Mettre en livre Ésope à Lyon

Les deux Ésope de la Bibliothèque Diderot de Lyon

Michèle Clément

Quand, aiguillonnés par Marie-Josette Perrat, conservatrice du fonds patrimonial de la BIU Lsh 1, nous avons décidé en commun de travailler sur les livres du XVIe siècle imprimés à Lyon et présents aujourd’hui dans ce fonds, nous décidions de confronter les hasards d’une constitution de fonds avec la rationalité d’une entreprise éditoriale plutôt concertée, celle des imprimeurs et éditeurs lyonnais du XVIe siècle. Façon d’ouvrir les possibles de la recherche selon des critères qui lui sont extérieurs. Parmi ce fonds, choisir les éditions d’Ésope, c’est choisir un best-seller et réduire le caractère arbitraire du corpus car, s’il est un titre qui a inondé le marché du livre européen entre la fin du XVe et le milieu du XVIIe siècle, c’est bien le recueil des fables d’Ésope. La Bibliothèque Diderot de Lyon conserve deux exemplaires lyonnais de fabliers, l’un imprimé par Sébastien Gryphe en 1536 [?] 2, l’autre par Jean II de Tournes en 1582. La présence de ces deux exemplaires n’a rien d’étonnant car ce sont les deux imprimeurs lyonnais qui ont le plus imprimé ce fablier à Lyon 3. On recense neuf éditions pour Gryphe en vingt-deux ans et quatorze éditions pour les De Tournes (I et II) sur presque soixante ans. La bibliothèque municipale de Lyon possède, elle, un grand nombre de ces éditions, dont un exemplaire de chacune des deux éditions de la bibliothèque Diderot, ce qui permettra des comparaisons d’exemplaires.

Comment mettre au jour la spécificité de ces exemplaires du XVIe siècle lyonnais, d’une part dans la longue tradition des fables d’Ésope depuis l’Antiquité, d’autre part plus spécifiquement dans la production humaniste ? Les fables ne resurgissent pas à la Renaissance, elles ne sont pas redécouvertes par les humanistes comme certains textes grecs (les Opera omnia de Platon, les Odes de Pindare, les poèmes de Sappho et d’Anacréon…), seule une petite partie d’entre elles est retrouvée progressivement. Elles circulaient déjà abondamment via une tradition latine au Moyen Âge. Elles ont circulé en fait sans cesse depuis le IVe siècle avant J.-C. et le nombre de fabliers en circulation échappe aux recensements les plus poussés, même pour la seule période humaniste ; ainsi Paola Cifarelli qui s’est intéressée, à la suite de la bibliographie de Gianni Mombello 4, à la fable humaniste, se contente de recenser les thèmes à défaut de pouvoir identifier toutes les publications et a fortiori les manuscrits 5. On essayera, dans le massif des impressions des fables d’Ésope à la Renaissance, de repérer la fonctionnalité des deux exemplaires lyonnais de la Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL). Quelles indications la mise en livre donne-t-elle quant à l’usage prévu du fablier ? On replacera d’abord les deux livres dans la tradition pour percevoir la nouveauté humaniste puis on décrira les deux exemplaires pour repérer l’usage requis par la forme du livre avant de les comparer à un troisième terme absent, l’édition des fables par Corrozet.

Une longue tradition littéraire

D’Ésope aux Ysopets

Ésope, l’inventeur grec légendaire de la fable au VIe siècle av. J.-C., est célèbre au point que beaucoup de textes lui sont attribués, plus qu’il n’en a jamais écrit (ou dit) et souvent bien plus tardifs ; il s’agit de textes appartenant à la « collection ésopique » ou au « fonds ésopique 6 », c’est-à-dire des récits fabuleux à vocation morale mettant en scène en général des animaux ; il existe déjà des fables animales avant Ésope, comme chez Hésiode deux siècles plus tôt avec le conte du rossignol et de l’épervier dans Les travaux et les jours (vers 200-210), et il en existera longtemps après car les Romains se mirent à la fable, en latin ou en grec, (Lucilius, Horace, Phèdre et Babrius), puis les Grecs y revinrent tardivement avec Plutarque, Lucien et les Byzantins ; on ne cessa d’enrichir, y compris par des textes d’anonymes, ce fonds dont la plus ancienne compilation connue est celle de Démétrios de Phalère, aujourd’hui disparue, qui aurait été composée à la fin du IVe siècle avant J.-C. Cet ouvrage avait essentiellement pour but de fournir un matériel destiné aux orateurs afin d’orner leurs discours. Bien plus tard, vers 315 ap. J.-C., le rhéteur Aphthonius d’Antioche composa un traité sur la fable et en transcrivit une quarantaine en latin et en prose. La fable était alors devenue un instrument pédagogique en vue de l’éducation rhétorique des élèves, un des exercices scolaires consistant à mettre en prose une fable en vers ou au contraire à versifier une fable en prose. Ce sont ces exercices qui ont permis de perpétuer la fable ésopique et c’est la raison pour laquelle toutes les collections qui nous ont été transmises étaient à destination scolaire, de Babrius (fin du Ier siècle) à Aphthonius (début IVe siècle). Les humanistes ne manqueront pas de reprendre et d’accroître ce fonds, souvent avec la même dimension pédagogique, mais souvent plus linguistique que rhétorique. On peut noter cependant que ce fonds connaît une remarquable continuité de l’époque médiévale à la période humaniste ; certes le canon va s’enrichir au moment où l’on redécouvre des manuscrits grecs et où des humanistes se mettent à écrire des fables mais il existait déjà dans une très riche tradition manuscrite ; le plus connu des manuscrits, la matrice du fonds français en quelque sorte, dit Romulus ordinarius, contient quatre-vingt trois apologues en prose latine et qui, combiné avec d’autres sources, est l’origine de la plupart des Ysopets médiévaux (ceux de Lyon, de Chartres et Paris) 7, des Avionnets (du nom d’Avienus) 8 et surtout des cent deux fables de Marie de France (toute fin XIIe siècle) 9.

Des Ysopets aux fabliers humanistes

La Renaissance va voir se développer ce fonds médiéval. Au XIVe siècle, le moine lettré Maxime Planude recueille cent vingt-sept fables ésopiques en grec. C’est le début de la redécouverte du fonds grec ; Lorenzo Valla en 1438 découvre et traduit trente-trois fables à partir d’un manuscrit grec 10. Ces découvertes sont essentiellement recueillies dans ce que l’on va ensuite appeler l’Aesopus Dorpii, du nom de l’humaniste Martin Dorpius, qui les publie à partir de 1510. En France, c’est Robert Estienne qui va commencer à publier cette collection à partir de 1527. Malgré ces découvertes grecques, on ne connaît pas encore les fables grecques de Phèdre en France à la Renaissance (sauf de rares adaptations en prose à partir du latin), puisque c’est en 1596 seulement qu’elles sont éditées par Pithou et ne pénétreront en France qu’au XVIIe siècle.

Très vite le corpus médiéval a donc été augmenté et parfois retraduit sur la source grecque et non plus latine ; augmenté non seulement des 33 fables traduites du grec par Lorenzo Valla, de celles de Babrius en grec (et non plus en latin) mais aussi de sélections de fables puisées chez les auteurs anciens (Aulu-Gelle, Avienus…) et chez des auteurs contemporains comme L. Abstemius 11, auteur de deux centaines de fables sous le nom de Hecatomythia ou plus modestement Érasme, aux Adages duquel les compilateurs font quelques emprunts.

