Les emblèmes d’Alciat dans l’histoire éditoriale lyonnaise des années 1530–1560

L’exemple de Guillaume Roville, Jacques Moderne et Denys de Harsy

Clément Brot

Aborder l’histoire éditoriale des recueils d’emblèmes à la Renaissance est une vaste entreprise 1 et en restreindre l’étude aux seuls Emblèmes d’Alciat n’en facilite que peu l’approche tant l’ouvrage fut populaire en France. En effet, les livres d’emblèmes et plus particulièrement celui d’Alciat ont fait partie dans le pays de ces très grands succès éditoriaux de la Renaissance. À titre d’exemple, et pour instruire un peu plus notre sujet, il est significatif de préciser que de 1534 à 1538, il n’y eut pas une seule année sans publication du recueil de l’illustre italien, et que sur un temps plus long, on constate pareillement que ses éditions et rééditions ont alimenté le marché du livre illustré sur tout le siècle au point que ce succès commercial et français a pu s’exporter dans toute l’Europe. Dans ce contexte, il nous a paru intéressant de brosser à grands traits le tableau de l’histoire éditoriale de ce recueil à Lyon, à partir de l’exemplaire de l’édition de Guillaume Roville et Macé Bonhomme, disponible à la bibliothèque interuniversitaire de Lyon.

La tranche temporelle qui nous occupe s’étend ainsi du milieu des années 1530 jusqu’en 1549, date de cette édition. Nous rappelons qu’un livre d’emblèmes est défini comme un assemblage mettant en concordance un texte et une image à des fins de symbolique moralisante 2. Soulignons que l’évolution des livres d’emblèmes à la Renaissance eut une tournure spécifiquement française 3. Par ailleurs, l’histoire de l’imprimerie en France montre communément qu’au XVIe siècle une concurrence éditoriale farouche oppose Paris et Lyon et qu’il est bien évident que le succès de librairie des Emblèmes d’Alciat ne pouvait y échapper et même à terme devait créer une active émulation. En effet, si les deux villes, chacune de leur côté, se sont engagées dans ce combat commercial pour satisfaire un engouement populaire, on remarque en ce qui concerne précisément le recueil de Maître Alciat que ces rapports positifs de concurrence ont pour le moins revisité voire modifié la nature du recueil lui même, tant au point de vue de la forme mais aussi du contenu. Les aspects les plus significatifs de l’évolution de ce recueil se situent à Lyon. Nous essayerons de voir en quoi consistent ces évolutions mais surtout comment elles se sont mises en place.

Enfin, et pour parachever ces quelques remarques d’introduction, nous préciserons que sur quasiment toute la durée de leur histoire éditoriale les Emblèmes d’Alciat connurent une double existence. L’ouvrage fut imprimé dès 1536 parallèlement en latin ainsi que dans une version bilingue, traduite en langue vernaculaire. La première édition datée en France est latine, et paraît chez Chrétien Wechel à Paris en 1534 4, la version traduite par Jean Le Fèvre avec le texte latin suit en 1536 5 chez le même imprimeur 6. En raison de la popularité des éditions latines, c’est cet ordre de publication qui prévaut lorsqu’un imprimeur reprend à son compte l’ouvrage d’Alciat. Le latin d’abord, le français ensuite. Or, à cette logique des officines se superpose une seconde logique plus vaste et à l’échelle de la France. Trois temps la composent et à chacun d’eux correspond une des deux villes concurrentes. De 1534 à 1544, la presque totalité des éditions des Emblèmes d’Alciat en latin est bilingue, ce qui représente pas moins d’une quinzaine d’éditions illustrées de nombreuses gravures sur bois – elles sont parisiennes et sortent de l’atelier de Chrétien Wechel 7. De 1544 à 1549, Lyon prend le relais avec les éditions de Denys de Harsy, Jacques Moderne, Guillaume Roville et Macé Bonhomme 8. Puis, de 1549 à la fin du siècle les Emblèmes d’Alciat « retournent » à Paris 9. Sans exclure les éditions latines des Emblèmes d’Alciat qui comptent contrairement à ce que l’on pourrait penser parmi les plus populaires 10, nous axerons notre démonstration et nos comparaisons sur les éditions vernaculaires et lyonnaises conservés à la bibliothèque municipale de Lyon, disponibles dans Gallica et plus particulièrement sur celles du fonds ancien de la bibliothèque interuniversitaire de Lyon.

Paris, le lieu d’une naissance, l’officine de Chrétien Wechel : le berceau d’un succès

C’est donc à cet imprimeur parisien que l’on doit le modèle général de la mise en page des emblèmes construit sur la disposition symétrique des illustrations et du texte. Dans l’édition de 1536, le texte en latin est composé dans un italique, le français dans une bâtarde gothique. Il faudra, à Paris, attendre l’édition latin - français de 1540 pour que soient composés pour la première fois les textes en français dans un romain de 84 mm. Par ailleurs, les gravures utilisées par Wechel ne varient pratiquement pas sur toute la période de présence du recueil au catalogue de l’imprimeur parisien. Les éditions postérieures lyonnaises et parisiennes du livre d’Alciat, à l’exception notable des éditions Roville et Bonhomme que nous aborderons, reproduisent, avec plus ou moins de succès les bois parisiens. Paris, et plus particulièrement l’atelier de Chrétien Wechel fait donc office de berceau formel aux multiples éditions qui alimentent le siècle (fig. 1 a et b).

