Accompagner le développement des services d’appui à la recherche dans les SCD : l’exemple du CRFCB Média Normandie
Remerciements : l’auteur tient à remercier l’ensemble des collègues qui ont participé à l’article en lui fournissant des données et grâce à leurs conseils et relectures : Anthony Moalic (SCD Université de Caen-Normandie), Christelle Quillet (SCD Université de Rouen-Normandie), Christophe Boudry (URFIST de Paris/Média Normandie), Claire Basquin (SCD Université de Rouen-Normandie), Mathilde Poulain (SCD Université du Havre-Normandie) et Nicolas Boileau (Normandie Université).
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Depuis une quinzaine d’années, les services communs de documentation (SCD) français ont profondément renouvelé l’offre de services rendus aux publics relevant du domaine de la recherche – doctorants, enseignants-chercheurs, chercheurs, personnels d’appui à la recherche – passant de services centrés sur la fourniture de documents et d’espaces de travail, à des services plus spécifiques à ce type de publics.
Ces services ont d’abord porté sur la dissémination des productions déjà existantes grâce aux archives ouvertes et au signalement des thèses, et se sont ensuite enrichis en s’articulant davantage avec le processus de recherche, que ce soit dans l’accès à de nouvelles sources de données et publications (fouille de textes et de données, revues systématiques), dans l’aide à la gestion du processus de recherche au niveau scientifique et administratif (gestion des données de recherche, appui au montage ou au suivi de projet), ou dans l’appui au pilotage de la recherche (services bibliométriques, aide à la rédaction de rapports Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur [Hcéres], etc.).
Cette diversification des services rendus par les bibliothèques universitaires (BU) a nécessité l’acquisition de compétences nouvelles et une évolution de compétences préexistantes. Elle a également fait apparaître le besoin d’une acculturation du reste des agents au sein des SCD dans lesquels ont émergé ces nouveaux services. Cet article propose de revenir sur la manière dont le centre régional de formation aux carrières des bibliothèques (CRFCB) Média Normandie a construit une offre de formations contribuant à la montée en compétences des personnels des SCD normands du début des années 2010 à aujourd’hui.
L’émergence des services d’appui à la recherche
Périmètre de l’appui à la recherche
Le Dictionnaire de compétences de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation (ADBU) délimite les différentes thématiques que recouvrent les services à la recherche et les compétences afférentes, de la manière suivante 1
ADBU, « Dictionnaire des compétences en bibliothèque de l’ESR – ADBU », ADBU, 2024. En ligne : https://adbu.fr/referentiels/dictionnaire-competences-bibliotheques-esr
- archives ouvertes : administrer une archive et assurer le contrôle qualité des référentiels, connaître les archives ouvertes de portée nationale et internationale, etc. ;
- bibliométrie : réaliser le suivi de la production scientifique de l’établissement, connaître les principes et méthodes de l’évaluation de la recherche, etc. ;
- données de la recherche : accompagner les chercheurs dans la gestion de leurs données, connaître l’environnement propre aux données de la recherche, etc. ;
- édition scientifique : assurer la visibilité et le référencement des revues scientifiques, connaître et appliquer les critères qualité éditoriaux des revues scientifiques, etc. ;
- environnement de la recherche scientifique : connaître les référentiels auteurs et structures ; connaître l’environnement de la recherche et l’écosystème de la science ouverte, etc. ;
- soutien à la publication en accès ouvert : apporter une expertise et un conseil sur les différents modèles économiques de publication en accès ouvert, apporter une expertise pour l’identification, le suivi et le pilotage des frais de publication.
Outre ces domaines de compétences, le dictionnaire mentionne également des domaines de compétences partagés avec d’autres activités des bibliothèques, en particulier les systèmes d’information, la politique documentaire et la formation des usagers.