Vont alors se multiplier les éditions de fabliers en latin (Sébastien Gryphe), en grec (Robert Estienne), bilingue latin-grec (De Tournes), bilingue langue ancienne et vernaculaire (De Tournes) et aussi très tôt en vernaculaire dans toute l’Europe humaniste ; dès 1476-1477, Henri Steinhöwel, médecin à Ulm, donne la première édition imprimée d’Ésope avec cent quarante fables en allemand ; presque tous les imprimeurs d’Europe vont s’emparer de sa traduction et de sa présentation pour donner leur version. C’est de cette traduction que s’inspirent Julien Macho et ses imprimeurs à Lyon dès 1480 12 ; en 1484, William Caxton imprime une traduction des fables en anglais à Westminster; puis voient le jour, toujours inspirées de Steinhöwel, des éditions en espagnol, en néerlandais (Gérard Leeu en 1485)…

Pour la France, après la forte influence de la traduction de Julien Macho, c’est indéniablement le poète humaniste et libraire Gilles Corrozet qui a joué un rôle majeur pour faire françaises les fables d’Ésope; il travaille à partir de l’Aesopus Dorpii (selon Paola Cifarelli) pour donner sa propre version des fables en 1542 puis en 1548 13 ; son importance est liée à deux gestes combinés, d’une part un geste linguistico-poétique, c’est la mise en vers français des fables et, d’autre part, un geste typographique, c’est une mise en livre adoptant une forme très singulière et toute neuve 14, celle du livre d’emblèmes (fig.1). L’emblème avec devise, figure et épigramme (en l’occurrence un quatrain) fait face à la « fable » en vers, composée du récit et de la morale non distingués. Corrozet avait déjà pratiqué cette forme dans son Hecatomgraphie en 1540 chez le même imprimeur, Denis Janot, et il l’adapte aux fables. Son adaptation en vers français en fait le deuxième grand fabuliste français après Marie de France. Son œuvre eut un énorme impact (on va le voir avec Jean de Tournes) avant d’être définitivement éclipsée par celle de La Fontaine.

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Fig. 1. Fables du tres ancien Ésope…, éd. et trad. par G. Corrozet, Paris, D. Janot, 1542, page de titre. © Gallica (BnF, Rés. Yb-1003)

On a donc une trilogie de poètes français au service de la fable ésopique : Marie de France / Gilles Corrozet / La Fontaine. Nos deux exemplaires se situent par rapport au Corrozet, l’un en amont (six ans avant), l’autre en aval et en filiation, quarante ans plus tard. On pourra donc les observer par rapport à cette édition.

Description des deux exemplaires et usages

Esopi fabulae [Gryphe ?]

Sous le titre d’Aesopi Fabulae, enregistré sous la cote R2 21368, on a un livre décrit au catalogue de la BDL comme un fablier de Gryphe, publié en 1536 (fig. 2).

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Fig. 2. Première page de l’édition prêtée à Gryphe, BDL, R2 21368. © Bibliothèque Diderot de Lyon

Pour identifier Gryphe et la date, seule existe une mention manuscrite portée sur la couverture intérieure « Lyon, Sebastien Gryphe, 1536 » car l’exemplaire est mutilé : pas de page de titre, pas de colophon, le livre commence à la page 3 et finit sur un feuillet blanc. J’ai travaillé plusieurs jours sur ce que je prenais pour un livre de Gryphe avant de m’interroger. Quelle preuve formelle avais-je pour parler d’un Gryphe ? L’enquête était à reprendre : si la description de l’exemplaire correspondait à celles de la bibliographie lyonnaise (Baudrier et Gültlingen) et à l’exemplaire conservé à la BM de Lyon, il serait alors aisé d’identifier le livre et de le replacer dans la production de Sébastien Gryphe.

Selon Henri Baudrier et Sybille von Gültlingen 15, la première édition par Gryphe des Aesopi Phrygis et aliorum fabulae… date de 1532 puis est réimprimée à l’identique en 1534, 1536, 1539 et 1540 (toutes avec la même description : sous la forme d’un in-8° de 292 p. en italique et 20 p. non paginées) ; seuls la date sur la page de titre et l’achevé d’imprimer changent ; la description de l’exemplaire type de 1536 ne correspond pas exactement à l’exemplaire de la BDL : Baudrier mentionne précisément : « 292 p. + 10 feuillets non paginés dont le dernier blanc et un achevé d’imprimer avant le feuillet blanc sur la page finale de l’index : « SEB. GRYP. GERMANVS EXCVD. LVGDVNI M. D.XXXVI », or cet achevé d’imprimer n’existe pas à la fin de l’index avant le feuillet blanc dernier et la dernière page paginée est la p. 293.

Baudrier mentionne une autre édition en 1539 en 299 pages paginées et 8 folios non chiffrés sans achevé d’imprimer, une édition de 1544 (qu’il ne décrit pas mais elle est décrite par Gültlingen), une édition en 1548 de 255 p. + 4, avec achevé d’imprimer, reprise à l’identique en 1554. Donc entre 1524 et 1554, neuf éditions d’Ésope sont recensées chez Gryphe ; aucune ne correspond à celle-ci. Sept des neuf sont à la BM 16 dont celle de 1536. Puisque la BM de Lyon possède le Gryphe de 1536, la comparaison d’exemplaires est possible pour vérifier les affirmations des bibliographes. Cet exemplaire comporte la page de titre et au dos de cette page, la liste des fables contenues dans ce livre, 292 p. numérotées (et non 293) + 18 pages d’index non paginées et un feuillet blanc final, au verso duquel figure la marque de Gryphe : le gryphon. Sur la dix-huitième page de l’index figure bien l’achevé d’imprimer en majuscules « SEB. GRYP. GERMANUS EXCUD. LUGDUNI M. D. XXXVI. ». C’est ce détail qui est le plus troublant car l’excudebat est absent de notre exemplaire BDL alors que la page où il devrait figurer ne fait pas partie des pages mutilées : il est manquant au bas de la page finale partiellement blanche de l’index de l’exemplaire de la BDL.

Je donne ici quelques relevés issus de la comparaison de l’exemplaire de la BDL avec l’exemplaire Gryphe 1536 de la BM 17 :

  • BDL : le volume est entièrement latin et tout en italiques sauf les titres (des fables et des morales) qui sont en majuscules romaines / B.M. : idem ;
  • BDL : grand in-8 : 10 x 16 cm / celui de la BM est aussi un grand in-8, (il fait 15,5 par 9,5 cm et a été sans doute rogné car l’exemplaire de 1534 qui est dans sa reliure originale fait bien 10 x 16 cm) ;
  • BDL : p. 3 (première page existante) à p. 293 + index non numéroté (17 p.) / BM : 292 p. + 20 p. non numérotées ;
  • BDL p. 169 : premiers mots « abeuntem perspiciens, quur abiret rogavit. » / BM : « eum caperet, calamos erexit » ;
  • BDL p. 247 : « DE SENE IUVENEM POMA SIBI » / BM : « accipitrum discordia, quam concordia nobis erat »;
  • BDL : dernière page de l’index (page non numérotée) s’achève sur la fable « uxorem non cognoscens ut felix evaderet » dont la page de renvoi est p. 287 puis vient la mention « FINIS » / BM : renvoi à la page 286 en bas de page, pas de « finis » mais présence de l’achevé d’imprimer.

Seuls les titres courants identifient cet exemplaire BDL = Aesopi fabulae jusqu’à la p. 197 puis, à partir de p. 198 (faussement notée 398) jusqu’à la fin (p. 293), apparaît un deuxième titre courant Laur. Abstemii Fabulae et enfin le dernier : Index (titres des fables d’Ésope et d’Abstemius par ordre alphabétique) ; ces titres courants, que l’on trouve à l’identique chez Gryphe, identifient clairement deux séries de fables non confondues.

