne, il existe 5 groupes projets : accueil des adolescents, accueil des publics précaires et allophones, accueil des publics sourds, les jeux, et le groupe projet « bibliothèque verte » ; ce dernier a été inscrit au projet d’établissement en 2019, dans le cadre de la politique de la Ville de Paris.

Monter un fonds écologie

Une stagiaire en deuxième année de Système de management environnemental (SME), intervenue pour effectuer un diagnostic environnemental, a relevé trois points de critiques : la gestion des déchets (pas de tri à la Canopée), l’équipement des documents et la seconde vie des documents.

Pour monter le fonds (sans budget dédié), les documents déjà présents ont été rassemblés et une fiche domaine spécifique a été créée en concordance avec la politique documentaire globale. Seuls les documentaires ont été intégrés à cause du manque de place et d’un espace insuffisamment visible. Quatre axes ont été retenus : environnement, jardinage, modes de vie, société. La table de présentation a été mise en valeur par des plantes et un logo a été apposé sur le dos des documents.

En 2019, année de création du fonds, le taux de rotation était correct. Mais surtout le taux d’emprunt des ouvrages déjà présents a augmenté de 30 % en intégrant le fonds « écologie ».

La question de la fabrication des livres s’est posée lors de la création de la fiche domaine. Elle y est désormais intégrée comme critère d’acquisition et est vouée à se développer 9

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Importance des labels Forest Stewardship Council (FSC), Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC), Imprim’vert, etc.

. En 2010, un collectif d’éditeurs « écolo-compatibles » a été créé. Il rassemble les éditeurs suivants : La Plage, Rue de l’échiquier, La Salamandre, Plume de Carotte, Terran, Pour Penser (jeunesse), Le Souffle d’Or, Yves Michel.

La valorisation

En plus des tables de présentation, il est nécessaire d’avoir une programmation culturelle engagée : conférences, observations, visites de jardins en partenariats avec les autres services de la ville, grainothèque, bouturothèque. Des ateliers sont également proposés dans les collèges.

L’équipement des documents

En septembre 2020, une sélection de documents a été achetée en double avec pour objectif de plastifier un exemplaire sur deux. Un suivi régulier des ouvrages a été fait sur 18 mois. En janvier 2022, le premier bilan est positif : les romans sont assez abîmés mais les documentaires et BD adultes sont en bon état. Une charte d’équipement allégé est alors créée et permet une baisse de 30 % de la plastification. Il existe quelques autres pistes pour un équipement durable comme suivre des formations pour un équipement plus écoresponsable ou l’utilisation de la machine « Colibri » de recouvrement de livres.

Frédéric Blanche, de la bibliothèque départementale de la Manche, a indiqué que la bibliothèque de Carentan avait mis en place des ateliers à destination des usagers afin de fabriquer leur propre outil réutilisable pour protéger les ouvrages non équipés.

La seconde vie des documents

Avant la loi dite « Robert », à Paris, faute d’une de filière de recyclage, les livres étaient incinérés. À présent, il est question d’organiser une braderie en juin 2023. Une question se pose pour les puces RFID (pour Radio Frequency Identification, en français, radio-identification), non recyclables : les enlever ou les réutiliser ?

« Bibliothèques et usagers/partenaires : comment agir ensemble pour préserver l’environnement ? »

Camille Jean, de la bibliothèque d’Hérouville Saint-Clair, et Pierre Thellier, ancien directeur de la bibliothèque de Bailleul (nord de la France), ont ensuite animé un atelier autour de la thématique « Bibliothèques et usagers/partenaires : comment agir ensemble pour préserver l’environnement ? ».

Camille Jean a rappellé que la bibliothèque d’Hérouville Saint-Clair avait été sélectionnée en 2019 dans le cadre d’un concours européen pour mettre en place des éco-gestes. Cela a conduit initialement à la création d’un groupe projet « écologie ». Aujourd’hui, une réflexion sur cette thématique est menée par chaque service de l’établissement dans ses domaines d’actions spécifiques.

Un fonds écologie a également été créé et placé dans un mobilier conçu par un scénographe dans l’optique de valoriser les collections « écologie » grâce à une organisation en multisections et multisupports avec une classification Dewey simplifiée. Les partenaires « écologie » de la bibliothèque sont divers, ils proviennent de la communauté professionnelle ou plus largement du territoire 10

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Hérouville ville fertile et le Pimm’s.