Une structuration progressive à l’échelle nationale
Les enquêtes menées par la commission Recherche et documentation de l’ADBU en 2018, 2021 et 2023 sur l’organisation des services à la recherche sont ce qui rend le mieux compte de la manière dont l’implication des BU sur ce domaine a évolué au cours des dernières années. Dans l’enquête de 2023, la date de création des services d’appui à la recherche permet de noter à quel point la mise en place de ce type de structures a été progressive depuis le début des années 2000 (Bacher-Eyroi et al., 2024, p. 17). Si on s’intéresse plus particulièrement aux BU et BIU, environ 20 % d’entre elles ont créé un service d’appui à la recherche entre 2011 et 2015, 60 % entre 2016 et 2020 et 20 % entre 2021 et 2023. La formalisation d’un service ou département n’est pas un préalable à la mise en place de services spécifiques auprès des publics de la recherche. Cependant, cela indique un certain niveau de maturité des services, avec une équipe d’agents identifiés, ce qui peut amener à une approche plus formalisée des besoins de compétences des agents impliqués.
Cette enquête montre une forte corrélation entre la taille des structures documentaires et le type de structuration retenue pour les services à la recherche (ibid., p. 12). Si les services documentaires de plus de 51 agents ont majoritairement mis en place un département centralisé sur l’appui à la recherche, les modalités d’organisation sont plus disparates pour les services dont la taille est inférieure à 50 agents. Les enquêtes menées en 2021 et 2023 permettent également de souligner que les structures documentaires étaient encore en cours de structuration de leurs moyens humains dédiés à ces missions à cette période-là avec d’importantes créations ou réaffectations de poste au cours de cette période (ibid., p. 20-21).
L’analyse des effectifs concernés est enfin essentielle pour rendre compte des dynamiques en cours. Les données de l’enquête menée en 2021 ne permettent pas d’isoler les réponses des BU et BIU (Moalic et al., 2024) 2
. Cependant, à l’échelle de l’ensemble des répondants, les effectifs dédiés à l’appui à la recherche sont en forte progression entre 2021 et 2023, passant de 173 à 312, pour un effectif total des services documentaires à peu près équivalent parmi les établissements ayant répondu aux deux enquêtes. On peut supposer que les effectifs travaillant à l’appui à la recherche en SCD ou BIU ont connu une évolution relativement similaire. Malgré cette hausse, ces effectifs restent modestes dans les SCD et BIU par rapport au total des effectifs déclarés puisqu’ils n’en représentent que 6,4 % en 2023 3.Ce qui est particulièrement significatif du point de vue de l’offre de formations à apporter à ces agents, c’est que ces effectifs se répartissent sur un nombre élevé de thématiques. En effet, les effectifs dédiés au travail en lien avec les archives ouvertes et l’accompagnement à la gestion des données ne représentent respectivement que 25 % et 15 % des effectifs concernés, tandis que les cinq autres catégories proposées totalisent 25 % des effectifs. La catégorie « Autres » en représente 35 %. Il y a donc un éclatement des effectifs sur les thématiques relevant des services à la recherche ainsi que des besoins de compétences correspondants. Sur la question spécifique des données de recherche, ces constats sont corroborés par l’enquête menée par le groupe Données du Groupe de travail Science ouverte (GTSO) du Consortium Couperin en septembre 2020 (Féret et al., 2021). Dans les 31 bibliothèques qui accompagnent à la gestion des données, 61 agents intervenaient sur cette partie de l’offre de services, mais ils représentaient seulement 24,2 équivalents temps plein (ETP), soit en moyenne moins d’1 ETP par établissement (Féret et al., 2020).
Déploiement de l’appui à la recherche dans les services documentaires de l’ESR normand
Média Normandie est rattaché à la Communauté d’universités et établissements (ComUE) Normandie Université et dessert trois BU et quatre services documentaires d’écoles d’enseignement supérieur, qui sont tous rattachés à des établissements membres ou associés de la ComUE. Par ailleurs, les statuts de la ComUE prévoient la mise en place de « la coordination d’une politique documentaire au service de la formation et de la recherche » 4
« Décret n° 2014-1673 du 29 décembre 2014 portant approbation des statuts de la communauté d’universités et établissements Normandie Université », 2014. En ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030001652/ [consulté le 17 décembre 2024]. Article 5.2, alinéa 7.
