Concevoir et fabriquer un livre, une entreprise collégiale autour de quelques éditions savantes
La journée d’études sur le livre lyonnais au XVIe siècle organisée par la bibliothèque Denis-Diderot en mai 2009 a eu lieu dans un contexte d’activité intense dans le domaine à Lyon. Un vaste projet de bibliographie rétrospective des livres publiés à Lyon entre 1501 et 1600 a été lancé depuis 2007 par l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques 1 ; des travaux sont en cours d’achèvement sur les préfaces des imprimeurs Jean de Tournes et Sébastien Gryphe 2 ; un colloque consacré à l’écrivain et imprimeur Étienne Dolet a eu lieu à la fin de l’année 2009 3. Ces recherches sont réunies dans le programme Biblyon 4. Ces projets, en particulier les projets bibliographiques et catalographiques, permettent aux bibliothécaires et aux chercheurs spécialistes de l’histoire de la littérature, de l’histoire du livre ou de l’art de s’interroger sur les objectifs et les apports de ces travaux ainsi que sur les publics qu’ils pourront trouver. Ces questions se posent au bibliothécaire comme au chercheur, y répondre est indispensable avant de les mettre en œuvre. La première étape, pour ce faire, est de réunir les chercheurs de diverses disciplines : c’est ce qu’a réussi cette journée.
Au début de l’époque moderne, la fabrication d’un livre se fait par étapes, comme l’a fort bien exposé Jeanne Veyrin-Forrer il y a déjà longtemps 5. Elle a décrit en effet ce qui se passe dans l’atelier de l’imprimeur à partir du moment où on commence à imprimer un livre : premières épreuves, corrections, secondes épreuves, états... La connaissance et la compréhension de ces étapes sont indispensables ; ce sont elles qui expliquent que la description d’un livre ancien, lorsqu’elle est menée à bien dans l’objectif de décrire au plus près ce à quoi ressemblait le livre au moment de sa sortie des presses, exige la consultation de plusieurs exemplaires. On peut ainsi voir et savoir si un livre a fait l’objet de corrections en cours d’impression.
L’article de Jeanne Veyrin-Forrer mettait en lumière le fait que la fabrication d’un livre est un travail d’équipe. Mais ce travail d’équipe concerne parfois tout le processus, y compris la préparation scientifique et la rédaction du livre. Toutefois la situation idéale, celle du livre neuf préparé par une équipe efficace et spécialisée, n’est pas la plus courante ; la masse des livres publiés à cette époque à Lyon, dans le domaine de l’édition et de l’étude de l’Antiquité classique, compte nombre de rééditions et réimpressions, ainsi que des recueils réunissant en un seul livre l’essentiel du contenu de plusieurs livres. Les domaines, les choix, les traductions sont différents d’une ville à l’autre. Nous en verrons quelques exemples à propos d’éditions d’auteurs antiques ou de livres consacrés à l’Antiquité imprimés au cours du XVIe siècle à Lyon, ville qui, rappelons-le, n’avait pas à cette époque d’université.
L’invention de l’imprimerie n’a pas entraîné une modification immédiate des méthodes de travail 6 ; elle a précédé de cinquante ans l’évolution de la philologie. C’est au XVIe siècle seulement que les humanistes, c’est-à-dire, de l’italien umanista, les spécialistes des belles-lettres, qui enseignent les langues latine et grecque et prennent en charge la préparation de l’édition des auteurs anciens, modifient leur façon de travailler, d’éditer les textes de l’Antiquité 7. Les premières éditions des auteurs anciens en effet, les editiones principes, sont intellectuellement conçues comme le serait un manuscrit : il s’agit simplement de reproduire le texte à partir d’un manuscrit dont on dispose, généralement une copie récente 8. Dans un premier temps c’est sans grande importance, puisque les premiers livres humanistes ne sont pas édités à l’usage des savants.
Très tôt, certains imprimeurs s’efforcent d’imprimer tous les auteurs anciens. Et si les premiers livres imprimés par Alde Manuce à Venise ne sont parfois que la copie d’un manuscrit, très vite ce dernier, qui a l’ambition d’éditer tous les textes de l’Antiquité grecque, sait s’entourer d’érudits venus de l’empire byzantin pour mener à bien la préparation d’éditions les plus correctes possibles 9. Mais ces érudits ne savent pas encore étudier différents manuscrits d’un texte pour en déterminer la valeur ou du moins, ils le font de manière imparfaite. À cette époque, les qualificatifs utilisés pour désigner les manuscrits restent assez simples, et l’on se rend compte que pendant longtemps, le vetustissimus codex, le manuscrit le plus ancien que l’on ait pu trouver, est considéré comme le modèle à recopier 10. En revanche, dès la deuxième moitié du XVe siècle, les discussions entre humanistes vont bon train pour savoir comment établir un texte le plus correct possible lorsqu’on éprouve des difficultés de lecture (il arrive en effet que les manuscrits transmettent un texte incompréhensible ou qui semble faux) : faut-il privilégier la correctio ope codicis, la correction qui se fonde sur ce que l’on lit dans le manuscrit, ou la correctio ope ingenii, la correction que l’on peut faire soi-même à partir de sa propre connaissance de la langue utilisée par l’auteur en particulier 11 ?
C’est dans les années 1520 seulement que commence à se mettre en place un modèle d’établissement des textes basé sur la comparaison des témoins disponibles ; c’est toutefois bien plus tard que s’organisent de manière scientifique l’étude des manuscrits, des familles de manuscrits, la reconstruction de la tradition des textes dans les siècles qui suivirent la fin de l’Antiquité : à partir de la fin du XVIIe siècle et des travaux de Richard Bentley et plus encore au XIXe siècle avec Karl Lachmann 12. Une partie des livres lyonnais conservés par la Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL), édités pendant les années 1530-1540, se situent donc dans cette période d’activité intense d’éditions nouvelles, souvent bien meilleures que celles qui ont précédé. D’autres livres, datant des années 1585, offrent un tableau de la situation éditoriale à la fin du siècle d’or de l’imprimerie lyonnaise dans le domaine des œuvres classiques.
Cicéron 13
Au XVIe siècle, les humanistes s’attachent donc à éditer les auteurs antiques le mieux possible, que ce soit à partir de manuscrits ou à partir des corrections qu’ils pensent devoir être apportées au texte, sans toutefois disposer de méthodes scientifiques leur permettant de juger de la qualité réelle d’un témoin de la tradition. C’est ce qui explique en partie le très grand nombre d’éditions de Cicéron mises en circulation par les imprimeurs, à Lyon en particulier. Cicéron reste l’auteur latin le plus lu à cette période, que ce soit dans les écoles ou par les meilleurs latinistes. Ces derniers font bien davantage que simplement lire les œuvres de Cicéron : ils aiment aussi à comparer des éditions concurrentes, dans lesquelles les humanistes ont fait des choix de texte à partir des manuscrits qu’ils ont trouvés et des corrections qu’ils font sur des passages corrompus. Les éditions divergentes peuvent même parfois donner lieu à des disputes violentes : Lyon a été le théâtre de l’une d’entre elles, qui a opposé deux humanistes italiens mais s’est traduite par des éditions lyonnaises 14.
Les humanistes n’ont donc pas de difficulté à publier leurs éditions et leurs commentaires de Cicéron, car les imprimeurs y voient leur intérêt : ils éditent et rééditent les textes, séparément ou en recueil. Ne nous étonnons pas non plus de trouver des livres réédités pendant quarante ou cinquante ans, car la réputation établie d’un humaniste assure à ses livres un statut d’édition de référence, qu’il faut posséder et utiliser. Les pratiques n’ont pas changé aujourd’hui : il existe en effet plusieurs collections de référence pour l’édition des auteurs antiques, qui proposent parfois des éditions établies il y a plus de quatre-vingts ans, alors que nos connaissances, et surtout notre façon d’envisager le travail d’étude des manuscrits anciens et d’édition des textes, ont beaucoup évolué depuis le début du XXe siècle.
Prenons l’exemple de Lyon, et plus précisément de la collection de la BDL. Regardons quelques livres de Cicéron, une infime partie des nombreuses éditions publiées à Lyon pendant tout le siècle.
