Bibcamp 2014 par l’ADBU
6 juin 2014 – NUMA, Paris
Le 6 juin dernier, l’ADBU organisait pour la première fois un Bibcamp sur le thème du numérique. Ce fut l’occasion pour des personnes travaillant principalement dans des SCD (bibliothécaires, conservateurs, ingénieurs d’études…) ou avec eux (Abes) de se retrouver pour aborder ce thème sous divers aspects (les services proposés aux publics ou en interne, les outils utilisés, les personnes qui s’en occupent et leur place au sein du SCD). Le NUMA, où se tenait le Bibcamp, se prêtait particulièrement bien à l’événement : un espace ouvert avec du wifi et suffisamment de place pour accueillir les 95 personnes venues pour l’occasion.
Ce Bibcamp débuta par une brève introduction de Grégory Miura, directeur adjoint du SCD de Bordeaux 3 et responsable de la commission Signalement et système d’information, nous invitant à laisser libre cours à notre envie pour proposer des thématiques abordées dans la journée au sein d’ateliers.
Ces ateliers ont d’ailleurs été le seul aspect frustrant de cet événement : la journée était découpée en trois rounds durant lesquels se sont tenus simultanément cinq ou six ateliers en fonction des sujets proposés. Chacun devait donc choisir l’atelier qui l’intéressait le plus lors de chaque round.
Bibnum et DSI
Le questionnement initial était : est-ce que la DSI et le service « informatique » (peu importe la dénomination exacte) d’un SCD sont deux services à collaboration ponctuelle ? Est-ce que la présence d’un développeur en SCD est justifiée ? ou la présence d’un bibliothécaire en DSI ?
Le débat s’est rapidement orienté vers la présence d’un informaticien en SCD. Assez tôt dans les discussions, il est apparu que la présence d’un bibliothécaire au sein d’une DSI serait assez complexe. Quelles seraient ses attributions ? Quelles compétences d’un bibliothécaire pourraient être utilisées au sein d’une DSI ? Il s’agissait de questions théoriques, cette hypothèse n’ayant jamais été mise en pratique, à la connaissance des personnes présentes. A contrario, il est apparu plus simple d’intégrer un informaticien au sein d’un SCD. C’est le cas notamment au sein du SICD de Toulouse. L’informaticien possède des compétences utiles au sein des BU. Le plus difficile pour lui est de comprendre le monde des bibliothèques avec ses enjeux, ses spécificités (le catalogage et l’UNIMARC par exemple). C’est un atout appréciable au sein d’un SCD habitué à voir certains membres de leur personnel se former à certaines notions d’informatiques nécessaires à l’utilisation de leurs outils (SIGB, CMS…). Cela permet également à l’informaticien d’acquérir des compétences propres au monde des bibliothèques, comme celles du web sémantique. Des écueils sont tout de même à éviter. Le premier se situe au niveau du pôle regroupant les fonctions informatiques (administration et gestion de matériels et logiciels utilisés uniquement au sein du SCD comme le SIGB, l’outil de découverte, des tablettes avec d’éventuelles applications…). Avec un tel regroupement de compétences, il y a un risque pour que ce pôle se retrouve à faire tout ce qui concerne le numérique de près ou de loin sans que le reste du SCD ne s’approprie réellement ces outils. Il a bien entendu un rôle à jouer dans le cadre de formations internes ou de problèmes d’utilisation par exemple. Cependant, il est également important que le reste du SCD prenne en main les outils (logiciels ou matériels) proposés aux différents publics sous peine de solliciter un pôle « Bibnum » sur des questions auxquelles un agent « non Bibnum » pourrait répondre.
D’autres questions à envisager se situent au niveau de l’informaticien lui-même : quel avenir peut-il envisager au sein de la bibliothèque ? Est-ce qu’il lui sera possible de réellement évoluer ou sera-t-il cantonné à un rôle de « technicien » ? Au niveau des ressources humaines, les ITRF sont un peu à part quand ils sont présents au sein d’un SCD. De plus, il est plus facile à l’université de les réaffecter ailleurs que dans la filière bibliothèque. Au-delà du SCD, si l’informaticien souhaite un jour ressortir du monde des bibliothèques, est-ce que cela lui sera réellement possible ? Même si les compétences d’un informaticien intéressent les bibliothèques, le service informatique d’une université et la BU ont des besoins et des missions différentes. Au sein du premier, l’informaticien s’occupera de réseaux informatiques, de serveurs, d’annuaire LDAP, de scripts, d’installation et de maintenance de matériel. Au sein du second, il sera en charge des solutions utilisées par la BU ainsi qu’éventuellement des serveurs les hébergeant. Si, après un passage au sein d’une BU, il souhaite repartir vers son service « d’origine », il n’est pas sûr que l’informaticien ait encore les compétences car il ne suivait plus l’évolution des technologies pendant le temps passé à la BU. Il y a des nuances à apporter cependant : les technologies utilisées en bibliothèque ne sont plus forcément des technologies qui leur sont propres. Il est maintenant courant d’avoir un site web propre à la BU. À l’Abes par exemple, il y a actuellement 20 informaticiens ayant des projets communs et des métiers proches des bibliothécaires, qui sont eux aussi proches de l’info (XSLT…). À la BCU, l’équipe a réussi à se trouver un langage commun pour communiquer.