Les trois SCD normands sont de tailles assez différentes avec 95 agents pour le SCD de Caen, 74 pour celui de Rouen et 41 pour le SCD du Havre. Les services documentaires des quatre écoles desservies par le CRFCB regroupent au total 17 agents, mais sont moins concernés par l’appui à la recherche. Deux agents sont également rattachés au service Documentation et science ouverte de Normandie Université et prennent part à l’offre de services d’appui à la recherche, à l’échelle régionale. Fin 2024, les SCD disposent respectivement de 3,6 ETP consacrés à l’appui à la recherche pour le SCD de Caen, 3 ETP pour celui du Havre et 2,1 ETP pour celui de Rouen (ces chiffres n’incluent pas le temps de travail dédié au pilotage des activités pris en charge par les directions).
Ces SCD ont mis en place des services d’appui à la recherche sur une chronologie relativement semblable, que l’on peut appréhender en trois phases, avec d’abord une phase exploratoire, jusqu’en 2017. Au SCD de Rouen, une mission transversale intitulée « Valorisation de la production scientifique de l’université » est créée en 2016, dont l’action porte notamment sur le signalement et la mise en visibilité des thèses (Basquin et Quillet, 2019). En 2017, la fonction de « chef de projet Open Access et Développement de l’IST » apparaît dans l’organigramme du SCD de Caen.
Puis, entre 2017 et 2020, l’appui à la recherche se formalise dans les organigrammes avec la création d’un département au SCD du Havre en septembre 2018, la création d’un service aux chercheurs au sein du département Services aux publics pour le SCD de Rouen en 2019, et le rattachement de ces missions au département Système d’information documentaire du SCD de Caen en 2020 (renommé département Appui à la recherche et Système d’information documentaire en 2022). Cela correspond à une temporalité similaire à la majorité des SCD à l’échelle nationale (Bacher-Eyroi et al., 2024, p. 16). Les services sont d’abord centrés sur les publications et le signalement des thèses, comme à Rouen, avec le service créé lors de la réorganisation menée en 2019 (Basquin, 2019, p. 13). Dans le même temps, la mise en place du portail HAL Normandie en 2017, avec une coordination opérationnelle par la ComUE, ouvre un espace régional de coopération en matière de services et de formations offerts aux chercheurs par les SCD normands.
La rédaction du Schéma directeur de la documentation en Normandie (SDDN), en 2020-2021, amène à élargir la coopération en matière d’appui à la recherche au-delà du portail HAL et du signalement des thèses. L’intégration de l’accompagnement des chercheurs dans les organigrammes des SCD, voire dans leurs projets de services, permet une montée en puissance des services proposés, ainsi qu’une diversification progressive de ces services, souvent en lien avec le SDDN, et au moins partiellement dans le cadre d’une coopération régionale : bibliométrie, appui aux revues et à la publication ouverte, suivie des frais d’Article Processing Charges (APC), identifiants recherche, gestion des données de recherche, accompagnement des projets et des unités de recherche.
Le SDDN (2022-2026), voté en 2021, dispose d’un axe dédié à la recherche 5
En ligne : https://www.normandie-univ.fr/documentation-edition-science-ouverte/schema-directeur-de-la-documentation/ Voir l’axe 2.
Suite à la rédaction du SDDN, les établissements normands et la ComUE ont déposé une réponse commune à l’appel à projet sur les ateliers de la donnée, afin de mettre en place un atelier de la donnée en Normandie, coordonné opérationnellement par l’Université de Caen Normandie et porté politiquement par la ComUE. D’abord en voie de labellisation en juin 2022, il est labellisé en 2023. Cela permet notamment la mise en place d’espaces institutionnels par les trois universités normandes sur Recherche Data Gouv, puis le déploiement d’une nouvelle offre de formations en matière de gestion des données de recherche, à partir de 2024. En tant que principal pourvoyeur de formation à destination des agents des SCD normands en local, Média Normandie a été amené à faire évoluer son offre de formations au cours de cette période, afin d’accompagner le déploiement de ces différentes offres de services.