Antoine Gryphe
Antoine, le fils de Sébastien Gryphe, est actif comme imprimeur à Lyon de 1565 à 1599. La bibliothèque conserve deux de ses livres, imprimés en 1585. Antoine Gryphe continue la stratégie éditoriale mise en place par son père : éditer et rééditer aussi souvent que nécessaire les éditions des classiques latins – et tout particulièrement de Cicéron – préparées par des humanistes différents. L’étude détaillée du catalogue des éditions Gryphe montre que la librairie, où se vendaient les livres édités récemment par l’imprimerie familiale mais aussi les livres plus anciens qui étaient encore disponibles, proposait nécessairement en même temps plusieurs éditions différentes du même texte : on l’observe chez Sébastien Gryphe année après année au milieu des années 1530, qu’en est-il cinquante ans plus tard ? Quelles éditions de Cicéron publie Antoine Gryphe au milieu des années 1580 ?
Tout d’abord, il est nécessaire de préciser qu’en l’absence de vérifications et de comparaisons, il est impossible de savoir si des livres sont fréquemment réédités car les tirages se vendent rapidement, ou si au contraire, un livre qui tarde à se vendre est remis en vente avec une nouvelle page de titre, et si la pratique de la réémission, consistant à vendre un livre imprimé une ou plusieurs années auparavant en l’accompagnant d’une nouvelle page de titre, était couramment utilisée pour ces Cicéron.
Gryphe a mis en vente en 1582 les discours de Cicéron en trois volumes in-16. L’année suivante, en 1583, sa production tout entière se limite à sept ouvrages, parmi lesquels on compte deux Cicéron : les Lettres familières et le De consolatione. Les Lettres familières sont une réédition : elles reprennent l’édition de 1558, établie par l’imprimeur humaniste italien Paul Manuce, un des meilleurs spécialistes de Cicéron du temps. Quant au De consolatione, il ressort l’année suivante, en 1584, dans la même version, avec un volume de fragments alors attribués à Cicéron, édités pour la première fois par l’Italien Carlo Sigonio cette année-là : il s’agit donc d’une nouveauté éditoriale.
En 1585, Antoine Gryphe édite beaucoup de Cicéron. Pour connaître sa production, nous ne disposons pas encore du volume de la Bibliotheca bibliographica Aureliana ; nous utilisons donc la Bibliographie lyonnaise d’Henri Baudrier, déjà ancienne, qui, même complétée par les informations que peuvent nous donner les catalogues de bibliothèques, ne facilite pas la réflexion sur les deux livres de cet imprimeur-libraire conservés par la BDL 15.
La liste des Cicéron gryphiens de 1585 est bien longue : pas moins de deux ensembles des œuvres complètes, et une traduction française. On y trouve en premier lieu la réédition en quatre volumes des œuvres complètes de Cicéron qui avaient été préparées par l’humaniste Denys Lambin, professeur au Collège des lecteurs royaux. Il s’agit de quatre volumes in-2, fidèles à la tradition déjà ancienne de l’édition régulière de Cicéron dans ce format. L’épître dédicatoire qui l’accompagne date de 1566, année de la première édition. Denys Lambin, né en 1520, est connu surtout pour son édition d’Horace de 1561, qui lui ouvrit la porte du Collège des lecteurs royaux. Ses éditions de classiques sont régulièrement rééditées à Lyon à cette époque. La version Lambin de Cicéron est manifestement un livre à usage des écoles ou des professeurs ayant besoin d’aide dans la lecture du latin : le titre indique en effet qu’on a mis en marge les références au Thesaurus de Nizolius, ouvrage destiné à aider à l’apprentissage de la langue latine sur lequel on reviendra plus loin. Cela peut paraître surprenant car il s’agit d’une édition in-2, moins maniable que les éditions séparées des œuvres de Cicéron proposées au même moment chez Gryphe, généralement in-8 ou même in-16. Le lourd volume in-2 est peu compatible avec un transport fréquent pour se déplacer dans les salles de cours.
Cette édition du corpus cicéronien tout entier ne suffit pas : elle est accompagnée de plusieurs éditions partielles, toutes sorties pendant la même année 1585. Tout d’abord, nous trouvons deux volumes in-8, les traités sur l’art oratoire et les Lettres familières. Ensuite Antoine Gryphe imprime, dans le petit format in-16 qui est devenu la marque de fabrique familiale, les œuvres complètes de Cicéron, en douze volumes, à partir d’éditions dépareillées :
- les traités sur l’art oratoire, à partir des éditions de Piero Vettori de 1537 et de Paul Manuce (3 volumes), dont la page de titre du premier volume s’annonce comme titre général de l’ensemble des douze volumes ;
- le De inventione accompagné de la Rhétorique à Herrenius (2 vol.), toujours à partir des éditions de Piero Vettori et Paul Manuce ;
- les œuvres philosophiques, à partir de l’édition de Piero Vettori (1537) et du travail de Giovanmichele Bruto, Italien qui avait séjourné à Lyon en 1562 (3 volumes) 16 ;
- les discours (3 vol.) ;
- les Lettres à Atticus, Brutus et Quintus (1 vol.).
Il semble ne manquer à cet ensemble que les Lettres familières, publiées la même année mais au format in-8. Ce volume in-16 a peut-être existé, car Baudrier en donnait une notice à partir d’un catalogue de libraire. Mais il ne décrivait pas l’édition in-8, connue aujourd’hui en un seul exemplaire : on en conclut qu’il s’agit d’une erreur de Baudrier, copiant une description de seconde main qui aurait indiqué à tort l’ouvrage comme publié in-8, mais il est fort possible que le livre ait paru sous les deux formats 17.
S’ajoutent encore à l’ensemble les Lettres familières dans la traduction française d’Étienne Dolet et François de Belleforest (dont la première édition date de 1542).
Si l’on complète cette liste avec celle des livres sortis en 1583 et 1584, on imagine qu’un client venant dans la librairie à la fin de l’année 1585 avait un large choix s’il voulait lire ou étudier Cicéron. On note le nombre élevé d’éditions des traités sur l’art oratoire, soit en ensembles complets, soit en volumes séparés.
De tout cet ensemble cicéronien publié en 1585 la BDL conserve deux volumes. La page de titre du premier de ces livres le présente comme faisant partie des œuvres complètes de Cicéron (fig. 1).
Le texte, nous annonce le titre, en a été établi à partir du travail de « très nombreux hommes très savants », au rang desquels seuls sont cités Piero Vettori et Paul Manuce. Le titre annonce aussi qu’il est accompagné des commentaires de ces mêmes hommes. Ceux-ci ont été réunis par Sébastien Gryphe cinquante ans plus tôt, et cette nouvelle forme de leurs commentaires a connu un grand succès.
La lecture attentive de cette page de titre nous permet de compléter les informations parcellaires données par Henri Baudrier dans sa Bibliographie lyonnaise. Pour Baudrier, la seule édition des œuvres complètes de Cicéron publiée cette année-là par Gryphe est celle de Denys Lambin ; or la page de titre que nous avons sous les yeux parle elle aussi d’« opera, quae quidem extant omnia ». Comment expliquer alors cette difficulté ? Le volume conservé à la bibliothèque Diderot correspond très certainement à l’édition des œuvres rhétoriques en trois volumes citée plus haut, dont Baudrier donnait une notice très succincte car il n’avait vu aucun exemplaire. Il n’avait donc pu voir que les éditions in-16 qu’il présente séparément dans sa Bibliographie sont en réalité conçues comme une édition des œuvres complètes en treize volumes (en incluant les Lettres familières), ce que nous apprenons en lisant la page de titre de ce livre.
Le deuxième livre de 1585 conservé par la BDL fait partie des œuvres philosophiques de Cicéron in-16 (fig. 2).
L’étude détaillée de ce livre permet de comprendre, au moins en partie, les stratégies éditoriales de l’imprimeur, mais aussi les habitudes des acheteurs et les codes maîtrisés par tous pour permettre l’identification de la qualité et de l’intérêt d’un livre. La page de titre du premier volume ne porte aucune indication permettant de savoir quel est l’humaniste qui l’a préparé, ce qui peut paraître surprenant. Comment l’acheteur potentiel pouvait-il savoir qui en était l’auteur scientifique ? Il ouvrait le livre pour regarder l’épître liminaire ou la préface. Au feuillet suivant le titre, il pouvait lire une très courte épître, adressée par Antoine Gryphe au lecteur érudit (fig. 3).
