Image et réalité des BU
D’un centre de ressources à un lieu de travail convivial
Les axes d’évolution des BU sont connus et identifiés depuis longtemps. D’une part, les étudiants, en premier cycle surtout, considèrent de plus en plus la BU comme un lieu de travail et utilisent assez peu les ressources électroniques proposées 1
Benoît EPRON, « La documentation numérique de premier cycle : quels usages ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2013, n° 1, p. 45-48. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2013-01-0045-010
Lylette LACÔTE-GABRYSIAK, « Les sites des services communs de documentation en France : contenus et perspectives », Documentation et bibliothèques, 2008, vol. 54, n° 4, p. 265-272. En ligne : https://doi.org/10.7202/1029189ar
Un lieu de travail agréable, proche, mais pas totalement indispensable pour les étudiants
Comme cela a déjà été dit, les étudiants utilisent avant tout la BU comme un lieu de travail 3
Laurence JUNG, « La BU vue par les étudiants », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2010, n° 6, p. 6-8. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-06-0006-001
Donc les BU sont, pour eux, des lieux de travail, de refuge, sur leur campus. Ainsi, si les bibliothèques doivent rester fortement liées à leurs études, elles peuvent, doivent, le faire en ajoutant un facteur de confort, de soutien, qui n’est pas forcément attendu ailleurs. On souhaite ainsi des BU la fourniture de services qui ne sont pas disponibles ailleurs : des salles de silence absolu, des pièces permettant le travail en groupe, des cafétérias. « C’est bien la cafét, ça permet de faire une pause quand on fait des révisions, on descend prendre un café, un chocolat chaud », dit un étudiant en L2 sciences.
Et les fonds ? Là encore, notre enquête reste classique dans ses résultats : les étudiants de sciences humaines et sociales, lettres, langues, art empruntent plus de livres que les autres. D’une manière globale, plus un étudiant est un gros lecteur de livres, plus il fréquente les BU et emprunte de documents. Concernant les ressources électroniques, celles-ci sont peu utilisées, hormis par ceux qui en ont véritablement besoin : les étudiants en master, doctorat et les enseignants-chercheurs. Une bonne appréhension et une bonne utilisation d’une partie de ces ressources seraient un plus même pour les étudiants de premier cycle. Mais leur position quant aux formations dispensées est des plus ambivalentes : ils souhaitent des formations mais n’y assistent pas, ou seulement quand celles-ci sont obligatoires dans le cadre d’un cours. Ainsi, ils ressentent bien la nécessité d’être formés à la recherche documentaire mais ils ont « la flemme » d’aller aux formations volontaires. C’est seulement quand ils se retrouvent dans la nécessité de connaître ces techniques qu’ils deviennent plus volontaires. La présence de Google et la possibilité de toujours trouver quelque chose quand une recherche est nécessaire, sans prendre réellement en compte la qualité de la chose, décourage la volonté d’un apprentissage plus sérieux.
Nous leur avons demandé de qualifier leur BU, c’est-à-dire de choisir parmi une liste d’adjectifs, en sachant qu’ils disposaient d’un choix multiple. Les résultats sont positifs, voire très positifs :
- Utile : 94,4 %
- Propice au travail : 87,8 %
- Agréable : 83,6 %
- Bien conçue : 80,8 %
- Indispensable : 64,8 %
- Chaleureuse : 70 %
- Austère : 12,7 %
- Mal aménagée : 10,8 %
- Non-réponse : 2,3 %
- TOTAL : 100 %
Une constatation s’impose néanmoins : les BU ne semblent pas totalement « indispensables ». Cela peut laisser perplexe puisqu’ils pensent du bien de leurs bibliothèques et qu’ils les jugent avant tout « utiles ». Les entretiens ont permis de préciser cette notion qui n’est, finalement, pas si étonnante : la BU est un lieu de travail avant tout, on peut toujours travailler chez soi même si c’est moins bien. Les informations et les documents on les trouve avant tout en ligne, donc… « J’ai beaucoup besoin d’internet, donc j’ai pas forcément besoin de me déplacer. Je travaille chez moi. Après quand je sens que je sature, parce que j’arrive moins à me concentrer chez moi, là, je vais aller travailler à la BU de droit. Parce que, c’est un bon cadre de travail, et j’sais que j’arriverai mieux à me concentrer. Après, euh, les mercredis, ben j’ai cours à la fac de lettres, donc j’viens travailler à la BU de la fac de lettres », nous a dit un étudiant en M2 d’histoire médiévale.
Mais que pensent-ils des bibliothécaires ? Là encore, le jugement est globalement positif :
- Non-réponse : 13,6 %
- À votre écoute : 57,7 %
- Aimable : 56,3 %
- Distant : 31,9 %
- Compétent : 63,4 %
- Pédagogue : 28,2 %
- Autoritaire : 28,2 %
- Passif : 27,2 %
- Rébarbatif : 16 %
- TOTAL : 100 %
Les étudiants perçoivent bien que le personnel des BU est à leur service. Ils sont en demande de services très pratiques, d’aide et estiment généralement la trouver. « J’aime aller à la BU. Pourquoi ? Parce que c’est calme, parce que le personnel est compétent quand on a besoin de quelque chose. En tout cas ici, ils sont vraiment très accueillants, donc moi j’y vais avec plaisir », dit un étudiant en LP commerce.