Accompagner la montée en compétences des équipes
Se former à la science ouverte : les spécificités de la montée en compétences sur de nouveaux services
Les enquêtes menées par l’ADBU sur l’organisation des services à la recherche ne couvrent pas la manière dont les agents positionnés sur ces services se forment. Ce manque peut être partiellement comblé, spécifiquement sur la thématique des données de recherche grâce à l’enquête menée par le groupe Données du GTSO Couperin en 2020 et par une enquête plus récente, menée en 2023, dans le cadre du projet Recherche Data Gouv. Comme le montrent les enquêtes de l’ADBU, cette thématique est à la fois mineure, en termes de volumes d’agents mobilisés rapportés à l’ensemble des services à la recherche, et spécifique, au vu de la très forte part d’agents de catégorie A qui la prend en charge. Cependant, au vu de l’importance que la gestion des données de recherche a prise au cours des dernières années, cette thématique est emblématique de la manière dont des services se construisent sur des champs complètement nouveaux et sur la manière dont les agents se forment.
L’enquête menée par le groupe Données du GTSO Couperin permet d’avoir quelques éléments sur les modalités de montée en compétences des agents (Féret et al., 2021, p. 38-39). Sur les 31 SCD qui disposent d’agents travaillant sur la gestion des données de recherche, au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête, 10 ont envoyé des agents se former à l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), 16 en unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (URFIST), 1 en CRFCB. La quasi-totalité des SCD ont vu leurs agents s’auto-former en s’appuyant sur des ressources asynchrones telles que Doranum ou des Massive Open Online Course (MOOC), ou par l’intermédiaire de journées d’étude ou de webinaires qui n’étaient pas organisés par des organismes de formation. Par ailleurs, les deux tiers des SCD ont des agents impliqués dans des groupes de travail ou instances liées aux données de recherche au sein desquels ont lieu des échanges entre pairs. Les espaces d’échange sont variés : liste data-librarians, RDA France, groupe Données du GTSO (Couperin), GT-Data Management Plan (DMP) Institut de l’information scientifique et technique [Inist]-CNRS et URFIST, etc. (ibid., p. 50).
Une enquête a été menée trois ans plus tard, en 2023, dans le cadre des ateliers de la donnée de l’écosystème Recherche Data Gouv, afin de connaître les modalités existantes de formation des agents membres des quinze ateliers de la donnée labellisés ou en voie de labellisation à l’époque et d’identifier de nouveaux besoins de formation (Moalic et al., 2023) 6
. Douze ateliers sur les quinze y ont répondu et des SCD y sont systématiquement impliqués ce qui offre donc des informations sur la manière dont les bibliothécaires, dans les établissements les plus avancés, se forment sur ce sujet. De manière convergente avec l’enquête du groupe Données du GTSO, les résultats de cette enquête montrent que le recours à l’auto-formation (Doranum, Couperin, etc.) est toujours très important et que des formations en interne se développent également dès lors que les équipes dépassent une certaine taille. En revanche, le recours aux organismes de formation diverge fortement avec l’enquête menée par le GTSO Couperin en 2020, puisque parmi les trois types d’organismes de formation habituels des agents des bibliothèques, les CRFCB et les URFIST apparaissent comme ceux ayant le plus fréquemment formé des agents, avec respectivement 27 et 26 occurrences, tandis que l’Enssib n’est mentionné que 4 fois. À côté de ces organismes de formation, d’autres acteurs apparaissent, notamment des associations professionnelles ou des infrastructures de recherche.Plusieurs constats peuvent être tirés de ces deux enquêtes Le premier est que sur ce type de sujets, il y a un temps d’exploration et de prospective dans les services documentaires, et qu’à ce moment de structuration initiale de l’offre de services, l’auto-formation et les échanges entre pairs ont la part belle, au moins autant sinon plus que les offres des organismes de formation. Ensuite, les sujets liés aux services aux chercheurs en SCD relèvent pour leur majorité de sujets qui intéressent d’autres services dans l’environnement de l’ESR : délégué à la protection des données (DPO), archiviste, direction Recherche, unités de recherche, etc. Par conséquent, si les organismes de formation habituels des bibliothèques peuvent être amenés à former de nouveaux profils d’agents, les agents des bibliothèques peuvent également trouver des offres de formation correspondant à leurs besoins auprès d’autres acteurs (Féret et al., 2023). Un dernier point à relever est que le niveau de recours aux différents organismes de formation traditionnels est très différent selon les deux enquêtes, ce qui montre une fluidité de l’offre de formations certainement beaucoup plus forte que sur d’autres sujets.