L’imprimeur-libraire y explique qu’il a si bien pris soin de corriger le texte qu’il a souhaité laisser autant que possible la lectio recepta, et qu’il a renvoyé en fin de volume les commentaires et explications des érudits. Il n’est pas si facile à comprendre : quelle est donc la lectio recepta, la forme la plus répandue du texte, en 1585 ? Est-elle la même qu’un siècle plus tôt ? Ou bien a-t-elle été modifiée par le travail mené depuis par de nombreux latinistes ? Pas plus que sur la page de titre, ou, à la fin du volume, dans les « commentaires d’érudits » qu’il joint au texte, Antoine Gryphe ne précise qui sont précisément ces érudits. Il faut donc aller plus avant dans l’ouvrage pour savoir enfin qui en a établi le texte.
Une seconde épître dédicatoire suit celle de Gryphe : elle a été adressée par Piero Vettori à son ami Niccolò Ardinghelli cinquante ans plus tôt. Depuis 1536 à Venise, depuis 1540 dans le catalogue de l’imprimerie Gryphe, elle accompagne le premier volume des œuvres complètes de Cicéron préparé par Vettori et Navagero. Piero Vettori meurt à la fin de la même année 1585, Ardinghelli est mort quarante ans plus tôt, en 1547… Pourquoi garder cette longue épître ? Son contenu est important : il donne un certain nombre d’informations sur la genèse de cette édition, explique que c’est grâce à un manuscrit exceptionnel prêté par Bartolomeo Cavalcanti que Vettori s’est lancé dans cette édition, à l’époque chez les Giunti de Venise. Il donne aussi ses principes d’édition, son hésitation à recourir à la correctio ope ingenii. Cette préface est donc étroitement liée à l’édition elle-même, dont en réalité elle ne saurait être séparée. Les épîtres dédicatoires sont en effet toujours rééditées avec le texte qu’elles accompagnent, le paratexte fait partie du texte. Antoine Gryphe fait alors précéder cette épître d’un autre âge d’une courte lettre au lecteur. En toute logique, les commentaires humanistes publiés à la fin du volume ne portent pas non plus de nom d’auteur, et sont d’ailleurs très réduits. Le choix de passer sous silence le nom de ceux qui ont préparé le texte n’est pourtant pas systématique chez Gryphe, puisque nous avons vu le nom du même Piero Vettori présent sur le volume des œuvres rhétoriques.
Jean de Tournes
Parmi les autres éditions de Cicéron de la bibliothèque se trouve un livre imprimé par Jean II de Tournes en 1571 (fig. 4).
Il ne s’agit pas de l’édition d’un traité, d’un discours ou d’un ensemble de lettres. C’est en réalité la collection de sentences de Cicéron réunie par le bordelais Pierre Lagnier. Jean de Tournes réédite ici un livre que l’on peut ranger dans la catégorie des lieux communs 18. Ce livre s’adresse par ailleurs à un public très précis : présentant des extraits de Cicéron classés par lieux communs, il est constitué à l’intention des juristes 19. Écrit en 1541 à Toulouse, édité en 1546 à Paris, ce livre a connu au moins cinq rééditions dans les années qui suivent sa parution. Pendant les vingt années qui suivent, il est augmenté et enrichi au fil des éditions : on y ajoute des citations d’auteurs latins et d’auteurs grecs traduits (Démosthène essentiellement).
Cet ouvrage est édité à Lyon à la fin des années 1550, mais aussi à Anvers, Cologne, Venise, Londres… Au XVIIe siècle encore, il continue à être édité en Grande-Bretagne. Le grand nombre de rééditions que l’on observe dès la première édition laisse penser que le livre s’est répandu massivement pour un usage scolaire. L’objectif pédagogique d’un tel livre n’a rien de nouveau : il permet d’utiliser Cicéron comme modèle du bon latin 20. Les imprimeurs lyonnais impriment au XVIe siècle de très nombreux ouvrages à l’intention des juristes, aussi bien de droit romain que de droit canon. Ce livre est un autre exemple, certainement, d’ouvrage scolaire. La longévité de certaines éditions est très grande, car quand on n’est pas un humaniste spécialiste du domaine, on lit l’édition que l’on a sous la main : ainsi le Cicéron de Lagnier est lu et annoté par Montesquieu un siècle plus tard, précisément dans l’édition de 1585 21.
Jean Pillehote
La BDL conserve aussi deux volumes d’un Cicéron imprimé en 1588 par Pierre Roussin pour Jean Pillehote : ils font partie des œuvres complètes de Cicéron en huit volumes, proposées par Alexander Scot – dont on sait peu de choses – et accompagnées des corrections proposées par Denys Lambin et Fulvio Orsini. Le Cicéron de Lambin, que l’on a vu imprimé en 1585 par Antoine Gryphe, est aussi imprimé en 1588 par l’imprimeur de la Sibylle. Son succès est sans doute dû, une fois encore, à une utilisation scolaire. Un des deux exemplaires conservés, annoté, colorié, a servi sans doute à passer le temps pendant un cours... (fig. 5).
Le rapprochement entre Denys Lambin et l’Italien Fulvio Orsini, déjà observé en 1585, n’est pas un hasard. Lambin a en effet séjourné à Rome, et a rencontré Orsini, érudit éditeur de textes antiques difficiles mais aussi bibliothécaire des Farnèse et collectionneur ; Orsini l’a en particulier aidé à avoir accès à des manuscrits très importants conservés dans des bibliothèques privées 22.
Ce livre est un des rares exemples dont nous disposons ici de livre préparé certainement en collaboration entre l’imprimeur-libraire et l’éditeur scientifique. Dans sa préface, datée du 1er juin 1588 à Lyon, Alexander Scot nous donne quelques informations sur son travail. Bien entendu, il nous faut lire avec attention cette épître dédicatoire adressée à Guillaume Argoud, docteur en droit (civil et romain), vicaire général, official et doyen de Valence. Elle répond en effet à une partie des règles de la rhétorique, et en particulier la rhétorique épidictique, consacrée aux éloges. Il est donc nécessaire de savoir reconnaître quand besoin est les parties du texte répondant aux règles de composition. Ainsi, bien sûr, comme tous ses collègues, Alexander Scot n’a fait ce travail que poussé par ses amis. Ce qui est particulièrement intéressant, ce sont les précisions qu’il donne sur la manière dont il a préparé son édition, et sur les informations qu’il a ajoutées en marge du texte pour indiquer l’auteur des variantes et corrections qu’il a retenues. Il a, dit-il, repris l’édition de Charles Estienne, car celle-ci est appréciée par les érudits, et en effet il a pu voir qu’il y a peu de choses à y corriger. Pour chaque correction apportée au texte par un humaniste du temps, il a noté le nom de ce dernier, utilisant un système d’abréviations : L. signifie Denys Lambin, Man. Paul Manuce, Mur. Marc-Antoine Muret, Vic. Piero Vettori (à partir de la forme latine de son nom, Victorius), Vrs. Fulvio Orsini (même chose), etc. L’ordre même de ces noms nous indique sans doute une liste hiérarchique des auteurs qui lui semblent importants mais aussi une intéressante liste d’abréviations insérée dans sa préface. Son propre travail, ajoute-t-il, qui peut être tiré des écrits des autres auteurs, lui venir de conversations « uiua uoce » avec des érudits, ou bien encore de leçons trouvées dans de vieux manuscrits sur parchemin, il l’indique par un astérisque (ce qu’il répète au dos de la page de titre du premier volume). Lorsqu’il a élucidé les mots les plus compliqués de Cicéron en se référant à des textes anciens, il utilise une typographie différente. Enfin, Scot a ajouté en fin de volume les annotations de Lambin. La préface est assez longue et fort intéressante. Le choix du dédicataire est expliqué par la présence dans le texte même du nom des hommes qui les réunissent : en l’occurrence, le recteur et un professeur de théologie du collège jésuite de Tournon.
Au verso du second volume se trouve une liste d’humanistes dont le travail a été utilisé : à la liste proposée dans la préface s’ajoutent Alde Manuce, Carlo Sigonio, Robert et Henri Estienne, Jean Passerat. Comme promis au titre du premier volume, les annotations de Denys Lambin sont proposées à la fin de chaque traité.
Cette édition de Cicéron, préparée par Scot, a la particularité d’être la première à séparer en paragraphes les textes de Cicéron. Le privilège dont bénéficie cette édition en fait mention :
Jean Pillehote… nous a fait dire… que pour le profit de la République… il auroit à grans frais, mises, labeurs… recouverts deux livres intitulez Marci Tullii Ciceronis opera corrigé noté &accomodé par sections à meilleure forme qu’auparavant, et lesquelles œuvres de Cicéron répondent à un autre livre fort nécessaire, lequel il a pareillement recouvert à grands frais &qui est intitulé Apparatus latinae locutionis… per Marium Nizolium…
Le privilège annonce un autre livre : l’édition du Thesaurus de Nizolius, édité en effet la même année par Pillehotte, utilise elle aussi ce nouveau système de versets introduit par Scot 23.
