Préface
« De peu assez ». Cette expression quelque peu énigmatique, empruntée à Jean Lemaire de Belges dans ses Illustrations de Gaule publiées par Jean de Tournes en 1549, caractérise bien le petit volume que voici. Celui-ci est le témoin d’une entreprise suffisamment originale pour qu’on la rappelle. Les textes ici rassemblés sont ceux de communications prononcées le 29 mai 2009, lors d’une journée d’étude voulue et organisée par Marie-Josette Perrat, alors conservateur du fonds ancien de la bibliothèque interuniversitaire de recherche en lettres et sciences humaines de Lyon. Le prétexte en était l’achèvement d’un inventaire scientifique des collections du XVIe siècle de ce fonds, et de celles de ce qui était encore l’Institut national de recherche pédagogique. Mais cette journée d’étude fut surtout l’occasion de faire travailler un petit groupe d’enseignants-chercheurs seiziémistes, littéraires et historiens du livre lyonnais, sur un des fonds à leur disposition. L’initiative en revenait au conservateur gardien de cette collection, qui sut mobiliser autour d’elle des compétences scientifiques multiples, chacun des chercheurs étant invité à explorer un aspect ou des exemplaires du fonds en fonction de ses centres d’intérêt. Le bouquet ici rassemblé comporte des études sur les éditions lyonnaises d’Esope, d’Alciat, de Conrad Gessner, les Chroniques de Guillaume Paradin et Jean Chaumeau, les Auctores octo morales de Jean Régnier et Thibaud Payen, les préfaces de Sébastien Gryphe, et sur la « fabrique » locale d’éditions savantes… autant d’aspects et de regards divers sur l’histoire éditoriale d’une ville à une époque donnée, et sur la composition d’un fonds de bibliothèque constitué par les hasards du temps. Comme on le voit, les chercheurs ont répondu à l’initiative du conservateur, dans un dialogue stimulant et constructif, donnant d’une certaine manière à nouveau vie à de vieux et vénérables volumes jusqu’ici quelque peu oubliés. Au-delà des résultats scientifiques de ces travaux, c’est la réussite de ce dialogue, trop rare, entre gestionnaires et usagers de fonds anciens, pour reprendre une phraséologie bibliothéconomique à la mode, qu’il convient de célébrer, et d’encourager.
Cette initiative mérite aussi d’être saluée pour une autre raison. Ce fonds ancien n’est ni plus ni moins précieux, ni plus ni moins vénérable qu’un autre. Il est conservé en bibliothèque universitaire alors que beaucoup le sont en bibliothèques municipales. Il est le résultat d’une histoire complexe et embrouillée qui nous ramène vers le Tournon du XVIe siècle, mais qui fait également appel à la générosité de multiples donateurs au cours des siècles. Il a échappé à l’incendie de la bibliothèque universitaire de Lyon en juin 1999, grâce en particulier à Marie-Josette Perrat qui en avait reçu la responsabilité quelques semaines seulement avant la catastrophe. Il est depuis abrité dans les bâtiments de la Bibliothèque Diderot de Lyon, à Gerland… et il présente cette particularité unique en France d’être partiellement en libre accès. Autant de caractéristiques qui font qu’il mérite qu’on s’intéresse à lui et à son contenu.
Le lecteur qui découvre ces pages n’aura garde d’oublier que si ce dossier éclaire d’un jour nouveau certains aspects de l’histoire éditoriale lyonnaise du XVIe siècle, il est aussi témoignage d’hommage et d’amitié à Marie-Josette Perrat qui fut l’initiatrice de cette commune aventure.