Si on resserre la focale sur les SCD normands, les modalités de montée en compétences semblent assez conformes à ce qui se constate au niveau national. Plusieurs agents participent ou ont participé à des espaces de collaboration professionnelle, sur des aspects spécifiques de l’appui à la recherche (CasuHAL, GTSO Données, réseau des ateliers de la donnée, réseau Repères) ou à un niveau plus large (commission Recherche de l’ADBU). La diversité des modalités de formation peut aussi être soulignée. À titre d’exemple, au SCD du Havre, qui est le plus petit des trois SCD normands, un relevé pourtant non exhaustif des formations suivies sur l’appui à la recherche permet d’identifier une soixantaine de formations suivies entre 2017 et 2023, par un ou plusieurs agents du SCD 7
. La majorité d’entre elles ont été suivies auprès de Média Normandie, mais un certain nombre de formations ont été suivies auprès d’autres acteurs : Enssib, Maison des sciences de l’homme (MSH), Agence de mutualisation des universités et établissements (AMUE), etc.Sur les données de recherche, la réponse apportée par l’Atelier de la Normandie à l’enquête menée dans le cadre du réseau des ateliers de la donnée, illustre également la diversité des modalités de montée en compétences, avec notamment un recours à l’auto-formation grâce à des ressources telles que Doranum, le MOOC Science ouverte de Sorbonne Université ou les ressources mises à disposition par Couperin. En parallèle de l’offre de formations de Média Normandie, les agents de l’atelier normand se sont formés aussi auprès d’autres acteurs comme l’URFIST de Paris (droit des données, cahier de laboratoire électronique), d’Huma-Num (Nakala) ou de RDA France (certification des entrepôts de données).
Sensibiliser les équipes
Média Normandie dispose de deux missions spécifiques en tant que CRFCB qui ont joué un rôle dans son positionnement sur les services à la recherche. La première est une mission d’accompagnement des projets documentaires portés par Normandie Université dans le cadre de la coopération régionale décrite précédemment. La seconde est une mission de formation des usagers universitaires (enseignants-chercheurs, doctorants, professionnels des bibliothèques) à l’information scientifique et technique dans le cadre d’un partenariat avec l’URFIST de Paris qui prévoit la mise à disposition du CRFCB d’un des enseignants-chercheurs de l’URFIST, pour la moitié de sa charge d’enseignement. Celle-ci se partage principalement entre des formations dispensées à l’intention des doctorants dans le cadre du programme du collège des écoles doctorales et les formations organisées pour les agents des bibliothèques dans le cadre du programme de Média Normandie. Cela offre au CRFCB une expertise en local sur les questions relatives à l’appui à la recherche.
Les premières formations organisées par Média Normandie en lien avec l’appui à la recherche se sont faites dans le cadre de cette coopération, à partir de 2011 et surtout de 2014 8
Voir l’annexe 2 pour le détail des formations organisées par Média Normandie sur l’appui à la recherche, sur la période 2011-2024, en ligne : https://hal.science/hal-04935704v1/file/Annexe2_vf.pdf
En parallèle, une autre série de formations est organisée sur HAL et les archives ouvertes, avec 8 formations entre 2014 et 2016, réparties entre les différents SCD, afin de présenter les enjeux du libre accès et le fonctionnement de la plateforme HAL. Ces formations sont un moyen de préparer le déploiement d’un portail HAL. Certaines sont animées par l’enseignant-chercheur mis à disposition par l’URFIST de Paris, mais d’autres intervenants sont présents, notamment issus du Centre pour la communication scientifique directe (CCSD). Si la montée en compétences autour de l’archive ouverte HAL a été initialement prise en charge par Média Normandie, elle est ensuite assurée en interne par la cellule HAL de Normandie Université ou par le CCSD, et les archives ouvertes n’apparaissent plus dans le programme de formation du CRFCB à partir de 2017. En revanche, une offre de formation de niveau sensibilisation a été maintenue dans la programmation, avec par exemple une introduction à l’open access en 2017 ou des présentations du fonctionnement de la cellule HAL et du rôle des SCD en matière d’appui à la recherche en 2022. Cependant, ces formations sont alors principalement à l’intention d’agents qui ne travaillent pas sur les services à la recherche, car ceux-ci bénéficient de formations plus avancées.