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Fig. 1 a. Page de titre. Les Emblemes de Maistre Andre Alciat, mis en rime francoyse (par Jean Le Fevre)…, Paris, Chrétien Wechel, 1540, BM Lyon, Rés 319765. © Bibliothèque municipale de Lyon

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Fig. 1 b. Emblème « A Silence ». Les Emblemes de Maistre Andre Alciat, mis en rime francoyse (par Jean Le Fevre)…, Paris, Chrétien Wechel, 1540, BM Lyon, Rés 319765. © Bibliothèque municipale de Lyon

Le relais lyonnais

Aux alentours de 1540 et jusqu’à 1549, Lyon prend le relais. On compte dans la cité lyonnaise quatre imprimeurs-libraires qui entretiennent la publication des Emblèmes. Denys de Harsy, Jacques Moderne, Jean de Tournes ainsi que le partenariat Guillaume Roville et Macé Bonhomme. La première édition lyonnaise « datée » 11 du recueil est incontestablement celle de Jacques Moderne de 1544 qui reproduit complaisamment le texte et les illustrations des éditions parisiennes de Chrétien Wechel. Mais selon nous cette chronologie ne prend pas en compte correctement l’édition non datée qui sort de l’atelier à la marque de Dédale.

Harsy – Moderne, quel est le premier ?

Il n’est pas exclu, c’est du moins notre avis à ce jour, que le premier imprimeur lyonnais des Emblèmes d’Alciat soit Denys de Harsy 12, imprimeur à la marque de Dédale d’une suite de neuf ouvrages en langue vernaculaire 13 (fig. 2).

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Fig. 2. Les Emblèmes d’Alciat, [Lyon], [Denys de Harsy], [s.d.], page de titre, BM Grenoble, L.272 Rés. © Bibliothèque municipale de Grenoble

Plusieurs éléments soutiennent cette prépondérance éditoriale. Premièrement, Denys de Harsy ne semble plus pratiquer l’impression de livres en langue vernaculaire à partir de 1544 14. Deuxièmement, son édition n’est pas illustrée, ce qui est curieux lorsque l’on sait que le succès des Emblèmes d’Alciat en France fut engendré et alimenté principalement par cette spécificité du recueil et pose pour le moins question ! L’on peut s’interroger sur cette étrange stratégie commerciale de Harsy imprimeur qui donnerait au public une copie d’une édition illustrée (le texte est parisien) sans en reproduire les illustrations et ce juste après une édition distribuée complète par un de ses proches confrères ? Pour le moins, la logique voudrait qu’il tente le pari d’une édition sans illustration avant de constater une concurrence illustrée. Si ce n’est pas le cas le risque est alors incompréhensible. Notre troisième élément en faveur de la primauté de Denys de Harsy relève enfin d’une attentive observation interne de son travail dans son atelier lyonnais. En effet, le travail typographique et éditorial de Denys de Harsy à la marque de Dédale progresse naturellement en qualité et s’affine tout au long d’une chronologie que nous ne pouvons que subjectivement constater et plus difficilement dater 15. Cette progression esthétique se construit lentement dans le temps et signe selon nous l’évolution générale d’un travail et d’une maturation des pratiques éditoriales de l’officine à la marque de Dédale. Or, il semble que l’édition non illustrée des Emblèmes d’Alciat donnée à la marque de Dédale corresponde plutôt à un travail contemporain des premières phases de l’évolution technique de notre imprimeur.

Par ailleurs, si cette édition des Emblèmes est d’apparence contemporaine des deux autres livres d’emblèmes qu’il imprime entre 1539 et 1541 – à savoir le Théâtre des bons engins de Guillaume de la Perrière et l’Hécatomgraphie de Gilles Corrozet 16 – il n’empêche qu’une évolution des pratiques d’impression est visible de l’une à l’autre de ces éditions. On note aussi que ces éditions sont elles-mêmes des « copies » 17 des impressions données par l’imprimeur parisien Denis Janot entre 1539 et le milieu des années 1540.

De fait, l’édition d’Alciat de Denys de Harsy à la marque de Dédale suit le modèle et la traduction des éditions parisiennes de Wechel mais sans les illustrations, tout comme les deux autres recueils d’emblèmes de son catalogue. Nous reproduisons dans ce travail trois feuillets issus de chacun de ces trois recueils d’emblèmes cités, les Emblèmes d’Alciat, l’Hécatomgraphie et le Théâtre des bons engins (fig. 3 a, b et c). À la vue de ces exemples, il semble que la pratique de l’atelier à la marque de Dédale se soit clairement orientée vers une plus grande hiérarchisation de l’espace textuel.

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Fig. 3 a. Le Théâtre des bons engins, auquel sont contenuz, cent Emblemes [par Guillaume de La Perrière], [Lyon], [D. de Harsy], [ca 1536], BM Lyon, Rés 811484. © Gallica

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Fig. 3 b. Hécatomgraphie, c’est a dire les declarations de pluseurs apophtegmes, proverbes, sentences, &dictz, tant des anciens que des modernes [par G. Corrozet], Lyon, [D. de Harsy], [ca 1540], BM Lyon, 358097. © Gallica

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Fig. 3 c. Les Emblèmes de maistre André Alciat, mis en rimes francoyses, [Lyon], [D. de Harsy], [s.d.], BM Grenoble, L.272 Rés. © Bibliothèque municipale de Grenoble

Ainsi les emblèmes d’Alciat sont disposés les uns après les autres, l’espace de composition est compact 18. Composés dans la même fonte que le texte, gloses ou morales qu’ils précèdent, les titres ne s’en distinguent pas aisément. Seul le jeu entre la fonte romaine de 98 mm que l’on ne trouve au catalogue de Dédale que dans cette édition, et l’italique de 84 mm permet de saisir le découpage du texte. Le texte n’use pas de lettrines, les titres des emblèmes sont composés dans le même italique du texte.