. Il existe également des actions mises en place avec les usagers : la grainothèque, la bouturothèque, la créathèque, mais aussi un projet de jardin partagé et de tisanerie.

Pierre Thellier a présenté l’exemple de son précédent poste à la bibliothèque de Bailleul où il a été recruté en 2019. Sa fiche de poste comportait un volet transition écologique et solidaire. L’idée forte de cette médiathèque « quatrième lieu » était de développer un volet d’intelligence collective et solidaire. Il était seul à porter ce projet au sein de l’équipe. En janvier 2020, des temps d’intelligence collective avec les usagers ont été lancés. Pour entamer la discussion, des documents étaient proposés suivant une thématique sur de grandes tables. Ces séances avaient pour objectifs de mettre les gens en relation et de faire de la médiation, tout en étant dans une grande convivialité et une forme de lâcher-prise.

Des fiches « pépites » ont été réalisées avec les phrases entendues lors des ateliers. Le format a été abandonné à la reprise suite aux « différents protocoles Covid », mais des actions autour de la biodiversité et du climat ont continué à être proposées avec l’implication des usagers notamment autour du zéro déchet.

En conclusion, notons qu’il est important de formaliser la thématique et les actions dans le projet d’établissement, d’avoir un collègue référent et de s’appuyer sur les structures locales.

« Comment rendre l’écologie visible au jour le jour ? »

Marion Cazy, chargée de projet écologie du livre et événementiel chez Normandie Livre & Lecture, et Maryon Le Nagard ont animé l’atelier autour de la thématique « Comment rendre l’écologie visible au jour le jour ? ».

Invisibiliser (ou tourner en dérision) la problématique écologique au quotidien pourrait permettre, par effet d’inversion, de mieux prendre conscience des gestes et actions à mettre en œuvre. C’est sur cette réflexion proposée aux participants que s’est ouvert l’atelier. Voici une sélection des actions imaginées :

  • suréquiper les documents ;
  • ne pas éteindre les ordinateurs ;
  • enlever la signalétique responsable ;
  • acheter des livres anti-écolo et climato-sceptique ;
  • enlever les poubelles de tri ;
  • laisser mourir les plantes vertes – n’avoir que des plantes en plastique ;
  • cacher les collections écolo ;
  • ne pas réparer les documents et racheter du neuf ;
  • n’acheter que des livres d’éminentes maisons d’édition et qui sont fabriqués loin ;
  • ne pas sensibiliser les publics ;
  • prévoir des ateliers jetables et n’avoir que des gobelets plastiques pour les distributeurs ;
  • renouveler les ordinateurs le plus souvent possible ;
  • mettre le chauffage à 25 °C et laisser les fenêtres ouvertes ;
  • n’avoir que des emballages individuels pour les moments de convivialité ;
  • mal régler les systèmes d’éclairage automatique ;
  • faire du greenwashing ;
  • avoir des goodies et autres éléments de communication à usage unique.

Maryon Le Nagard a ensuite témoigné de son expérience à la Bibliothèque des Capucins de Rouen 11

. Une grainothèque était présente lors de son arrivée au sein de l’établissement mais elle souffrait d’un problème de localisation. Il a alors été décidé d’un changement de localisation et de la création d’un mobilier plus attractif et plus adapté au service, notamment avec l’ajout d’un mobilier mettant à disposition des documents en lien avec la thématique.

L’arrivée d’une nouvelle directrice sensibilisée à la question de la transition écologique a permis une plus grande considération de la problématique d’un développement durable et a donné une couleur « écolo » à la bibliothèque. Ceci a permis une inscription de la mission « développement durable » dans la fiche de poste de Maryon Le Nagard avec des objectifs annuels. Il devient fondamental qu’elle soit incluse dans les missions des bibliothécaires officiellement. La ville de Rouen a ensuite enclenché une deuxième étape dans le processus de réflexion autour de la thématique en nommant Maryon Le Nagard référente « développement durable » pour le réseau des bibliothèques de la ville.

Un service civique a été recruté dans la foulée, pour huit mois, avec pour mission principale d’être « ambassadeur du développement durable », ce qui témoigne d’un ancrage de la réflexion au sein de la ville.