Le premier constat est clair : même si le contenu est le même, il ne s’agit pas du tout de la même mise en page et donc pas de la même édition. L’Ésope de la BDL n’est peut-être pas un Gryphe (puisque tous les Gryphe portent un « excudebat ») mais une copie quasi à l’identique. Qui a copié cette édition ? Pour ce que l’on sait, Étienne Dolet en 1542 18. Or, les signatures du Dolet 1542 sont données par C. Longeon : a-t u, ainsi que la pagination, qui reste de 292 p. + 20 p. non numérotées, avec la marque de Dolet sur le feuillet u4v ; cela ne correspond donc pas à notre édition BDL. Donc le mystère reste entier : avons-nous à la BDL une autre copie par Dolet de l’édition Gryphe ? Une copie faite par un autre imprimeur ? L’absence de page de titre empêche de trancher mais ce n’est certainement pas un Gryphe, mais une copie presque à l’identique de Gryphe (qui n’ose se parer du gryphon de Gryphe ni de son excudebat).

Le contenu de l’exemplaire, en tout point similaire au contenu des éditions Gryphe, nous prouve que nous sommes en présence d’un fablier humaniste ; l’absence de toute annotation manuscrite permet de suggérer qu’il s’agit ici d’un exemplaire de lecture et non de travail. Les fables sont numérotées dans la marge de droite pour Ésope et portent un numéro en sous-titre pour celles d’Abstemius (BM porte une différence car les fables d’Abstemius sont aussi numérotées à droite, comme celles d’Ésope, et non en sous-titre).

Contenu de l’exemplaire de la Bibliothèque Diderot de Lyon, supposé un Gryphe (jusqu’à la section des fables d’Abstemius non comprise), qui permet de relever les menues différences de mis en page par rapport au Gryphe :

  • Aesopi fabulatoris uita, a Maximo Planude composita, e graeco latina facta (p. 3, feuillet a2) jusqu’à la p. 41 : Aesopi uitae finis 19 (BM, p. 44) ;
  • Ex Aphtonii sophistae exercitamentis : une définition et un exemple : Fabula, qua formicarum et Cicadarum exemplo hortantur iuuenes ad laborem (p. 42) (BM, p. 46 mal paginée = 45) ;
  • Ex Philostrati imaginibus. Fabulae (ce que sont les fables d’Esope) (p. 43) (BM, p. 46) ;
  • Ex Hermogenis exercitamentis. Prisciano interprete. (p. 44-45) (BM, p. 47-48) dont le texte commence ainsi : Fabula est oratio ficta, uerisimili dispositione, imaginem exhibens ueritatis. Ideo autem primam tradere pueris solent oratores, quia animos eorum adhuc molles ad meliores facile uias rite instituunt… (idem BM). Épître de Lorenzo Valla datée de 1438 précédant trente-trois fables, les « trium et triginta Aesopi fabularum a Laur. Valla traductarum » (p. 46-61) sur le modèle : titre puis fable puis adfabulatio (= morale en deux à trois lignes) ;
  • Aliae item aliquot Aesopi fabulae e graeco in latinum uersae, incerto interprete. (p. 62-90) = 78 fables (titre puis fable puis adfabulatio) ;
  • Épître de « Guilelmus Canonicus diui aurelii Augustini Florentio suo illustri Baroni Iselsteino. S. D. » p. 91 (BM p. 93) précédant quarante-cinq fables (titre, fable suivis de morale ; p. 92-114) ;
  • Aesopi fabulae triginta sex, Hadriano Barlando interprete (titre, fable suivis de morale) p. 115-129 ;
  • Aniani fabulae 20 quatuor Hadriano Barlando interprete (p. 129-131);
  • Aniani fabulae triginta octo Guilelmo Hermanno diui Augustini ordinis canonico interprete (titre, fable suivis de morale) (p. 131-145) ;
  • Aesopi fabulatoris clarissimi apologi, e Graeco Latini per Rinucium facti. D’abord un argumentum (p. 145) puis schéma : fable et morale en un seul pavé de texte (seul un alinéa sépare le récit et « fabula significat… ») = 100 fables (p. 146-184) (BM, p. 147-188) ;
  • Apologi ex chiliadibus adagiorum Erasmi desumpti ad communem puerorum fructum (p. 184-188) (neuf apologues) (BM, p. 189) ;
  • Fables tirées de Politien, Pietro Crinito, Ioannus Antonius Campanus, Pline, Nicolas Gerbellus, Aulu-Gelle [dont la fable d’Arion et du dauphin], p. 189 à 197 (BM, p. 189 à 197) ;
  • À la page 197, mention « fabularum Aesopi finis » = collection de 352 fables (avec reprises) / BM : p. 202 : Fabularum Aesopi eisque adiunctarum. FINIS » ;
  • Deuxième titre courant p. 198 : Laur. Abstemii Fabulae (BM p. 203) ;
  • Deux épîtres (l’une de Domitius Palladius Souranus et l’autre d’Abstemius) puis le proemium d’Abstemius p. 198-203 puis fabula prima, (récit et morale dans un seul pavé avec retrait), fabula secunda… jusqu’à la p. 250 : « finis Hecatomythii primi » ; p. 251 : « Hecatomythium secundum eiusdem Abstemi » (épître) puis 100 fables.

On trouve donc, dans les deux cas, au début du livre, la Vie d’Ésope et à la fin, l’Hecatomythia (200 fables) d’Abstemius ; entre les deux, le compte est plus difficile pour Ésope et consorts : sont collectées 352 versions de fables attribuées à Ésope (de façon pas toujours très claire) mais 332 selon l’index (l’index répertorie 532 titres (donc normalement 332 + les 200 d’Abstemius) dont (toujours selon l’index) cinquante fables présentant deux, voire trois versions différentes sous le même titre 21.

La plupart des pièces et des éditeurs du recueil se retrouvent à l’identique chez un éditeur et imprimeur comme Robert Estienne (qui a commencé à imprimer les fables dès 1527). Ainsi, dans l’édition de 1546 des AEsopi Phrygis uita & fabulae, Ex officina Rob. Stephani typographi Regii, 1546 (fig. 3), on retrouve, outre Ésope bien sûr, Avianus, Maximus Planude, Érasme, Ange Politien, Pietro Crinito, Jean-Antoine Campanus, Aulu-Gelle, Nicolas Gerbellus, Adrien Barlandus, Guilelmus Hermannus, Laurent Abstemius ; seuls le Mantuan et Horace sont chez Estienne mais pas chez Gryphe.

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Fig. 3. Fables d’Ésope,Paris, Robert Estienne, 1546, page de titre. © Gallica (British Library, cote non indiquée)

Cet ensemble de noms signe l’entreprise humaniste : les fables sont entourées d’un écrin de noms prestigieux, d’épîtres, de paratextes définitionnels et donc valorisées comme grand genre, essentiellement rhétorique à finalité morale ; pour reprendre Hermogène (p. 44) :

Fabula est oratio ficta, uerisimili dispositione, imaginem exhibens ueritatis. Ideo autem primam tradere pueris solent oratores, quia animos eorum adhuc molles ad meliores facile uias rite instituun….

Deuxième exemplaire : Aesopi Phrigis fabulae

Sous la cote R2 15550 (fig. 4) est répertorié un livre moins problématique, dont voici la page de titre :

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Fig. 4. Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis…, Lyon, Jean de Tournes, 1582, page de titre, BDL, R2 15550. © Bibliothèque Diderot de Lyon

Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis eiconibus ueras animalium species ad uiuum adumbrantes 22

Gabriae Graeci fabellae XXXXIIII

Batrachomyomachia, hoc est ranarum et murium pugna

Galeomyomachia siue Felium et murium pugna. Tragoedia Graeca

Haec omnia cum latina interpretatione

Lugduni apud Ioan. Tornaesium Typogr. Regium, 1582

Il s’agit d’un in-8 (petit in-8 : 7 x 11,5 cm, sans doute rogné car l’exemplaire de la BM fait 7,6 par 11,8 cm).

