Assises de la formation en bibliothèque territoriale
Paris – 30 novembre 2021
Troisième volet du plan Bibliothèques lancé par le ministère de la Culture en 2018 après « Ouvrir plus » et « Offrir plus », les Assises de la formation en bibliothèque territoriale se sont tenues le 30 novembre 2021 à la Bibliothèque publique d’information (Bpi), à Paris. Cette rencontre lançait officiellement le chantier de rénovation de la formation des personnels des équipements de lecture publique territoriaux.
La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin, n’avait pas pu faire le déplacement mais s’est adressée aux participants de la journée par une vidéo enregistrée. Dans son discours, elle a rappelé les mesures prises par le gouvernement en faveur de la lecture publique et les aides financières en direction des bibliothèques. Elle a, notamment, évoqué deux mesures qui vont bénéficier aux bibliothèques dans le cadre du plan gouvernemental France Relance : 10 millions consacrés aux acquisitions de livres et l’accompagnement pour le recrutement de conseillers numériques. Après avoir souligné que les bibliothèques sont « un bien commun de notre démocratie, des lieux de culture et des passerelles entre le passé et le futur », elle a formulé l’objectif que « la formation s’adapte à la transformation des usages et des établissements, et permette de faire évoluer les personnels vers les compétences dont les bibliothèques auront besoin demain ».
Un rapport annuel sur les métiers des bibliothèques à partir de 2022
Raphaële Gilbert, chargée de mission Évolution des métiers à la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture et coordinatrice des Assises, a dressé le cadre général en fournissant quelques chiffres sur l’emploi et la formation (voir encadré). Elle a annoncé l’objectif de produire à partir de 2022 un rapport annuel des métiers des bibliothèques en croisant les données de l’Observatoire de la lecture publique du ministère de la Culture et celles de l’Observatoire du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Elle a également présenté la première mouture d’un référentiel des compétences, résultat de la réflexion du groupe de travail constitué pour la préparation des Assises qui rassemble l’ensemble des partenaires (CNFPT, professionnels, élus, acteurs de la formation). « C’est un outil commun structurant qui pourra aider les organismes de formation à bâtir leur offre et aider les professionnels sur le terrain à déterminer les besoins en compétences de leurs équipes », a précisé Raphaële Gilbert.
Le référentiel liste 10 grands domaines de compétences :
- pilotage stratégique, relation aux élus et à l’administration, connaissance de l’environnement administratif et politique de la fonction publique territoriale ;
- administratif et juridique ;
- management, organisation du travail, accompagnement au changement ;
- connaissance des territoires, des publics et des partenariats ;
- construction, aménagement, gestion des espaces ;
- citoyenneté et information : formation à l’esprit critique, éducation aux médias et à l’information ;
- patrimoine ;
- collections : politique documentaire, signalement, médiation ;
- services : accueil, programmation culturelle, communication, formation des publics ;
- enjeux transversaux à tous les domaines de compétences : numérique, développement durable, accessibilité.
