@Bibli : les bibliothèques françaises et internationales et Twitter

Eva Bellinghausen

L’étude réalisée en 2014-2015 dans le cadre d’un Executive Master Communication à Sciences Po 1

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Eva BELLINGHAUSEN. @Bibli : les bibliothèques françaises et internationales et Twitter. Mémoire d’Executive Master Communication, promotion 2013-2015. Sciences Po Paris. 30 juin 2015. En ligne : https://www.academia.edu/16296890/_at_Bibli_les_biblioth%C3%A8ques_fran%C3%A7aises_et_internationales_et_Twitter

cherche à comprendre dans quelle mesure les bibliothèques, et plus particulièrement les BU, se sont approprié Twitter, et si l’outil a changé leur manière non seulement de communiquer, mais plus généralement leur façon d’exercer leurs compétences/cœur de métier dans un contexte informationnel profondément changé par l’accès facile à une information pléthorique en ligne.

Une enquête a permis de réunir 48 réponses de 32 bibliothèques françaises et 16 internationales en avril 2014, nous avons observé 21 comptes au cours du mois d’octobre 2015, et 14 professionnels de l’information nous ont accordé des entretiens.

En comparant les fils Twitter des bibliothèques françaises et internationales – essentiellement en Amérique du Nord et en Grande Bretagne –, c’est dans un premier temps le nombre bien plus important d’abonnés qui saute aux yeux. Cet écart s’explique en partie par la plus grande antériorité de ces fils et par le fait que leurs publics ont aussi adopté Twitter à peu près dix-huit mois avant le démarrage réel en France qui date du premier semestre 2011. Or, la raison principale pour laquelle les bibliothèques peuvent atteindre un public beaucoup plus large est sans doute liée au fait qu’elles publient en anglais : les Twittos français ne représentent que 2,1 % des usagers de Twitter dans le monde.

Une autre différence réside dans l’importance accordée aux réseaux et à l’interaction. Généralement, les bibliothèques internationales insistent bien plus sur l’interaction avec les usagers et y attachent plus d’importance. Le ton y est généralement plus léger et moins institutionnel, mais on trouve aussi de très beaux exemples de « ton décalé » parmi les fils Twitter de bibliothèques françaises, notamment sur @Gallica.

Même si peu de bibliothèques françaises peuvent espérer atteindre un nombre d’abonnés comparable à celui des grandes BU internationales, l’outil peut néanmoins être extrêmement précieux pour elles à plusieurs titres.

Servir les publics

Les usages de nos publics ont irrévocablement changé avec l’accès à une information pléthorique en ligne. Pour continuer à leur être réellement utiles, nous devons les accompagner dans leurs nouvelles pratiques et intégrer leurs réseaux informationnels, également sur le web social. Ils sont de plus en plus nombreux à utiliser Twitter pour la veille, la recherche d’information et la diffusion de leurs publications. Même si, avec 4 %, le taux de pénétration de Twitter reste faible en France, les twittos sont, par leurs caractéristiques, des publics particulièrement intéressants pour les bibliothèques, notamment universitaires : ils sont jeunes, actifs et ont majoritairement un niveau d’études élevé ou bien font des études supérieures.

Twitter nous permet également d’élargir considérablement le périmètre de nos publics, surtout si nous publions aussi en langue anglaise : nous pouvons atteindre des personnes intéressées par nos fonds spécifiques et nos sujets de compétence aux quatre coins du monde et augmenter considérablement notre impact hors les murs.

Moderniser l'image de la bibliothécaire

La modernisation de leur image est un enjeu fondamental, voire vital, pour les bibliothèques qui doivent justifier leurs budgets et rester légitimes sur des projets d’avenir ambitieux. Or, aujourd’hui l’image des bibliothèques est bien souvent en décalage avec leur réalité, même auprès de publics qui disent les aimer et pensent les connaître. Twitter permet aux bibliothèques de donner à voir autrement ce qu’elles font et ce qu’elles sont et peut contribuer ainsi à mettre leur image en adéquation avec leur réalité d’aujourd’hui.

Si on considère Twitter comme une sorte de conversation, celle-ci offre aux bibliothèques une très belle occasion d’échanger très simplement avec leurs abonnés de façon moins institutionnelle et plus personnelle, de les valoriser en relayant leurs contenus et en répondant à leurs messages. Il s’agit d’allier une bonne qualité de contenus, une grande compétence dans les réponses et les conseils avec un visage humain – si possible souriant.

La curation

Le terme « curation » pour la pratique numérique est un « buzzword » récent qui recouvre en réalité des activités assez variées faisant quasiment toutes partie du cœur de métier traditionnel des bibliothécaires.

Twitter interroge deux grands types de pratiques de curation, toutes deux dans le champ de compétences des bibliothèques :

  • Sélectionner, valider, enrichir et partager des contenus. Il s’agit là certes d’un niveau de curation très sommaire puisque le flux continu ne permet ni de structurer, ni de conserver l’information, mais cela peut néanmoins être très précieux soit de valoriser des ressources propres de la bibliothèque, soit de partager des contenus intéressants librement accessibles sur le web.
  • La gestion des données issues de Twitter pour la recherche est un autre chantier majeur – interdit dans le cadre légal français, mais autorisé aux États-Unis, et depuis 2014, dans une certaine mesure, aussi en Grande-Bretagne. Twitter est un média important et les bibliothèques sont expertes dans la conservation, l’indexation, la classification et la mise à disposition des médias ainsi que des grands corpus de données. Étant donné l’internationalisation de la recherche et l’intérêt des chercheurs pour le « data-mining », les bibliothèques françaises ont tout intérêt à s’intéresser à ce qui peut se faire dans ce domaine aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Il y a bien d’autres raisons pour les bibliothèques d’investir Twitter parmi lesquelles la veille (métier, thématique et image), l’intégration des réseaux, l’information en temps réel, mais aussi la curiosité et le plaisir d’échanger. Pour une conversation réussie avec nos publics sur les réseaux, il faut que nous ayons le courage de montrer de la personnalité et un réel intérêt pour nos interlocuteurs : un fil trop désincarné qui ne fait que diffuser des informations institutionnelles et ne répond ni aux critiques, ni aux « boutades », risque vite d’ennuyer et, sur les réseaux, l’ennui est sans doute le plus mortel des pêchés.

Le web social est par nature fluctuant et évolue vite, mais il est entré dans les mœurs et, sous une forme ou une autre, il fera partie à l’avenir de notre façon d’interagir les uns avec les autres, donc autant apprendre les règles du jeu et participer à la conversation !