Antoine de Harsy
On trouve enfin à la bibliothèque un ouvrage qui n’est pas à proprement parler une édition d’œuvres de Cicéron : il s’agit du Thesaurus ciceronianus de Mario Nizzoli de 1584, plus connu sous la forme latine de son nom, Nizolius. Les exemples précédents ont pu montrer la place qu’occupe Nizolius dans l’étude de Cicéron : cité au titre, certainement comme argument de vente, de l’édition Lambin de Cicéron, cité dans le privilège de l’édition de Scot… Mario Nizzoli, né en 1498, a fait éditer son Thesaurus en 1535 à Brescia. L’ouvrage a connu un succès considérable : soixante-dix impressions de plusieurs éditions différentes entre 1535 et 1630. Il était encore édité en 1820. Nous avons vu plus haut un autre ouvrage du même type, celui de Pierre Lagnier. L’édition conservée ici est celle qui est éditée en 1584 par Antoine de Harsy. La page de titre est un exemple intéressant de l’utilisation d’un nom propre pour désigner un objet : ce Thesaurus en effet est devenu le Nizolius, comme le montre le jeu typographique des tailles de caractères.
Cette édition de 1584 est précédée de plusieurs pièces liminaires :
- une préface (praefatio) de novembre 1583, adressée de Lavingen par Iacobus Cellarius à Wolfgang Heinrich Streun zu Schwarzenau ;
- une épître dédicatoire de Marcello Squarcialupus à Karel Štarsi ze Žerotina et un certain Zacharias Slautas, tous deux de Moravie, envoyée de Třebíč le 1er septembre 1576 ;
- une introduction (prooemium) de Celio Secondo Curione à Bonifacius Amerbach, l’imprimeur bâlois, datée de Bâle, 1543 ;
- l’épître de Mario Nizzoli au cardinal Giovanni Francesco Gambara, présente depuis la première édition de 1535.
Cette suite de préfaces, échelonnées de 1535 à 1583, nous permet de suivre l’histoire des éditions successives du livre. La plus ancienne est présente depuis la première édition, parue presque cinquante ans plus tôt à Brescia. En 1543, une nouvelle édition est préparée à Bâle. En 1576, l’imprimeur bâlois Herwagen publie une édition préparée par Squarcialupus. La plus récente date de 1583, l’année précédant l’édition. Antoine de Harsy reproduit en effet à Lyon l’édition parue l’année précédente à Bâle chez l’imprimeur Herwagen ; cette édition avait été préparée par Jacobus Cellarius, lecteur au gymnase (école secondaire) de Lavingen en Bavière. Une importante mise à jour est proposée quatre ans plus tard par Alexander Scot, l’éditeur de Cicéron pour Pillehotte, en 1588 à Lyon, chez le même éditeur Antoine de Harsy : il remplace les références aux numéros de page de l’édition aldine, désormais périmée, par des renvois aux paragraphes de sa propre édition lyonnaise de la même année.
Éditions, rééditions, réimpressions ? Un exemple
Une promenade parmi les volumes de Cicéron réunis par le hasard à la bibliothèque Diderot nous a permis d’identifier une diversité plus grande qu’on aurait pu l’imaginer dans les éditions dont nous disposions : des cas de rééditions non corrigées, dont il est parfois difficile de savoir s’il s’agit de réimpressions (on recopie tout simplement une édition antérieure épuisée à partir d’un exemplaire subsistant) ou de véritables rééditions corrigées. Sans doute aussi, même si nous n’avons pas pu le vérifier, des émissions : un livre imprimé précédemment que l’on remet en vente avec une nouvelle page de titre et une nouvelle date. Nous avons vu aussi le cas d’au moins une édition nouvelle, éditée pour la première fois à Lyon.
Il est souvent difficile de différencier une réimpression d’une réédition ; il ne suffit pas dans ce cas de comparer la mise en page des livres portant des dates différentes pour s’assurer qu’ils ne sont pas strictement semblables dans leur composition. Il faut alors entreprendre une véritable collation du texte, en comparer le contenu mot à mot (ou tout au moins pour des passages dont l’édition pouvait être difficile et qui pouvait demander de faire des choix entre plusieurs traditions manuscrites différentes).
Prenons pour exemple les nombreuses rééditions de l’édition de Cicéron menée à bien par Piero Vettori, dont nous avons vu quelques exemples. Ces rééditions ne sont-elles préparées qu’en copiant simplement une édition antérieure, soit proposée par un autre imprimeur, soit déjà éditée dans l’atelier mais désormais épuisée ? Il faut parfois vérifier qu’elles contiennent le texte de la première édition, ou bien le texte d’une réédition postérieure corrigée ou enrichie, ou bien qu’elles-mêmes ont fait l’objet d’une nouvelle correction avant impression, d’autant plus qu’il est fort rare que le titre nous renseigne précisément sur ces questions.
La première édition vénitienne des œuvres complètes, parue entre 1536 et 1538, est aussitôt réimprimée ailleurs par d’autres imprimeurs 24. Il semble bien qu’à la fin des années 1530, il y ait pénurie d’éditions complètes des œuvres de Cicéron, et que les imprimeurs peinent à trouver des humanistes prêts à se lancer dans cette entreprise nécessairement longue et difficile, qui leur demanderait par ailleurs un très important investissement financier, que seuls les plus grands d’entre eux peuvent prendre en charge. Les cinq volumes in-2 de Venise, commencés par Andrea Navagero et terminés par Piero Vettori, sont donc une aubaine pour les autres imprimeurs, d’autant plus qu’ils sont complétés par un volume de commentaires portant sur le texte et les leçons des manuscrits, dont sont très friands les humanistes à l’époque. Et en suivant de près les réimpressions de ces livres à travers l’Europe, nous pouvons voir la façon de travailler des imprimeurs.
Cette édition est en effet reprise dès l’année suivante à Paris, par Robert Estienne. Changement important : le nom de Navagero disparaît de la page de titre du premier volume, celui des discours. Seul Vettori apparaît. À Lyon, Sébastien Gryphe réédite ces œuvres complètes en 1540 et nous avons vu qu’elles seront rééditées encore de nombreuses fois. Mais Gryphe n’est pas du tout un copieur. Dès la sortie de l’édition vénitienne, il se débrouille pour entrer en contact avec Vettori et préparer avec lui une réédition.
À quoi est due cette différence de traitement ? Difficile à dire sans source pour nous informer. Cela peut découler du besoin de faire vite, ainsi que de la confiance accordée à tel ou tel imprimeur. On voit chez Sébastien Gryphe une manière différente de se situer par rapport aux auteurs : il entre directement en contact avec Piero Vettori, dès 1537, à peine sorti le dernier volume vénitien, par l’intermédiaire d’une famille de commerçants florentins installés à Lyon. Il espère en effet avoir des corrections nouvelles – gage de vente pour un livre, qui lui permettraient de démarquer son Cicéron des autres : car il vend à ce moment là, en volumes séparés certes, plusieurs versions différentes des livres de Cicéron. Pour lui une réédition corrigée aurait un grand intérêt commercial, et il souhaite avant d’éditer se procurer les corrections du Florentin 25. Mais sans doute hésite-t-il à appuyer la publicité de son ouvrage sur le nom de cet humaniste italien : il choisit, sur la page de titre du premier volume, d’indiquer le nom d’un autre humaniste qui pourtant n’est intervenu en rien dans la préparation du livre, l’humaniste allemand Joachim Camerarius.
Aux yeux de Vettori, le statut d’un imprimeur lyonnais n’est pas celui d’un imprimeur vénitien, dont la famille est par ailleurs liée à la sienne 26 : Vettori commence donc par réserver ses corrections pour une nouvelle édition que les Giunti ont en projet, pour finalement se résoudre à les envoyer à Gryphe quelques mois plus tard devant le retard pris par les Vénitiens.