Le référentiel a été bien accueilli par les participants de la table ronde. « Il correspond à notre vision des actions à conduire », a indiqué Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand et président de Clermont Auvergne Métropole, coprésident de la Commission culture de France urbaine, qui participait en visioconférence. « Cependant, il ne faudrait pas que cela devienne une table de la loi, il faut une approche territorialisée, qui reste assez souple pour évoluer en fonction des réalités de terrain. » Isabelle Piot, vice-présidente de la Fédération nationale des associations de directeurs des affaires culturelles des collectivités territoriales (FNADAC), a salué un outil qui pourrait être commun aux organismes de formation, aux élus et aux bibliothécaires. Elle a en revanche mis en garde sur l’impossibilité de réunir toutes ces compétences : « il faut que le projet d’établissement de la bibliothèque s’inscrive dans la politique culturelle de la collectivité qui, elle-même, s’articule avec la politique globale du territoire afin de garder un axe à l’action et ne pas se perdre en essayant de tout faire ». Franck Périnet, directeur du CNFPT, a, quant à lui, souligné que les compétences ne doivent pas faire oublier les statuts et le cadre d’emploi. « Le questionnement sur la transformation des métiers n’est pas spécifique aux bibliothécaires », a indiqué Franck Périnet. « Je crois au noyau dur de l’identité professionnelle mais il y a un enjeu pour vous à travailler de manière transversale. Votre rôle est devenu politique. »
Mieux communiquer sur les métiers des bibliothèques
La table ronde consacrée à la question « Comment faciliter l’entrée dans les métiers des bibliothèques ? » a fait apparaître la nécessité d’une plus grande lisibilité des concours et une meilleure articulation entre formation initiale et formation continue. Pierre-Yves Cachard, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, a émis le souhait que soient élargis les diplômes requis pour l’accès aux concours et qu’il y ait une concertation entre les organisateurs pour que les différents concours ne soient pas programmés aux mêmes dates. Corinne de Thoury, maître de conférences à l’IUT de Bordeaux Montaigne et responsable de la licence professionnelle Métiers du livre, parcours bibliothécaire, a présenté le nouveau diplôme de son établissement, baptisé Bachelor universitaire de technologie (BUT), bâti sur une approche par compétences et qui prévoit plus d’interactions entre les élèves, les enseignants et le monde professionnel. Marc Martinez, président de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU) a fait le souhait d’un répertoire des concours national et interministériel. Malik Diallo, président de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques municipales et groupements intercommunaux des villes de France (ADBGV), et directeur des bibliothèques municipales de Rennes et de la bibliothèque des Champs libres de Rennes Métropole, a de son côté souligné l’importance de plus communiquer sur les métiers des bibliothèques auprès des écoles et du grand public. Il a évoqué l’initiative menée à Rennes où les bibliothécaires accueillent des jeunes de manière individualisée pour leur parler de leur métier.
Faire coopérer les acteurs de la formation à l’échelle régionale
Lors de la session « Quels outils et quelles coopérations pour une formation adaptée à différents publics ? », Nathalie Scorianz, directrice adjointe chargée des formations à l’Institut national spécialisé d’études territoriales (INSET) de Nancy, a pointé les principaux freins à la formation : le coût, les managers réticents à laisser partir leurs agents et, depuis le développement des formations à distance pendant la crise sanitaire, des freins technologiques (disposer d’un ordinateur et maîtriser les applications nécessaires). Marion Druart, responsable de la commission Formation de l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD), a souligné que la mission de formation des bibliothèques départementales auprès de leurs réseaux s’exerçait désormais non plus de manière descendante mais dans un esprit collaboratif et d’échanges d’expériences. L’ABD a actualisé en 2019 le référentiel de la formation initiale utilisé par les bibliothèques départementales pour bâtir leur offre de formation en l’organisant autour de quatre rubriques : accueil, services, collections et animations.
L’expérience de coopération de tous les acteurs de la formation mise en place depuis 25 ans en région Bretagne est apparue comme un modèle à suivre. Tous les partenaires – Association des bibliothécaires de France (ABF), bibliothèques départementales, CNFPT, Centre régional de formation aux carrières des bibliothèques (CRFCB), plusieurs bibliothèques municipales – se réunissent chaque année en juin pour analyser ensemble les réponses au questionnaire envoyé au préalable aux bibliothèques de la région afin d’identifier leurs besoins en formation, en tirer les grandes tendances et élaborer leurs programmes de formation à partir de ces données. En novembre est publié un catalogue régional qui rassemble l’ensemble de l’offre de tous les partenaires, formation initiale, formation continue, préparation aux concours. La prise en charge de l’animation du réseau des partenaires par l’agence régionale Livre et lecture en Bretagne a été identifiée comme un facteur essentiel de la réussite de la collaboration. La limite est l’absence de conventionnement, comme c’est le cas actuellement, qui fait reposer la participation sur la bonne volonté de chaque organisme.