410 pages numérotées (a2-z5 + A1-c5) + index non numéroté (idem BM).

L’exemplaire de la BDL est mutilé là encore (mais moins gravement que dans le cas Gryphe) car il manque la fin de l’index qui s’interrompt au début de la lettre p ; l’exemplaire de la BM contient le dernier feuillet d’index manquant à la BDL.

On peut tout de suite préciser que la page de titre qui vaut sommaire ne représente pas de manière exacte le contenu du livre. Le volume suit les annonces de la page de titre jusqu’à la p. 382 et est entièrement bilingue en deux colonnes sur chaque page : le grec (colonne intérieure) en italiques, le latin (colonne extérieure) en romaines pour le récit et en italiques pour l’affabulatio. Quant à l’ajout final, absent du sommaire de la page de titre, Aesopi Fabulae XLII ab Auieno elego carmine conscripta (p. 383-410), il est uniquement en latin 23.

Les fables d’Ésope (à partir de la p. 119 et jusqu’à la p. 281) sont souvent illustrées d’un bois (de manière non régulière : la première, pas la deuxième ni la troisième, mais la quatrième, cinquième, sixième, septième, pas la huitième ni la neuvième mais la dixième…) ; il y a un total de soixante-et-un bois qui sont repris à l’édition de 1570, selon Robert Baron 24 ; toutes ces fables d’Ésope sont numérotées jusqu’à la cent quarante neuvième suivie d’une cent cinquantième sans numéro.

Le livre porte quelques rares annotations manuscrites en latin et en grec (p. 119, 120, 191, 287…) qui signalent un usage de lecture commenté, philologique (moins d’annotations à la BM qu’à la BDL).

Description du contenu (identique à la BDL et à la BM) :

  • p. 3 : Ex Aphtonii sophistae praexercitamentis (comme chez Gryphe) ;
  • p. 4-6 : Ex Philostrati imaginibus. Fabulae (comme chez Gryphe) ;
  • p. 7-118 : Aesopi fabulatoris uita, a Maximo Planude conscripta (comme chez Gryphe) ;
  • p. 119- 287 : Aesopi fabulae (149 + 1) ;
  • p. 288-315 : Gabriae Graeci fabellae XXXXIIII (= Babrius 25) [fables en vers grecs et traduites en vers latins] ;
  • p. 316-347 : Batrachomyomachia, hoc est ranarum et murium pugna 26 ;
  • p. 348-382 : Galeomyomachia siue Felium et murium pugna. Tragoedia Graeca 27 ;
  • p. 383 : épître « lectori S. » [annonce des fables d’Avienus] ;
  • p. 384-410 : Aesopi Fabulae XLII ab Auieno elego carmine conscripta [c’est le seul moment du recueil uniquement en latin]

Total des fables : 150 pour Ésope + 44 Babrius + 42 Avienus = 236 fables + deux poèmes héroïcomiques.

Comment replacer ce livre dans la production ésopique des de Tournes ? Avant 1582, Jean I de Tournes, dont les liens avec Gryphe sont avérés car il a travaillé dans l’atelier de Gryphe, donne plusieurs Ésope puis son fils Jean II continue l’entreprise ; ces éditions sont illustrées par des bois de Bernard Salomon, mais selon des programmes éditoriaux très divergents.

Le premier programme est en français dans le cadre de la tradition emblématique 28 en 1547, 1549 et 1551 (avec 100 bois) 29 ; Du Moulin donne le texte de Corrozet (100 fables), reprend ses choix d’illustrations à la manière emblématique (cent bois) 30 mais avec des bois différents de ceux de l’édition Corrozet car ce sont des bois de Bernard Salomon 31. Il s’agit donc à l’arrivée de la traduction de Gilles Corrozet en vers français, selon la version de 1542 mais dont l’orthographe a été modifiée et à laquelle est ajoutée la « Vie d’Ésope» par Antoine du Moulin 32 et de nouveaux bois.

1547 • Les Fables d’Esope Phrygien, mises en Ryme Francoise. Auec la vie dudit Esope extraite de plusieurs autheurs par M. Antoine du Moulin Masconnois. A Lyon, Par Iean de Tournes, & Guillaume Gazeau. 1547. (100 fig. sur bois) ;

1549 • Les Fables d’Esope Phrygien mises en Ryme Francoise. Auec la vie dudit Esope extraite de plusieurs autheurs par M. Antoine du Moulin Masconnois. A Lyon, Par Iean de Tournes, & Guillaume Gazeau. 1549. (100 fig. sur bois) ;

1551 • Les Fables d’Esope Phrygien, mises en Ryme Françoise. Auec la vie dudict Esope extraite de plusieurs autheurs par M. Antoine du Moulin Masconnois. A Lyon, Par Iean de Tournes & Guillaume Gazeau. 1551. (100 fig. sur bois).

Le deuxième programme est plus insistant : il s’agit d’éditions bilingues grec et latin abandonnant la forme emblématique et que Jean de Tournes confie à Adam Knopff 33, comme le révèle l’adresse de l’imprimeur au lecteur (Typographus lectori) placée à la fin de l’index des fables. Ces éditions sont imprimées par Jean I de Tournes, à Lyon, en 1551, 1556 et 1564 ; Jean II de Tournes reprendra le projet en le modifiant à Genève, en 70, 71, 79, 80, 82, 94 et 1605. Il ne s’agit plus du texte de Corrozet ni dans l’un ni dans l’autres des cas puisque les fables sont en latin et en grec, ni de sa présentation, mais les bois de B. Salomon persistent quoique moins nombreux : il n’y en a plus nécessairement un par fable. D’autres textes sont adjoints aux 100 fables initialement retenues : d’autres fables et les deux poèmes héroïcomiques.

Pourquoi ces nouveaux programmes éditoriaux autour des fables ? Nous sommes en 1551 après la mort d’Antoine Du Moulin, maître d’œuvre des Ésope en français ; un autre éditeur scientifique intervient, Adam Knopff, et J. de Tournes semble vouloir alors s’éloigner de la tradition moralisante chrétienne que Corrozet avait choisie pour présenter le sens des fables, c’est-à-dire la tradition allégorique. On peut voir ci-dessous à titre d’exemple le « sens » de la première fable de Corrozet par exemple : « Du coq et de la pierre précieuse », très éloigné de son sens ésopique :

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© Gallica

En s’éloignant de cette pratique, J. de Tournes choisit donc en 1551 l’orientation philologique plutôt que morale et spirituelle, tout en gardant quarante des bois de l’édition de 1547 34 et en y ajoutant de nouveaux bois au fil des éditions. En voici les éditions successives :

1551 • Æsopi Phrygis Fabvlae Elegantissimis Eiconibus ueris animalium specis ad uiuum adumbrantes. Gabræ Graæci fabellæ XXXXIIII. [Batrachomyomachia] Homeri, hoc est, ranarum & murium pugna. [Galeomyomachie], hoc est, Felium & murium pugna, Tragœdia Græca. Hæc omnia cum Latina interpretatione. Lugduni. Apud Ioan. Tornaesium. M.D.LI. (in-16, 40 fig.) ;

1556 • Aesopi Phrigis, et aliorum Fabulæ. Lugduni, Apud Ioan. Tornæsium, & Guliel. Gazeium. 1556. (in-16, 101 fig.) ;