Accompagner la montée en expertise
La distinction entre formation de sensibilisation et d’approfondissement n’est pas toujours claire au cours des premières années, mais elle tend à s’affirmer progressivement. Une partie de ces formations porte sur des éléments liés aux publications, en lien avec l’accompagnement au libre accès et à la diffusion des thèses, qui sont les deux premiers services offerts par les SCD. En 2017, une formation est organisée sur les règles et usages de publication des articles scientifiques, tandis que des formations sont également organisées sur des aspects juridiques comme le droit d’auteur et le droit des images dans une thèse (2017), l’utilisation d’images dans les travaux de recherche (2020) ou les conditions de conclusions de contrat d’édition (2021). Plus récemment, un stage a été proposé sur les éditeurs prédateurs (2023). Quatre de ces cinq stages ont été réalisés dans le cadre du partenariat entre l’URFIST de Paris et Média Normandie.
De nouvelles thématiques apparaissent ensuite. Un stage sur les données de recherche est organisé en 2019, suivi d’un stage sur les plans de gestion des données l’année suivante. Ces stages permettent de donner un premier aperçu sur cette thématique, en vue d’inscrire ces sujets dans le SDDN, même s’il n’y a pas de projet d’offre de services à mettre en œuvre à court terme. En 2023, une demi-journée d’étude sur la gestion et la préservation des codes sources et logiciels, en partenariat avec Software Heritage et la commission Recherche et documentation de l’ADBU, est organisée. Cette demi-journée est à la fois l’occasion de sensibiliser les participants aux enjeux spécifiques de la gestion et de la préservation des codes sources et logiciels, mais aussi de découvrir le fonctionnement de la plateforme Software Heritage et la manière dont elle travaille avec les établissements grâce à son réseau d’ambassadeurs.
Dans le même temps, des formations plus généralistes sur l’appui à la recherche ont également été proposées. C’est le cas d’abord avec un stage coorganisé avec le Centre de formation aux carrières des bibliothèques (CFCB) Bretagne – Pays de la Loire sur l’animation d’un service d’appui à la recherche, en 2019, puis avec des formations qui permettent de mieux connaître l’environnement de la recherche et de la science ouverte. Une présentation du deuxième Plan national pour la Science ouverte a par exemple été faite en 2021. Il est intéressant de souligner que sur ce type de format, Média Normandie a réussi à toucher des agents issus d’une grande diversité de services, notamment des directions Recherche, des presses universitaires, des services supports d’unités de recherche, ainsi que des enseignants-chercheurs. Le CRFCB a donc pu jouer un rôle d’acculturation interprofessionnelle sur des sujets qui nécessitent une mise en relation de nombreux services. En 2024, trois visioconférences ont permis de faire des focus sur des rôles spécifiques dans l’écosystème de la recherche grâce à des échanges avec un responsable d’une plateforme technologique puis avec deux porteurs de projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et enfin avec deux directeurs d’unité de recherche.