En revanche, dans l’Hécatomgraphie, le texte est plus segmenté et le jeu entre les types de fonte – un romain de 82 mm pour les « commentaires » et un italique de 84 mm pour les emblèmes – est souligné par l’insertion d’espaces entre les paragraphes et le titre. Composés dans un romain de 112 mm, les titres restent discrets quoique d’une taille légèrement supérieure au texte. Le texte des commentaires en français est systématiquement introduit par une lettrine simple qui hiérarchise considérablement l’espace visuel de la page. Or, nous savons que Denis Janot publie une édition de l’Hécatomgraphie à Paris en 1543 sous le titre Hécatongraphie. C’est-à-dire les descriptions de cent figures &hystoires, contenants plusieurs appophthegmes, proverbes, sentences &dictz tant des anciens, que des modernes. Le tout reveu par son autheur. Cette édition parisienne comprend deux pièces liminaires. La première est adressée « A Monsieur le Prevost de Paris ou son lieutenant Civil » à qui Denis Janot demande la protection d’un privilège. La seconde pièce liminaire est un texte de l’auteur intitulé « Gilles Corrozet Parisien, aux bons espritz et amateurs des lettres ». L’édition de Denys de Harsy ne comprend pas, en dépit de la mention d’un privilège, le premier texte de Denis Janot. Mais le second texte liminaire est quant à lui présent de manière incomplète et comporte un certain nombre de variations typographiques, parfois stylistiques. Ces détails nous permettent d’une part de souligner ce que l’histoire a su mettre en lumière : le fait que Denys de Harsy exercera ses talents sur la copie des éditions parisiennes de littérature vernaculaire mais d’autre part et plus spécifiquement, que l’édition de l’Hécatongraphie se situe probablement entre 1543 et 1544, soit à la date de la publication des Emblèmes d’Alciat par Jacques Moderne.

Le troisième livre d’emblèmes imprimé par Denys de Harsy est le Théâtre des bons engins de Guillaume de la Perrière. Cette édition est un tout petit ouvrage en volume, simple de présentation. Composé dans un romain, il n’est pas folioté et ses seuls ornements résident dans la présence d’un italique bâlois comportant des majuscules penchées et dans l’usage au début de chaque huitain de lettrines simples 19. Cette édition use des mêmes dispositifs que l’Hécatomgraphie, à ceci près que les emblèmes sont numérotés au moyen de chiffres romains centrés sur la page et que les titres sont composés dans un italique bâlois de 130 mm avec des majuscules penchées. En dépit de son élégance et du fort contraste qu’elle crée avec le reste du texte, cette fonte n’est que très peu utilisée à cette période et ce détail a dû probablement renforcer l’effet de hiérarchie du dispositif textuel pour le lecteur. Le texte du Théâtre des bons engins est davantage aéré et structuré que l’édition des Emblèmes d’Alciat.

Or, si l’on admet que ces différences sont les fruits d’une évolution des pratiques typographiques au sein de l’atelier de l’imprimeur à la marque de Dédale, l’édition des Emblèmes d’Alciat serait alors antérieure à celle de l’Hécatomgraphie et du Théâtre des bons engins. En effet, pour un catalogue dont l’une des caractéristiques est de taire toute référence à une date d’édition, l’évidente évolution de ces pratiques éditoriales pourrait seule nous servir d’indice de valeur et de chronologie 20.

Mais revenant à la place de cette édition des Emblèmes dans la ville lyonnaise, il apparaît donc que le recueil d’Alciat fait manifestement sa première apparition à Lyon dans sa forme vernaculaire. Ce dernier cas de figure est d’autant plus intéressant qu’il se reproduit une deuxième et dernière fois avec l’édition de Jacques Moderne en 1544.

Jacques Moderne

Il n’existe que très peu d’information sur Jacques Moderne. On sait qu’il fut un imprimeur réputé de musique 21 et qu’il donna en 1544 une version bilingue des Emblèmes 22 (fig. 4), toujours sur la traduction de Jean Le Fèvre, et suivant l’ordre des emblèmes initié par Chrétien Wechel comportant cent treize emblèmes.

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Fig. 4. Les Emblemes de Maistre And,re Alciat, mis en rime francoyse, et puis nagueres reimprime avec curieuse corrections, Lyon, Jacques Moderne, 1544, page de titre, BM Lyon, Rés 800038. © Bibliothèque municipale de Lyon

Suit la même année une version latine du même ouvrage 23. Après Denys de Harsy, ce sera la deuxième fois que les Emblèmes d’Alciat tentent de percer le marché lyonnais avec des éditions bilingues latin-français contrairement à l’usage qui semble en vigueur – usage rappelons-le dicté par le succès (du moins à Paris) des éditions latines. S’agit-il alors d’exploiter les attentes et le goût du public lyonnais pour des ouvrages de littérature en langue vernaculaire ? Existe-t-il à Lyon un terrain plus ouvertement sensible à la langue française et aux traductions en langue vernaculaire ? La production littéraire éditoriale lyonnaise de cette période semble nous apporter des éléments pour appuyer cette hypothèse 24. En tout cas, l’édition de Guillaume Roville et Macé Bonhomme dont nous parlerons, nous encourage dans cette voie.

Ceci dit, que ce soit l’ordre des emblèmes ou bien le matériel et les dispositifs de mise en page, ces premières éditions lyonnaises ne sont tout au plus que des calques des éditions parisiennes. La comparaison est aisée car il existe deux de ces éditions au fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon.

La disposition et la découpe du titre sur les deux ouvrages, au détail des fontes utilisées, sont similaires. En effet l’édition lyonnaise use d’un italique aldin de 82 mm pour le texte en latin, d’une bâtarde gothique de 112 mm jusqu’au feuillet B puis d’un romain de 82 mm pour le français, alors qu’à partir de 1540 les éditions françaises de Wechel présentent le texte français dans un romain de 84 mm, délaissant les caractères de style gothique.