Les 10 engagements du ministère de la Culture
En clôture de la journée, Jérôme Belmon, chef du département des bibliothèques à la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, a présenté les 10 engagements du ministère pour la formation des bibliothécaires :
- fixer un rendez-vous annuel sur la formation ;
- poursuivre le travail de concertation initié avec tous les partenaires pour la préparation des Assises et y associer la Fédération nationale des associations de directeurs des affaires culturelles des collectivités territoriales ;
- publier chaque année un état des lieux des personnels et de la formation ;
- poursuivre le travail sur le référentiel des compétences ;
- favoriser une meilleure coopération à l’échelle régionale sur le modèle breton et y inclure les organismes de formation initiale ;
- faire évoluer les concours pour élargir le vivier des candidats et mieux coordonner les concours de la fonction publique d’État les ceux de la fonction publique territoriale ;
- améliorer la formation post-recrutement en développant une offre hybride entre présentiel et distanciel ;
- ouvrir un chantier spécifique pour l’Outre-mer adapté aux réalités de ces territoires ;
- élaborer une formation de base au format hybride dont Callisto, plateforme de formation et d’autoformation aux métiers de la documentation constitue une première ébauche ;
- développer la formation en alternance.
Les chiffres clés de l’emploi dans les bibliothèques territoriales
Ces statistiques, portant sur 2018, sont issues des données de l’Observatoire de la lecture publique du ministère de la Culture et de l’Observatoire du CNFPT.
Les personnels
• 83 % des personnes qui travaillent en bibliothèque sont positionnées sur un grade de catégorie B ou C : un tiers des personnes pour la catégorie B et la moitié en catégorie C ;
tendance à la baisse du nombre de catégorie A (plus marquée pour les conservateurs) ;
• 12 % de contractuels environ ;
• 22 % des personnes travaillant en bibliothèque n’appartiennent pas à la filière culturelle : 11 % sont issus de la filière administrative, 5 % de la filière technique et 3 % de la filière animation.
Les métiers (selon la typologie du CNFPT)
• directeurs de bibliothèques : un tiers est en catégorie A (dont 7 % de conservateurs, 20 % de bibliothécaires), environ 40 % en B et 25 % en C ;
• bibliothécaires : 13 % ont un cadre d’emploi de bibliothécaire, presque la moitié sont assistants de conservation et presque un tiers sont adjoints du patrimoine ;
• chargés d’accueil : les trois quarts appartiennent à la filière culturelle, 87 % sont en catégorie C.
La formation (selon les données collectées par l’Observatoire de la lecture publique)
• 28 % des bibliothèques ont été formées en 2018 (selon les déclarations des bibliothèques auprès de l’Observatoire de la lecture publique mais on ne sait pas si les journées d’étude sont incluses) ;
• 483 000 heures de formation en 2018 ;
• les bibliothèques départementales sont celles qui forment le plus d’agents (64 %) mais le nombre d’heures par agent formé est 4 fois plus faible qu’en bibliothèque municipale et intercommunale ;
• en bibliothèque municipale ou intercommunale : 28 % d’agents formés, soit 14 heures en moyenne rapportées à toute l’équipe, 21 heures rapportées au nombre d’agents réellement formés ;
• les bibliothèques qui accèdent le moins à la formation sont celles comptant entre 5 et 24 agents, tandis que les bibliothèques comptant moins de 5 agents se situent dans la moyenne ;
les bibliothèques comptant 50 à 99 agents ont formé une très large part de leurs effectifs : 61 % ;
• les bibliothèques de plus de 100 agents se distinguent par le nombre d’heures par agent formé : 37 ;
• les 4 500 bibliothèques qui n’ont pas bénéficié de formation en 2018 sont de très petites bibliothèques (1/2 équivalent temps plein salarié, 5 bénévoles en moyenne), dans de très petites collectivités (1 400 habitants en moyenne).