1564 • Æsopi Phrygis, et aliorum Fabulæ. Lugduni, Apud Ioan. Tornæsium. 1564. (in-16 = éd. de 1556) ;

1570 • Æsopi Phrygis Fabvlæ Elegantissimis eiconibus veras animaliü species ad viuü adumbrantes. Gabriæ Græci fabellæ XXXXIIII Galeomyomachia homeri, hoc est, Felium & murium pugna. Tragædia Græca. Hæc omnia cum Latina interpretatione. Nunc primùm accesserunt Auieni antiqui autoris fabulæ, nusquam antehac editæ. Lugduni, Apud Ioannem Tornaesium Typogr. Regium. M.D.LXX. (in-16, 61 bois, avec, pour la première fois chez J. de Tournes, les fables d’Avienus, c’est la première mise en forme de notre édition de 1582) ;

1571 • Fabulæ Æsopicæ, Plures quingentis, & aliæ quædam narrationes, cum historia uitæ fortunæq; Aesopi, compositæ studio & diligentia Ioachimi Camerarii Pab. quibus additæ sunt & Liuianæ & Gellianæ ac aliorum quædam, cum interpretatione Græcorum, & explicatione quorundam aliorum. Lugduni, Apud Ioan. Tornaesium, Typogr. Regium. M.D.LXXI. (110 bois) ;

1579 • Fabulæ Æsopicæ, Plures quingentis, & aliæ quædam narrationes, cum historica vitæ fortunæq; Aesopi, compositæ studio & diligentia I.[oachimi] C.[amerarii] P.[abergensis]. Quibus additæ sunt & Liuianæ & Gellianæ ac aliorum quædam, cum interpretatione Græcorum, & explicatione quorundam aliorum. Lugduni, Apud Ioan. Tornaesium, Typogr. Regium. M.D.LXXIX. (= éd. de 1571) ;

1580 • Æsopi Phrygis fabulæ elegantissimis iconibus ueras animalium species ad uiuum adumbrantes... Haec omnia cum latina interpretatione. Nunc primum accesserunt Auieni antiqui autoris fabulæ nusquam antehac editæ. Lugduni. Apud Ioan. Tornaesium, 1580. (61 bois) ;

1582 • Æsopi Phrygis Fabulæ elegantisimis eiconibus ueras animalium species ad uiuum adumbrantes. Gabriæ Græci fabellæ XXXXIIII, etc. Lugdvni, Apud Ioannem Tornaesium Typogr. Regium. M.D.LXXXII. (61 bois ; il s’agit de l’édition présente à la BDL, réédition de l’éd. de 1570) ;

1594 • Æsopi Phrygis Fabulæ, elegantissimis iconibus ueras animalium species ad uiuum adumbrantibus. Gabriæ Græci Tabellæ XLIII. Batrachomyomachia Homeri, hoc est, ranarum & murium pugna. Galeomyomachia, hoc est, Felium & murium pugna. Tragædia Græca. Hæc omnia cum Latina interpretatione. Accesserunt Auieni antiqui auctoris fabulæ. Editio postrema, cæteris omnibus castigatior. [M.D.XCIIII] Apud Ioan. Tornaesium Tup. Regium Lugd.

Pendant cette période 1551-1594 paraît aussi une édition bilingue grec et français :

1583 • Les Fables d’Esope Auec sa vie, mise de Grec en François. A Lyon, Par Iean de Tournes M.D.LXXXIII (in-16, 270 pages, 129 fables et 129 bois).

L’édition Jean II de Tournes de 1582 relève donc clairement des programmes de deuxième génération, plus humanistes, plus classiques que celui des Ésope première manière de Jean I de Tournes.

Ce qui ressort d’abord de l’édition Gryphe 35 est la dimension pédagogique morale, comme cela est précisé à la p. 184, à propos de l’emprunt fait à Érasme : « Apologi ex chiliadibus adagiorum Erasmi desumpti ad communem puerorum fructum » ; il y a dans ce livre une plus forte présence de métadiscours sur ce qu’est la fable et ce à quoi elle sert que dans le volume Tournes ; l’ensemble est beaucoup plus homogène que celui de J. de Tournes : génériquement (rien que des fables), linguistiquement (rien que du latin) et sémiotiquement (rien que des mots). Le livre est sobre.

En revanche, on note la dimension pédagogique linguistique de l’édition J. de Tournes (destiné à l’apprentissage du grec) et sa dimension plaisante (61 bois), voire ludique avec les textes parodiques (héroïcomiques) ; l’ensemble est plus disparate génériquement ; seule la thématique animale explique le rapprochement entre les fables et les deux textes héroïcomiques, épopée d’une part et « tragédie grecque » de l’autre, deux grands genres ici travestis. Il y a moins d’encadrement par les autorités que chez Gryphe. Le livre porte quelques rares annotations latines et grecques manuscrites (p. 119, 120, 191, 287) qui révèlent un usage d’apprentissage linguistique et de commentaire, comme les éditions plus tardives bilingues français-allemand, ou français-grec, de même usage linguistique.

À propos de la dimension d’apprentissage linguistique, on sait que dès les années 1430 en Italie dans l’école de Vittorino da Feltre à Mantoue, Ésope fait partie des auteurs dans lesquels on apprend le grec 36 et, plus près de nos deux livres, on a l’exemple d’un livre scolaire à Strasbourg en 1543 : Educatio puerilis linguae graecae, fabellae quaedam Aesopi graecae ad puerilem educationem gymnasio argentoratensi electae (manuel attribué à Theophilus Golius) qui donne trente-sept fables d’Esope en grec puis en latin à vocation strictement linguistique. Le J. de Tournes de 1582 est une version élaborée et raffinée de cet usage pédagogique linguistique d’Ésope, heureusement tributaire du livre d’emblèmes (via les « icones ») dont il s’est par ailleurs dégagé de l’impact allégorique.

Comparaison des textes des deux éditions avec un troisième terme de comparaison, l’édition Corrozet des fables

Chez Gryphe, le recueil commence avec « La vie d’Ésope», « vie » qui apparaît chez Tournes après deux courts paratextes, d’Aphtonius et de Philostrate ; il s’agit du même texte latin à quelques rares variantes mais le texte latin est adossé au grec chez Tournes alors qu’il est uniquement latin chez Gryphe avec douze manchettes (dont trois pour traduire du grec inséré dans le latin ; l’implicite en est clair : le lecteur pouvait ne pas lire le grec ; aucune manchette chez J. de Tournes qui s’adresse à des hellénistes). Cette « vie d’Ésope» est absente du Corrozet ; c’est d’ailleurs sa spécificité car les éditions (pas seulement savantes, même en vulgaire) donnaient en général la « vie » avant les fables (déjà Vérard à Paris en 1499 ; Chaussard et Mareschal à Lyon en 1499) ; c’est ce qui explique l’intervention d’Antoine Du Moulin en 1547 chez Tournes qui capte la version des fables en vers français de Corrozet mais y ajoute sa traduction de la vie d’Ésope. La présence de la « vie » devient un incontournable, jusqu’à La Fontaine compris, partie intégrante du recueil avec le même recours à la fiction et parfois la même mise en livre (absence de démarcation entre la « vie » et les fables).

Les paratextes sont parfois les mêmes ; Aphtonius et Philostrate se retrouvent dans les deux recueils ; Hermogène est en plus chez Gryphe ainsi que quelques épîtres, dont celle de L. Valla en tête de ses trente-trois fables.