Participer à la conception d’une offre de services
À partir de 2021, le positionnement du CRFCB a évolué, avec le souhait que les formations puissent contribuer à la conception même de l’offre de services, en donnant un aperçu d’un certain nombre de services existants dans d’autres BU, françaises ou européennes. Cela s’est notamment traduit par la programmation d’un cycle sur l’appui aux projets de recherche ANR et européens dans la mise en œuvre de leurs obligations relatives à la science ouverte, à l’automne 2021. Dans ce cadre, un webinaire a été organisé sur la mise en place d’une offre de services dédiée aux projets de recherche en bibliothèque, avec des retours d’expérience des universités de Lille et de Toulouse Jean-Jaurès, ainsi que de l’Université libre de Bruxelles. Cet échange a été suivi par trois formations consacrées chacune à un volet différent de l’accompagnement des projets : le respect des obligations de diffusion en libre accès des publications, le respect des obligations en matière de données de recherche et la relecture d’un plan de gestion des données (PGD). Si ce cycle n’a pas été immédiatement suivi de la mise en place d’une offre de services dans les SCD normands, il a eu le mérite de faire émerger le sujet, ce qui a permis de l’intégrer en tant que préconisation d’action dans le Schéma directeur de la documentation en Normandie, finalisé début 2022 9
. Ce sujet a été l’objet de la journée de formation des formateurs de l’Atelier de la donnée en Normandie en septembre 2024. Dans la continuité, une offre de formations et de services a été déployée par l’Atelier de la donnée en Normandie et la cellule HAL Normandie à partir de l’automne 2024.Média Normandie a aussi construit avec les services d’appui à la recherche des SCD normands une offre de formation particulièrement étoffée sur la gestion des données et des codes sources, grâce à un cycle proposé au printemps 2022. Il était composé de 6 visioconférences qui permettaient d’accompagner les agents identifiés dans les SCD et à la ComUE pour concevoir et porter une offre de services en la matière. Les interventions permettaient d’appréhender le sujet sous ses différentes facettes, grâce à des partages d’expérience émanant principalement de SCD ayant déjà développé des services autour des données de recherche. La première visioconférence présentait les modalités de veille et d’auto-formation en matière de données de recherche, dont l’importance a été soulignée dans la première partie de cet article. Trois visioconférences portaient sur la formation et l’accompagnement des publics de la recherche, à travers l’utilisation de DMP OPIDoR, le cas spécifique de la formation des doctorants à la gestion des données et l’accompagnement à la rédaction d’un plan de gestion de logiciel. Enfin, deux thématiques transversales étaient également abordées avec une visioconférence sur la manière de valoriser une offre de services sur la gestion des données et une autre sur la structuration d’un service d’aide à la gestion des données au sein d’un SCD. Un groupe d’environ 10 agents issus des universités normandes et de la ComUE Normandie Université ont été amenés à suivre ce cycle.
Ce travail, mené en étroite collaboration avec les SCD et le service Documentation et science ouverte de la ComUE depuis 2021, a permis à Média Normandie d’être intégré à l’Atelier de la Donnée en Normandie en tant que partenaire sur les aspects relatifs aux compétences et aux formations, lors de la labellisation de l’atelier en 2023. Dans ce cadre, une journée de formation des formateurs de l’Atelier de la donnée en Normandie regroupe chaque année, depuis trois ans, la dizaine d’agents qui constituent cet atelier. À cette occasion, des intervenants, issus d’établissements situés en dehors de la Normandie, viennent partager leur expertise avec les membres de l’atelier afin de les aider à finaliser des dispositifs de formation. En 2022, Élise Lehoux, de l’Université Paris-Cité, est intervenue sur la mise en place de formations à la gestion des donnés. En 2023, Sandrine Chemla et Anne-Sophie Grenier de l’INRAE, ont partagé leur savoir-faire sur l’accompagnement à la rédaction de data papers, et en 2024, Alicia Léon y Barella, de l’Université de Lille, est intervenue sur la question de l’accompagnement des projets de recherche ANR. Dans les mois suivants chacune de ces interventions, un nouveau dispositif de formation a pu être mis en place en Normandie et une nouvelle journée est en cours d’organisation pour l’automne 2025, sur un sujet encore à déterminer.
Perspectives
Les perspectives en matière de formation pour l’appui à la recherche peuvent se décliner selon deux axes pour le CRFCB : la poursuite de l’acculturation des équipes et le développement de logiques d’expertise. Dans le domaine de la sensibilisation, il apparaît souhaitable de réussir à mieux articuler les présentations généralistes avec le quotidien des équipes, afin de permettre une véritable appropriation des notions pour que les agents puissent orienter les publics de la recherche auprès des services pertinents, et les renseigner indépendamment des modalités d’accès aux ressources disponibles. Sur ce besoin, il importe de travailler finement avec les SCD afin de s’assurer que l’offre de formation est complémentaire avec les différentes modalités de montée en compétences existantes en interne, telles que les présentations en réunions de service ou lors des journées du personnel.