L’édition gryphienne de Cicéron mécontente Vettori. En 1546, Gryphe, prévoyant une nouvelle édition, lui demande donc un exemplaire corrigé à partir duquel préparer le texte. Il marque à cette occasion le grand respect qu’il a pour Vettori en lui écrivant, non pas une lettre, mais une epistula, rédigée en latin :
Il n’y a pas si longtemps, alors que nous en étions venus à parler de toi, érudit Vettori, j’appris par un grand ami à nous deux que tu t’es plaint durement que tes Castigationes in Ciceronem n’avaient pas été assez bien corrigées par notre atelier. C’est pourquoi, envisageant de les mettre à nouveau sous les presses, et de me mettre à nouveau au marbre, j’ai décidé que ce serait agir de façon plus réfléchie si, avant de prendre une décision, je t’en informais par lettre. C’est pourquoi je te serais très reconnaissant, aimable Vettori si, dès que tes occupations te le permettront, tu ne refusais pas de me donner un exemplaire corrigé de ta main : en quoi l’imitant fidèlement, nous y apporterons tant de soin et de diligence, que tu n’auras aucune raison à l’avenir de te plaindre de notre négligence 27.
Sébastien Gryphe est l’éditeur qui s’adresse à un public de savants : il propose donc en même temps plusieurs éditions différentes de Cicéron, mais il édite aussi le travail des humanistes du siècle précédent comme Politien, dont la BDL conserve l’édition de 1545-1546 des œuvres complètes 28. Nous avons vu que bien des années plus tard, son fils continue cette politique éditoriale.
Les limites des ressources lyonnaises
Nombreuses sont donc à Lyon les rééditions « simples », mais il est possible de faire d’autres choix. Comme nous en avons vu plusieurs exemples pour les éditions de Cicéron des années 1580, les imprimeurs lyonnais ont produit nombre de livres destinés aux écoles, réimprimant pour cela des éditions parfois anciennes. Les auteurs les plus lus sont donc bien représentés, comme Ésope accompagné de l’Hecatomythium secundum de Lorenzo Bevilacqua, surnommé Astemio (Abstemius). L’exemplaire possédé par la BDL 29, auquel il manque la page de titre, est difficile à rattacher à une édition connue, comme l’étudie Michèle Clément dans ce volume 30. Ces fables ésopiennes, écrites sans doute après 1490, avaient été éditées pour la première fois à Venise en 1495 avec des fables du même type écrites par Laurent Valla 31. Rééditées à plusieurs reprises en Italie, elles eurent surtout un énorme succès à l’étranger : on en connaît de nombreuses éditions à Paris entre 1529 et 1545, à Lyon en 1537 et 1540, à Bâle en 1523, à Francfort au XVIIe siècle. Elles furent traduites en français et éditées à Orléans en 1572 et on connaît même une traduction française de 1814 ! Ésope était un auteur aimé à Lyon : on se souvient en effet que Julien Macho avait établi à Lyon la traduction des fables, accompagnée là aussi d’autres fables (d’Avien, du Pogge), publiée pour la première fois autour de 1480 avec des illustrations puis rééditée à plusieurs reprises à Lyon au XVe siècle, encore en 1526 par Claude Nourry et Pierre de Vingle et même plus tard encore.
Autre exemple du même type : Térence, édité plusieurs fois par Sébastien Gryphe : la page de titre de l’édition de 1556 ne donne aucune indication particulière sur l’éditeur du texte, non plus que l’épître au lecteur de Sébastien Gryphe, pourtant relativement longue 32. Or, au moins deux autres éditions de Térence sont publiées la même année à Lyon : le nom de l’éditeur scientifique n’est donc pas ce qui différencie l’édition gryphienne des autres. Il faut attendre la seconde épître, écrite par Philipp Melanchthon, pour avoir une information sur une des personnes étant intervenues dans le livre. La troisième épître, adressée par Gian Francesco Torresani d’Asola à Jean Grolier, nous renseigne enfin très certainement sur le premier éditeur de cette version du texte : le beau-frère d’Alde Manuce, continuateur des presses après la mort de ce dernier en 1514, dont la famille était très liée au grand collectionneur Jean Grolier. Les Torresani ont en effet publié Térence en 1517, ce livre étant sans doute le premier préparé par Gian Francesco Torresani pour les presses familiales 33. Cette édition vénitienne a manifestement servi de base à notre édition, enrichie et corrigée par l’édition de Melanchthon postérieure de dix ans 34.
Melanchthon, lorsqu’il est éditeur scientifique, est souvent absent des pages de titre, du moins chez Gryphe, en particulier dans les nombreuses éditions de Cicéron. Une des raisons pour lesquelles son nom n’apparaît pas est qu’il s’agit dans ce cas d’un livre destiné à l’apprentissage, c’est du moins ce qu’on peut penser en regardant l’usage qui a été fait de l’exemplaire de la bibliothèque Diderot (fig. 6).
Melanchthon avait écrit un argument pour chaque pièce 35. Ils étaient déjà présents entre autres dans le Térence publié l’année précédente, en 1555, par Michaël Sylvius pour Jean Frellon à Lyon 36. Sébastien Gryphe, comme il le fait pour Cicéron, présente donc une édition composite, établie à partir d’au moins deux éditions précédentes, peut-être davantage. Il n’est pas le seul à mettre en œuvre ce procédé.
Un autre exemple du même type de choix éditorial est l’édition de Pline de 1553 : l’imprimeur-libraire, Jean Frellon, propose un livre qui n’est pas un texte d’érudition comme peuvent en éditer des imprimeurs-libraires comme les Manuce à Venise, les Giunti à Venise et Florence, les Estienne à Paris puis Genève 37...
L’étude de ces éditions de classiques, et en particulier de celles de Cicéron, nous permet de mettre en lumière plusieurs aspects qui, s’ils ne sont pas propres à l’édition lyonnaise de cette période, y sont bien présents pour des raisons qu’il est possible de déduire. Lyon n’a pas d’université au XVIe siècle. On n’y trouve donc pas à l’œuvre, dans le domaine des belles-lettres, ces efficaces équipes constituées par un professeur et un imprimeur : elles procurent aux étudiants le livre qui sera étudié pendant l’année, élaborant de petits ouvrages qui ne sont pas toujours soignés, et ne sont pas le résultat du long travail de préparation préalable à l’édition scientifique d’une œuvre. Ce travail de préparation débute lors des cours dans lesquels, tous les jours pendant un an, va être lue et étudiée une œuvre avec les étudiants. Mais une fois étudié le texte, ces humanistes font éditer leur travail, résultat de longs mois d’études.
C’est pour la même raison que nous trouvons dans les collections de la BDL des traductions d’Aristote, éditées sans le texte grec. Ces traductions ne s’adressent pas à un public universitaire spécifique – Lyon a une diffusion géographique internationale. Les imprimeurs toutefois ont le choix de leur stratégie commerciale. Sébastien Gryphe lui-même ne cherche pas forcément la nouveauté, comme il le fait en éditant Cicéron, ou bien n’a pas la possibilité de l’obtenir. Ainsi, lorsqu’il édite Aristote en 1543, il reçoit l’aide d’un érudit qui se trouve sur place, Jean Régnier, Angevin actif à Lyon entre 1532 et 1568 38. Mais ce Raenerius ne prépare pas une nouvelle traduction de la Dialectique : il ne fait que reprendre et corriger la traduction établie par Boèce au début du VIe siècle ! Il y ajoute aussi ses Scholia, c’est-à-dire ses commentaires. Pourquoi Boèce ? La réponse se trouverait peut-être dans l’étude du catalogue des libraires lyonnais à ce moment-là : car ne l’oublions pas, les motifs économiques sont certainement très forts... Il est possible que Gryphe lui-même, ou bien l’un de ses collègues, ait déjà en magasin une autre traduction, et qu’il ait souhaité proposer une traduction différente. Il est possible aussi que le latin de Boèce, helléniste et homme de l’Antiquité, ait eu la préférence de Raenerius. Signalons que l’œuvre la plus célèbre de Boèce, auteur de nombre de traités dans tous les domaines du savoir de son époque (les sept arts libéraux), la Consolation de la philosophie, écrite pendant l’emprisonnement qui a suivi sa disgrâce et son exécution sur ordre de Theodoric, a été éditée à Lyon en 1511 par Mareschal 39.
L’édition de 1544 de l’Éthique à Nicomaque propose, elle, une traduction certes plus moderne, mais qui date d’un siècle environ : elle a été établie par Jean Argyropoulos, érudit byzantin qui fut un des premiers professeurs de grec à Florence à partir de 1456 40. Les épîtres dédicatoires nous permettent de dater la première version de cette édition vers 1520 environ (une épître est dédicacée à Antonio Francini, humaniste travaillant pour les imprimeurs Giunti à cette époque). Il s’agit certainement, une fois encore, d’un livre souvent réédité (comme l’indique au titre la mention « denuo in lucem editi ») car son contenu, en particulier le commentaire de Donato Acciaiuoli qui l’accompagne, est utilisé dans les écoles.