En revanche, l’ordre des fables n’a rien à voir entre les deux recueils : « Aquila et vulpes » est la première fable chez Tournes, et n’intervient qu’à la p. 146 chez Gryphe (dans le cas précis de cette fable, les textes latins sont différents quoique très proches). Le nombre de fables n’est pas non plus le même. Ce que révèlent donc les deux livres dans leurs différences – outre l’usage prévu différent – est le problème des variantes et de la plasticité d’un texte non fixé originellement et sans cesse translaté d’une langue en une autre. On peut classer en trois grandes catégories les fables en comparant les deux recueils.

Premier type : reprise à l’identique. « Le loup et l’agneau »

Sous le titre « Lupus et ouis » (titre pourtant trompeur qui sert pour trois fables fort différentes dans notre corpus), Gryphe (p. 82) donne exactement le même texte que J. de Tournes (« Lupus et ouis », p. 242). Notons que cette fable n’a rien à voir avec « Le loup et l’agneau » de La Fontaine [qui correspond à la fable II de Corrozet, « De l’aigneau et du loup », ni avec la fable XLVI, toujours chez Corrozet, qui porte le même nom (fig. 5)].

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Fig. 5. Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis…, Lyon, Jean de Tournes, 1582, fable « Lupus et ovis », BDL, R2 15550. © Bibliothèque Diderot de Lyon

Deuxième type : variante légère (le cas le plus fréquent)

Des détails stylistiques sont divergents révélant des traductions différentes comme dans « l’homme et le satyre ». Le titre et le début de la fable divergent légèrement :

  • « De homine et satyro » chez Gryphe / « Homo et satyrus » chez Tournes ;
  • Gryphe : « Vir quidam cum satyro amicitiam inierat… » ;
  • J. de Tournes : « homo quidam cum satyro inita societate… » (fig. 6).

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Fig. 6. Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis…, Lyon, Jean de Tournes, 1582, fable « Homo et Satyrus », BDL, R2 15550. © Bibliothèque Diderot de Lyon

« Le vieillard et la mort » : chez Gryphe, la fable qui s’appelle « Senex mortem uocans » dans l’index et « De sene mortem uocante » p. 157 dont voici le texte, diffère de celle de J. de Tournes :

Senex quidam lignorum fascem super humeros ex nemore portans, cum longa uia defessus esset, fasce humi deposito mortem uocauit. Ecce mors aduenit, causamque quamobrem uocauerit, interrogauit. Tunc senex, ut hanc lignorum fascem super humeros mihi imponeres, ait.

Fabula significat, quod quisquis uitae cupidior est, licet res mille subiiciatur periculis, mortem tamen semper deuitat.

Chez J. de Tournes, on trouve p. 144 « Senex et Mors » avec un titre différent, une gravure différente (fig. 7). Le texte latin est légèrement différent par rapport à Gryphe ; on remarque que le bois de Bernard Salomon est proche de celui utilisé par Corrozet (même habit pour le vieillard, même fagot de bois (voir Corrozet, fig. 8) ; la morale est, elle aussi, légèrement différente :

affabulatio.

Fabula significat, omnem hominem uitae studiosum esse, et licet infinitis periculis immersus uideatur mortem appetere, tamen uiuere multo magis quam mori eligere 37.

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Fig. 7. Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis…Lyon, Jean de Tournes, 1582, fable « Senex et Mors », BDL, R2 15550. © Bibliothèque Diderot de Lyon

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Fig. 8. Fables d’Esope, éd. et trad. par G. Corrozet, Paris, D. Janot, 1542, fable LXXX (« De Fuyr la mort » / « Du Vieillard appellant la mort »). BnF, Rés. Yb-1003 © Gallica

Troisième type : des fables différentes pour la même idée

Deux fables très proches couraient dans la tradition : « le chêne et le roseau » (Avienus / Aphtonius) et « le roseau et l’olivier » (Ésope). Gryphe et Tournes ne font pas le même choix. On retrouve chez Gryphe, sous l’entrée Quercus et arundo dans l’index, deux versions, p. 130 et p. 137, « de quercu et arundine » (toutes les deux d’Anianus (= Avienus) et très proches ; la morale de la deuxième fable ajoute seulement deux vers de Virgile). Alors que l’on trouve Arundo et Oliva chez Tournes. Chez Corrozet, on trouve aussi « du roseau et de l’olivier » (fable LXXXI) avec le même récit que chez J. de Tournes mais avec une morale différente, très longue chez Corrozet liée à l’emblème « contre les orgueilleux » (p. 171-172) alors que J. de Tournes est proche d’Ésope et de son caractère lapidaire 38 (fig. 9).

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Fig. 9. Aesopi Phrigis fabulae elegantissimis…, Lyon, Jean de Tournes, 1582, fable « Arundo et Oliva », BDL, R2 15550. © Bibliothèque Diderot de Lyon

Des textes chez l’un et pas chez l’autre

Certains extraits d’auteurs classiques ou contemporains sont absents de l’édition J. de Tournes et présents chez Gryphe ou vice versa : c’est le cas de l’exemple singulier de la fable d’Arion. Cette fable donnée par Gryphe39 vient d’Aulu-Gelle. Gryphe avait donné les Noctes atticae en 1532 et en reprend ici deux pages sous le nom : « de arione et delphino, fabula elegantissima ex lib. XVJ Gellij » augmentées d’une morale :

Morale

Documento est hec fabula, plus aliquando inueniri in brutis animalibus clementiae, quam in his hominibus, qui praeter opes nihil habent pensi, praeter figuram nihil humanitatis 40.

À l’inverse, on trouve des textes héroïcomiques chez J. de Tournes absents du Gryphe ; la dimension ludique parodique est totalement absente du Gryphe où les fables ont besoin d’être justifiées moralement alors que ce n’est plus le cas chez J. de Tournes où elles entrent dans un univers délibérément travesti.

Par rapport à notre troisième terme qu’est l’édition de Corrozet, ce qui n’est ni chez Gryphe ni chez J. de Tournes, c’est le sens spirituel chrétien que Corrozet veut surimposer à la fable ; par opposition à cela, nous avons ici de vraies éditions classiques qui ne prétendent pas adapter ni christianiser l’héritage antique.

Le pseudo-Gryphe dont la date reste incertaine (1536 est une date totalement supposée car aucun indice ne nous permet la datation et nous la dirons prudemment des années 30-40) et l’édition De Tournes en 1582 se présentent comme des éditions savantes, humanistes, c’est- à-dire philologiques, pourvues d’index et de titres courants (on ne trouve ni index ni titre courant chez Corrozet), en langue(s) anciennes(s) mais à vocation différente : l’une rhétorique et morale pour des latinistes, l’autre linguistique et ludique pour des hellénistes. Les livres ont donc une physionomie très différente même s’ils puisent largement aux mêmes sources humanistes. S’opposent ainsi un livre sans image et un livre illustré ; un livre dans une seule langue avec une fonte : l’italique et un livre en deux langues avec deux fontes alternées, enfin un livre en prose et un livre en vers et en prose. On a donc un livre sobre et austère d’un côté, stable dans ses rééditions et un livre riche et plaisant de l’autre, résultant d’une longue évolution dans l’atelier de J. de Tournes. Dans les deux cas, nous avons affaire à des textes humanistes, mais à usages divergents et à filiation éditoriale divergente. Si le pseudo-Gryphe s’apparente aux productions savantes d’un Robert Estienne (la captation du Gryphe par Dolet en 1542 se place dans ce contexte et cet exemplaire pourrait faire partie de l’entreprise), le J. de Tournes porte deux empreintes : d’une part, le fantôme du Corrozet court encore derrière l’édition J. de Tournes deuxième manière par le biais des images de B. Salomon, largement copiées sur l’édition vernaculaire de Corrozet mais il y a, d’autre part, chez J. de Tournes, dans ce deuxième temps dont relève notre édition, un net refus de l’amalgame entre la tradition de l’emblème et celle de la fable, alors même que cette tradition se poursuivra longtemps encore puisque Jean Baudouin donnera à Paris en 1631 les Fables d’Esope le Phrygien traduites et moralisées qui, comme le titre l’indique, proposent un commentaire allégorique. Chez J. de Tournes, après l’ère Antoine Du Moulin, il y a peut-être un retour à des choix plus philologiques. Avec les Ésope, on voit J. de Tournes pratiquer plusieurs tendances éditoriales : la tendance vernaculaire (1547, 1549 et 1551) et la tendance savante, plurielle, (de 1551 à 1582) ; le rôle d’Antoine Du Moulin pourrait ici apparaître en filigrane comme celui de promoteur du vulgaire et du livre d’emblèmes chez J. de Tournes. Reste encore à identifier l’imprimeur du pseudo-Gryphe, avis aux historiens du livre…