La très grande proximité de ces deux éditions se ressent en revanche nettement sur la mise en page des dédicaces des deux ouvrages. Les dispositions en cul de lampe des titres se répondent et les deux textes sont amorcés par une lettrine (fig. 5 a et b).

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Fig. 5 a. Dédicace. Les Emblemes de Maistre André Alciat, mis en rime françoise par Jean Lefèvre et puis nagueres reimprimé auec curieuse correction, Paris, Chrétien Wechel, 1450, BM Lyon, Rés 319765. © Bibliothèque municipale de Lyon. Fig. 5 b. Dédicace. Les Emblemes de Maistre Andre Alciat, mis en rime françoyse (par Jean Lefevre), et puis naguères rime francoyse, et puis nagueres reimprime réimprimé auec curieuse correction, Lyon, Jacques Moderne, 1544, BM Lyon, Rés 800038. © Bibliothèque municipale de Lyon

Très proches aussi la disposition et la présentation typographique des emblèmes des deux éditions. L’édition de Moderne en 1544 présente cependant la particularité d’avoir une partie des traductions imprimée dans une bâtarde et se rapproche en cela de l’édition la plus ancienne de Chrétien Wechel de 1536. Les bois utilisés par l’édition lyonnaise sont des copies fidèles quoique de qualité inferieure du matériel du parisien 25 (fig. 6, 7 a et 7 b).

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Fig. 6. Les Emblemes de maistre André Alciat, mis en rime françoyse [par Jean Lefevre], et puis naguères réimprimé auec curieuse correction, Lyon, Jacques Moderne, 1544, BM Lyon, Rés 800038, emblème « A silence ». © Bibliothèque municipale de Lyon

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Fig. 7 a. Gravure sur bois : « in astrologos ».Les Emblemes de Maistre Andre Alciat, mis en rime francoyse (par Jean Le Fevre), et puis nagueres reimprime auec curieuse correction, Paris, Chrestien Wechel, 1540, BM Lyon, Rés 319765. © Bibliothèque municipale de Lyon

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Fig. 7 b. Gravure sur bois : « in astrologos ».Les Emblemes de maistre André Alciat [en latin], mis en rime françoyse [par Jean Lefevre], et puis naguères réimprimé auec curieuse correction, Lyon, Jacques Moderne, 1544, BM Lyon, Rés 800038. © Bibliothèque municipale de Lyon

Ainsi, les deux imprimeurs lyonnais Denys de Harsy et Jacques Moderne tentent en ce début des années 1540 de reproduire le succès amorcé par le travail de Chrétien Wechel : pour ce faire les imprimeurs de la cité rhodanienne copient les façons de cet imprimeur parisien, tout en s’évertuant à jouer la carte de la langue vernaculaire.

Tout autre est le travail de Jean de Tournes et Macé Bonhomme pour Guillaume Roville.

Jean de Tournes

Le troisième libraire à avoir donné une édition des Emblèmes à Lyon est Jean de Tournes en 1547 avec l’imprimeur Guillaume Gazeau 26. Il imprime d’abord une édition latine puis l’année suivante une édition vernaculaire du recueil en deux livres 27. Pour le premier livre l’ordre suivi est celui des éditions Wechel, par contre pour le deuxième livre il innove en suivant pour la première fois l’ordre de l’édition aldine de 1546 28. Les bois de cette édition ne sont plus ceux du modèle parisien 29 car l’illustration des emblèmes semble avoir été confiée au célèbre graveur lyonnais Bernard Salomon dit le Petit Laurens 30. Que l’identité du graveur – aujourd’hui en débat – soit confirmée ou non, il n’en reste pas moins que la démarche volontaire qui consiste à changer le matériel d’illustration et à chercher un modèle éditorial en dehors des frontières nationales constitue dès lors un autre pas vers une autonomisation forte vis-à-vis du modèle parisien (fig. 8 a et b).

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Fig. 8 a. Page de titre. Les Emblemes de M. Andre Alciat, Lyon, Jean de Tournes, 1548, Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, M: Li 63 (1). © Herzog August Bibliothek

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Fig. 8 b. Emblème « A Silence ». Les Emblemes de M. Andre Alciat, Lyon, Jean de Tournes, 1548, Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, M: Li 63 (1). © Herzog August Bibliothek

Macé Bonhomme et Guillaume Roville

C’est donc cette même année soit en 1548, que Guillaume Roville et Macé Bonhomme publient une édition latine qu’ils feront suivre dès l’année suivante d’une édition strictement vernaculaire dans une traduction avec des commentaires de Barthélemy Aneau. Nouveauté notable : cette édition propose un agencement des emblèmes par thèmes 31. En effet, en ce qui concerne la structure de l’ouvrage, l’ordre plutôt anarchique qui dominait les éditions précédentes est bouleversé car les Emblèmes sont arrangées pour la première fois dans un ordre thématique. Le recueil d’épigrammes devient recueil de topoi et ce travail de classement n’est pas sans empiéter quelque peu sur la figure auctoriale. Ainsi, les emblèmes en rapport avec l’auteur Alciat, qui traditionnellement ouvraient jusqu’alors toutes les éditions précédentes, sont placés à la fin de l’ouvrage. Alciat est pour ainsi dire symboliquement chassé de son livre au profit du traducteur, du compilateur ou du commentateur. Ainsi en est-il de Barthélemy Aneau dont on pourrait penser que son portrait s’inscrit dans la lettrine qui ouvre la préface dans laquelle il défend son dessein. D’un point de vue strictement matériel et éditorial, l’édition de 1549 est sans précédent car elle se coupe clairement de toute une tradition éditoriale et d’autre part prend ses distances vis-à-vis de l’auteur lui-même. Lyon accouche d’une œuvre en langue vernaculaire qui n’est plus ce qu’elle était en son commencement 32.