Le numérique est de plus en plus répandu. Tout le personnel du SCD ne devrait-il pas faire partie du pôle « Bibnum » en quelque sorte ? On peut également se poser la question des relations avec la DSI et/ou les TICE. Un des enjeux des SCD dans l’avenir est donc de faire évoluer ses missions dans un environnement numérique. La difficulté est d’éviter que la technique et le support ne déterminent l’organisation et les missions mais plutôt de se concentrer sur le contenu. Le numérique, en SCD tout du moins, doit être une construction commune entre bibliothécaires et informaticiens (d’un même service ou non). La présence d’informaticiens en BU est un atout. Ils doivent cependant avoir une fonction de formateurs pour diffuser les connaissances informatiques auprès des collègues pour une réelle appropriation de ces derniers.
Salon de lecture numérique
Pour ce deuxième atelier, la première chose a été de se mettre d’accord sur ce que l’on entendait par « salon de lecture numérique ». Les différents participants sont rapidement tombés d’accord sur un espace proposant des contenus numériques avec éventuellement présence de supports de type liseuse ou tablette. Plusieurs établissements proposant ce type de service ont ensuite décrit ce qu’ils proposaient :
- L’Enssib propose un salon numérique avec un mobilier qui a été construit sur mesure. Une personne est chargée de la maintenance de ce salon, mais tous les collègues (14) effectuant du service public ont été formés. Une évolution du service vers le prêt de liseuse est envisagée.
- À la BCU (Clermont-Ferrand), ce type de salon a été mis en place au niveau de la bibliothèque de droit dans le but de faire de la valorisation.
- À la BU d’Angers, il y a eu deux tentatives. La première date de 2007 avec l’expérimentation du prêt de 20 liseuses à l’initiative de la Bibnum. Le lancement du service s’est bien passé mais il y a rapidement eu un tassement car les collègues n’ont pas pris le relais. La seconde date de 2013 avec une relance du projet par des collègues « simples bibliothécaires » avec un nouveau parc. Ce sont deux collègues du SCD qui gèrent l’ensemble du projet, la Bibnum ne servant que de conseil et support.
À ce niveau des échanges, la question du prêt ou de la simple mise à disposition du matériel a été posée. Certaines personnes se sont demandées s’il ne fallait pas s’affranchir du support pour mettre plutôt l’accent sur le contenu. La maintenance des matériels mis à disposition est assez chronophage et les matériels eux-mêmes sont rapidement « périmés ». Il a été abordé le principe des Bibliobox conjugués à l’utilisation du logiciel Calibre. Les Bibliobox ont le même principe que les PirateBox. Il s’agit d’une petite boîte qui coûte 40 euros et qu’il est possible de charger avec une simple clé USB. Elle diffuse un réseau hotspot wifi qui permet de diffuser des contenus aux machines qui s’y connectent. Le logiciel Calibre est un logiciel gratuit permettant de gérer des bibliothèques virtuelles d’e-books. La question s’est donc posée de savoir si ce n’était pas une alternative pour proposer des contenus, sans DRM, à nos publics afin de valoriser nos collections. L’atelier s’est conclu sur cette question ouverte, n’attendant qu’une réponse après expérimentation dans des bibliothèques.
Le numérique dans l’organigramme
Le dernier atelier suivi portait sur la place du numérique dans l’organigramme. La remarque initiale était : a-t-on un département Électricité parce que nous utilisons de l’électricité ? Là encore, plusieurs établissements ont partagé leur point de vue pour permettre un échange d’idées :
- À Lyon 3, la problématique est, pour la responsable de la documentation électronique, de sensibiliser et de communiquer auprès des acquéreurs regroupés au sein du département des collections.
- À Paris 5, il y a une réflexion sur la mise en place d’un service numérique servant de support aux autres services.
- À Sciences Po, un ingénieur pédagogique a été recruté mais la BU n’a plus aucune compétence pédagogique reconnue.
Les échanges, au début orientés sur la documentation électronique, ont été élargis quand il a été signalé que ce n’était pas que les ressources mais également les outils. Qui s’occupe de quoi ? Les abonnements/acquisitions sont gérés par quel pôle ? de quelle manière ? Comment interviennent les membres du personnel qui administrent les outils ? Ces questions se posent dans l’organigramme des SCD quand il est question de numérique. Il est facile de confondre contenu et contenant mais les deux doivent faire l’objet d’une attention distincte :
- Le contenu concerne la gestion des collections. Des statistiques doivent donc être utilisées pour mettre en relief son utilisation. C’est encore insuffisamment le cas. Au niveau de l’université, le rôle de la BU concernant le numérique est encore trop souvent sous-estimé. Le VP numérique peut être une solution pour faire prendre connaissance des collections gérées par la bibliothèque.
- Le contenant relève de la technique, qu’il s’agisse du SIGB, de l’outil de découverte. Le pôle qui gère les outils doit être transversal, les projets qu’il développe doivent être diffusés.
Pour conclure les échanges, la question de la formation des agents au numérique s’est posée. C’est à l’heure actuelle un frein à la prise en main par le personnel des SCD du numérique car il y a une culture de formation en bibliothèque antérieure à l’appropriation de ce nouvel outil. L’autoformation est sous-utilisée, notamment dans ce cas. Le risque est de faire apparaître des SCD fonctionnant à deux vitesses avec, d’une part, le personnel maîtrisant le numérique et, d’autre part, le reste du personnel.
Le Bibcamp s’est vu conclure par l’intervention de Grégory Miura et Stéphane Potelle, directeur exécutif de l’ADBU. Christophe Pérales, président de l’association, est également intervenu. Tous ont souhaité que cette expérience se renouvelle à l’avenir afin de permettre un meilleur échange au sein de la profession.