  1. (retour)↑  En 2009, au moment où la journée d’études a eu lieu, la BIU Lsh est encore une entité séparée des bibliothèques de l’INRP et de l’ENS ; elle a été intégrée à la Bibliothèque Diderot de Lyon (BDL) qu’en 2012.
  2. (retour)↑  L’exemplaire est mutilé : pas de page de titre, ni de colophon.
  3. (retour)↑  Quelques autres impressions lyonnaises : le fablier de Julien Macho, traduit en français à partir de l’allemand de Steinhöwel paraît pour la première fois en 1480 puis en 1484, 1486 et 1489, 1502 ; en voici deux éditions : Fables d’Ésope, précédées de sa vie, traduites de latin en français par frère Julien, [Julien Macho] des Augustins de Lyon, avec les fables d’Avian, d’Alfonse et aucunes joyeuses histoires de Pogge, Lyon, Matthias Huss et Johann Schabeler, 1484 (112 f., fig. sur bois, in-2) ; Les subtilles fables de Ésope avec celles de Avien, de Alfonce et de Poge, florentin, avec plusieurs beaulx ditz mouraulx. Avec la vie d’Ésope. Traduit du latin par frère Julien, des Augustins de Lyon, Lyon, Pierre Mareschal et Barnabé Chaussard, 1499, réimprimée en 1502, (78 f., ill., in-4). On trouve aussi des fables d’Ésope dans Auctores octo opusculorum cum commentariis diligentissime emendati..., Lyon, per Magistrum Mathiam Huss Alemanum, 9 juin 1494 (voir la communication de Martine Furno) ; après cette première vague viennent les éditions Gryphe, une édition par Dolet en 1542 (voir ci-dessous note 17), les éditions J. de Tournes et encore Æsopi fabulæ en 1554 chez Balthasar Arnoullet (avec copies des illustrations de B. Salomon faites pour Tournes, selon Baudrier)… L’illustration de l’édition de 1486 des fables traduites par Julien Macho a été reproduite en fac simile et commentée par J. Bastin, C. Dalbanne et E. Droz, Les Subtiles fables d’Esope, Lyon, éd. Claude Dalbanne, imprimé par M. Audin et Cie, 1926 (coll. « Livres à gravures imprimés à Lyon »).
  4. (retour)↑  Gianni Mombello, Le Raccolte francesi di favole Esopiane dal 1480 alla fine del secolo XVIe, Genève, Slatkine, 1981.
  5. (retour)↑  Paola Cifarelli, Catalogue thématique des fables ésopiques françaises du XVIe siècle, Paris, Champion, 1993 : elle y recense 511 thèmes à travers une cinquantaine de fabliers entre 1480 et 1595.
  6. (retour)↑  Voir Philippe Renault, Esopica, les fables grecques et latines, Genève, éd. de l’Arbre d’Or, 2003 (édition électronique), qui recense cinq cent quatre-vingt-quatre fables dites «ésopiques », à quoi s’ajoutent une dizaine de fables tirées de l’Anthologie Palatine.
  7. (retour)↑  « L’Isopet de Chartres (quarante fables en octosyllabes) et l’Isopet II de Paris (quarante fables en hexasyllabes rédigées dans la région de l’Oise sous Philippe le Bel) sont une libre adaptation en langue française du Novus Aesopus d’Alexandre Neckam. En revanche, l’Isopet de Lyon et l’Isopet I de Paris ont directement puisé leur inspiration dans le Romulus de Walter l’Anglais dit Romulus de Nevelet. Même chose pour l’Isopet III de Paris, plus récent (début du XVe siècle) qui est une adaptation en prose faite de l’Isopet I », selon Philippe Renault, « La fable : un genre littéraire spécifique » dans « Fable et tradition ésopique » : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/06/fable.html (consulté en mai 2009).
  8. (retour)↑  Voir note 22 ci-dessous.
  9. (retour)↑  Voir Marie de France, Les fables, éd. critique avec traduction de Charles Brucker, Paris-Louvain, Peeters, 1998 (Epilogue v. 3-8, p. 365) et les vers célèbres de l’épilogue : « Me numerai pur remembrance / Marie ai nom si sui de France : / Pur cel estre que clerc plusur / Prendereient sur eus mun labur,/ Ne voil que nul sur lie le die / Cil fet que fol ki sei oblie ».
  10. (retour)↑  La première édition imprimée d’Ésope est celle de Steinhowel en 1476-1477 avec cent quarante fables en allemand, illustrées de bois (exemplaire à la bibliothèque du Congrès). En voir les bois sur http://www.aesopica.net.
  11. (retour)↑  Abstémius (Laurentius), en italien Astemio, fabuliste, né à Macerata à la fin du XVe siècle, fut professeur de rhétorique à Urbino et bibliothécaire du duc de cette ville. On a de lui, sous le titre d’Hecatomythium, un recueil de cent fables, en partie traduites du grec, en partie de son invention, qui parut pour la première fois avec une traduction des fables d’Ésope, à Venise, en 1495 ; il y ajouta plus tard cent autres fables, sous le titre d’Hecatomythium secundum, Venise, 1499.
  12. (retour)↑  Concernant le frère Augustin Julien Macho, voir note 2 ; sa traduction est seize fois rééditée jusqu’en 1572.
  13. (retour)↑  En 1542, il donne Les Fables du tresancien Esope Phrygien premièrement escriptes en Graec, et depuis mises en Rithme Françoise, Paris, Denis Janot, et en 1548, Le second livre des fables d’Esope, Paris, Groulleau (73 fables), éd. par Paola Cifarelli, Genève, Slatkine, 1992.
  14. (retour)↑  Les Emblèmes d’Alciat qui inaugurent la mode du livre d’emblèmes datent de 1531 pour leur première édition.
  15. (retour)↑  Henri Baudrier, Bibliographie lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle. Publiées et continuées par J. Baudrier (puis par H. de Terrebasse), Lyon, Auguste Brun (puis Brossier), 1895-1921, 12 volumes (ici vol. VIII) ; Sybille von Gültlingen, Bibliographie des livres imprimés à Lyon au seizième siècle, Baden-Baden et Bouxwiller, éd. V. Koerner, (Tome V, Sebastien Gryphius, 1997).
  16. (retour)↑  Sauf 1539a et 1540.
  17. (retour)↑  À partir de là, on excusera le caractère lapidaire des relevés nécessaires pour identifier les exemplaires.
  18. (retour)↑  Étienne Dolet imprime sous sa marque en 1542 les Aesopi Phrygis, et aliorum fabulae, qui, selon C. Longeon, sont l’exacte reproduction de l’édition Gryphe de 1540 ; voir C. Longeon, Bibliographie des œuvres d’Étienne Dolet, Genève, Droz, 1980, p. 161-162. C’est l’unique fablier connu de Dolet. Le seul exemplaire connu était alors à Périgueux, BM D 8415bis (mais incomplet, voir Longeon, p. 162). W. Kemp qui a entièrement repris la bibliographie de Dolet n’a rien trouvé de plus (future base de données Bel 16 : partie consacrée à Dolet consultable fin 2009 sur http://raphaele.mouren.enssib.fr). Quant à Gérard Morisse, dans sa révision très riche de la production de Dolet, il a localisé un autre exemplaire du Dolet de 1542 à Rome mais pas d’autres éditions d’Ésope, voir « Étienne Dolet (1509-1546) et la postérité : à la recherche de son œuvre », Revue française d’histoire du livre, 130, 2009, p. 85.