Un cas un peu différent est le Polybe publié en 1548 chez Sébastien Gryphe ; relevons qu’il s’agit une fois encore d’une traduction du texte grec, faite par Niccolò Perotti, mort en 1480, soixante-dix ans plus tôt 41.
Nous nous heurtons ici à une question qui dépasse le cadre lyonnais, celui des traductions latines : si au XVIe siècle, les œuvres les plus lues d’Aristote sont retraduites, il n’en est pas de même pour tous les auteurs grecs, qui d’une part sont pour certains édités en version originale très tardivement (Polybe en 1530, Euclide en 1533 à Bâle), mais aussi ne sont pas du tout retraduits par la dernière génération des humanistes. Il faudra attendre une ou deux générations plus tard, Isaac Casaubon au début du XVIIe siècle, pour disposer d’une nouvelle traduction de Polybe. Le problème n’est donc pas lyonnais mais il est lié à l’état des études à cette époque. Les humanistes philologues s’intéressent davantage aux textes philosophiques, littéraires ou rhétoriques ; les spécialistes de l’histoire antique éditent des textes techniques (les fastes par exemple) ou des études. Restent donc abandonnés les historiens antiques, comme nous le montre la rareté des éditions de leurs œuvres : Thucydide, Hérodote sont laissés de côté. Les historiens de langue grecque mais racontant l’histoire romaine ne sont pas mieux lotis : Dion Cassius est édité pour la première fois en 1548, presqu’un siècle après l’invention de l’imprimerie, par Robert Estienne, même si des traductions partielles étaient imprimées dès 1490 et la première traduction complète, celle de Niccolò Leoniceno (Niccolò de Lonigo) en italien, date de 1526 à Venise 42.
Si les editiones principes tardent, les traductions, même anciennes, ont du succès, le public latiniste restant évidemment bien plus nombreux que le public helléniste. Les historiens latins sont ainsi mieux représentés que les grecs dans la collection de la BDL : Valère Maxime, Suétone... Il apparaît donc que l’imprimeur, sans l’humaniste, ne peut rien faire.
Les livres consacrés à l’Antiquité gréco-romaine publiés à Lyon ont rarement été préparés par des humanistes présents dans la ville. La raison essentielle en est bien évidemment l’absence d’université. Or les humanistes gagnent généralement leur vie en enseignant à l’université, ou en travaillant auprès d’un prince. C’est peut-être ce qui explique la place prépondérante des rééditions, même s’il était possible de travailler par courrier avec un éditeur scientifique éloigné. Cela nécessitait toutefois la présence d’un intermédiaire, le travail dans l’atelier d’imprimerie devant être surveillé chaque jour. Ainsi, lorsqu’on trouve quelqu’un pour assurer le travail de suivi chaque jour, un ami, un parent, un voisin, un collègue, on peut très bien mener à bien une première édition à peu près satisfaisante à distance. Mais les obstacles sont nombreux et les mécontentements viennent vite : combien de lettres nous font connaître le mécontentement des humanistes ayant travaillé avec Henri II Estienne par exemple. Autre motif, la difficulté réelle de ce genre de travail : c’est peut-être ce qui explique que Raenerius ait préféré reprendre, corriger et commenter la vieille traduction de Boèce, plutôt que se lancer dans une nouvelle traduction.
L’étude de l’histoire et de la civilisation antiques
Nous relevons dans la collection de la Bibliothèque Diderot de Lyon un nombre important d’ouvrages de ceux que l’on appelle les Antiquaires, qui sont parfois aussi des humanistes : ils maîtrisent parfaitement les langues latine et grecque et ne dédaignent pas d’éditer des textes antiques à côté des études qu’ils mènent à bien et font publier. Prenons le cas d’Antonio Agustín : espagnol, ecclésiastique, spécialiste de droit canon, il séjourne plusieurs années en Italie où il se lie d’amitié avec les membres les plus érudits de la Curie romaine. Il rentre ensuite en Espagne où il devient évêque puis archevêque, sans jamais abandonner l’étude du droit d’un côté, la chasse aux manuscrits inconnus de l’autre. Il est un illustre représentant de ce qu’Aldo Lunelli a appelé la philologie juridique, dont la place et l’influence sur la critique et l’édition des textes classiques sont primordiales, ne serait-ce que parce qu’elle a pour objet les textes parmi les plus importants transmis par l’Antiquité, le Digeste et tous les textes du droit romain, transmis qui plus est par des manuscrits prestigieux et même mythiques comme les Pandectes florentines. Antonio Agustín est une figure importante dans ce domaine ; comme Pierre Daniel ou Denis Godefroy (Gothofredus), il ne dédaigne pas la philologie classique. Il y a d’ailleurs dans sa bibliothèque, en 1586, cinq cent soixante-et-un manuscrits latins, deux cent soixante-douze manuscrits grecs, et de très nombreux imprimés dont seulement neuf cent soixante-quinze sont décrits, ce qui est un signe de son intérêt pour la recherche des textes anciens dans les témoins médiévaux. On sait qu’il a pu par exemple mettre la main sur un texte inconnu conservé dans la bibliothèque de Juan Paez de Castro, à la mort de ce dernier : ces extraits d’une encyclopédie byzantine, envoyés à son ami Orsini à Rome, furent imprimés par le français Christophe Plantin à Anvers grâce à la protection et à l’intervention du vice-roi de Naples, le cardinal de Granvelle 43. La BDL possède un livre d’Agustìn imprimé à Lyon, ses Emendationum et opinionum libri 44, résultat de l’efficace collaboration entre Antoine Vincent et Symphorien Barbier, ainsi que son De legibus et senatusconsultis liber 45, complété des commentaires de son ami romain Fulvio Orsini et dédicacé à ce dernier 46.
Conclusion
De la collection de la Bibliothèque Diderot de Lyon, nous avons laissé de côté plusieurs livres qui portent une adresse bibliographique lyonnaise mais ont été en réalité imprimés à Genève : une édition de Platon, un livre d’Agustìn... Par l’effet du hasard, nous avons pu éclairer la production lyonnaise des années 1530-1540 et celle des années 1580-1590 dans le domaine de l’édition et l’étude des auteurs anciens. Quelles informations peut-on en tirer ?
Il s’avère qu’il est impossible, dans le domaine de l’édition savante, d’étudier la production lyonnaise en elle-même : l’aire d’activité des auteurs et des éditeurs scientifiques est l’Europe de la République des Lettres : la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Hongrie, la Pologne... Nous pouvons relever aussi l’importance de la description de ces livres dans les bibliographies et les catalogues de bibliothèque. On a pu voir combien d’informations apportent les pièces liminaires : en connaître la liste, les auteurs, la date d’écriture suffit souvent à reconstruire l’histoire d’une édition, à savoir si celle-ci est une première édition ou une réédition non corrigée. Les collections de la Bibliothèque Diderot de Lyon nous ont permis d’étudier des livres parfois rares, qui ont demandé de rechercher des informations complémentaires pour pouvoir mieux connaître la production des imprimeurs, et tenter de comprendre les politiques éditoriales de ces derniers.
Annexes
Éditions lyonnaises de Cicéron
Antoine Gryphe éditeur de Cicéron
1582
• Cicéron, discours (3 vol. in-16)
M. Tul. Ciceronis orationum uolumen primum, Accesserunt breues animaduersiones ex doctissimorum hominum commentariis…, Lugduni, apud Antonium Gryphium [excudebat Ioannes Tornæsius], 1582, in-16, 887, [2] p.
M. Tul. Ciceronis orationum uolumen secundum…, Lugduni, apud A. Gryphium, 1582.
M. Tul. Ciceronis orationum uolumen tertium…, Lugduni, apud A. Gryphium [Lugduni : excudebat Ioannes Tornaesius], 1582, in-16, 770 p.
Cette édition est signalée par Baudrier à partir de catalogues de vente : cat. A. Lantelme, 1905, 1 partie n° 234, pour le 1 volume ; catalogue lib. Scheuring pour les volumes 2 et 3. Le volume 1 est localisé à la bibliothèque de Manchester (Christie collection) et à la bibliothèque universitaire de Fribourg, le volume 3 est localisé en deux exemplaires en Italie (bibliothèques municipales de Vercelli et Novellara).
1583
• Cicéron, lettres familières (1 vol. in-16)
Manutius, Paulus, éditeur scientifique
M. Tul. Ciceronis epistolæ familiares. Quarum postrema hac editione præter Manutii annotationes, aliæ doctissimorum hominum &numquam alibi impressæ in margine adscribuntur. Eiusdem Manutii scholia, uerba Græca Latinis expressa, Lugduni, apud Ant. Gryphium, 1583, in-16, 680 p.