Dès la page de titre, il est très visible que l’édition Bonhomme et Roville utilise de fort beaux bandeaux qui, en venant encadrer le titre ou les gravures, la caractérisent en renforçant l’espace visuel et accrochent le regard, faisant apparaître immédiatement sa nouveauté.

De même, les gravures, attribuées avec plus ou moins de certitude à Pierre Eskrich viennent renouveler l’iconographie du recueil et le démarquent des autres éditions. Ces bois sont plus ornés et plus gros que ceux de l’édition de Tournes. Par ailleurs, pour la première fois, la deuxième partie des Emblèmes, incluse pour la première fois dans l’édition De Tournes mais non illustrée, comporte ici des illustrations.

C’est cette version lyonnaise qui par un retour spectaculaire conditionnera à son tour les éditions parisiennes, et bien évidemment les lyonnaises, qui viendront par la suite (fig. 9, 10 et 11).

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Fig. 9. Emblemes d’Alciat de nouveau translatez en françois, vers pour vers, jouxte les latins, ordonnez en lieux communs avec briefves expositions et figures nouvelles appropriées aux derniers emblemes / (par Barthelemy Aneau), Lyon, Guillaume Roville, 1549, page de titre, BDL, 1R 35503. © Bibliothèque Diderot de Lyon

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Fig. 10. Emblemes d’Alciat de nouveau translatez en françois […]/ (par Barthelemy Aneau), Lyon, Guillaume Roville, 1549, préface, BDL, 1R 35503. © Bibliothèque Diderot de Lyon

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Fig. 11. Emblemes d’Alciat de nouveau translatez en françois […]/ (par Barthelemy Aneau), Lyon, Guillaume Roville, 1549, emblème « Aulx astrologues », BDL, 1R 35503. © Bibliothèque Diderot de Lyon

Nous sommes en 1549 et débute le troisième temps de l’histoire éditoriale des Emblèmes d’Alciat qui perdurera jusqu’à la fin du siècle. Ce temps sera fortement influencé par les apports de la version lyonnaise. De 1549 jusqu’en 1560 environ se succèdent donc les rééditions de Jean de Tournes et de Guillaume Roville sans qu’il y ait des changements significatifs tant au point de vue de la forme que du contenu. À partir de 1561 paraît de nouveau une édition parisienne due aux soins de Marnef et Ruelle. Paraissent dès lors parallèlement des éditions lyonnaises et parisiennes jusqu’à la fin du siècle.

Deux tableaux permettent de mieux visualiser les étapes de cette histoire éditoriale (En bleu : les imprimeurs libraires parisiens, en rouge : les imprimeurs lyonnais) :

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Tableau 1. Les Emblèmes d’Alciat : entre Paris et Lyon ; premières éditions des Emblèmes d’Alciat par villes et imprimeurs

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Tableau 2. Traductions « parisiennes » et « lyonnaises » des Emblemata

Sont ici représentées les premières éditions latines et bilingues parues au catalogue de chaque imprimeur par ville. En bleu les éditions parues à Paris, en rouge les éditions qui sont imprimées à Lyon 33. On voit clairement la partition qui s’opère entre les deux villes, mais aussi que l’édition de Roville et Bonhomme se situe bel et bien à la charnière de deux phases. Le second tableau permet de mieux visualiser les rapports d’influences entre les villes. En bleu toujours Paris, en rouge Lyon 34. Les étapes géographiques sont toujours visibles mais sont éclairées par les traductions utilisées pour composer ces éditions. Derrière la traduction de Jean le Fèvre on trouve l’ordre et la manière de Chrétien Wéchel, derrière la traduction de Barthélemy Aneau ce nouveau recueil que nous venons d’étudier.

L’histoire éditoriale des Emblèmes d’Alciat fait assurément partie de ces éditions en perpétuel mouvement tant géographique qu’éditorial. Le propre du succès en somme.

Mais pour conclure brièvement, il est peut-être nécessaire de placer ce recueil sur le plan plus vaste de l’histoire de l’imprimerie, car son célèbre succès confirme de fait la tendance générale qui, à cette période, est en train de s’opérer dans le monde de l’imprimerie et de l’illustré en France. Vraisemblablement sous la pression commerciale, il apparaît que la tranche temporelle qui nous intéresse (1530–1560) est une période de spécialisation obligée pour les différentes officines et ateliers d’imprimeurs-libraire en France. Ce phénomène général s’observe bien évidemment plus à Paris, où Denis Janot, célèbre imprimeur parisien, écrase littéralement le monde de l’imprimerie dans ce secteur spécifique. À sa mort, en 1544, qui rappelons-le, est aussi l’année de la première édition lyonnaise datée de l’atelier de Moderne, le partenariat entre Bonhomme et Roville d’un côté, et Jean de Tournes de l’autre, assurent avec talent la relève lyonnaise. Par son esprit d’entreprise, qui perçoit tout l’intérêt que porte en lui l’usage de la traduction du texte latin en français, Lyon, devient pour un temps, la capitale du livre vernaculaire illustré.

C’est une belle réussite, preuve en est l’exemplaire des Emblèmes disponible à la bibliothèque interuniversitaire de Lyon.