L’appui à l’expertise est amené à se poursuivre sur deux volets. D’abord, par le biais de formations d’approfondissement sur des sujets sur lesquels les SCD envisagent de développer une offre de services à relativement brève échéance. Cela concerne notamment la gestion des données, sur lesquels des besoins seront amenés à se renouveler à mesure que les SCD accompagneront un nombre grandissant de chercheurs. La gestion des codes sources et des logiciels est le prochain objet sur lequel les SCD souhaitent travailler, dans le cadre de l’Atelier de la donnée en Normandie. Après plusieurs sensibilisations proposées au cours des dernières années, il conviendra de trouver des approches opérationnelles permettant de passer de la montée en compétences à l’accompagnement des chercheurs.
En parallèle, le Schéma directeur de la documentation en Normandie et les projets de service des SCD qui en ont un, arrivent à mi-parcours, ce qui invitera prochainement les acteurs normands à se projeter sur de nouveaux services qui pourront être conçus et mis en œuvre dans quelques années. Dans ce cadre, le CRFCB essaiera de continuer à jouer un rôle de fenêtre ouverte avec des retours d’expérience sur des services existants dans d’autres SCD ou sur des services offerts par des services nationaux, tels que la plateforme Istex et les outils de fouille de textes et de données proposés par l’Inist-CNRS. Ces approches n’auront pas nécessairement de visée opérationnelle à court terme mais permettront d’apporter matière à réflexion aux équipes en vue d’échanges internes et avec les gouvernances. Parmi les thématiques identifiés comme relevant des services aux chercheurs dans le dictionnaire des compétences de l’ADBU, l’appui à l’édition scientifique est un sujet qui n’a pas du tout été traité par le CRFCB. Au vu des projets en cours en matière d’appui aux revues des unités de recherche normandes, ce sujet méritera d’être discuté afin de déterminer si le CRFCB peut répondre à une partie des besoins de formation, ou si ceux-ci sont déjà couverts par ailleurs, par exemple via le réseau Repères, l’infrastructure Métopes ou les presses universitaires.
Au-delà des sujets spécifiquement liés à l’appui à la recherche, la méthode de travail utilisée par le CRFCB et les SCD sur la conception d’une offre de formation continue sur des sujets de prospective a fait ses preuves, avec une articulation fine entre l’élaboration de l’offre de formation continue et les démarches des établissements, afin qu’elles puissent se répondre mutuellement. Les questionnements des SCD sur les usages possibles de l’intelligence artificielle (IA), pour améliorer les services existants ou en développer de nouveaux, font partie de ces sujets de prospective. Dans ce cadre, des échanges informels ont déjà eu lieu sur les orientations à donner à aux formations proposées par le CRFCB sur l’IA, et ils seront amenés à se poursuivre. Sur ce sujet, la collaboration avec l’URFIST de Paris est à nouveau un atout précieux dans la mesure où elle permet de bénéficier du travail de défrichage déjà réalisé par l’URFIST, ainsi que de sa proximité avec les communautés de recherche.
Bibliographie
- BACHER-EYROI Karine, LAVENNE Vincent de, DELEMONTEZ-SAGE Renaud, GÉROUDET Marie-Madeleine et MOALIC Anthony, Enquête sur l’organisation des services à la recherche en bibliothèque, ADBU - Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation, 2024. En ligne : https://normandie-univ.hal.science/hal-04493313
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- MOALIC Anthony, BACHER-EYROI Karine, LAVENNE Vincent de, DELEMONTEZ-SAGE Renaud et GÉROUDET Marie-Madeleine, Données de l’enquête ADBU sur l’organisation des services à la recherche en bibliothèque, Recherche Data Gouv, 2024. En ligne : https://doi.org/10.57745/H0SJFS, V1.
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