Lors des entretiens, certains étudiants semblaient étonnés, surpris, de la compétence et de la gentillesse du personnel en réponse à leur demande…
Une évolution nécessaire du métier de bibliothécaire
Le monde des bibliothèques a été marqué par de nombreux changements. D’abord, d’une manière générale, un mouvement important va des fonds vers les usagers 4
Voir à ce sujet : Claude POISSENOT, La nouvelle bibliothèque : contribution pour la bibliothèque de demain, Voiron, Territorial Éditions, coll. « Dossier d’experts », 2009.
- Un lieu où l’on peut demander de l’aide, être formé : 60 – 81 %
- Un service public, au service de ses usagers : 59 – 79,7 %
- Un lieu de travail : 52 – 70,3 %
- Un réservoir de connaissance, des fonds : 48 – 64,9 %
- Un lieu chaleureux, agréable où l’on vient aussi par plaisir : 45 – 60,8 %
- Un centre d’expertise pour tout ce qui touche à l’information : 31 – 41,9 %
- Un lieu culturel : 28 – 37,8 %
- TOTAL : 74 – 100 %
En effet, dans une vision plus prospective, les bibliothécaires ont conscience de l’évolution nécessaire, puisque la notion de service rendu aux usagers domine celle de « réservoir de connaissances », mais ils savent aussi que ce changement n’est pas encore totalement opéré. Nous pensons que cette ambivalence est probablement due à certaines résistances liées aux représentations mêmes du métier ainsi qu’à la difficulté pour certains de faire évoluer leur pratique professionnelle (peur d’être mis en difficulté dans ces nouvelles modalités relationnelles, peur de la rapidité du changement, tant au niveau des compétences techniques requises qu’au niveau de la conception du métier en lui-même).
Et que pensent-ils de leur BU ? Comment la qualifieraient-ils ? Les adjectifs les plus fréquents sont positifs : utile, agréable, vivante, dynamique, accueillante. Les adjectifs à connotation négative sont proposés par moins de 10 % des répondants (8 % trouvent leur BU vieillotte et à peine 5 % la trouvent froide). L’analyse que l’on peut en faire est intéressante car, s’il est vrai que les bibliothécaires n’ont aucun intérêt à dégrader l’image de leur BU, la valorisation de ce lieu par ses acteurs internes contribue fortement à en valoriser l’image à l’extérieur. Et le bibliothécaire que doit-il représenter ?
- L’aide, le soutien : 64 – 86,5 %
- Un médiateur culturel : 35 – 47,3 %
- L’expertise : 34 – 46 %
- Une oreille attentive : 30 – 40,5 %
- TOTAL : 74 – 100 %
La réponse à cette question vient corroborer ce qui précède : l’expertise de la connaissance technique de la gestion des documents est « supplantée » par un travail d’accompagnement au service des usagers. La relation (savoir-être) semble en tout cas compléter fort justement la pure expertise technique professionnelle (savoir et savoir-faire).
Finalement, les deux visions coïncident, étudiants et bibliothécaires partagent une vision commune de la BU. Ce que l’on peut noter surtout, c’est peut-être une sorte de timidité réciproque. Les étudiants n’osent pas toujours demander, ils se sentent « un peu bêtes ». Les bibliothécaires n’osent pas non plus toujours proposer leur aide. Finalement, comme nous l’a dit un des conservateurs, « entre eux et nous il n’y a qu’à briser la glace ».
Et cette relation n’est pas toujours facile à mettre en œuvre : les représentations respectives des uns et des autres ont la vie dure et les évolutions nécessaires nécessitent un changement des comportements et des pratiques qui, s’il n’est pas nié, reste difficile à appréhender par les acteurs.
Comme le montrent ces deux enquêtes, il faut que cette communication se développe dans le sens d’une aide accrue apportée aux usagers, une aide personnalisée, peu formalisée, afin d’aboutir à la « BU idéale » dont nous ne sommes, déjà, pas si éloignés. Car si 93 % des bibliothécaires interrogés disent qu’ils aiment renseigner, les modalités pour le faire, l’accueil réservé à l’étudiant traduisent parfois un décalage entre les attentes des deux interlocuteurs.
Nous insistons ici à nouveau, comme nous l’avons déjà fait dans un précédent article 5
Violaine APPEL et Lylette LACÔTE-GABRYSIAK, « Bibliothèques universitaires et concurrence ou comment la communication devrait venir aux bibliothèques », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2012, n° 4, p. 44-48. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2012-04-0044-009
Bibliographie
- Violaine APPEL et Lylette LACÔTE-GABRYSIAK, « Bibliothèques universitaires et concurrence ou comment la communication devrait venir aux bibliothèques », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2012, n° 4, p. 44-48. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2012-04-0044-009
- Benoît EPRON, « La documentation numérique de premier cycle : quels usages ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2013, n° 1, p. 45-48. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2013-01-0045-010
- Laurence JUNG, « La BU vue par les étudiants », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2010, n° 6, p. 6-8. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-06-0006-001
- Lylette LACÔTE-GABRYSIAK, « Les sites des services communs de documentation en France : contenus et perspectives », Documentation et bibliothèques, 2008, vol. 54, n° 4, p. 265-272. En ligne : https://doi.org/10.7202/1029189ar
- Claude POISSENOT, La nouvelle bibliothèque : contribution pour la bibliothèque de demain, Voiron, Territorial Éditions, coll. « Dossier d’experts », 2009.