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Annexe – Références

  1. (retour)↑  Je remercie vivement William Kemp pour ses érudits et pertinents conseils. Qu’il soit assuré de ma très sincère gratitude.
  2. (retour)↑  Le terme lui-même est associé à l’art de la mosaïque et de la marqueterie. En effet, la base latine du terme « emblema » oriente la compréhension selon deux sens, l’un concret, l’autre métaphorique. Le mot latin est premièrement associé aux termes de « lithostrum », « sigillum », « simulachrum » et « crusta », qui tous connotent les notions de dessin et de représentation figurée d’un objet. Par voie de conséquence, le terme comporte un sens figuratif qui le rapproche des termes de « figures », « fleurs du discours » ou « lieu commun ». Il semblerait que Francesco Colonna, dans son Hypnerotomachia Poliphili (1499), en donne le premier une illustration par l’utilisation du terme « Emblematura » et l’invention du terme d’« emblematico », qui décrit des mosaïques, représentations de personnages, d’animaux ou d’objets. En revanche, l’acception technique du terme de mosaïque est remise au goût du jour à la Renaissance par certains humanistes qui traduisent et éditent des textes classiques. La double mobilisation du terme est en effet utile pour les humanistes qui cherchent à rétablir une union entre la philosophie et l’éloquence. Ce dernier est idéalement adaptable à la notion de composition à pièce de rapport, le « stile a mosaico ». Puis le terme d’emblème signifie tout ce qui est incrusté, inséré ou ajouté de manière artificielle ; il est utilisé pour désigner des lieux communs puis des ornements du discours comme « toute bouture d’une plante cultivée, greffée sur une plante sauvage, s’appelle un « emblème ».
  3. (retour)↑  Voir pour une définition plus complète, l’ouvrage d’Anne-Elisabeth Spica, Symbolique humaniste et emblématique, Paris, H. Champion, 1996. Anne Elisabeth Spica remarque « qu’en France, les recueils de Guillaume de La Perrière, de Gilles Corrozet, de Cousteau... présentent tous les mêmes caractéristiques : ils imitent l’anthologie alciatique, sur le ton de la satura antique, mêlant tous les thèmes et registres ». Pour illustrer cet engouement et cette réussite littéraire, remarquons aussi comme un exemple parmi d’autres, qu’à Lyon, trois livres d’emblèmes sortent des presses de Denys de Harsy : les Emblèmes d’Alciat, le Théâtre des bons engins de Guillaume de La Perrière ainsi que l’Hécatomgraphie de Gilles Corrozet. Ces trois ouvrages font partie des plus importants succès commerciaux des livres d’emblèmes en France en ce premier tiers de la Renaissance.
  4. (retour)↑  Voir Alison Adams, Stephen Rawles et Alison Saunders, A bibliography of French Emblems Books of the Sixteenth and Seventeenth Centuries, Genève, Droz, 1999, vol. 1, p. 8-9, F. 001.
  5. (retour)↑  Ibid., p. 14-15, F. 005.
  6. (retour)↑  Ibid., p. 2 : « The editions of Alciato produced in Paris by Chrétien Wechel between 1534 and 1549 were formative in many ways. They are thought to have been the firts editions authorised by the author, and appear to attach extreme importance to a consistent and logical layout. Every emblem is illustrated, with woodcuts belived to be by Mercure Jollat, and, in the Latin-only editions each emblem normally occupies one full page […]. Wechel also printed the first vernacular translation of Alciato (into french 1536 ; into German in 1542), published alongside the Latin in a parallel text which can be said to prefigure the polyglot edition of other works. The influence of the Wechel editions lasted until 1639, the date of the last known Alciato edition of the de Tournes dynasty in Lyon and Geneva, which is also the last known edition to preserve the order of the Wechel editions in the first book. »
  7. (retour)↑  Voir A. Saunders, The Sixteenth-century French Emblem Book, a decorative and useful genre, Genève, Droz, 1988, tableau p. 295.
  8. (retour)↑  Ibid., p. 99 : « Not until 1544 was an edition of the Emblemata of Alciati produced in the other main French printing centre, Lyons, ten years after the first Paris edition (the vogue for emblem literature in general developed much later in Lyons, with all the earliest editions of emblem books being produced in Paris). »
  9. (retour)↑  Tout en restant aussi à Lyon, voir tableaux 1 et 2 dans cet article.
  10. (retour)↑  Le rapport entre le nombre d’éditions latines et françaises ou bilingues est approximativement d’une édition française ou bilingue pour deux latines sur la période 1534/1560 en France, voir A. Saunders, op. cit., tableau p. 295.
  11. (retour)↑  Nous soulignons le terme.
  12. (retour)↑  Adams et Rawles n’abordent que peu l’édition que Denys de Harsy donne à Lyon sous la marque de Dédale. Non datée et sans illustrations elle n’offre en effet que peu de prise et d’intérêt aux historiens des Emblèmes illustrées.