Le travail en équipe sur le sujet est fondamental pour avoir une approche diversifiée et transversale sur le territoire. Il permet une meilleure mise en valeur des services et de les faire vivre. Des freins et des difficultés demeurent encore aujourd’hui malgré cette volonté forte de la ville de mettre au cœur du réseau des bibliothèques le développement durable. Il faut encore convaincre les collègues de l’importance de la place des bibliothèques dans le domaine et pérenniser la mission de référent « écologie ».

Marion Casy, chargée de mission écologie à Normandie Livre & Lecture 12

a présenté les projets et actions mis en place par l’Agence régionale :

  • élaboration d’une charte pour l’écologie du livre ;
  • réflexion autour d’un label et d’un logo à partir d’un autodiagnostic ;
  • soutenir la « bibliodiversité » locale : le catalogue « à paraître » de la région et les auteurs régionaux édités ailleurs ;
  • une boîte à idées des bibliothèques.

Le second temps de l’atelier a porté sur un débat autour de la question de la couverture en plastique pour les livres en bibliothèque. Un groupe pour, un groupe contre, a permis d’étoffer la réflexion et de fournir aux participants des arguments pour plaider la diminution de cette pratique dans leurs propres établissements.

Voici quelques propositions en faveur de l’abandon de la plastification des documents : nocivité du plastique pour l’environnement et la santé des personnels, impossibilité de recyclage du document, gain de temps, réduction des coûts d’équipement, responsabilisation des usagers sur la nécessité du soin à apporter aux documents empruntés. Pour finir de convaincre les équipes, une solution alternative peut être proposée à la plastification et réside dans le prêt de couverture en tissu au lecteur par exemple.

« Comment agir sur le bâtiment pour rendre notre bibliothèque plus vertueuse ? »

Isabelle Eve, de la bibliothèque de Bretteville-sur-Ay, Oliviera Lajon, de la médiathèque Fontaine-Étoupefour, Gilles Peeters (architecte) et Claire Samassa (architecte), ont animé le dernier atelier de la journée autour de la question « Comment agir sur le bâtiment pour rendre notre bibliothèque plus vertueuse ? ».

Isabelle Eve a évoqué le projet de la ville de rendre les bâtiments municipaux accessibles. En 2015, il y a eu un travail avec le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) 13

pour aménager le centre-ville. En 2017, lors d’un échange avec des élus avec le conseil départemental du Calvados, ils ont appris qu’ils avaient droit au fonds d’investissement global. Le projet de bibliothèque était alors de faire un bâtiment le long de la mairie. Ce projet a évolué ensuite grâce à l’opportunité d’acheter un autre terrain.

Une fois la phase du montage du projet entamé, la ville a travaillé avec un cabinet d’architecte, dont fait partie Gilles Peeters, pour monter le projet. Un des critères était que la médiathèque s’insère dans le village tout en évoquant la mer dans son architecture. En termes de superficie, la bibliothèque est passée de 40 à 117 m2 pour 420 habitants en hiver et 1 200 en été. La nouvelle bibliothèque a bénéficié de subventions à hauteur de 80 % du projet.

L’établissement a ouvert en 2022. Le nombre d’inscrits a été multiplié par trois. L’offre de services et activités a elle aussi bondi. Et, désormais, beaucoup plus de gens rentrent dans la bibliothèque. Un des avantages de la nouvelle construction est le confort thermique en plus de l’augmentation de la superficie, qui peut expliquer une plus grande fréquentation du public. Dans l’ancien bâtiment, la sollicitation des bénévoles était complexe et les usagers se plaignaient du manque de confort, problème qui n’existe plus à présent. L’architecte a su tirer parti des faiblesses de l’ancien lieu pour créer une nouvelle bibliothèque à la hauteur des espérances des élus, bénévoles qui composent l’équipe en charge, ainsi que du public. Elle est désormais de plain-pied, avec une température agréable et intègre un point info numérique très demandé afin de limiter la fracture numérique.