P. 3. Paulus Manutius Matthæo Senaregæ S., Venetiis 1558.
P. 4. Typographus lectori, Lugduni 1569.
• Pseudo-Cicéron, De consolatione (1 vol. in-8)
M. Tullii Ciceronis consolatio liber quo se ipsum de Filiæ morte consolatus est. Nunc primum repertus &in lucem editus, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1583, in-8, 106, [4] p.
P. 3. Illustrissimo D. Hieronymo Castilloneo… Anton. Gryphius S., 1583.
1584
• Pseudo-Cicéron, De consolatione (1 vol. in-16)
Sigonio, Carlo
Patritius, Andrea
Riccoboni, Antonio
M. Tullii Ciceronis consolatio uel de luctu minuendo. Fragmenta eius a Carolo Sigonio, &Andrea Patritio exposita. Antonii Riccoboni iudicium, quo illam Ciceronis non esse ostendit. Carolii Sigonii pro eadem orationes II. His adiunximus propter argumenti similitudinem, Philisci græci scriptoris Consolatoriam M. T. Ciceroni colloquenti præstitam, dum in Macedonia exularet, Ioan. Aurispa Siculo interprete, Lugduni, apud Ant. Gryphium, 1584, in-16, 304 p.
P. 3. Illustrissimo… D. Hieronymo Castilloneo… Antonius Gryphius S., 1583.
P. 12. Illustrissimo… Ascanio Columbæ Carolus Sigonius, 1583.
1585
• Cicéron, discours, lettres, œuvres philosophiques (4 vol. in-2)
Lambin, Denys, éditeur scientifique
Orsini, Fulvio, éditeur scientifique
M. Tullii Ciceronis opera omnia quae exstant, a Dionysio Lambino Monstroliensi ex codicibus manuscriptis emendata. Eiusdem Dionysii Lambini Annotationes, seu Emendationum rationes, longe omnium auctissimæ : adiectis nunc primum Fulvii Vrsini Romani Notis. Accesserunt Indices rerum &verborum copiosi : Fragmenta omnia Ciceroniana a Lambino &aliis collecta : consolatio item nuper reperta. Postremo, ut facilius &commodius haec editio ad Nizolii Thesaurum referri possit, margini appositi sunt numeri, qui huius editionis cum uetere Aldina consensus hac in parte comperietur, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 2°, 345, [46] p.
f. §2 : Dionys. Lambinus Errico Memmio… S. D., Paris, 1566.
M. T. Ciceronis operum tomus II qui continet orationes omnes, quæ exstant…, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 126, [134] p.
M. T. Ciceronis operum tomus tertius, omnes eius epistolas complectens…, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 524, [88] p.
M. T. Ciceronis operum tomus IIII, quo continentur philosophici libri omnes ut indicabit sequens pagina…, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 477, [2], 103, [116] p.
1 édition Gryphe 1566
• Cicéron, traités oratoires (1 vol. in-8)
M. T. Ciceronis opera quae quidem extant omnia. Ex complurium doctissimorum uirorum praecipue Manutii ac Petri Victorii castigationibus nunc demum excusa… Eorum hic primus tomus omnia ad Rhetoricam oratoriamque artem spectantia complectitur…, Lugduni, apud Anthonium Gryphium, 1585, 8°, 742 p. et index.
• Cicéron, Lettres familières (1 vol. in-8)
Epistolae familiares M. Tullii Ciceronis, optimis quibusque exemplaribus collatis, emendatae : uaria lectione pagellarum marginibus adscriptis : nec praetermissis interim singularum epistolarum argumentis. Nunc postremò P. Manutij, &M. Ant. Mureti diligentia ab innumeris erroribus uindicatae, Lugdni, Apud Ant. Gryphium, 1585, 479, [1] p. a-z8, A-G8.
À partir du catalogue de la librairie Brun, Baudrier avait décrit une édition in-16 : M. Tul. Ciceronis epistolæ familiares, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, in-16. On ne connaît aucun exemplaire d’une édition in-16. Le seul exemplaire connu de l’édition in-8° se trouve à Columbia University : B87CL3 IB85.
• Cicéron, œuvres philosophiques (3 vol. in-16)
Vettori, Piero, éditeur scientifique
Bruto, Giovanmichele ?
M. T. Ciceronis de philosophia uolumen primum, ita doctossimis animaduersionibus illustratum, ut integra ubique uulgata lectio seruata sit. Hic Ciceronis fragmenta adiecimus male hactenues in aliis editionibus desiderat, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, in-16, 621, [84] p.
P. 3. Antonius Gryphius lectori… S.D.
P. 5. Petrus Victorius Nicolao Ardinghello.
M. T. Ciceronis de philosophia uolumen secundum. In quo quidem quæ continentur, sequens pagella indicabit, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 502, [138] p.
M. T. Ciceronis fragmenta, ab Andrea Patricio collecta, &in quatuor tomos digesta. Index rerum, &uerborum copiosissimus, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 157, [18] p.
Une partie de ces fragments ont été vendus séparément, l’autre partie ajoutée au volume précédent comme indiqué au sommaire de celui-ci.
• Cicéron, Lettres à Atticus, Brutus, Quintus (1 vol. in-16)
M. Tul. Ciceronis epistolæ ad Atticum, ad Brutum, &ad Q. fratrem, ita postrema hac editione castigatæ, ut nulla fere quibus sciebant, menda supersint. In easdem doctissimorum uirorum scholia, quibus locis obscuriores illus-trantur, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, in-16, 803, [120] p.
• Cicéron, Discours (3 vol. in-16)
M. Tullii Ciceronis orationum volumina III. Quorum hoc est primum. Cum doctiss. hominum, quas versa pag. indicat, notis, locos permultos ita explicantibus, ut uulgatæ lectionis ubique ratio habebatur. Adiecti sunt &margini, ueteris Aldinæ editionis, quam Nizolius secutus est, paginarum numeri, ut facilius sit huius usus ad illius thesaurum, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, in-16, 840 p.
On ne connaît pas de vol. 2 et 3 pour 1585, mais uniquement dans la réédition in-8 de 1586.
• Cicéron, De inventione (2 vol. in-16)
Rhétorique à Herennius
Vettori, Piero, éditeur scientifique
Manuzio, Paulo, éditeur scientifique
Rhetoricorum ad Herennium libri quatuor. M. T. Ciceronis de Inuentione libri duo. Omnia ad optima quaeque, eaque uetusta exemplaria, praecipue Victorii ac Pauli Manutii, castigata, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 340, [12] p.
M. Tullii Ciceronis Rhetoricorum posterior tomus, operum catalogum sequenti pagella inuenies, Lugduni, apud Antonium Gryphium, 1585, 631, [40] p.
Jean Pillehotte, Cicéron, 8 volumes 47
1588
M. Tulli Ciceronis opera omnia quæ exstant, Variis Dionysii Lambini &aliorum doctissimorum quorumque uirorum lectionibus opera Alexandri Scot Scoti ad marginem illustrata, &in sectiones Apparatui Latinæ Locutionis respondentes distincta. Accesserunt Dionysii Lambini &Fuluii Vrsini emendationum rationes singulis tomis distincta, tomus primus, Lugduni, sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, [excudebat Petrus Roussin], 1588.
M. Tulli Ciceronis ad Q. fratrem Dialogui tres de oratore. Variis Dionysii Lambini &aliorum doctissimorum quorumque lectionibus, ad marginem dicatis : &in sectiones apparatui Latinæ locutionis respondentes, opera Alexandri Scot Scoti distincti, tomus secundus, Lugduni, Sumptibus Ioannis Pillehotte, ad insigne Iesu, [excudebat Petrus Roussin], 1588, 575 p.
M. Tullii Ciceronis orationum tomus Primus, pari, eiusdem Alexandri Scot Scoti studio dissectus, &illustratus. Eorumdemque D. Lambini &Fuluii Vrsini emendationum rationibus auctus. Qui est operum Ciceronis, tomus tertius, Lugduni, sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, 1588, 1029 p.
M. Tulli Ciceronis orationum pars altera, eodem Alexandri Scot studio dispertita, uariis lectionibus ¬is illustrata. Quæ operum Ciceronis tomi quarti partem unam, puta Orationes, quæ pro Muræna, &post Ciceronis consultatum habitæ sunt, &tomum quintum complectitur, tomus quartus, Lugduni, Sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, [excudebat Petrus Roussin], 1589, 1075 p.