  13. (retour)↑  Neuf éditions imprimées entre 1536 et 1542 constituent la série au Dédale : Le Courtisan de Castiglione, La Pénitence d’Amour de Bertaut de la Grise, Les Angoisses douloureuses d’Hélisenne de Crenne, Le Théâtre des bons engins de Guillaume de la Perrière, Le Catalogue des Viles &Cité de Gilles Corrozet, Les Comptes amoureux de Jeanne Flore, Les Emblèmes d’André Alciat, L’Hécatomgraphie de Gilles Corrozet, Les Droictz Nouveaux de Martial d’Auvergne. La première apparition confirmée et datée de la marque au Dédale étant l’édition du Corrozet - Champier (1536/1537) (voir F. A. Johns, « Denys de Harsy and Orion », Gutenberg Jahrbuch, 1988, 63, p. 122-125). Il y en avait dix dans la série imprimée pour Romain Morin (voir William Kemp, « Les petits livres français illustrés de Romain Morin », dans Il Rinascimento a Lione : atti del congresso internazionale, Rome, Ed. dell’ Ateneo, 1988) quelques années auparavant. Si la série de ce libraire Romain Morin semblait être unifiée par le fait que les textes imprimés sont quasiment tous des récits, des traductions de poésies et de récits tirés de l’Antiquité ou appartenant déjà à un registre classique latin ou italien (Boccace, Pétrarque, Sénèque), la série à la marque de Dédale est uniquement constituée d’ouvrages contemporains, en langue vernaculaire et à la « mode ». Pourtant, l’extrême diversité générique des ouvrages qui viennent constituer cette série est palpable. Ce qui unit ces œuvres ne semblerait dépendre que de leur proximité de composition. En effet, parmi ces neuf éditions nous avons un traité politique (le Courtisan), une traduction libre d’un texte vernaculaire italien d’une fiction sentimentale de la Renaissance (la Pénitence d’Amour), un recueil d’inspiration boccacienne (les Comptes Amoureux), trois recueils de textes emblématiques (les Emblèmes, l’Hécatomgraphie et le Théâtre des bons engins), un pastiche d’un registre littéraire (les Droictz Nouveaux), ainsi qu’un ouvrage d’histoire (le Catalogue des Viles &Cité). C’est à croire que la constitution du présent corpus fut motivée par l’établissement d’un éventail représentatif d’une littérature goûtée par le siècle. Le catalogue de Denys de Harsy à la marque de Dédale, par les reprises à succès faites de ses contemporains et concurrents, mais peut-être aussi grâce à un flair et une sensibilité qui lui sont propres, semble donner au lecteur toutes les fleurs littéraires de ces années 1520-1540. Il manquerait cependant à l’exhaustivité de ce catalogue un ouvrage inspiré des épopées chevaleresques ; or, en 1544, sous les deux titres de la Destruction de Troyes et du Recueil des Histoires Troyennes, Denys de Harsy incorpore à son catalogue général deux ouvrages de veine épique.
  14. (retour)↑  1544 est en effet la date de publication de deux ouvrages en langue vernaculaire au catalogue de Denys de Harsy : La Destruction de Troye La Grande, Le rauissement d’Heleine faict par Paris Alexandre, composée en Rithme Françoyse par Maistre Iehan de Mehun [i.e. Jacques Millet], Lyon, Denys de Harsy, 1544, in-2, ainsi que Le recueil des histoires &singularitez de la noble cité de troye la grande, nouvellement abrégé, Lyon, Denys de Harsy 1544 (BM Lyon Rés 159001). Denys de Harsy n’est ici plus « dissimulé » derrière sa marque énigmatique au Dédale. C’est ici l’imprimeur et le libraire qui s’affichent sur la page de titre et très probablement la fin de la série à la marque de Dédale qui est soulignée.
  15. (retour)↑  Rappelons que le corpus à la marque de Dédale, n’est pas daté, à l’exception du Courtisan dont le transfert de privilège donne la date de 1537.
  16. (retour)↑  L’Hécatomgraphie est un livre d’emblèmes à proprement parler. À l’emblème, Faire tout par Moyen, on retrouve curieusement les vers suivants (qui ne sont pas sans rappeler fortement la devise de la marque de Dédale « ne hault ne bas médiocrement ») : « Mais si tu vas ne hault, ne bas, adonques / La voye est sure &sans dangers quelzconques. » Serait-ce là un clin d’œil à l’imprimeur lyonnais, le motif d’un intérêt de ce dernier pour l’ouvrage ou bien le simple fait du hasard ? On retrouve par ailleurs plusieurs autres occurrences de cette formule à l’époque.
  17. (retour)↑  Sur la question des copies et des éditions « pirates » au XVIe siècle, voir Jean-François Gilmont, « Peut-on parler de contrefaçon au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle ? », Bulletin du bibliophile, 2006, n° 1, p. 19-40
  18. (retour)↑ 
  19. (retour)↑  Le Théâtre des bons engins est le premier livre d’emblèmes vernaculaire français. À partir d’un huitain à la fin de l’ouvrage, le Supplément du Baudrier le date de 1536. Cette datation est assurément erronée. En effet, la présence de l’italique bâlois, qui n’apparaîtra qu’à partir des années 1538-1539 dans la ville rhodanienne et a fortiori dans l’atelier de l’imprimeur, exclut formellement cette datation. La première édition est en conséquence due à Denis Janot en 1540 et selon toute vraisemblance, l’édition de Denys de Harsy à la marque de Dédale serait une édition « pirate » de la seconde édition parisienne.
  20. (retour)↑  Par ailleurs, il nous semble que toutes ces raisons attestent que les Emblèmes d’Alciat sont à la source d’une pratique éditoriale originale à cette période, développée spécifiquement dans la série de l’imprimeur à la marque de Dédale.
  21. (retour)↑  Voir Samuel F. Pogue, Jacques Moderne Lyons Music Printer of the Sixteenth Century, Genève, Droz, 1969 et Alisaon Saunders, op. cit., p. 99 : « The first Lyons edition of Alciati was somewhat surprisingly published by Jacques Moderne, a printer specialising primarily in music publishing, but other than being the first edition to be published in Lyons, its presents little significant interest, being little more than a slavish copy of Wechel’s edition. »
  22. (retour)↑  Adams, Rawles &Saunders vol. 1, F. 016, p. 29 ; Gültlingen, VI, p. 77, 66 ; Pogue, p. 185, 42 ; BM Lyon Rés 800038. Voir aussi Gültlingen, VI, p. 78, 71. Les relations qui unissent Jacques Giunta et Jacques Moderne sont à ce jour encore obscures. Cependant, les multiples marques arborant la fleur de lys florentine employées par Giunta et par Moderne traduisent probablement un partenariat entre les deux hommes. Les Giunti seraient-ils des appuis financiers aux impressions de Moderne ?