  19. (retour)↑  « Le célèbre Roman d’Ésope, faussement attribué à Maxime Planude, un moine du XIVe siècle – en réalité une biographie qui circula dès le IIIe siècle de notre ère – fut l’apogée de la mythologie ésopienne, achevant par là-même l’accumulation des légendes diverses l’ayant concerné pendant plus de six siècles. Au XVIIe siècle, La Fontaine traduisit de manière savoureuse cette Vie qui servit d’introduction à son propre livre de fables. Les historiens se sont rendus compte que cette biographie d’Ésope n’était en réalité que la substitution faite d’un vieux texte araméen (dont on a retrouvé des fragments en 1906 dans les ruines d’Éléphantine) contant les aventures d’un certain Ahikar, beau causeur défiant le roi d’Assyrie Sennachérib. Un astucieux auteur égyptien connaissant cette vieille histoire, eut l’idée cinq siècles plus tard de l’helléniser en remplaçant l’Assyrien Ahikar par le Phrygien Ésope et le Sennachérib par Crésus. Par cette mystification le personnage d’Ésope prit alors son visage légendaire définitif.» Philippe Renault, op. cit.
  20. (retour)↑  On attribuait à Anianus, jurisconsulte du VIe siècle, sans doute par erreur des fables qui étaient celles d’Avienus.
  21. (retour)↑  Par comparaison, aujourd’hui, 358 fables sont répertoriées dans la collection Les Belles Lettres, édition Chambry, 2002 (e. o. 1927)
  22. (retour)↑  Trad. : « les fables d’Ésope représentant au vif les vraies figures d’animaux en très élégantes images ».
  23. (retour)↑  Rufus Festus Avienus est un auteur latin, né en Étrurie, probablement dans la seconde moitié du IVe siècle. Ses ouvrages sont presque tous traduits du grec. La description de l’univers est une traduction libre d’un poème géographique de Denys le Périégète ; ses Régions maritimes sont une compilation faite sur d’anciens Grecs, et dont il ne reste que le premier livre. Il a aussi traduit les Phénomènes et les Pronostics d’Aratus. On lui a attribué plusieurs traductions dont une traduction de quarante-deux fables d’Ésope. Il fut également très lu au Moyen Âge sous le nom d’Avionnet. Il a été imprimé pour la première fois à Venise, en 1488, par G. Valla.
  24. (retour)↑  Voir le site : http://www.studiolo.net/BSProject/BSEditionsAesop.htm
  25. (retour)↑  Babrius : auteur romain de langue grecque de la seconde moitié du Ier siècle. Il écrivit environ deux cents fables en vers grecs. Jusqu’au XIXe siècle, on ne connaissait de lui que des fragments de sa production dont ces trente-quatre fables. C’est seulement en 1843 que le philologue grec Mynas retrouva dans le monastère du Mont Athos un manuscrit renfermant cent quarante-trois fables originales de Babrius ; voir B. E. Perry, Babrius and Phaedrus, Londres, Heinemann, 1965 (Loeb Classical Library). Babrius : auteur romain de langue grecque de la seconde moitié du Ier siècle. Il écrivit environ deux cents fables en vers grecs. Jusqu’au XIXe siècle, on ne connaissait de lui que des fragments de sa production dont ces trente-quatre fables. C’est seulement en 1843 que le philologue grec Mynas retrouva dans le monastère du Mont Athos un manuscrit renfermant cent quarante-trois fables originales de Babrius ; voir B. E. Perry, Babrius and Phaedrus, Londres, Heinemann, 1965 (Loeb Classical Library).
  26. (retour)↑  Ce texte est très courant ; il fait partie du catalogue grec d’Alde Manuce. François Tissard l’a fait imprimer en grec à Paris chez Gourmont dès 1507 (l’année des premiers textes imprimés en grec en France) ; il a déjà été traduit en français par Antoine Macault en 1540 sous le titre « le grand combat des rats et des grenouilles ».
  27. (retour)↑  « Le grand combat des chats et des rats. Tragédie grecque ».
  28. (retour)↑  On peut appeler ce genre de livre para-emblem Book, en reprenant le terme à Alison Saunders, The Sixteenth-Century Emblem Book, Genève, Droz, 1988, p. 64.
  29. (retour)↑  Voir le site consacré à Bernard Salomon, déjà évoqué plus haut : http://www.studiolo.net/BSProject/BSEditionsAesop.htm. On y trouve les images de 1547 (voir aussi le site http://www.aesopica.net de Laura Gibbs qui les donne aussi, avec d’autres illustrations du XVIe siècle).
  30. (retour)↑  Notons que 1547 est aussi l’année de l’Alciat de Tournes.
  31. (retour)↑  Voir Peter Sharatt, Bernard Salomon illustrateur lyonnais, Genève, Droz, 2005 (Travaux d’Humanisme et Renaissance), p. 71-73 et le site de Robert A. Baron déjà cité « Bernard Salomon Project ».
  32. (retour)↑  Voir Alfred Cartier, Bibliographie des éditions des De Tournes, Genève, Slatkine reprints, 1970 (e. o. 1937), t. I, p. 214-216, 269-270 et 305-306.
  33. (retour)↑  Ibid., p. 304-305, puis t. II, p. 407-409, 539, 555-556, 592, 606, 610, 648, 670. Le personnage d’Adam Knopff est mystérieux ; Michel Jourde lui a consacré en 2012 une séance de son séminaire à l’ENS de Lyon : « À la recherche d’Adam Knopff ; qui fait des Ésope et pour qui ? ». Il y affinait la distinction entre les différents programmes éditoriaux chez J. de Tournes, plus que je ne le fais ici.
  34. (retour)↑  Voir le détail des ajouts et conservation des bois sur le site consacré à Bernard Salomon évoqué plus haut.
  35. (retour)↑  On dira « Gryphe » par commodité même si ce n’est sans doute pas un livre imprimé par Gryphe.
  36. (retour)↑  Voir Jean-Christophe Saladin, La bataille du grec à la Renaissance, Paris, Les Belles Lettres, 2000.
  37. (retour)↑ 
  38. (retour)↑  Ésope, « Le roseau et l’olivier » : « Le roseau et l’olivier disputaient de leur endurance, de leur force, de leur fermeté. L’olivier reprochait au roseau son impuissance et sa facilité à céder à tous les vents. Le roseau garda le silence et ne répondit mot. Or le vent ne tarda pas à souffler avec violence. Le roseau, secoué et courbé par les vents, s’en tira facilement ; mais l’olivier, résistant aux vents, fut cassé par leur violence. Cette fable montre que ceux qui cèdent aux circonstances et à la force ont l’avantage sur ceux qui rivalisent avec de plus puissants. », Fables, trad. Émile Chambry, op. cit.
  39. (retour)↑  C’est peut-être ici un modèle pour Scève qui écrit dans les mois suivants son églogue Arion pour la mort du dauphin dans le recueil paru chez Juste à l’initiative de Dolet, en novembre 1536, après la mort du dauphin en août.