Gilles Peteers a souligné le fait que les élus lui avaient parlé des ambitions et des moyens envisagés pour le projet avec une volonté forte d’utiliser des éco-matériaux, plus vertueux pour ce nouveau bâtiment en cœur de bourg de la Manche. Concrètement, cette demande s’est traduite dans la construction par la présence d’un bardage bois, d’une membrane PVN, d’une charpente bois dont toute l’ossature a été assemblée en atelier ou encore du choix de sol en lino naturel et sans solvant. Autant que possible l’utilisation de « l’aggloméré » a été limitée. L’idée, lors de la phase de réflexion sur les matériaux, était de chercher à composer entre la sécurité et le côté vertueux des matériaux, d’où l’utilisation de la laine de bois dans les murs en 15 mm d’épaisseur pour respecter la norme « effet coupe-feu ». Afin de répondre à la problématique majeure autour du confort, deux axes ont été priorisés : lumière et température. Pour la luminosité, un gros travail a été opéré sur l’orientation de la nouvelle bibliothèque : lumière de l’Est de qualité le matin, création d’un patio protégé par exemple. Sur l’aspect thermique : choix d’un bâtiment sans masse (ossature bois), inerte avec système de chauffage pompe à chaleur air-air. La gestion technique étant contrôlée, le bâtiment atteint rapidement la température voulue.

Suite à la question d’un participant, Claire Samassa a évoqué la problématique de la rénovation d’un bâti existant en répondant que « lorsqu’on parle de réhabilitation, on passe forcément par des points d’amélioration thermique. C’est difficile aujourd’hui d’envisager une amélioration de la performance énergétique sans prévoir des travaux. C’est aussi du bon sens. Si on n’a pas de moyens, c’est système D. Il est difficile voire impossible de faire simple et pas cher pour ce type de projet. Par contre, si c’est une vraie volonté de la tutelle avec un projet de réaménagement, réhabilitation, inévitablement il faut être sur une approche globale et non simplement au coup par coup. Pour faire de réelles économies, il ne suffit pas de changer quatre fenêtres ». La première étape indispensable dans une réhabilitation reste le diagnostic avec un audit fait par un bureau d’œuvre spécialisé, qui va graduer les urgences et les possibilités.

De manière générale, lorsqu’il est question de réaménagement ou d’amélioration dans un bâtiment existant il faut se réinterroger aussi sur le mode de fonctionnement dans le bâtiment. Et notamment penser aux fréquences horaires pour optimiser le confort de tous. Les questions qui se posent sont alors les suivantes : comment chauffer le bâtiment en hiver ? Comment le refroidir en été ? Des solutions simples existent pour cette problématique : mettre des brise-soleil qu’on peut moduler, retirer s’il fait froid ou encore planter un arbre caduc. Il est aussi nécessaire de penser l’utilisation faite de la bibliothèque par les usagers et réfléchir au « zonage de l’espace » en fonction de la présence du public en se demandant s’il est réellement nécessaire d’éclairer tout, tout le temps par exemple.

Des exemples concrets ont ensuite été discutés avec les participants :

  • La médiathèque du Pays de Falaise construite comme une église, avec des verrières. Dans ce cas, il faut envisager des panneaux rayonnants. Si le problème du chauffage est en lien avec une grande hauteur sous plafond alors il faut identifier les différents espaces du type « bébés, ados… » et faire des zones, des « boîtes » qui permettent de ne pas toucher à l’armature mais de créer des alcôves à la fois confortables pour l’usager et source d’économie sur la consommation globale du bâtiment.
  • La médiathèque de Fontaine-Étoupefour 14 a fêté ses 10 ans en 2022 et a souhaité pour cette occasion faire des rénovations du bâtiment. Ne disposant pas de grands moyens, le but a été d’optimiser les rénovations tout en inscrivant la bibliothèque dans la transition écologique : pose de rideaux noirs multi-usages pour renvoyer la chaleur, peinture claire pour gagner en luminosité l’hiver. C’est aussi l’occasion d’inscrire l’établissement dans une démarche d’accueil des comportements vertueux, dans la mobilité durable notamment. C’est pourquoi le bâtiment offre désormais des emplacements du type « trottibox », parc vélo, etc.

En conclusion, notons qu’il est possible, même sans grands moyens, d’amorcer une démarche durable et respectueuse de l’environnement en favorisant le réemploi : cagettes customisées pour la présentation des espaces presse (médiathèque de Fontaine-Étoupefour), utilisation de mobilier revalorisé moins coûteux que ceux habituellement proposés en bibliothèque (médiathèque de Bretteville-l’Orgueilleuse).