  23. (retour)↑  Adams, Rawles &Saunders vol. 1, F. 016, p. 29: « The absence of repeated woodcuts here suggests that this edition was printed after Moderne’s Latin-French edition. ». Voir BM Lyon, Rés. 800038.
  24. (retour)↑  En témoignent la série à la marque de Dédale, les petits livres illustrés de Romain Morin ou le catalogue de François Juste.
  25. (retour)↑  Sur les matériels typographiques des éditions Wechel et Moderne, voir A. Adams, S. Rawles et A. Saunders, A bibliography of French Emblems Books, op. cit. A. Saunders remarque : « It is interesting that in the earliest Moderne edition twelve Wechel-imitated illustrations are absent, and in their place are other illustrations (repeats and reutilisations of old Moderne blocks), presumably because the artist was unable to produce the full quota of new woodblocks in time for this first edition. Moderne, it must be assumed, was in a great hurry to get his first edition out as soon as possible, in order to exploit what was obviously a profitable market. In fact he did enjoy three years monopoly of the Lyon market before De Tournes provided him competition in 1547 » (p. 104). Voir également Samuel Pogue, op. cit., p. 188.
  26. (retour)↑  Adams, Rawles &Saunders, vol. 1, F. 019, p. 33 ; Gültlingen, IX, 69, p. 144 ; Index Aureliensis : catalogus librorum sedecimo sæculo impressorum, Genève, Fondation Index Aureliensis, Baden-Baden, V. Koerner, 1962-ad vocem, 102, 955.
  27. (retour)↑  Adams, Rawles &Saunders, vol. 1, F. 022, p. 39 ; Gültlingen, IX, 107, p. 149 ; Index Aureliensis, 102, 962.
  28. (retour)↑  Andreae Alciati emblematum libellus, nuper in lucem editus, Venetiis, [apud Aldi filios], 1546, in-8.
  29. (retour)↑  Voir aussi quelques illustrations de l’édition Tournes mises en regard avec les illustrations de Wechel dans le livre de Peter Sharratt, Bernard Salomon, illustrateur lyonnais, Genève, Droz, 2005, p. 395-396.
  30. (retour)↑  Ibid. : « The figures are full of life and movement; the background is sketched in much more fully, and the floating veils so characteristic of Salomon make their first appearance in many of the illustrations. In short the mark of Salomon upon the emblems is unmistakeable. And yet the influence of the Wechel figures is nevertheless still very apparent, for different in detail thought they may be, the Salomon figures nevertheless remain faithful in essence to the basic pattern established in the earlier Paris editions. »
  31. (retour)↑  Voir H. J. Martin et R. Chartier, Histoire de l’édition française, tome I, Le livre conquérant, du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle, Paris, Promodis, 1983 : « Guillaume Roville est particulièrement exigeant sur la qualité des livres publiés : un livre doit être beau, clair, pratique et ne pas comporter d’erreurs. Ses éditions de livres d’emblèmes d’auteurs italiens, dont le célèbre juriste Andrea Alciati, illustrent bien ce souci. Voici par exemple ce qu’il dit à l’un de ses auteurs : “envoyez-moi votre manuscrit in bellissima scrittura e pittura di mano, io lo vi rimandi altresi in bellissimi caratteri di stampa e di figure d’intaglio”. Aux Emblèmes d’Alciat, Roville donne, sans doute, avec l’aide de l’érudit Barthélémy Aneau, un ordre qui leur restera pendant des siècles : le lecteur passe des sujets les plus nobles et élevés aux thèmes les plus triviaux et terre à terre [...]. L’emblème sur la loyauté est suivi d’un autre sur la traitrise ; celui sur la lâcheté succède à celui sur le courage, et ainsi de suite. Ainsi, l’ouvrage ravit l’œil, et devient plus utile, “car il est beaucoup plus aysé à chercher et trouver les choses disponibles chescune en son ordre et lieu, que amoncellées à l’adventure en trouppe désordonnée”. Enfin Roville s’assure que les épreuves de ses livres sont bien corrigées. » C’est cette même année que paraît l’édition italienne et espagnole.
  32. (retour)↑  En effet, s’agit-il d’une étape significative et à forte influence dans l’édition des emblèmes à la Renaissance ? Évoquons brièvement l’hypothèse d’une collaboration ou d’un travail d’équipe éditoriale in officina avec l’histoire éditoriale d’un autre recueil d’Aneau, publié chez Macé Bonhomme. Il s’agit de la Picta poesis dans sa version latine ou de l’Imagination poétique dans sa version française (1552) qui aurait été composée à partir de certains bois créés pour les Métamorphoses d’Ovide publiées par Bonhomme et traduites par Clément Marot. L’auteur de la Picta Poesis prétend dans sa préface avoir trouvé chez son imprimeur ces bois et s’en serait servi pour composer son ouvrage : « Estant un jour en sa maison, trouvay quelques petites Figures pourtraictes et taillées, demandant à quoy elles servoient : me respondit, A rien, pour n’avoir point d’inscriptions, propres a icelles, ou si aucunement en avoyent eu, icelles estre perdues pour luy. Alors je estimant que sans cause n’avoient esté faictes, luy promis que de muettes et mortes je les rendrois parlantes et vives : leur inspirant âme, par vive poésie ». L’image d’un écrivain tellement familier de l’officine de son imprimeur, qu’il s’y promène et « furète » dans les tiroirs est plaisante. Certains s’accordent à y voir une simple coquetterie d’auteur qui ne nous satisfait pas complètement.
  33. (retour)↑  Nous avons délibérément enlevé la quasi-totalité des rééditions car le tableau n’aurait pas tenu sur la page.
  34. (retour)↑  Nous n’avons en revanche gardé ici que les versions traduites du recueil.