M. Tullii Ciceronis epistolarum ad T. Pomponium Atticum, lib. XVI uariis doctorum uirorum lectionibus opera Alexandri Scot, I. V. C. illustrati, &ad apparatum Latinæ locutionis aptati. Adiectæ sunt Dionysii Lambini &Fuluii Vrsini emendationum rationes, Lugduni, Sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, 1588, 761 p.
M. Tullii Ciceronis operum tomus sextus omneis eius Epistolas ad Familiares complectens. Variis doctissimorum quorumque uirorum lectionibus, &argumentis opera Alexandri Scot Scoti auctus &illustratus. Accesserunt Dionysii Lambini &Fuluii Vrsini annotationes, seu emendationum rationes, Lugduni, sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, 1588, 583, [5] p.
M. Tullii Ciceronis opera philosophica in duas partes diuisa, in sectiones apparatui Latinæ locutionis responentes distincta, &annotationibus uariisque lectionibus ad marginem, opera Alexandri Scot, Scoti I. V. D. illustrata, accesserunt Dionysii Lambini &Fuluii Vrsini emendationum rationes, tomus septimus, Lugduni, Sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, [excudebat Petrus Roussin], 1589, 779 p.
M. Tullii Ciceronis Philosophicorum librorum pars secunda, Alexandri Scot, Scoti I.V.C. sectionibus ¬is illustrata, Dionysii Lambini &Fuluii Vrsini emendationum rationibus aucta, tomus octauus, Lugduni, Sumptibus Ioan. Pillehotte, ad insigne Iesu, [excudebat Petrus Roussin], 1589, 302 p.
Jean II de Tournes
1571
M. T. Cic. Sententiarum illustrium, Apophtegmatum, Similium, nonnullarum item piarum sententiarum collectio, a Petro Lagnerio compendiensi in lucem edita. P. Terentii, aliorumque optimorum autorum insigniores senten-tiae ab eodem Lagerio excerpta. Nuper accessere Demosthenis sententiae ex Graeco in Latinum traducta, Lugduni, apud Ioannem Tornaesium, Typog. Regium, 1571.
Antoine de Harsy
1584
Nizolius sive thesaurus Ciceronianus, Caelii Secundi Curionis labore iam olim auctus, Marcelli subinde Squarcialupi studio mactus digestusque : nunc demum a Jacobo Cellario Augustano, insigni tum simplicium tum compositorum uerborum accessione, locupletatus. Cum indice Ciceronianarum uocum Barbaris substitutarum auctiore, &diuersarum Ciceronis editionum fideli collatione, Lugduni, apud Antonium de Harsy, 1584, 2°.
Postérité de l’édition victorienne de Cicéron
Venise, Lucantonio Giunti, 1536-1538 : édition complète in-folio
• Cicéron, Discours
Navagero, Andrea, éditeur scientifique
M. T. Ciceronis orationes habet ab Andrea Naugerio patritio Veneto summo labores ac industria in Hispaniensi Gallicaque legatione excussis permultis bibliothecis, et emendatiores multo factas, &in suam integritatem ad exemplar codicum antiquorum longe copiosius restitutas. Ne autem adulterina quæpiam impressio, librariorum forte auaritia, supponatur : haud ab re uisum est hoc cuere sigillo : præterquam quod summi Pontificis, Cæsaris, Senatus Veneti, ac cæterorum Italiæ Principum decreta, nequis id per XX annos impune faciat, uetant, Venetiis in officina Lucæ Antonii Iuntæ post Germanam Gallicamque editionem, 1534, 2°, [16], 840, [1] p.
• Cicéron, Traités oratoires
Vettori, Piero, éditeur scientifique
M. Tullii Ciceronis opera, omnium quæ hactenus excusa sunt, castigatissima nunc primum in lucem edita, Venetiis, in officina Lucæ Antonii Iuntæ, 1537 [mense Augusto 1536], 2°, [8], 366 p.
• Cicéron, correspondance
Vettori, Piero, éditeur scientifique
Tertius tomus Marci Tullii Ciceronis epistolarum libros continet, ex peruetustis exemplaribus accuratissime post omnes, quæ hactenus editæ sunt, excusiones, recognitarum. Quorum elenchum sequenti reperies pagina, Venetiis, ex officina Lucæ Antonii Iuntæ, 1536 [1535 mense Iunio], 2°, 554, [10] p.
• Cicéron, œuvres philosophiques
Vettori, Piero, éditeur scientifique
Quartus tomus in quo Marci Tullii Ciceronis opera philosophica, nuper ad fidem uetustissimos exemplarium diligentissime recognita, quorum catalogum sequens indicabit pagina, Venetiis, ex officina Lucæ Antonii Iuntæ, 1536, 550 p.
Index omnium qui hactenus excusi sunt locupletissimus &castigatissimus eorum quæ digna notatu uisa sunt, Venetiis, ex officina Lucæ Antonii Iuntæ, 1536, 2°, [92] p.
Vettori, Piero
Petri Victorii Explicationes suarum in Ciceronem castigationum, Venetiis, [in Officina Lucæantonii Iuntæ Florentini], 1536 [1537 Mense Ianuario], 2°, 79 f. + 1 f. de corrections.
Paris, Robert Estienne, 1538-1539 : édition complète in-2
• Cicéron, œuvres oratoires
Vettori, Piero, éditeur scientifique
M. T. Ciceronis opera. Ex Petri Victorii codicibus maxima ex parte descripta, uiri docti et in recensendis authoris huius scriptis cauti &perdiligentis : quem nos industria, quanta potuimus, consequuti, quasdam orationes redintegratas, tres libros De legibus multo quam antea meliores, et reliquias de commentariis qui De republica inscripti erant, magno labore collectas undique, descriptasque libris, uobis exhibemus. Eiusdem Victorii explicationes suarum in Ciceronem castigationum. Index rerum et uerborum [M. Tullii Ciceronis Rhetorica], Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1539, f., [16], 288 p.
• Cicéron, Discours
Navagero, Andrea, éditeur scientifique
M. Tullii Ciceronis Orationes, Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1539, 640, [6] p.
• Cicéron, correspondance
Vettori, Piero, éditeur scientifique
M. Tullii Ciceronis Epistolae, Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1538, 416 p.
• Cicéron, œuvres philosophiques
Vettori, Piero, éditeur scientifique
M. Tullii Ciceronis philosophica, Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1538, 450, [1] p.
Vettori, Piero
Petri Victorii explicationes suarum in Ciceronem castigationum, Parisiis, ex officina Roberti Stephani, 1538, 158 p.
Lyon, Sébastien Gryphe, 1540-1541 : édition complète et enrichie in-8
M. T. Ciceronis opera, ex Petri Victorii Castigationibus, his accesserunt castigationum eiusdem Victorii explicationes, ac Joachimi Camerarii Pabenbergensis annotationes, Lugduni, apud S. Gryphium, 1540, 8°, [16], 742 p.
Epistolarum M. T. Ciceronis ad diversos missarum (quæ hactenus familiares dictæ) libri quindecim, ex Petri Victorii castigatione, Lugduni, apud S. Gryphium, 1540, 8°, 468, [4] p.
M. T. Ciceronis epistolæ ad Atticum, Brutum, ad Quintum fratrem, ex Petri Victorii castigationes, T. Pomponii Attici uita, interpretatio Latina eorum, quæ in iis ipsis epistolis Græce scripta sunt, Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1540, 8°, 603, [24] p.
M. T. Ciceronis Philosophicorum tomus primus, continens De IIII Academicarum quæstionum libris ad Varronem missis primi partem, Lucullum, De finibus bonorum et malorum lib. V, Tusculanorum quæstionum lib. V, ex Petri Victorii Castigatione, ibid., 1540, 8°, 468 f.
[M. T. Ciceronis Philosophicorum] tomus secundus, in quo De natura deorum libri III, De diuinatione libri II, De fato liber I, Somnium Scipionis, quod e sex libris De Rep. superest, De legibus libri III, De uniuersitate liber I, Q. Ciceronis De petitione consulatus liber I, Phænomena Arati, a M. Tullio adolescente in Latinum conversa, ibid., 1540, 8°, 412 p.
Tertius tomus Circeronis De philosophia, continens De officiis libros III, Lælium siue De amicitia librum I, Catonem Maiorem siue De senectute librum I, De paradoxis Stoicorum librum I, ibid., 1540, 8°, 226 p.